Par Moon of Alabama – Le 27 avril 2018
Lors d’une réunion largement médiatisée aujourd’hui, les dirigeants de la Corée du Nord et de la Corée du Sud ont fait un pas vers un accord de paix et peut-être même vers la réunification d’un pays divisé.
Nous avons déjà vu ceci.
Les dirigeants de la Corée du Nord et de la Corée du Sud ont signé ce matin un traité de réconciliation et de non-agression, renoncent à la force armée l’un contre l’autre et disent mettre officiellement fin à la guerre de Corée….
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Les responsables des deux parties ont décrit l’accord comme un premier pas vers ce qu’ils appellent la réunification inévitable de la péninsule coréenne, mais ils ont admis ne pas avoir réussi à régler certains des problèmes les plus potentiellement dangereux qui divisent le Nord et le Sud, dont la course de Pyongyang pour développer un arsenal d’armes nucléaires.
LES CORÉES SIGNENT UN PACTE DE RENONCEMENT À LA FORCE, FAISANT UN PAS VERS L’UNITÉ
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Avec une rapidité et une chaleur surprenante, les présidents de la Corée du Nord et de la Corée du Sud sont parvenus mercredi à un large accord pour œuvrer en faveur de la paix et l’unité de leur péninsule amèrement divisée, le plus grand pas de part et d’autre pour apaiser les tensions depuis 50 ans.
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Parmi les points généraux qui ont fait l’objet d’un accord, on peut citer la nécessité de réconciliation et de réunification, l’instauration de la paix, le début, en août, des visites d’échange de membres de familles divisées et davantage d’échanges culturels.
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Les espoirs concernant ce qui pourrait être réalisé lors de la première réunion au sommet entre les Corées, depuis sept ans, étaient faibles. Les craintes que le président de la Corée du Sud (…) fasse trop de concessions étaient élevées.
Mais une déclaration signée jeudi (…) contenait un certain nombre de projets spécifiques susceptibles de renforcer les liens économiques et sécuritaires entre les Corées, ont déclaré les experts. Le Nord, à son tour, semblait avoir fait des concessions modestes, quoique importantes, au Sud.
LES RÉSULTATS DU SOMMET CORÉEN DÉPASSENT LES FAIBLES ESPOIRS INITIAUX
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Lors d’une réunion au sommet historique, et pour la première fois qu’un dirigeant nord-coréen met les pieds dans le Sud, les dirigeants coréens se sont engagés à négocier un traité de paix pour en finir avec une trêve qui a maintenu une paix précaire dans la péninsule coréenne pendant plus de six décennies, et qui la débarrasserait des armes nucléaires. Un traité de paix a été l’une des concessions que la Corée du Nord a réclamées en échange d’une négociation sur ses armes nucléaires.
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Moon a également offert quelques carottes capitalistes pendant les pourparlers, rappelant à M. Kim que la Corée du Sud avait promis, au cours des années passées, d’énormes investissements pour aider à améliorer les systèmes routiers et ferroviaires du Nord. Ces accords n’ont finalement pas été respectés car le Nord persistait à mettre au point des armes nucléaires.
Les articles ci-dessus ont été publiés dans le New York Times du 13 décembre 1991, du 15 juin 2000, du 5 octobre 2007 et du 27 avril 2018.
Il ressort clairement des citations ci-dessus que l’enthousiasme suscité par un tel sommet n’est pas nouveau. Alors, qu’est-ce qui rend celui-ci particulier ?
- La Corée du Nord a un nouveau dirigeant qui a prouvé qu’il peut tenir ses promesses et qu’il les tiendra. Sous sa direction, le programme nucléaire de la Corée du Nord a atteint le stade souhaité et a amené les États-Unis à la table des négociations. Mais Kim Jong-un garde des portes ouvertes. Le sommet intérieur coréen d’aujourd’hui n’a pas été retransmis à la télévision nord-coréenne, ce qui peut permettre à Kim de le désavouer plus tard.
- La Corée du Sud a un dirigeant qui est loin d’être un pion comme l’étaient ses prédécesseurs au moment de leurs rencontres avec les dirigeants nord-coréens. Les conservateurs et l’État profond de Corée du Sud aligné sur les États-Unis ont été vaincus par les immenses manifestations de 2016. L’actuel président Moon Jae-in n’en est qu’au début de son mandat et bénéficie d’un taux d’approbation de 75 %. Son parti a une forte avance sur l’opposition.
- La Corée du Nord est aujourd’hui un État doté d’une capacité nucléaire et de missiles intercontinentaux. Elle peut, pour la première fois, tenir tête aux États-Unis grâce à sa menace nucléaire. Cela incite, au moins dans une certaine mesure, l’administration Trump à chercher à sérieusement négocier, à trouver un accord pour contenir le danger potentiel et à s’y tenir.
- Trump a besoin d’un succès en politique étrangère. Il prévoit de rencontrer Kim Jong-un en mai. Trouver un accord avec la Corée du Nord, même restreint, au sujet des missiles intercontinentaux, pourrait l’aider à se faire réélire.
- Alors que l’objectif des États-Unis sera d’éloigner la Corée du Nord de la Chine et de la faire basculer dans le camp anti-chinois, cette tactique est susceptible d’échouer. La semaine dernière, un accident de bus a tué 32 « touristes » chinois en Corée du Nord. Kim Jong-un a personnellement rendu visite aux survivants blessés et les excuses qu’il a présentées à l’ambassadeur chinois étaient déférentes. La Chine est plus sûre d’elle-même que jamais et ouverte à une Corée réunifiée. Mais elle exigera le respect de ses intérêts et que la plupart des troupes américaines quittent le pays.
Alors que de nombreux intérêts, contrairement à autrefois, peuvent maintenant s’aligner et ainsi rendre un accord de paix plus probable, les fauteurs de troubles n’en demeurent pas moins là.
Le texte intégral de la Déclaration commune pour la paix de Panmunjeom, intitulé Prospérité et unification de la péninsule coréenne, n’est pas très différent des déclarations des sommets précédents. Mais l’un des points convenus est une pierre d’achoppement car elle contredit l’objectif de l’administration de Trump d’une dénucléarisation unilatérale de la Corée du Nord :
La Corée du Sud et la Corée du Nord ont convenu de procéder à un désarmement progressif, à mesure que les tensions militaires s’atténuent et que des progrès substantiels sont réalisés dans le renforcement de la confiance militaire.
Un « désarmement progressif » signifie qu’un nombre important de troupes américaines devront quitter la Corée du Sud avant que le Nord ne renonce à toute capacité nucléaire significative.
(S’il y a une chance d’une éventuelle réunion du Nord et du Sud, une Corée unie pourrait bien préférer conserver des armes nucléaires. Il y a la Chine armée nucléaire au nord et il y a l’ancien seigneur colonial, le Japon, qui a les matériaux et les capacités nécessaires pour produire ses propres armes nucléaires en très peu de temps).
On observe au moins trois points d’achoppements potentiels supplémentaires :
- Le Premier ministre japonais, Abe, n’aimera aucun accord en faveur de la Corée. Le peuple coréen déteste le Japon et une Corée unie en ferait un concurrent politique, économique et militaire puissant.
- John Bolton, le conseiller en matière de sécurité nationale de Trump, préfère un « changement de régime » violent à tout accord avec le Nord. Il soutient les négociations qui, selon lui, échoueront et ne sont qu’un prélude nécessaire à la guerre.
- L’armée américaine et son complexe industriel voudront garder leurs forces en Corée et cette position stratégique hostile contre la Chine.
Ces trois joueurs ont la capacité d’organiser des attaques sous faux drapeaux qui risquent de saboter tout progrès.
Il y a un nouvel élan en Corée qui rend un accord de paix, et même une réunification, plus possible que jamais auparavant. Mais les intérêts de différents partis étrangers risquent de ne pas être suffisamment satisfaits pour permettre une véritable percée.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.