Par James Howard Kunstler – Le 3 septembre 2018 – Source kunstler.com
Et ainsi le soleil semble s’immobiliser ce dernier jour avant la reprise du « business as usual », et tout ce qui reste du travail dans cette république sclérotique prend son aise dans la chaleur sinistre de la fin de l’été, et les gens à travers ce pays marinent dans une incertitude anxieuse. Que peut-on faire ?
Une sorte de restructuration nationale épique est en cours. Soit elle se produira consciemment et délibérément, soit elle nous sera imposée par les circonstances. Un côté veut reconstituer comme par magie les années 1950 ; l’autre veut une utopie gnostique trans-humaine. Ni l’un ni l’autre n’est un résultat plausible. La plupart des arguments qui les entourent sont ce que Jordan Peterson appelle des « pseudo-questions ». Essayons de faire le point sur ce que pourraient être les vrais problèmes.
Énergie : Le « miracle » du pétrole de schiste était une combine rendue possible par des taux d’intérêt surnaturellement bas, c’est-à-dire la politique de la Réserve fédérale. Même le New York Times l’a dit hier (La prochaine crise financière rôde sous les eaux). Malgré tout cela, les producteurs de pétrole de schiste n’ont toujours pas réussi à faire de l’argent. Si les taux d’intérêt augmentent, l’industrie s’étouffera avec la dette qu’elle a déjà accumulée et perdra l’accès à de nouveaux prêts. Si la FED renverse son cours actuel – par exemple, pour sauver les marchés boursiers et obligataires – alors l’industrie du pétrole de schiste a peut-être encore trois ans devant elle avant de s’effondrer sur une base géologique, peut-être moins. Après ça, on n’a plus de joker. Cela affectera tout.
La solution perçue est de faire fonctionner tous nos appareils à l’électricité, électricité produite par d’autres moyens que les combustibles fossiles, ce qu’on appelle les énergies alternatives. Cela ne se produira que sur une base très limitée et peut-être pas du tout. Ce qu’il faut, c’est une conversation politique sur la façon dont nous habitons le paysage, comment nous faisons des affaires et quel genre d’affaires nous faisons. La perspective de démanteler les banlieues – ou du moins d’en sortir–- est évidemment impensable. Mais cela se produira, quelques soient les plans et les politiques, ou que nous soyons entraînés à nous rouler par terre en criant.
La tyrannie des multinationales : La nation gémit sous le régime despotique de ces grandes entreprises. La fragilité de ces opérations s’oriente vers une zone critique. Comme dans le cas du pétrole de schiste, elles dépendent en grande partie d’un petit tour de passe-passe financier malhonnête. Elles sont également menacées par l’éclatement de la globalisation et de ses 15 000 km de lignes d’approvisionnement, ce qui est maintenant en bonne voie. Préparez-vous à faire des affaires à une échelle beaucoup plus petite.
Aussi difficile que cela puisse paraître, cela offre de grandes possibilités de rendre les Américains à nouveau utiles, c’est-à-dire de leur donner quelque chose à faire, une place significative dans la société et des moyens de subsistance. L’implosion de la chaîne nationale de vente au détail est déjà en cours. Amazon n’est pas la réponse, parce que chaque article vendu par Amazon nécessite un voyage en camion jusqu’à sa destination, et cela ne correspond tout simplement pas à notre situation énergétique. Nous devons reconstruire les économies de proximité et les couches de distribution locale et régionale qui les soutiennent. C’est là que se trouvent beaucoup d’emplois et de carrières.
Le changement climatique affecte le plus immédiatement l’agriculture : 2018 sera une année de mauvaises récoltes dans de nombreuses régions du monde. L’agriculture de type agro-business, basée sur le pétrole et le gaz et les prêts bancaires est une pratique ruineuse, et ne se poursuivra en aucun cas. Pouvons-nous faire des choix et des politiques pour promouvoir un retour à une agriculture à plus petite échelle avec des méthodes intelligentes plutôt qu’une force industrielle brute basée sur plus de dette ? Si nous ne le faisons pas, beaucoup de gens mourront de faim. D’ailleurs, voici un travail utile pour un grand nombre de citoyens actuellement considérés comme inemployables pour une raison ou une autre.
Des règles omniprésentes en matière de racket parce que nous l’autorisons, en particulier dans l’éducation et la médecine : Ces deux entités s’autodétruisent sous le poids de leurs propres programmes de captation de l’argent. Les deux sont destinées à être sévèrement réduites. Beaucoup d’universités vont faire faillite. La plupart des prêts universitaires ne seront jamais remboursés (et les produits dérivés basés sur ces prêts vont exploser). Nous avons besoin de millions de petits agriculteurs plus que de millions d’as de la communication avec de faibles capacités en relations publiques. Il est peut-être trop tard pour un système médical à payeur unique. Une économie industrielle basée sur le pétrole qui s’effondre signifie un manque de capital, et la magie financière n’est qu’une autre forme de racket. La médecine devra devenir plus petite et moins complexe, ce qui signifie des soins de santé dispensés dans des cliniques locales. Il y aura beaucoup de travail là-bas, et c’est là que les choses vont, alors préparez-vous.
Un gouvernement qui déborde : L’État Léviathan est trop grand, trop imprudent et trop corrompu. L’insolvabilité finira par réduire sa portée et son ampleur. Dans l’immédiat, la matrice géante des agences d’espionnage nationales a tourné le dos aux citoyens américains. Elle résistera à tout prix à son démantèlement ou même à son immobilisation. Une des tâches à accomplir est de poursuivre les gens du ministère de la Justice et du FBI qui ont mené des opérations politiques illégales pendant et autour de l’élection de 2016. Il s’agit d’organismes qui utilisent leur pouvoir considérable pour détruire la vie des citoyens. Leurs officiers doivent répondre devant des grands jurys.
Comme pour tout ce qui est sur la table à débattre, il faut réduire la portée des arrangements impériaux américains. Cela se produit déjà, que cela nous plaise ou non, alors que les relations géopolitiques changent radicalement et que les autres nations de la planète se bousculent pour survivre dans un monde post-industriel qui sera beaucoup plus dur que le paradis robotique des économies numériques « créatives » que les crédules attendent. Ce pays a assez à faire à l’intérieur de ses propres frontières pour se préparer à la survie sans créer de problèmes supplémentaires pour lui-même et pour d’autres personnes dans le monde. En pratique, cela signifie qu’il faut fermer le plus grand nombre possible de bases à l’étranger, le plus rapidement possible.
Alors que nous reprenons les affaires courantes demain, demandez-vous où vous vous en êtes dans la tempête de fausses questions et d’idées folles, par opposition aux choses qui comptent réellement.
James Howard Kunstler
Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.
Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone
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