Macron crie «au feu!» sur une planète surpeuplée, alors que l’Amazonie en flammes sert d’écran de fumée ultime au G7
Par Robert Bridge − Le 24 août 2019 − Source Strategic Culture
Croire que les sept éco-vandales les plus industrialisés empêcheront l’Amazonie de partir en fumée revient à espérer que les dirigeants d’Hollywood trouveront le moyen d’empêcher le sexe et la violence d’apparaître sur grand écran. Cela ne va probablement pas arriver. Le G7 veut continuer à occuper les sièges pour le spectacle intitulé « Le capitalisme ».
Pour la douzaine de personnes environ qui n’ont toujours pas été refoulées, bannies ou disparues de Twitter, vous avez peut-être entendu parler de la dernière incarnation usurpée de Napoléon par Emmanuel Macron sur la scène mondiale :
"Notre maison brûle, littéralement", a averti l’ancien banquier d’investissement de Rothschild dans un tweet qui portait la photo dérangeante d’un morceau de forêt tropicale luxuriante en train d’être engloutie par l'enfer. "La forêt amazonienne - le poumon qui produit 20% de l’oxygène de notre planète - est en feu. C'est une crise internationale. Membres du sommet du G7, discutons de cette première urgence dans deux jours !" Emmanuel Macron 21h15 - 22 août 2019 Our house is burning. Literally. The Amazon rain forest - the lungs which produces 20% of our planet’s oxygen - is on fire. It is an international crisis. Members of the G7 Summit, let's discuss this emergency first order in two days! #ActForTheAmazon
Une fois de plus, l’arrogance du dirigeant français – il a dit un jour à un chômeur qu’il pourrait trouver du travail s’il «traversait la rue» et qualifiait les manifestants parisiens de «fainéants» – n’était dépassée que par sa sidérale stupidité. À titre d’exemple, notez que son tweet apocalyptique n’a pas commencé par un discours diplomatique : «Cher président brésilien Jair Bolsonaro, nous devons vraiment parler.» Au lieu de cela, Macron a complètement ignoré le chef du cinquième pays le plus peuplé au monde, adressant son appel «Le Brésil brûle» au G7 – Canada, Italie, France, Allemagne, Japon, Royaume-Uni et États-Unis. Et ne vous y trompez pas, il y a de quoi s’inquiéter.
Les données satellitaires publiées par l’Institut national de recherche spatiale (Inpe) indiquent une augmentation de 85% des incendies au Brésil, la majorité dans la région amazonienne, qui est essentielle pour absorber une part importante de l’empreinte carbone considérable de la société de consommation. De telles informations ne vont pas réjouir un public ressentant déjà les effets du changement climatique.
Malheureusement, l’approche peu diplomatique du cowboy Macron au rodéo du G7, face à un problème très grave, a trébuché dés la sortie du corral. Conformément aux tendances technologiques de l’époque, Bolsonaro a immédiatement dégainé son propre compte Twitter, en répondant à Macron de manière tout aussi grossière.
« Je regrette que le président Macron cherche à instrumentaliser un problème interne du Brésil et d’autres pays amazoniens pour un gain politique personnel », a écrit le dirigeant brésilien. « Le ton sensationnaliste avec lequel il se réfère à l’Amazonie (faisant même appel à de fausses photos) ne résout en rien le problème. »
Bolsonaro a même vu dans la remarque pieds-dans-le-plat de Macron une forme moderne de colonialisme, que le Brésil connaît de première main.
« La suggestion du président français selon laquelle les problèmes de l’Amazonie soient discutés au G7 sans la participation des pays de la région évoque un état d’esprit colonialiste mal placé au XXIe siècle », écrit-il plutôt justement.
Macron, bien qu’il soit infecté par un élitiste manque de réalisme, savait probablement ce qu’il faisait, quoi qu’il en soit. En ignorant la voix du Brésil dans une affaire étroitement liée à sa propre souveraineté, Macron a réussi à faire une bravade quelque peu agressive au BRICS, puissance économique composée du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud. À l’heure actuelle, le G7 et les BRICS se livrent une vive concurrence pour une part de plus en plus restreinte du gâteau mondial, ce qui n’est pas souvent discuté dans une société polie. Il suffit de mentionner l’intensification de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, ainsi que les sanctions occidentales téméraires et motivées par des considérations politiques frappant les entreprises russes.
Au même moment, Emmanuel Macron, a poursuivi ce que tant d’autres dirigeants français avant lui avaient essayé, revisiter le rêve de transformer la France en une sorte de leader politique d’une région qui ressemble toujours de plus en plus à un ensemble de chambres d’hôtes. Cette semaine encore, Macron a accueilli Vladimir Poutine au Fort de Bregancon, la résidence officielle du président français, suivi d’une réunion avec le Premier ministre britannique nouvellement élu, Boris Johnson, sur la question du Brexit. Maintenant, avec Macron qui doit accueillir le G7 cette semaine à Biarritz, il s’est probablement senti suffisamment d’aplomb pour bousculer le Brésil.
En tant que tel, Macron a raté une occasion en or – s’il en cherchait vraiment une, pour commencer – de jouer un rôle de médiateur sur un problème mondial d’une importance capitale. Après tout, il est difficile de sous-estimer la nécessité de protéger la plus grande forêt tropicale du monde. En plus de servir de «poumons de la planète», l’Amazonie, à travers son immense biodiversité, est la source de remèdes médicaux, dont beaucoup n’ont pas été découverts. Seul un imbécile serait insensible à la destruction aveugle de cet écosystème de vie.
Macron aurait pu réaliser quelque chose de vraiment historique – mettre au point une initiative mondiale pour la protection de l’Amazonie – en invitant Jair Bolsonaro au G7 en tant qu’invité d’honneur. Le dirigeant brésilien, submergé par l’effusion d’attention et de respect de la part de la communauté internationale, aurait été beaucoup plus enclin à accepter un plan d’action immédiat, tel qu’une assemblée internationale de pompiers. Après tout, Bolsonaro a déjà admis que le Brésil n’avait pas les ressources nécessaires pour protéger l’Amazonie, qui dépasse l’Europe par sa taille.
Au lieu de cela, Macron se comporta une fois de plus avec une arrogance suprême, humiliant Bolsonaro au lieu de l’apaiser, créant ainsi un schisme entre la communauté internationale et Brasilia qui compliquera davantage tout effort futur visant à sauver l’Amazonie, voire la planète.
C’est presque comme si Emmanuel Macron, qui a été harcelé par des semaines de manifestations sans fin des Gilets Jaunes, ceux-ci envisageant même de se retrouver à Biarritz pendant le G7, a utilisé les feux en Amazonie comme un écran de fumée commode pour dissimuler des problèmes brûlants plus près de chez lui. En ce sens, les efforts de Macron pour politiser les incendies des forêts tropicales qui font rage au Brésil, au moment où l’attention du monde entier sera concentrée sur la France, sont compréhensibles mais pas moins déplorables pour autant.
Robert Bridge
Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone