Brève réflexion sur le mensonge


Par Jean-Luc Baslé – Le 9 juin 2020

Hana Kimura

Une société qui vit dans le mensonge se désagrège dans le temps. Le mensonge est consubstantiel à l’homme. Mais, il ne peut être la règle. Il doit être l’exception. Généralisé, il devient propagande. Qui ment ? L’État, les médias, les universités, les entreprises, les associations, en bref : tout le monde. Pourquoi mentir ? Pour obtenir un avantage indu, éviter une sanction, défendre sa réputation, etc. Nous mentons pour toute sorte de raisons, bonnes et mauvaises. Car le mensonge est parfois utile. Jadis, on parlait de « pieux mensonges » pour en souligner l’utilité dans certaines circonstances, avec un brin d’hypocrisie. Ces derniers temps, à la manière de la calomnie dans l’œuvre de Beaumarchais, le mensonge, de petit vent rasant la terre, a enflé et avancé. Rien ne l’arrête désormais et, sous cette arme redoutable, la vérité est tombée, terrassée. Le mensonge est devenu la règle.

Le mensonge d’État est le plus gros, le plus cynique et le plus dangereux. Il peut tuer des millions d’hommes, comme en Union soviétique, en Chine et en Europe. La France y a eu aussi recours avec des conséquences, fort heureusement, moins désastreuses. Elle en appelle alors à la raison d’état. Qui peut s’opposer à la raison d’état, à la défense de la patrie ? Personne. Un homme aussi intègre que Charles De Gaulle y a eu recours. Mais voilà, cette raison d’état est une notion indéfinie, élastique, malléable à souhait. Entre de mauvaises mains, elle invite le malheur qui subrepticement s’installe.

Dans ce maelstrom qu’est notre société, les médias ont emboîté le pas à l’État. Le quatrième pouvoir devient ainsi complice. Alors qu’il s’est battu au cours des siècles pour maintenir son indépendance, ce pouvoir, ou tout au moins une partie de ce pouvoir, s’est progressivement rallié à l’État, ces dernières décennies. Il s’est installé dans le mensonge ce qui rend difficile la compréhension de notre monde. Les évènements récents en attestent. La pandémie du coronavirus en est un exemple. Et malheur à qui décrit sa vérité. Il est isolé, ostracisé, accusé de complotisme, voire de populisme. Les prudents s’autocensurent.

Les gens mentent aussi. Internet leur a donné une plateforme inespérée pour exprimer leurs frustrations et leur colère, avec parfois des conséquences désastreuses comme le suicide de cette jeune actrice japonaise, Hana Kimura. Ces excès qui doivent être sanctionnés, ne peuvent être instrumentalisés pour justifier l’instauration de la censure – le corollaire de la propagande.

Le mensonge ne voyage pas seul. Il emmène avec lui la méfiance, le soupçon, la fraude, la prévarication et la mort. C’est pourquoi le huitième commandement du Décalogue, hérité du Code d’Hammurabi, enjoint de ne point mentir. Ainsi, aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps, l’homme a reconnu la nocivité du mensonge. Il ne peut être un mode de gouvernement. En l’oubliant, nos sociétés occidentales se condamnent.

Jean-Luc Baslé

Ancien directeur de Citigroup New York, auteur de L’Euro survivra-t-il ? (2016) et du livre Le système monétaire international : Défis et perspectives, (1982).

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