Les Républicains ont proposé au Congrès des USA un projet de loi dont l’objectif est de cesser les hostilités qui se poursuivent en Afghanistan depuis 2001.
Par Sergeï Latychev − Le 6 Mars 2019 − Source Katehon
Si la loi est adoptée, elle forcera les USA à déclarer… une victoire en Afghanistan et, dans les 45 jours, concevoir un plan de retrait de toutes leurs troupes au cours de l’année suivante. Cette initiative a pour objectif de poser les « fondations de la réconciliation politique qui devra être menée par les Afghans ». Elle contient également l’annulation de l’autorisation d’utiliser la force militaire contre le terrorisme, accordée au Président par le Congrès en 2001, à la suite des attaques du 11 septembre. Autrement dit, il est prévu non seulement de retirer les troupes d’Afghanistan, mais également de laisser ce pays se débrouiller seul.
L’avant-projet de loi propose que le gouvernement fédéral règle dans le courant de l’année une indemnité de 7,5 milliards de dollars aux trois millions et quelques de militaires qui ont participé aux opérations en Afghanistan (soit 2 500 dollars chacun).
Devons-nous applaudir ?
Selon les législateurs, cette guerre sans fin affaiblit la sécurité nationale, conduit à une augmentation rapide de la dette publique et provoque de nouveaux ennemis. Les Républicains sont convaincus que le temps est maintenant arrivé de « déclarer la victoire » à laquelle les Américains sont parvenus « il y a longtemps », disent-ils, de rapatrier les soldats et les instructeurs et à l’avenir, de « prendre prioritairement en compte les besoins des USA ».
Depuis 2001, plus de 2 300 militaires américains ont été tués en Afghanistan, et l’opération a coûté plus de 2 000 milliards de dollars au total.
Commentant ce projet de loi, la revue The National Interest écrit avec satisfaction que l’armée a atteint ses objectifs principaux : Ben Laden est mort et Al-Qaida entravé. Le Département de la défense expliquait en juin dernier : « la menace d’Al-Qaida sur les USA, leurs alliés et leurs partenaires a diminué, et les quelques membres importants de l’organisation qui ont survécu sont concentrés sur leur propre survie. »
Tout va donc pour le mieux. « Selon les sondages, 61% des Américains soutiennent un retrait des troupes d’Afghanistan » : The National Interest considère que cette opinion est la bonne, et que les arguments qui la critiquent dans le pays sont faux. À l’opposé, on affirme que « les troupes américaines ne devraient jamais quitter un endroit où des terroristes sont déjà apparus une fois, ou pourraient apparaître à l’avenir, parce que c’est une recette pour obtenir la guerre, quels que soient la géographie et le moment. »
Victoire en Afghanistan ?
Les militaires américains sont en Afghanistan depuis décembre 2001. À l’apogée de la « campagne contre le terrorisme » de 2010-2013, l’armée occidentale dépassait 150 000 soldats et sa colonne vertébrale était américaine. Les forces de combat principales des USA et de l’OTAN furent retirées d’Afghanistan en 2014. Actuellement, une mission de 14 000 instructeurs et conseillers est encore sur place, et ce sont toujours les Américains qui donnent le ton. Cependant les forces de sécurité gouvernementales ont une efficacité faible. Jusqu’à 60% du territoire afghan en journée, et jusqu’à 85% la nuit sont contrôlés par ces Talibans que les Américains et leurs alliés ont « vaincus ». Et à Kaboul, de sanglantes attaques terroristes ont fréquemment lieu.
Les autorités de Kaboul ont des difficultés à contrôler même leur propre capitale, où de violentes attaques se déroulent souvent. Les Talibans, en guerre contre Daesh, prennent régulièrement possession des capitales de provinces pour montrer qui fait la loi dans le pays.
Les USA négocient actuellement avec les Talibans pour cesser la guerre et ont déjà annoncé une réduction imminente d’environ 7 000 hommes déployés en Afghanistan au cours des prochains mois. Lors de son dernier discours à la nation, le président Donald Trump, qui depuis le début souhaite le retrait des militaires, a affirmé que « les grands pays ne mènent pas des guerres interminables ». En conclusion, l’Afghanistan s’effondrera en même temps que le régime de Kaboul au moment du départ des troupes occidentales et la réputation des généraux américains qui y ont fait leur carrière pourrait être sacrifiée : les intérêts stratégiques des USA sont prioritaires.
D’où vient cette idée ?
La décision d’en finir avec la présence militaire des Américains et de leurs alliés a été annoncée après des hésitations, qui ont eu pour conséquence l’augmentation du contingent il y a peu. Cela signifie sans aucun doute que les États-Unis ont acquis la certitude d’un embrasement général après leur départ. Et que l’incendie se propagera certainement à l’Asie centrale. Et que la Russie, la Chine et le Pakistan auront à l’éteindre.
Dans le but d’offrir une migraine carabinée à Moscou et Pékin, les USA font en ce moment de vigoureux efforts pour renforcer les positions de Daech dans le nord et les régions non Pachtounes de l’Afghanistan. Les brigands laissés sans ouvrage suite à l’intervention russe en Syrie y sont expédiés par hélicoptères sans marques d’identification. Les commandants de Daech sont libérés des cachots des Talibans par les forces spéciales américaines. Les Talibans, de leur côté, veulent soumettre l’Afghanistan et les territoires pachtouns du Pakistan, mais n’ont pas l’intention de porter le fer de l’islam radical vers le nord, ni de déstabiliser l’Asie centrale pour la plonger dans le massacre.
Daesh a besoin des Américains pour renforcer sa base dans le nord de l’Afghanistan et se rapprocher de la Russie et y pousser par le chaos des millions de réfugiés des anciennes républiques de l’Asie centrale. Un autre objectif est de faire la jonction avec les terroristes islamistes de la province chinoise du Xinjiang.
Le projet de loi soumis au Congrès est un signal : cette région stratégiquement sensible va bientôt connaître de brutales convulsions, bien plus qu’au Moyen-orient. En conséquence, une seconde base russe au Kirghizstan, dont la création se discute actuellement à Bichkek, devient d’une nécessité extrême.
Sergeï Latychev
Traduit par Michel pour le Saker Francophone
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