Comment l’Occident est tombé dans le Piège de l’Or [2/3]


Le dollar, le pétrole et l’or vus par les pays du BRICS

Comment – et dans quel but – le dollar domine-t-il l’économie mondiale ?


 

Par Dmitry Kalinichenko – Le 6 juillet 2015 –
Sources FortRuss-1 et FortRuss-2

Les États-Unis, tout comme l’Europe, verraient bien la Russie comme une colonie productrice de richesses minières et d’hydrocarbures. Mais pour cela, les États-Unis poussent à la guerre entre l’Europe et la Russie, ce qui est contraire aux intérêts européens. Et l’Europe risque une destruction totale.

Quand les États-Unis ont abandonné unilatéralement l’étalon-or, en 1971, ils ont piétiné cette idée que les monnaies nationales devaient voir leur valeur reposer sur une richesse réelle – idée qui existait depuis des siècles.

Le dollar a perdu son statut de devise fondée sur l’or, mais les États-Unis ont artificiellement maintenu sa valeur. Autrement dit, le dollar, détaché du cours de l’or et donc de la réalité, est resté la devise du monde entier.

Ainsi, le dollar, par rapport à toutes les autres monnaies, est devenu l’instrument financier universel, indispensable à la fois pour le commerce international et pour le système monétaire mondial.

Comme cela est-il arrivé ? Pourquoi le dollar est-il devenu la monnaie de référence, pourquoi toutes les autres monnaies du monde lui sont-elles devenues subordonnées ?

Depuis 1973, les États-Unis ont indexé la valeur du dollar à celle du pétrole, pour le monde entier. Depuis, nous avons intégré dans nos esprits ce lien entre dollar et pétrole. Mais cette connexion entre les deux valeurs est juste psychologique [une question de confiance, NdT], et rien de plus. En réalité, le dollar n’est pas garanti par la valeur du pétrole. Le dollar fonctionne uniquement comme un instrument financier (une mesure de la valeur) pour estimer et traduire notre perception du cours du pétrole. Et aussi du cours de l’or.

Ce que l’acheteur est prêt à payer et ce que le vendeur est prêt à accepter déterminent le cours d’un produit.

Sans le dollar, imposé en 1973 par les États-Unis comme étalon pour exprimer la valeur, personne dans le monde ne pourrait estimer, définir et comparer les cours des principaux actifs de l’humanité : le pétrole, l’or et les monnaies nationales.

Petit à petit, pas à pas, insensiblement, nous avons été amenés à ce point où, dans notre perception des cours des principales monnaies, seul le dollar est resté lié au cours d’actifs matériels comme le pétrole et l’or. Nous ne considérons plus les autres monnaies ainsi. De même, la valeur de toutes ces monnaies est associée dans notre esprit uniquement à la valeur du dollar, exprimée dans le cours des changes. Le dollar est devenu l’unique mesure de la valeur de chaque monnaie.

Qu’est-ce que le dollar ? Le dollar est une image [derivative] de notre perception de la valeur du pétrole et de l’or, à un moment donné.

De même, qu’est-ce que l’euro, le franc, la livre, le rouble, et les autres… Ce sont seulement des images [derivatives] de notre perception de la valeur du dollar, à un moment donné.

Comment estimons-nous le cours du dollar ou de tout autre monnaie ?
La valeur d’une certaine somme en dollars est perçue, mentalement, comme une certaine quantité de pétrole ou d’or, celle que nous pouvons recevoir en échange de cette somme en dollars.

Et la valeur d’une certaine somme, en monnaies nationales, est mentalement perçue comme la somme en dollars que nous pourrions recevoir en échange.

La relation, dans nos esprits, entre le cours du dollar et le cours de ces deux actifs matériels – le pétrole et l’or – est la vraie différence entre le dollar et les autres monnaies. C’est ce qui garantit le statut du dollar comme instrument financier au-dessus des marchés, supérieur à toutes les autres grandes monnaies dans l’ensemble du système financier mondial.

Le dollar et la mort de toutes les souverainetés nationales

Si nous imaginions les mécanismes de la finance et de l’économie comme un gros avion de ligne, alors la finance tiendrait le rôle du cockpit. La monnaie est le principal instrument de contrôle d’une économie nationale.

Quand votre monnaie nationale est souveraine – c’est-à-dire : de statut égal aux autres grandes monnaies – vous pouvez utiliser librement cet outil de contrôle pour piloter votre économie.

Si votre monnaie nationale est dans une situation de dépendance par rapport à la monnaie d’un autre pays, alors vous dépendez de cet autre pays pour diriger votre économie. Ce qui veut dire que le contrôle monétaire de l’économie d’un état souverain dépend aujourd’hui de la Réserve fédérale américaine, centre d’émission de la monnaie de référence et par conséquent pouvoir financier dominant.

Le pouvoir financier existe indépendamment de toute autre forme de pouvoir, et il exerce un rôle très important sur nos vies – peu importe que nous nous en rendions compte ou non.

Utilisant le dollar comme un instrument de pouvoir financier au-dessus des marchés, les États-Unis , devenus un gendarme mondial, ont pris le contrôle des principales économies pour leur propres intérêts. Et donc, évidemment, au détriment des intérêts des autres pays.

Le duo pétrole-dollar et l’hégémonie du pétrodollar, qui s’ensuit, ont déjà établi de facto l’hégémonie financière globale des États-Unis.

Manipulant les cours du pétrole – exprimés en dollars – les États-Unis freinent le développement économique des pays importateurs ou exportateurs de pétrole.

