Par Ekaterina Blinova – Le 24 juin 2021 – Source Sputnik News
La tendance à accumuler des échantillons d’ADN et l’intérêt intense pour la recherche en virologie manifesté récemment par des sociétés privées, dont Google, et même par des hommes politiques ont suscité des inquiétudes quant à l’utilisation qui pourrait être faite de ces informations sensibles et quant à la possibilité que les parties concernées soient en quête de pouvoir, fait remarquer Charles Ortel, analyste à Wall Street.
Le 19 juin, The National Pulse a révélé l’implication de Google dans le financement d’expériences et de recherches sur les virus menées par EcoHealth Alliance, une organisation à but non lucratif. Son fondateur, le zoologiste britannique Peter Daszak, a récemment fait la une des journaux en raison de sa collaboration avec le Wuhan Institute of Virology (WIV). Wuhan, en Chine, serait l’épicentre de la première épidémie massive de COVID-19.
Google investit dans la virologie
Au cours de la dernière décennie, Google.org, la branche caritative du géant de la technologie, a financé les études d’EcoHealth sur les flavivirus des chauves-souris, les épidémies d’henipavirus, l’herpès ainsi que la menace de transmission d’agents pathogènes zoonotiques, c’est-à-dire des animaux aux humains. Certaines de ces études ont également été soutenues par USAID et le ministère américain de la défense.
S’il n’y a évidemment rien de criminel à financer la recherche scientifique, l’implication de Google soulève deux questions. La première a été posée par l’animateur de “The Next Revolution”, Steve Hilton, qui s’est demandé si la censure par Google des infos et des théories liées au COVID découlait de son implication dans la recherche virologique menée par EcoHealth.
La deuxième question est posée par Charles Ortel, analyste de Wall Street et journaliste d’investigation, qui se demande pourquoi Google.org ne tient pas compte du fait que l’organisation à but non lucratif de M. Daszak n’est pas correctement gérée : les déclarations au fisc de l’entité sont truffées d’erreurs visibles, tandis qu’EcoHealth s’est apparemment éloignée de son objectif initial, celui qui lui permet de bénéficier d’une exonération fiscale, qui était de protéger la faune et la flore en voie d’extinction.
“EcoHealth Alliance – l’organisation exonérée d’impôts qui utilise de l’argent public – a été créée pour protéger les espèces sauvages menacées d’extinction, et n’a certainement pas été autorisée, légalement, à manipuler des virus naturels de manière à les rendre plus dangereux pour les humains ou d’autres créatures vivantes”, note M. Ortel, qui cite en exemples les recherches sur le “gain de fonction” évoquées publiquement par Peter Daszak.
L’analyste de Wall Street, qui est aussi spécialisé sur le sujet des fraudes faites par les organisations caritatives, avertit que des documents inappropriés indiquent parfois une mauvaise gestion potentielle des fonds et des activités obscures.
“Certainement depuis 2001, lorsque Lois Lerner a accédé à un poste clé au sein de l’IRS, les initiés politiquement connectés savent que les ‘organisations caritatives ‘ sont d’excellentes façades pour cacher des activités criminelles, en particulier lorsqu’elles opèrent à l’étranger”, explique Ortel.
Il semble que certains éléments des gouvernements et des multinationales ne soient pas du tout étonnés lorsqu’ils découvrent de fausses organisations caritatives comme EcoHealth, car, selon lui, “elles peuvent être utilisées pour payer des politiciens corrompus et/ou pour enrichir des bureaucrates et des initiés”.
Une accumulation de données génétiques financée par Google
Outre les études de virologie, Google semble s’intéresser à d’autres recherches biotechnologiques. En mai 2007, le géant de la technologie a pris une participation dans la société de biotechnologie californienne 23andMe, en y investissant 3,9 millions de dollars. Plus tôt dans le mois, Sergey Brin, alors président de la société mère de Google, Alphabet Inc., venait d’épouser Anne Wojcicki, cofondatrice de 23andMe.
23andMe est connu pour fournir un service de test génétique direct dont le but déclaré est d’aider les gens à comprendre leur constitution génétique et leurs traits héréditaires. Cependant, en 2013, Scientific American, l’un des plus anciens magazines scientifiques américains, présumait que 23andMe n’était rien d’autre qu’“une façade pour une opération massive de collecte d’informations sur un public inconscient de ce fait.”
Le magazine citait Patrick Chung, un membre du conseil d’administration de 23andMe, qui a ouvertement déclaré que le but à long terme de cette société de biotechnologie n’était pas de gagner de l’argent en vendant des kits, mais de collecter des données personnelles : “Une fois que vous avez emmagasiné ces données, [l’entreprise] devient en fait le Google des soins de santé personnalisés”, expliquait Chung à FastCompany, en octobre 2013.
La société de biotechnologie soutenue par Google ne fournit pas seulement des informations sur l’ascendance et les traits héréditaires, mais analyse également des données concernant les prédispositions génétiques à diverses maladies, ce qui a provoqué des frictions entre 23andMe et la Food and Drug Administration (FDA) américaine, en 2013.
