Par James Howard Kunstler – Le 29 septembre 2017 – Source kunstler.com
Le pauvre vieux Karl Marx, torturé par ses furoncles et ses fantômes, avait raison sur une chose : l’histoire se répète, d’abord comme une tragédie, puis comme une farce. Ainsi, on peut évoquer l’Empire romain et maintenant les États-Unis d’Amérique. Rome a dû rendre les armes face au temps et à l’entropie. Notre méthode à nous consiste à conduire une gigantesque voiture clownesque vers les égouts.
Quelqu’un est-il intéressé par la rédemption ? J’ai une petite idée pour le parti politique qui n’est plus au pouvoir, les Démocrates, enfoncés dans leur marécage spécial d’Okefenokee de la politique identitaire et de la paranoïa anti-Russie : faites un effort pour retirer la législation sur cette calamité de Citizens United. Qui sait, une poignée de Républicains peuvent être assez honteux pour s’y associer. Pour ceux d’entre vous qui ont été mentalement en vacances sur Mars avec Elon Musk, Citizens United est une décision de la Cour suprême – Citizens United c. Commission électorale fédérale 558 US 310 (2010) – qui a déterminé que les entreprises avaient le droit, en tant que « personnes », de donner autant d’argent qu’elles le voulaient aux candidats politiques.
Ce « droit » découlant du premier amendement de la Constitution, l’opinion majoritaire des 5-4 a déclaré : « donner de l’argent aux candidats et aux causes politiques constitue une ‘liberté d’expression’. La décision Citizens United a ouvert la porte à des dépenses électorales illimitées par les entreprises, devenant ainsi un énorme préjudice pour notre vie nationale. Même le président Obama, un professeur de droit constitutionnel avant sa carrière politique, s’en est plaint amèrement devant l’opinion, dans son discours sur l’état de l’Union, en disant que le tribunal avait ‘renversé un siècle de droit pour ouvrir les vannes, y compris aux sociétés étrangères, pour dépenser sans limite lors de nos élections’. »
Mais lors des sept années restantes, il n’a absolument rien fait, ni la majorité du Parti démocrate au Congrès. Ils ont plutôt tenté d’aspirer autant d’argent de campagne que possible de la part des entreprises et des comités d’action politique (PAC), mangeant à tous les râteliers, en particulier lors de l’élection présidentielle de 2016 avec Hillary Clinton « C’est-mon-tour » . Il s’est avéré que ce n’était pas son tour en grande partie parce que les électeurs ont remarqué la puanteur de la corruption s’exhalant de ce flux toxique d’argent provenant des entreprises, qu’Hillary utilisait pour dépenser plus largement que son adversaire milliardaire, aussi troll qu’il puisse être.
Bien sûr, les entreprises n’ont pas toujours été ce qu’elles sont censées être aujourd’hui. Elles ont évolué avec des activités de plus en plus complexes vers des économies industrielles. Le long du chemin – en Grande-Bretagne d’abord, pour être exact – elles étaient réputées exister comme équivalant à des personnes morales, afin d’établir que le passif de la société était séparé et distinct de celui de ses propriétaires. Aux États-Unis, la formation d’une société exigeait habituellement un acte législatif jusqu’à la fin du XIXe siècle. Après cela, elles devaient simplement s’inscrire auprès des États. Ensuite, le Congrès a dû régler les problèmes supplémentaires des « trusts » géants et des sociétés sous forme de holding (avec comme conséquence les lois antitrust, maintenant largement ignorées).
En bref, la définition de ce qu’est une entreprise et de ses droits est un chantier permanent à mesure que les économies évoluent. Et dans la mesure où l’économie actuelle coule à pic comme l’USS Titanic – et notre république comme mode de gouvernance avec lui – il est certain que le moment est venu de redéfinir dans la législation le rôle et la nature existentielle des entreprises en politique. La nécessité de ce travail devrait être donnée aux membres Démocrates du congrès, quand ils en auront fini avec leur préoccupations du moment, la chasse aux gremlins kremlins russes et la découverte de nouvelles anomalies sexuelles à protéger et à défendre.
L’essentiel de l’argument est que les entreprises ne peuvent être considérées comme étant entièrement et totalement l’équivalent de personnes à des fins légales. En droit, les entreprises ont des devoirs, des obligations et des responsabilités envers leurs actionnaires d’abord, et seulement après cela envers l’intérêt public ou le bien commun, et seulement sous couvert d’une législation assez stricte. On peut supposer que les intérêts des entreprises et de leurs actionnaires sont opposés à l’intérêt public et même en conflit avec celui-ci. Et dans la mesure où les élections sont fondamentalement des questions d’intérêt public, les entreprises devraient être interdites d’agir pour viser à influencer le résultat des élections.
C’est votre tâche, Chuck Schumer, Nancy Pelosi, et le reste des dirigeants du Parti démocrate. Revenez sur terre. Faites preuve d’un peu d’initiative. Faites quelque chose d’utile. Élaborez un projet de loi. Entreprenez quelque chose de réel qui pourrait faire une différence dans ce pays en décrépitude. Ou retirez-vous et laissez une nouvelle équipe faire le travail.
James Howard Kunstler
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone