Par Brandon Smith – Le 18 septembre 2018 – Source Alt-Market.com
Presque tous les aspects du ralentissement économique mondial, qui a ostensiblement commencé en 2007-2008 et qui se poursuit encore aujourd’hui, peuvent être attribués aux actions et aux politiques des banques centrales. La Réserve fédérale, par exemple, a utilisé des taux d’intérêt artificiellement bas et de l’argent facile pour créer un environnement de prêts supposés sans risque. Cela s’est traduit par une énorme dette hypothécaire toxique ainsi qu’une toile de produits dérivés (titres adossés à des créances hypothécaires) liés à cette dette.
La Fed a ignoré tous les signes et tous les avertissements des analystes alternatifs. Des agences de notation comme S&P ont soutenu le discours de la Fed selon lequel tout allait bien lorsqu’elles ont accordé la note AAA à une infinité de produits toxiques sur le marché. Les médias grand public ont soutenu la Fed en attaquant tous ceux qui soutenaient que l’économie américaine était instable et prête à vaciller. À cette époque de l’économie, le système a effectivement caché la vérité au public par des moyens relativement courants. Aujourd’hui, les choses ont légèrement changé.
Depuis le krach de 2008, de nombreux économistes et anciens responsables de la Fed ont publiquement admis la culpabilité des banques centrales (en quelque sorte). Alan Greenspan a affirmé pour la première fois en 2008 que la Fed avait « fait une erreur » dans son analyse et avait négligé le potentiel d’une bulle dans les marchés. Puis, en 2013, il a admis que tous les banquiers centraux savaient qu’il y avait une bulle, mais qu’ils croyaient que les marchés s’auto-corrigeraient sans trop nuire au PIB ou au reste de l’économie.
Les principaux médias financiers ont continué à accuser la Fed pour les conditions qui ont causé la crise, mais lui ont trouvé des excuses en même temps. La narration était que la Fed était aveuglée par des facteurs périphériques et qu’elle avait ignoré les fondamentaux. Les banquiers centraux s’étaient « mis dans le pétrin » avec des taux d’intérêt bas, et ils l’avaient fait sans le savoir. [« À l’insu de leur plein gré », d’après la citation d’un célèbre « philosophe » français, NdT]
C’est le même récit qu’Alan Greenspan a utilisé pour rejeter toute responsabilité de la part de la Fed lors de l’effondrement de la bulle des marchés dans les années 1990. Greenspan s’est opposé à l’idée de relever les taux d’intérêt en réaction à la bulle, car cela « mettrait en péril l’économie tout entière ». Il est intéressant de noter que la hausse des taux d’intérêt dans un marché boursier et une économie très endettée (une économie à effet de levier) est exactement ce que la Fed fait aujourd’hui sous la présidence actuelle de Jerome Powell.
Cette habitude de créer des bulles, puis de les faire éclater, ce qui entraîne le chaos financier, remonte à assez longtemps. Dans les années 1920, la politique de taux d’intérêt bas de la Fed et la facilité avec laquelle la monnaie a été utilisée ont mené à la bulle d’octobre 1929, un mois qui restera comme une infamie avec le début de la Grande Dépression. La Fed a ensuite relevé les taux d’intérêt au début des années 1930, ce qui a ensuite provoqué une nouvelle crise et prolongé la Dépression pendant une bonne partie de la décennie suivante. Il a fallu plus de 70 ans pour qu’un fonctionnaire de la Fed assume finalement le blâme pour ce désastre. Cela s’est produit en 2002 lors d’un discours prononcé par Ben Bernanke lors d’une « conférence pour honorer Milton Friedman … à l’occasion de son 90e anniversaire »:
« Bref, selon Friedman et Schwartz, en raison de changements institutionnels et de doctrines erronées, les paniques bancaires de la Grande Contraction ont été beaucoup plus graves et répandues qu’elles ne l’auraient été normalement en période de récession.