N’importe quel parlement, président ou dictateur n’est plus que le maître en second dans son propre pays. Le vrai dirigeant en terme de pouvoir financier – et donc, le vrai dirigeant de l’économie – est la Réserve fédérale américaine. Le pilote en second peut participer au pouvoir, mais seulement jusqu’aux limites imposées par le vrai dirigeant. Parce que le maître possède des outils de contrôle qui ont la priorité sur ceux possédés par le chef en second.

Après avoir accordé à la monnaie américaine ce pouvoir exclusif d’exprimer le cours du pétrole et de l’or, la souveraineté économique des autres pays n’est plus qu’un mirage, qui n’existe plus que dans leur imagination.

Oh bien sûr, dans leurs discours, les dirigeants des pays souverains font comme si de rien n’était, comme s’ils contrôlaient leur monnaie et leur économie.

Mais en réalité, les responsables économiques, quelque soit le pays où ils gouvernent, n’ont de pouvoir que dans les limites définies par le centre d’émission du dollar : la Réserve fédérale.

Triste conclusion : aujourd’hui, il n’y a plus de souveraineté économique nulle part, sauf aux États-Unis, et il ne peut plus y en avoir ailleurs.

L’absence de souveraineté économique dans un monde où la devise nationale d’un seul pays domine toutes les autres ne peut signifier qu’une seule chose : l’absence d’institutions étatiques souveraines.

Il ne peut y avoir de pays souverains sans souveraineté économique, même partielle.

Il ne peut y avoir de pays souverain lorsque le cours de la monnaie nationale est exprimé uniquement par rapport à la monnaie d’un autre pays.

S’agissant des Russes, de quelle souveraineté économique peut-on parler s’ils ne peuvent plus déterminer, parce qu’on leur en refuse la possibilité, le prix du baril de leur propre pétrole dans leur propre devise, le rouble, sans utiliser le dollar américain comme unité de mesure ?

Depuis 1971, nous vivons dans un monde où la souveraineté et les nations souveraines ont été bannies. Les États-Unis mis à part : leur souveraineté dépend, non des autres nations, mais du bon vouloir de la Réserve fédérale – un centre d’émission privé et supranational.

Le 22 novembre 1963, le 35e Président des États-Unis, John F. Kennedy, tombait sous les balles. Depuis ce jour, les États-Unis ne possèdent plus la Réserve fédérale. C’est le contraire : la Fed possède les États-Unis, se comportant comme leur propriétaire et leur maître. Si les États-Unis et la Fed étaient un couple cheval et cavalier, le cavalier serait la Fed, bien sûr.

La guerre que se livrent aujourd’hui l’Orient et l’Occident – celui-ci phagocyté par les États-Unis – n’est pas seulement la tentative des pays eurasiatiques d’abandonner le dollar dans leurs échanges entre eux.

Aujourd’hui, les pays de l’Eurasie se battent pour leur souveraineté, pour leur liberté politique et pour leur indépendance économique.

Ceci explique que cette lutte contre l’hégémonie du dollar et, par conséquent, contre la dépendance politique et économique vis à vis des États-Unis, a pris des accents patriotiques et est devenue l’idéologie officielle dans de nombreux États.

En dépit de tout ce qui s’est passé depuis 1971, personne n’a supprimé, légalement, le rôle de l’or. Ce rôle n’avait pas été aboli en 1944, à Bretton Woods, lorsque le dollar, adossé à l’or, était devenu la devise de référence. Et on s’est bien gardé de l’abolir, en 1971, lorsque les États-Unis se sont retirés des Accords de 1944 et ont refusé de continuer à adosser le dollar à la monnaie réelle – l’or.

Aujourd’hui, comme depuis toujours, la vraie monnaie internationale, c’est l’or. Les devises nationales sont seulement, comme depuis toujours, des promesses d’argent, dont le poids et la fiabilité se détériorent avec le temps, tendant vers zéro.

L’or était, et reste aujourd’hui, la monnaie réelle, quoiqu’en disent les charlatans et les pseudo-scientifiques, comme le fondateur du système-dollar : John Keynes.

N’ayant aucun argument contre ce rôle monétaire de l’or, affirmé depuis des siècles, ce charlatan de John Keynes a fini par lui coller cette étiquette : «l’or est une relique barbare du passé».

Je me demande si Keynes avait imaginé que même 70 ans après sa mort l’or constituerait environ 60% à 70% des réserves des banques centrales des pays les plus développés dans le monde ? Aurait-il imaginé que ce sont les pays les moins développés qui ont le moins d’or dans leurs réserves (moins de 2%, ou rien) ? Cette obsession malsaine pour la relique barbare du passé chez les nations les plus puissantes, celles-là même qui glorifient sans relâche les écrits du vieux charlatan, semble très étrange. Quelque chose ne colle pas, Mesdames et Messieurs. En invoquant Keynes, vous dites une chose et vous en faites une autre. Mettez vos paroles en pratique – donnez tout votre or aux barbares. Et là, nous serons persuadés que vous croyez vraiment Keynes.

Qui vous croira si, pendant des décennies, vous avez répété les slogans creux de Keynes, juste dans l’idée de confisquer l’or des pays sous-développés et de l’accumuler dans les caves du FMI, et dans les coffres des nations les plus développées et les plus démocratiques du monde ?

Dmitry Kalinichenko

Traduit du russe par Kristina Rus

Traduit de l’anglais par Ludovic, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

À suivre

 

 

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