Par Jafar M. Ramini – Le 15 mai 2018 – Source Countercurrents
Non, pas du tout. Pas tant qu’il restera un seul vrai Palestinien debout pour réclamer justice et se battre pour elle.
Nous avons essuyé de nombreux revers, nous, les Palestiniens, au cours des 100 dernières années. Premièrement, les Britanniques nous ont injustement et illégalement imposé la Déclaration Balfour en 1917. Nous avons tenu bon et nous avons dit « non ». Puis les mêmes Britanniques ont tenté de nous imposer la partition avec le rapport Peel en 1937. Nous avons tenu bon et nous avons dit « non ».
Puis vint le plan de partition injuste de l’ONU de 1947 et nous avons tenu bon et nous avons dit « non ».
Puis ils ont permis la création d’Israël en 1948. Nous avons tenu bon et nous avons dit « non ». Cela n’a pas empêché le régime fasciste d’apartheid israélien de nettoyer ethniquement notre terre et d’assassiner notre peuple. Nous avons encaissé les coups, nous avons tenu bon et nous avons dit « non ».
En 1967, ils ont envahi ce qui restait de la Palestine. Bien que, depuis 51 ans, nous soyons écrasés sous une occupation brutale et sauvage assortie du vol de nos terres, de nos ressources naturelles et de notre culture, nous avons continué à dire « non ».
En 1987, le peuple palestinien sous occupation a brisé ses chaînes, s’est libéré de la peur, et s’est uni dans la première intifada. Malgré la réaction brutale de l’occupation, bien que nous n’ayons que des pierres à opposer aux mitraillettes, nous n’avons pas perdu espoir, nous le peuple palestinien, nous avons tenu bon et nous avons dit « non ».
En 1993, lorsque l’OLP a signé l’Accord d’Oslo, donnant à l’occupation israélienne la légitimité dont elle avait besoin depuis des décennies, nous, le peuple palestinien, nous avons tenu bon et nous avons dit « non ».
Au cours des années suivantes, tous les accords signés entre l’OLP (maintenant connue sous le nom d’AP) ont été honorés avec diligence par l’AP et totalement bafoués par le régime israélien. Le vol de terres et la construction de colonies illégales se sont poursuivis à un rythme effréné, alors, en l’an 2000, le peuple palestinien est sorti dans la rue, par dizaines de milliers, et a déclenché la deuxième intifada. Malgré les pertes en vies humaines, la destruction de maisons, l’emprisonnement et les déportations de nombreux dirigeants et l’assassinat de Yasser Arafat, nous avons tenu bon et nous avons dit « non ».
Les postes de contrôle en Cisjordanie dans le cadre de l’Accord d’Oslo se sont multipliés et il y en a aujourd’hui plus de 500. Les colonies n’ont cessé de s’étendre et de nouvelles colonies ont été créées par des squatters sans foi ni loi, armés jusqu’aux dents, qui, la haine au cœur, ont continué d’attaquer nos villages, de profaner nos lieux saints et de brûler nos enfants vivants. Malgré tout cela, nous, le peuple palestinien, nous avons tenu bon et nous avons dit « non ».
Israël s’est retiré tactiquement de Gaza en 2005. Comme l’a dit, à Londres, un étudiant palestinien que j’ai retrouvé dans un débat quelques années plus tard : « L’armée d’occupation israélienne nous a mis dans une cage, a verrouillé la porte et a jeté la clé au fond de la mer. Pourtant nous avons tenu bon et nous avons dit ‘non’ ».
Israël n’accepte pas le rejet ou la résistance avec équanimité. L’armée a envahi et continue d’envahir quotidiennement les villes et les villages de Cisjordanie. Ses soldats tuent, enlèvent, emprisonnent, torturent et détruisent. Mais nous continuons à dire « non ».
Puis il y a eu les agressions israéliennes non provoquées sur Gaza en 2008, 2012 et 2014, d’une violence inimaginable, avec des armements, interdits au niveau international, qui ont abouti à la destruction quasi totale de Gaza. Ils ont pollué et empoisonné les ressources en eau souterraine au point qu’un rapport des Nations Unies de 2015 indiquait que si cela ne cessait pas, Gaza serait inhabitable d’ici 2020.
Naturellement, rien n’a changé. La situation à Gaza est plus grave que jamais et la population de Gaza est menacée d’asphyxie. Mais elle ne s’est pas couchée pour mourir comme Israël, les États-Unis et leurs alliés le voulaient. Au cours des six dernières semaines, les Palestiniens sont sortis par centaines et par milliers dans la zone dite zone tampon entre Israël et Gaza, pour contester l’occupation et exiger leur droit au retour dans les villes et villages dont ils ont été expulsés, il y a 70 ans aujourd’hui.
Le mépris brutal et sans limite de l’armée d’occupation israélienne pour la vie des Palestiniens et pour le droit international a atteint un sommet hier lorsqu’elle a abattu plus de cinquante Palestiniens et blessé plus de 2700 personnes. Aucun Israélien n’a perdu la vie.
L’administration Trump et ses sbires blâment le Hamas pour ce massacre. Les « victimes sont à blâmer, disent-ils, pas les agresseurs ».
Pourtant, les Palestiniens, partout en Palestine, tiennent bon et disent haut et fort.
- « Non, nous n’abandonnerons jamais Jérusalem. »
- « Non, tu ne l’emporteras jamais. »
- « C’est notre terre, c’est ici que nous sommes nés et c’est ici que nous vivrons. »
Je conclurais en citant ce qu’un de mes compatriotes de Gaza, Hammad Abu Safiya, un grand-père qui a 14 petits-enfants a dit hier :
« La situation des Palestiniens ne changera jamais sauf si un volcan ou un tremblement de terre détruisait leur État [israélien, NdT]. Alors les Palestiniens pourraient peut-être rentrer chez eux. »
Jafar M Ramini est un écrivain et analyste politique palestinien, basé à Londres, qui vit actuellement à Perth, en Australie occidentale. Il est né à Jénine en 1943 et il avait 5 ans lorsque lui et sa famille ont dû fuir la terreur des gangs de l’Irgoun et du Stern. Obtenir justice pour le peuple de Palestine est l’œuvre d’une vie.
Traduction : Dominique Muselet