Permettez-moi de terminer mon exposé en abusant légèrement de mon statut de représentant officiel de la Réserve fédérale. J’aimerais dire à Milton et Anna, en ce qui concerne la Grande Dépression. Tu as raison, on l’a fait. Nous sommes vraiment désolés. Mais grâce à toi, on ne recommencera pas. »
C’est peut-être une surprise pour certains, mais Bernanke a menti. La Fed a poursuivi le processus de création de bulles économiques et de leur éclatement en utilisant les taux d’intérêt et son bilan comme armes pendant une bonne partie du nouveau siècle, et pourtant très peu d’analystes sont prêts à suggérer que les banques centrales créent volontairement ces crises.
Tout au long de l’histoire, les calamités économiques ont souvent conduit à la consolidation de la richesse et des actifs entre les mains du 1% supérieur. C’est ce qui s’est produit pendant la Grande Dépression, lorsque les grandes banques globalistes, comme JP Morgan, ont mis en faillite ou ont détruit des milliers de petites banques locales jusqu’à ce qu’il ne reste que les grandes banques. Dans la foulée du krach de 2008, il suffit d’examiner l’élargissement historique de l’écart de richesse, puisque les 1% les plus riches devraient prendre le contrôle des deux tiers de la richesse mondiale d’ici 2030. Ou encore, nous pourrions tenir compte de l’absorption du marché de l’immobilier par des conglomérats comme Blackstone, puisque la propriété privée immobilière a diminué après le krach.
Je crois que la prochaine catastrophe économique sera plus importante que toutes les bulles des 100 dernières années réunies, et l’intention des élites bancaires est d’obtenir une centralisation mondiale complète de tous les actifs et ressources. Cette fois, cependant, le grand public a finalement appris à se méfier davantage des banques centrales et de leurs motivations lors de tels événements. En raison de l’exposition accrue après le krach de 2008, les banques centrales et les institutions qui leur sont liées ne peuvent pas compter uniquement sur les médias grand public ou les entités gouvernementales comme le Bureau of Labor Statistics pour les couvrir. Elles ont besoin d’un écran de fumée.
La guerre commerciale est si parfaite à cet égard, je crois qu’elle ne pouvait être autre chose que ce qui était prévu. En voici cinq raisons :
1) La guerre commerciale fournit une couverture pour la dé-dollarisation : Comme les marchés émergents étaient auparavant dépendants de l’argent facile de la Fed, les dollars ont servi à fournir un soutien artificiel à leurs économies en difficulté. Maintenant, avec la hausse des taux d’intérêt et la réduction du bilan de la Fed, ce flux de dollars est en train de se tarir. Les marchés émergents commencent à chercher des alternatives car ils n’ont pas d’autre choix, ce qui signifie davantage d’accords commerciaux bilatéraux qui contournent le dollar.
Heureusement pour la Fed, la guerre commerciale peut être utilisée comme un bouc émissaire pour les pays qui vendent leurs dollars au nom de rétorsions économiques portées aux États-Unis. Des pays comme la Turquie et la Russie ont déjà commencé à menacer de le faire.
2) La guerre commerciale justifie la vente des bons du Trésor américain : La Russie est déjà bien en avance sur ce processus, vendant au moins la moitié de ses bons du Trésor américain en un seul mois. Ce n’est qu’une question de temps avant que la Chine n’utilise la même méthode de représailles pour contrer les tarifs douaniers américains. Les médias grand public soutiendront qu’il ne s’agit pas d’une menace significative pour l’économie américaine, mais pensez que les partenaires commerciaux de la Chine vont suivre cet exemple, provoquant une « contagion » de ventes de bons du trésor sur les marchés. Si les États-Unis ne peuvent maintenir les investissements étrangers pour financer leurs dettes considérables, ils imploseront sur le plan économique. La Réserve fédérale s’est assurée qu’il n’y a plus d’outils politiques pour venir à la rescousse si cela se produit. Les détenteurs étrangers de dette américaine discutent ouvertement de cette option depuis le krach de 2008. Aujourd’hui, la guerre commerciale rend les États-Unis coupables (du moins en termes de récit historique) de ce qui se passera ensuite.
3) La guerre commerciale couvre l’inflation : Avec l’augmentation constante des droits de douane sur les biens et matériaux en provenance du monde entier, les prix au détail ne feront qu’augmenter, mais le véritable danger inflationniste viendra de la Fed. L’inflation réelle est déjà bien au-dessus des cibles de la Fed. La création de monnaie que la banque centrale a utilisé pour bloquer la crise de la dette a créé une bulle encore plus grande au niveau du dollar lui-même. Les nouvelles politiques de resserrement entraîneront une ruée vers le dollar américain à mesure que les marchés émergents se dé-dollariseront. Sans un stimulus constant de la part de la Fed, l’utilisation du dollar comme réserve mondiale finira par devenir prohibitive pour le commerce. Tout cela sera encore imputé aux tarifs douaniers et aux différends commerciaux, et non à la Fed.
4) La guerre commerciale fournit une couverture pour un nouvel effondrement du marché : Lorsque la Fed a lancé ses mesures de sauvetage et d’assouplissement quantitatif, ce sont les actions des marchés émergents qui ont commencé à grimper de façon exponentielle pour sortir de la fosse profonde causée par la crise de la dette. Les marchés actions américains et européens ont suivi avec les sommets insensés du marché haussier observés récemment. Aujourd’hui, alors que la Fed restreint ses mesures de relance et réduit son bilan, ce sont les marchés émergents qui s’effondrent en premier. La question est de savoir si les marchés occidentaux les suivront. Je crois qu’ils le feront.
Le président de la Fed, M. Powell, a admis ce résultat dans les déclarations qu’il a faites dans le procès-verbal de la Fed d’octobre 2012. Il est bien conscient des conséquences de l’élimination des piliers que sont les faibles taux d’intérêt et l’achat d’actifs par la Fed, mais il continue quand même à dérouler ce plan. Pourquoi ? Parce qu’un nouveau krach boursier peut être imputé à Trump et à la guerre commerciale. Trump s’est presque attribué tout le mérite des sommets actuels des marchés actions, et maintenant il a pris sur lui toute la responsabilité de ce qui se produira au cours des deux prochaines années.
5) La guerre commerciale sert de couverture à la diabolisation des idéaux conservateurs : Le concept de tarifs douaniers sur les produits étrangers afin d’encourager la production localisée et l’autosuffisance est une tactique aussi vieille que l’Amérique elle-même. Elle est de nature conservatrice et peut être une mesure efficace entre de bonnes mains. Cela dit, il faut une base manufacturière existante et des conditions économiques relativement stables. Une économie surendettée qui s’accroche désespérément au statut de réserve de sa monnaie et à l’inflation à vie est le PIRE environnement pour le lancement de ces taxes à l’importation. En fin de compte, l’Amérique n’a que peu ou pas d’influence sur ses concurrents parce que nous sommes plus dépendants d’eux qu’ils ne le sont de nous.
Le fait que le déficit commercial des États-Unis ne cesse de se creuser au fur et à mesure que la guerre commerciale progresse en est la preuve évidente. Certains ont fait valoir que cela est dû au fait que les détaillants américains ont augmenté leurs achats à l’étranger avant l’entrée en vigueur des tarifs douaniers, mais les augmentations mineures des stocks de marchandises au détail n’appuient pas cette théorie. La baisse continue du ratio des stocks sur les ventes laisse également entrevoir une baisse du marché de la consommation aux États-Unis.
Quand il deviendra évident que la guerre commerciale est un échec, le rêve globaliste de diaboliser les modèles et les valeurs économiques conservateurs sera plus facile à réaliser. Alors que toutes les crises financières s’enroulent autour du cou de Trump, et donc des conservateurs par extension, on dira au public que la seule solution est de passer de l’autre côté de l’échiquier politique et économique d’une manière extrême. En d’autres termes, le socialisme à grande vitesse et le globalisme.
Le succès de ce genre de propagande dépendra de la question de savoir si les gens ont reçu une éducation adéquate quant à la VRAIE source de nos maux financiers. Si le mot sur les lèvres des masses est « Trump l’a fait », alors nous sommes dans le pétrin. Si le mot est « Les banquiers centraux l’ont fait et Trump n’était qu’un simple coursier… » alors nous pourrions avoir une chance d’empêcher le navire de couler complètement.
Brandon Smith
Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone
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