Acheteurs méfiez-vous : le marché des capitaux sens dessus-dessous


Wolf Richter

Par Wolf Richter – Le 18 mai 2015 – Source wolfstreet.com

Le vendredi – quand l’indice de la production industrielle de la Fed pour avril a enregistré sa cinquième baisse mensuelle consécutive, et lorsque l’Indice du Consommateur du Michigan a connu sa pire plongée depuis décembre 2012 – le S & P 500 a vacillé langoureusement dans une très étroite fourchette de prix, et certains achats de dernière minute l’on fait passer au vert, en hausse de 1,6 points, à un nouveau plafond, après avoir établi un record d’une manière similaire jeudi.

Depuis février, il a titillé une douzaine de fois le haut de son étroite fourchette de négociation, passant un tout petit peu au-dessus, de temps en temps, sans être en mesure d’émerger de façon convaincante. Mais il n’a pas baissé pour autant, plongeant faiblement avant de remonter d’un cran. Le tout sur un volume très faible. C’est comme si la volatilité normale avait été complètement bannie des indices boursiers.

Bien que ce genre de légère fluctuation soit en cours depuis des mois et aie bercé les investisseurs dans leur sommeil auto-satisfaits, pensant que la Fed interviendrait à la moindre incartade de l’indice S & P 500 pour sauver la journée, toutes sortes de troubles ont éclaté sur les obligations à long terme, sur les marchés des devises et des matières premières.

Le pétrole a plongé à un plus bas pluriannuels puis a rebondi et s’est un moment retrouvé 40% au dessus de son point le plus bas, avant de succomber une fois de plus à l’idée que, après tout, la surabondance mondiale de pétrole n’avait pas disparue comme par magie . Le minerai de fer et d’autres produits dans des marchés sur-approvisionnés sont aussi passés par des bas pluriannuels similaires et majestueux, et des sautes de courte durée.

Les devises, oh mon Dieu ! L’euro a plongé face au dollar puis a fortement augmenté à nouveau. Plus tôt cette année, le franc suisse a bondi de près de 30% en quelques minutes lorsque l’ancrage à l’euro a été aboli, puis a finalement reculé…pour remonter. D’autres devises se sont affaissées pour remonter en flèche, y compris le rouble russe.Et puis il y a les obligations souveraines de longue maturité , en particulier celles de la zone euro, et tout particulièrement les Bunds allemands. Il y a deux mois, leur rendement à dix ans était sur une tendance négative, dans un marché devenu infesté de risques, mais n’offrant aucun revenu en retour, suite à des années de pression sur les taux, exercée par la banque centrale, au laxisme de cette dernière qui s’est terminé avec un vrai QE [planche à billet, NdT].Lorsque le rendement allemand à 10 ans a atteint 0,05%, apparemment dans le but d’accompagner l’absurdité du rendement négatif en Europe, il se retourna soudainement. Les prix des obligations ont chuté et les rendements ont grimpé. Les traders qui avaient poussé les feux de la locomotive du train du QE à la sauce BCE, ont soudainement sauté des wagons pour se précipiter avec fureur sur l’affaire de leur vie. Ceux qui se sont retrouvés du mauvais côté ont perdu beaucoup d’argent dans leur hâte.Cela arrive quand tout le monde, depuis le sommet des banques centrales jusqu’au plus petit acteur du marché, s’inquiète au sujet de la liquidité sur les marchés obligataires, sachant que les acheteurs vont tout simplement s’évaporer, au prix courant, quand la vente commencera pour de bon, et il faudra les attirer en cassant les prix. Un scénario inquiétant pour les gens tracassés par l’instabilité financière comme on l’appelle dans le jargon de la banque centrale.

Et donc, Christine Hughes, présidente et stratège en chef des placements chez OtterWood Capital Management, a affiché le tableau ci-dessous dans ses Perspectives Macro-économiques hebdomadaires  pour démontrer l’impact des fluctuations sur quatre classes d’actifs différentes – les obligations souveraines, les devises, les indices actions et matières premières. Elle a écrit :

Je l’ai longuement parlé de la perte de liquidité sur les marchés, notamment les marchés obligataires, et un bon tableau (ci-dessous) a fait le tour du sujet cette semaine.

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La chose importante à considérer dans ce tableau est que les obligations et les devises (lignes bleue et rouge) sont plus volatiles que les actions (ligne noire).

Ceci est complètement à l’inverse de la façon dont les marchés de capitaux se comportent généralement. C’est la volatilité du marché boursier qui est bien connue et redoutée, mais nous voyons l’inverse se dérouler ….

Ceci est un autre aspect de la façon dont les banques centrales du monde entier faussent les marchés en gonflant les obligations par la compression des taux d’intérêt. Leurs politiques ont provoqué des bulles d’actifs et transformé les actions, normalement très volatiles, en une classe d’actifs optimiste, avec des investisseurs flottant complaisamment sur un nuage. Ces politiques ont ainsi introduit une volatilité époustouflante dans les devises et les obligations souveraines qui devraient être un îlot de stabilité.

Et Hughes avertit: «Les portes de sortie des marchés obligataires sont très petites. Acheteurs méfiez-vous.  »

Mais pas seulement les obligations. Les actions, l’art, le logement, les portefeuilles de milliards de dollars en capital des start-up… tout est dans collimateur.

Lire … Afraid of Losing Trillions, Wall Street Fights Fed Rate Hikes

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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