Par James Howard Kunstler – Le 24 avril 2017 – Source kunstler.com
Alors que j’écris ces mots, le marché boursier français (le CAC 40), fait un grand bond (en hausse de 4,5%) pour célébrer le terrassement supposé par Emmanuel Macron du dragon Marine Le Pen. Mais ce n’était que le premier tour de cet intéressant système électoral français. Considérons que deux autres candidats éliminés, Messieurs Fillon et Mélenchon, ont obtenu près de 40% des votes. Sommes-nous si sûrs de savoir où se reporteront leurs électeurs, lors du deuxième et dernier tour dans deux semaines ?
Je soupçonne que la plupart des Américains – même ceux qui suivent Rachel Maddow – s’intéressent autant à la politique française qu’au calcul différentiel. Macron, 39 ans, est une ardoise vierge. Il a été ministre des Finances sous l’actuel président François Hollande, du Parti socialiste, mais a déclaré lors de la campagne électorale qu’il n’était pas socialiste. Il voulait seulement servir son pays, et cette fois il a couru sous sa propre bannière, En Marche ! Il semble représenter la continuation des affaires courantes avec l’Union européenne, ce qui paraît le mettre du mauvais côté de l’Histoire à ce moment crucial – si vous supposez, comme je le fais, que l’UE est tellement criblée de contradictions financières sans espoir et de tensions politiques centrifuges, qu’il est peu probable de la voir survivre.
Pourtant, de toute évidence, les gens hésitent à changer le système dans lequel ils vivent. Marine Le Pen veut exploser l’UE, en particulier la bureaucratie logée à Bruxelles, qui est devenue un monstre autonome et s’auto-perpétuant. L’explosion de l’UE entraînerait nécessairement, semble-t-il, la fin de la Banque centrale européenne, et avec elle les escroqueries et les schémas de Ponzi qui ont donné une apparence de normalité, en dépit d’un taux de chômage officiel de 10,5% en France et d’une suite constante de massacres de la population par des djihadistes locaux d’une sorte ou d’une autre, certains d’entre eux perpétrés par des réfugiés radicaux admis à entrer grâce à la politique de l’UE.
Macron pourrait servir les intérêts de l’État profond américain, qui est déterminé à créer un tampon entre l’Europe et le bloc économique russo-sino-iranien avec cette « Route de la Soie », qui consoliderait le commerce dans l’hémisphère oriental. Les États-Unis veulent que l’« Occident » reste ce qu’il était depuis soixante-dix ans : une place sous domination. Même si les conditions sous-jacentes étaient demeurées identiques, cela aurait pu ne pas être possible.
Mais ces conditions sous-jacentes ont changé, et de telle manière qu’une grande partie des manœuvres politiques à travers l’Occident ne peuvent pas modifier, voire comprendre, par exemple, l’incapacité de ces économies industrielles matures de grandir. Cela dépend en grande partie de la fin de l’énergie bon marché. Malheureusement, l’absence de croissance ne présage pas la stagnation mais l’effondrement, car la société ne génère plus suffisamment de richesses nouvelles pour payer ses dettes.
Maintenant, nous avons vu une manifestation assez impressionnante de nations avancées jouer à des jeux financiers pour couvrir cette condition corrosive. Mais la malhonnêteté à l’œuvre est assez évidente, et le problème de la malhonnêteté dans les affaires financières est qu’elle représente l’irréalité. L’élan accumulé de différentes façons avec des sommes colossales d’argent a permis à une fausse vérité de régner dans la finance internationale pendant un certain temps. Mais cela se termine maintenant. La réalité ultime, les politiciens et les économistes vont bientôt la découvrir, c’est que vous ne pouvez pas créer votre propre réalité.
Donc tout ce que vous pensez maintenant sur les élections en France, ou le destin de l’UE, est susceptible de changer, à mesure que cette énorme dette nous retombe dessus finalement et que tout à coup, chaque nation doive se battre désespérément pour garder ce bricolage debout. Ce moment magique est peut-être pour cette semaine, car le Congrès américain revient de ses vacances de Pâques pour faire face à son budget et au dilemme du plafond de la dette. Si la solvabilité de ce pays prend un mauvais tournant, cela va contrarier le système monétaire mondial. En fait, il va déchirer l’espace-temps financier, dans lequel la valeur présumée de toutes sortes de choses représentées sur du papier et des ordinateurs disparaîtra et ne sera plus jamais revue.
James Howard Kunstler
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par M pour le Saker Francophone