Par Moon of Alabama – Le 8 octobre 2018
Le Moustachu consensuel, Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times, est furieux que le prince héritier saoudien Mohammad bin Salman ait ordonné l’enlèvement du journaliste Jamal Khashoggi.
Khashoggi, qui vient d’une famille très riche, a longtemps servi le régime saoudien à des postes éditoriaux et a été le conseiller médiatique du prince Turki al-Faisal pendant son mandat d’ambassadeur à Londres et à Washington. Il a quitté l’Arabie saoudite l’année dernière par crainte d’être pris pour cible dans la répression menée par le prince héritier Mohammad bin Salman. Il a fini par écrire des articles légèrement critiques dans le Washington Post. Khashoggi n’est pas un libéral mais un fervent partisan du système saoudien et de sa brutalité. Il a salué la décapitation de soldats syriens par État Islamique et considérait cela comme une « tactique militaire psychologique efficace ». Il soutenait aussi l’odieuse guerre saoudienne contre le Yémen.
Selon la police turque, Khashoggi est entré au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre à 13h12 et n’en est jamais ressorti. Le jour même, 15 citoyens saoudiens arrivaient à Istanbul à bord de deux avions et se trouvaient tous ensemble dans le bâtiment du consulat lorsque Khashoggi s’y est rendu. Ils ont ensuite quitté la Turquie. Des sources anonymes de la police turque ont affirmé que l’équipe d’agents saoudiens avait tué Khashoggi après son entrée dans le consulat, démembré son corps et emporté les restes avec eux. Cette histoire horrible a peu de chances d’être vraie. La Turquie, qui est elle-même un grand bourreau de journalistes, entretient de mauvaises relations avec l’Arabie saoudite et soutient son ennemi juré, le Qatar. Le gouvernement saoudien a un long passé d’enlèvement et de rapatriement d’éminents Saoudiens qui avaient fui le pays. Il ne tue pas ces gens à l’étranger.
Les publications occidentales cireuses de bottes, en particulier le Washington Post, prétendent que Mohammad bin Salman (MbS) est un réformateur. Il ne l’a jamais été. Il l’a dit lui-même dans une récente interview à Bloomberg. Aucun de ses prédécesseurs, qui ont tous été louangés comme réformateurs par les médias grand public, n’a jamais non plus vraiment changé le système archaïque saoudien. Lorsque MbS s’est rendu aux États-Unis ce printemps, tous les milliardaires [droit de l’hommistes, NdT] de la Silicon Valley, y compris Jeff Bezos, le propriétaire du Washington Post, étaient heureux de se faire prendre en photo avec lui.
Mais personne n’a léché le cul de Bin Salman avec autant d’affection que Tom Friedman. Ce qui suit est tiré de la fiction pour groupies la plus embarrassante de l’année dernière :
Nous nous sommes rencontrés la nuit dans le palais orné de murs en pisé de sa famille à Ouja, au nord de Riyad. M. B. S. a parlé en anglais, tandis que son frère, le Prince Khalid, le nouvel ambassadeur saoudien aux États-Unis, et plusieurs ministres principaux ont partagé différents plats d’agneau et ont épicé la conversation. Après presque quatre heures passées ensemble, à 1h15 du matin, j’ai succombé à la jeunesse de M. B. S., soulignant que j’avais exactement le double de son âge. Cela fait très, très longtemps, cependant, qu’aucun dirigeant arabe ne m’avait autant épuisé avec une giclée d’idées nouvelles pour transformer son pays…
Les principaux journaux, qui ont maintenant fourbi leurs armes dans l’affaire Khashoggi, sont pour la plupart embarrassés par l’adoration qu’ils ont portée jadis à Mohammad bin Salman. Mais ce qui est encore plus important, c’est que Khashoggi est, comme eux, un journaliste. Ils se considèrent comme une classe aristocratique qui ne mérite pas un tel sort. Ce sort ne peut être réservé qu’aux déplorables plébéiens d’en bas.
Considérez ce passage amoral dans la larmoyante chronique de Friedman sur l’affaire Khashoggi :
Si Jamal a été enlevé ou assassiné par des agents du gouvernement saoudien, ce sera un désastre pour M.B.S. et une tragédie pour l’Arabie saoudite et tous les pays du Golfe arabe. Ce serait une violation insondable des normes de la décence humaine, pire, non pas en nombre mais en principe, que la guerre contre le Yémen.
Toutes les dix minutes, un enfant au Yémen meurt de faim à cause de la famine causée par la guerre contre ce pays menée par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, les États-Unis et le Royaume-Uni. La nouvelle attaque contre le port d’Hodeidah et l’hyperinflation de ces derniers mois ont doublé les prix des denrées alimentaires et de l’essence. La plupart des Yéménites n’ont plus les moyens de payer la nourriture nécessaire. Des dizaines de milliers de personnes étaient déjà silencieusement affamées, des millions suivront probablement. Selon quel « principe » humanitaire la mort potentielle d’un chroniqueur lèche-bottes serait-elle pire que cela ?
L’Arabie saoudite sous Mohammad bin Salman est faible et vulnérable. L’enlèvement de Khashoggi est un signe de son sentiment d’insécurité. Il ne peut même pas se permettre d’avoir une critique modérée hors de son contrôle. Les États-Unis sont très satisfaits de cette situation. Il n’en sera que plus facile pour l’administration de Trump de soutirer encore plus d’argent à ce royaume de fous. L’administration ne blâmera pas le régime Salman pour Khashoggi. Le Congrès non plus. L’an dernier, les Saoudiens ont dépensé 27,3 millions de dollars pour faire pression sur Washington. Ils soudoient tous les sénateurs qui sont prêts à prendre leur argent.
La seule chose que l’administration Trump pourrait faire dans l’affaire Khashoggi est d’accuser Qasem Soleimani et le GRU d’ingérence. Lorsque le département d’État condamnera – dans les termes les plus durs – l’Iran pour avoir enlevé Khashoggi, lorsque le Trésor sanctionnera à nouveau la Russie et lorsque le Pentagone augmentera son soutien au bombardement du Yémen, Friedman et les autres flagorneurs se relèveront et applaudiront.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker francophone.