Par Andrew Korybko – Le 6 mars 2018 – Source Oriental Review
La législature congolaise a voté en début d’année une initiative annulant une loi antérieure qui permettait aux entreprises de se conformer aux nouvelles exigences fiscales avec un délai de 10 ans et décrétant simultanément une redevance sur les « minerais stratégiques » tels que le cobalt utilisé dans les gadgets d’aujourd’hui, les missiles et les batteries de véhicules électriques qui pourraient passer de 2% à 10%. Le président Kabila n’a pas encore signé cette proposition de loi, ce qui explique pourquoi il a été courtisé par des géants miniers internationaux pour changer d’avis. Ils soutiennent qu’ils devront inévitablement répercuter les nouveaux coûts sur les consommateurs afin de maintenir les mêmes marges bénéficiaires dont ils dépendent, ce qui menace de faire grimper les prix et donc de ralentir le boom des véhicules électriques jusqu’à ce que de nouvelles sources de cobalt ou des minerais aux propriétés similaires soient découverts.
À l’heure actuelle, la Chine contrôle 60% de la production mondiale de cobalt, dont la presque totalité provient de la région du Katanga au sud-est du Congo, mais les sociétés minières occidentales y sont également très présentes. Dans le passé, les dirigeants de pays étrangers ont été renversés par les États-Unis pour avoir fait beaucoup moins que ce que Kabila prévoit de faire maintenant, mais la situation est plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. Il a été empêché constitutionnellement de briguer un troisième mandat lors des élections de décembre qui devaient initialement avoir lieu il y a deux ans en marquant la première transition démocratique du pays depuis son indépendance tumultueuse de 1960, mais il a annoncé qu’il recommanderait un successeur en juillet. C’est dans ce contexte que son « nationalisme économique » commence à faire sens.
Cette initiative populiste pourrait potentiellement rapporter au gouvernement plus d’un milliard de dollars de recettes et assurer le succès électoral du successeur trié sur le volet par Kabila, à condition toutefois que les Congolais croient que certains profits leur parviendront et ne seront pas siphonnés par les fonctionnaires notoirement corrompus du pays. Si Kabila a vraiment des intentions patriotiques, alors il serait dans l’intérêt du Congo de dévoiler un plan de développement correspondant pour accompagner le vote de cette proposition afin de convaincre la population que son gouvernement envisage effectivement de réinvestir les fonds à venir dans le pays et améliorer la vie des gens ordinaires.
Cependant, les États-Unis et leurs alliés pourraient trouver plus bénéfique pour leurs intérêts corporatistes d’intensifier leur guerre hybride au Congo au point de soutenir à nouveau le sécessionnisme katangais comme ils l’ont fait immédiatement après l’indépendance pendant la première crise congolaise afin de garder les mines loin des mains du gouvernement et éviter d’avoir à payer la multiplication par cinq des redevances. L’accélération de la reprise de la guerre civile dans le pays pourrait être désastreuse pour toute la région, tout comme il y a près de vingt ans, lorsque le dernier conflit avait causé la mort d’environ 5 millions de personnes. Cependant, les intérêts occidentaux au Congo sont basés sur un accès bon marché aux minerais stratégiques, sans aucun lien avec une quelconque envie humanitaire, suggérant cyniquement que cela pourrait être, de manière horrible, la stratégie de repli des États-Unis si Kabila passe sa réforme du code minier.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone
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