Comment fabriquer un trident ukrainien


Par Dmitry Orlov – Le 20 Février 2024 – Source Club Orlov

Le symbole national de l’Ukraine est le trident. Il est dérivé des armoiries des Vikings de la dynastie des Rürik, qui ont régné sur quelques villes russes il y a plus de mille ans. Il est appelé « trizúb » en russe ou « tryzúb » en ukrainien. Il existe aujourd’hui une blague à ce sujet, qui s’énonce comme suit : « Comment fabrique-t-on un trident ukrainien ? Vous dites à un soldat ukrainien de lever les bras en l’air et de se rendre ». Le commandement sonne comme « Zrobee tryzoob ! » en ukrainien.

La semaine dernière, de nombreux soldats ukrainiens ont eu l’occasion de « fabriquer un trident » en se rendant à Avdeyevka, une banlieue de Donetsk et le site de la plus grande cokerie d’Europe. (Le coke en question est un produit à base de charbon utilisé dans la fabrication de l’acier, et non la boisson sucrée ; un haut fourneau nécessite quelque 650 kg de coke pour produire une tonne d’acier). Au cours des dix dernières années, les nazis ukrainiens ont utilisé quotidiennement Avdeyevka pour bombarder les quartiers civils du centre de Donetsk, qui ne sont qu’à 10 km de là.

Ils l’ont fait pour deux raisons : premièrement, parce que ce sont des terroristes et que les terroristes s’attaquent aux civils ; deuxièmement, parce que la plupart de leur artillerie est trop usée et trop imprécise pour causer des dommages à des cibles militaires, alors que frapper des immeubles d’habitation, des écoles, des hôpitaux et des centres commerciaux n’exige pas une grande précision. (Si vous souhaitez contester tout cela, il existe de très nombreuses archives de preuves médico-légales que vous pouvez consulter). Les attaques terroristes contre Donetsk ont fait du délogement des Ukrainiens d’Avdeyevka une priorité absolue et, maintenant que c’est fait, le nombre de civils tués dans cette ville sera certainement beaucoup moins élevé.

Ni les milices populaires de Donetsk, ni les Russes qui les ont rejointes en février 2022, n’avaient pu déloger les Ukrainiens d’Avdeyevka, car il s’agit peut-être de la forteresse la plus lourdement renforcée au monde, avec des bunkers et des tunnels spécialement construits pour résister à l’artillerie et qui ont nécessité des milliers de tonnes de béton armé. Pour les démanteler, il fallait procéder à des bombardements aériens, mais les Ukrainiens disposaient de défenses aériennes qui rendaient les bombardements directs très risqués.

Les Russes ont alors trouvé une solution : ils ont fait voler leurs bombes, dirigées par navigation satellite. Il n’est pas nécessaire de fabriquer de nouvelles bombes : des stocks gigantesques ont été accumulés à l’époque soviétique et sont toujours en place. La vieille bombe est fixée sur un avion de chasse, puis une boîte en aluminium estampé à l’aspect disgracieux est attachée sous la bombe. Le jet monte à une altitude élevée, bien en dehors de la portée des systèmes de défense aérienne ukrainiens, puis libère simplement la bombe. L’engin attaché à la bombe fait alors apparaître deux petites ailes. La bombe se retourne puis suit une trajectoire à l’aide du satellite et se dirige vers la cible, l’atteignant avec précision et la réduisant en ruines.

Les Américains disposent d’un engin similaire, appelé JDAM. Il s’agit d’une bombe planante fabriquée sur mesure qui coûte plusieurs bras et jambes et qui est, inévitablement, en pénurie, alors que les Russes disposent de toutes les bombes dont ils pourraient avoir besoin et qu’ils fabriquent maintenant les unités de navigation par satellite et de planage par milliers. De plus, ces unités ne se soucient pas vraiment de ce à quoi elles sont attachées : pratiquement toutes les grosses bombes volent parfaitement avec elles. L’une des préférées est la FAB-500. Pesant une demi-tonne, elle peut démolir à peu près n’importe quoi et, lancée à une altitude de 12 km et à une distance de 50 km en spirale à 1 900 km/h, elle est impossible à intercepter pour les Ukrainiens. En frappant la terre, elle crée un cratère de 8,5 m de diamètre et de 3 m de profondeur.

Comme le dit l’adage, si la force brute ne fonctionne pas, c’est qu’elle n’est pas suffisamment utilisée. Et les Russes en ont certainement utilisé suffisamment à Avdeyevka – de l’ordre de plusieurs centaines de FAB-500 lors d’une journée bien remplie. Privés de leur forteresse, les Ukrainiens survivants ont fui à pied à travers des champs boueux. Les commandants ukrainiens ont alors fait un dernier effort : ils ont pris les restes du régiment Azov, y ont ajouté le nombre de jeunes combattants valides qu’ils pouvaient dénicher et les ont envoyés dans les tunnels sous la cokerie mentionnée plus haut. Les plans de leurs commandants ne sont pas clairs. S’agissait-il de rejouer la reddition du régiment Azov à l’aciérie de Mariupol ? Si oui, dans quel but ? Quoi qu’il en soit, les membres du régiment Azov se sont révélés plus intelligents que leurs commandants et se sont simplement enfuis à pied.

Note du Saker Francophone

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Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Il vient d’être réédité aux éditions Cultures & Racines.

Il vient aussi de publier son dernier livre, The Arctic Fox Cometh.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

 

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