Alors que le marché des tests ADN est en plein essor avec des millions de consommateurs partageant leurs données génétiques sensibles avec des entreprises privées, FastCompany révélait, en 2018, que la Federal Trade Commission avait lancé une enquête sur 23andMe qui manipulait des infos personnelles et les partageait avec des tiers. La sécurité des données génétiques personnelles suscite également des inquiétudes croissantes. En réponse à la demande de FastCompany, le porte-parole de 23andMe a refusé de commenter cette enquête, insistant sur le fait que la société ne partageait les données ADN “avec les chercheurs que si le client y consentait”.
“23andme était très attrayant pour les personnes qui étudient l’histoire familiale”, explique M. Ortel. “Mais l’incapacité à sécuriser les résultats des nombreux tests ADN qu’ils ont effectués sur des sujets volontaires, ou la récolte de ces résultats à des fins de gain financier sont des dangers sur lesquels on espère que les autorités gouvernementales enquêtent vraiment.”
Pendant ce temps, en 2019, la direction du Pentagone mettait en garde le personnel militaire contre la réalisation de tests ADN de type “direct au consommateur” en raison de “conséquences professionnelles négatives” et de “conséquences involontaires sur la sécurité”, ainsi que d’un “risque accru pour la force et la mission interarmées”.
En janvier 2020, CNBC rapportait que 23andMe avait connu une baisse inattendue des ventes de tests ADN. La PDG Anne Wojcicki a cité un certain nombre de raisons derrière cela, notamment la récession et les préoccupations en matière de protection de la vie privée.
Recherche biomédicale et préoccupations en matière d’armes biologiques
On peut se demander pourquoi Google manifeste un vif intérêt pour la virologie et la collecte d’ADN, n’étant pas une entreprise de biotechnologie, ni pharmaceutique, depuis sa création.
“L’un des objectifs initiaux de Google est d’organiser les informations concernant la Terre”, explique l’analyste de Wall Street. “Il y a, et il y aura toujours, de nombreux virus. On peut donc imaginer que les chercheurs de Google seraient curieux de les cataloguer et de suivre leur parcours dans la population mondiale. Si Google était en quête de pouvoir, et au fur et à mesure de l’apparition de nouveaux virus, l’entreprise pourrait être en mesure de façonner l’allocation des ressources de lutte contre les virus vers ses alliés et loin de ses ennemis, théoriquement parlant.”
L’utilisation de ces données pourrait également revêtir une dimension politique : en 2009, Hillary Clinton, alors secrétaire d’État, a expressément demandé aux diplomates américains de recueillir des “informations biométriques”, telles que l’ADN, auprès de chefs d’État étrangers et de hauts fonctionnaires des Nations unies, selon des messages secrets publiés par WikiLeaks.
Dans le même temps, une société multinationale privée disposant d’une grande quantité d’informations biologiques sensibles et ne faisant l’objet que d’une supervision limitée, voire inexistante, de la part du gouvernement et des organismes publics de réglementation suscite des inquiétudes quant à la manière dont ces données pourraient être traitées et ce qui se passerait si elles tombaient entre de “mauvaises mains”.
La plupart des craintes sont déclenchées par la possibilité de “développer des armes totalement nouvelles sur la base des connaissances fournies par la recherche biomédicale”, comme l’ont écrit, en 2003, le biologiste allemand Jan van Aken et le militant américain de la biosécurité Edward Hammond.
“De telles armes, conçues pour de nouveaux types de conflits et de scénarios de guerre, d’opérations secrètes ou d’activités de sabotage, ne relèvent pas de la simple science-fiction, mais deviennent de plus en plus une réalité à laquelle nous devons faire face”, ont averti les chercheurs.
Les scientifiques internationaux s’inquiètent également d’une “arme biologique génétique” qui pourrait théoriquement cibler des groupes ethniques particuliers en se focalisant sur les différences de leur ADN. En 2004, la British Medical Association (BMA) suggérait, dans son rapport intitulé « Biotechnology, Weapons and Humanity II », que la construction d’armes génétiques “s’approche maintenant de la réalité”. Le sujet des armes biologiques a été abordé à plusieurs reprises par les médias et la communauté scientifique au cours de la dernière décennie, avec divers scénarios présentés.
Récemment, les expériences sur les virus, l’ADN et les études dites de “gain de fonction”, qui rendent les agents pathogènes plus mortels ou plus transmissibles, ont relancé le débat et les appels à une plus grande transparence à la suite de l’épidémie de COVID.
“En théorie, l’utilisation d’armes biologiques est interdite dans le monde civilisé”, explique M. Ortel. “En pratique, cependant, les lois ne sont pas assez stricts, rapides et sévères pour traduire les criminels impliqués dans l’armement biologique devant la justice qu’ils méritent. La vie est précieuse et ne devrait pas être restreinte par des armes biologiques, d’autant plus si celles-ci sont financées par l’argent des contribuables.”
Ekaterina Blinova
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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