Syrie : l’armée reprend le nord-est du pays. Fin de l’isolation politique


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 28 décembre 2018

Les retombées de la décision du président américain Trump de se retirer de la Syrie se développent comme prévu.

Trump a annoncé un retrait rapide des troupes américaines de Syrie. Plus tard, il a parlé d’un processus contrôlé qui permettrait à la Turquie de prendre le contrôle des zones occupées par les États-Unis dans le nord-est de la Syrie. Ce plan, probablement initié par le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, est totalement irréaliste. Une occupation d’une telle ampleur, à laquelle s’opposeraient de nombreuses forces puissantes, n’est pas dans l’intérêt de la Turquie. Néanmoins, le président turc Erdogan utilisera la menace d’une invasion turque pour faire pression en faveur du démantèlement des forces kurdes du YPG, que les États-Unis ont formées et équipées.

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Ce matin, l’armée arabe syrienne (en rouge) a annoncé son entrée à Manbij, à l’ouest de l’Euphrate. Elle s’est établie sur la ligne de contact entre les forces soutenues par la Turquie (en vert) et le YPG kurde soutenu par les États-Unis (en jaune). Le drapeau syrien a été hissé à Manbij. Ce mouvement se déroule après le retrait volontaire des troupes américaines et de leurs mandataires kurdes de la région. Manbij était menacée par l’armée turque et les forces djihadistes qui la représentent. Pour empêcher un assaut turc, les groupes armés locaux, qui ont collaboré avec l’armée américaine, ont invité l’armée syrienne à prendre le pouvoir. Ce schéma se répétera ailleurs.

Une délégation kurde se trouve actuellement en Russie pour négocier une nouvelle prise en charge, par les forces gouvernementales syriennes, des provinces du nord-est, Hasaka et Qamishli, occupées par les États-Unis. Les Kurdes espèrent toujours une certaine autonomie par rapport au gouvernement syrien et que celui-ci leur permette de garder leurs forces armées. Mais ni Damas, ni personne d’autre, n’acceptera cela. Il n’y aura qu’une seule force armée en Syrie, l’armée arabe syrienne. Il est cependant possible que certaines unités kurdes y soient intégrées.

Une délégation turque est également à Moscou et Erdogan s’y rendra demain. La Russie s’est prononcée contre le plan américain visant à laisser la Turquie s’emparer du nord-est de la Syrie ou même de certaines parties du pays. Erdogan n’obtiendra pas le soutien de la Russie ou de l’Iran pour une telle initiative. En outre, on lui demandera de quitter les autres régions de Syrie que la Turquie occupe actuellement.

Les troupes américaines sont pour l’instant censées poursuivre l’occupation près de l’Euphrate, où la lutte contre les restes d’État islamique est en cours. Ils ne dureront pas longtemps. Trump a insisté, contre la volonté de ses militaires, pour se retirer complètement de la Syrie. Les personnes qui s’opposent à ce mouvement sont, ce n’est pas par hasard, les mêmes qui ont contribué à l’essor d’État islamique. Après la démission du secrétaire à la Défense, Mattis, les efforts des militaires pour retarder la retraite seront probablement vains.

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Pour couvrir le retrait de Syrie, l’armée américaine a établi deux nouvelles bases en Irak. Il s’agit également de positions de blocage destinées à empêcher un important trafic terrestre entre le Levant et l’Iran. Il est peu probable que les États-Unis occupent ces bases longtemps. Le parlement irakien est déjà en train de prendre des mesures pour expulser à nouveau toutes les forces américaines de son pays.

Ces initiatives militaires s’accompagnent de nouvelles mesures politiques qui rétablissent la Syrie en tant qu’État arabe pivot.

Hier, les Émirats arabes unis ont rouvert leur ambassade à Damas. Bahreïn suivra. Le Koweït rouvrira son ambassade en janvier. Oman n’a jamais fermé son ambassade à Damas. Parmi les pays du Golfe, seuls le Qatar, allié de la Turquie, et l’Arabie Saoudite ont encore à annoncer une reprise de leurs relations avec la Syrie. Avant le début de la guerre contre la Syrie, les EAU et d’autres pays du Golfe finançaient plusieurs grands projets d’investissement en Syrie. Ceux-ci seront relancés et aideront l’économie du pays à se remettre sur pied. L’Égypte devrait suivre le mouvement de ses sponsors du Golfe.

Cette stratégie des Émirats arabes unis vise à contrer l’ambition néo-ottomane de la Turquie. La Syrie est (à nouveau) considérée comme le rempart qui protège l’Arabie contre les maraudeurs turcs. Elle signale à la Turquie que toute tentative de s’emparer d’une plus grande partie de la Syrie se heurtera à la résistance des États du Golfe et peut-être même à celle de l’armée égyptienne. L’Égypte et la Russie font office de médiateurs entre les Kurdes et le gouvernement syrien.

Le mouvement arabe est également perçu comme un contrepoids à l’influence iranienne en Syrie. En cela, il échouera. La Syrie a été sauvée d’une attaque fatale contre elle par l’intervention de l’Iran. C’est le général iranien Soleimani qui a convaincu la Russie d’envoyer des troupes en Syrie. C’est l’Iran qui a dépensé des milliards pour soutenir le gouvernement syrien tandis que les Arabes du Golfe dépensaient encore plus pour le faire tomber. La Syrie n’oubliera pas qui sont ses ennemis et qui sont ses vrais amis.

Les liaisons aériennes entre Damas et les pays arabes sont rétablies. La semaine dernière, une liaison directe avec la Tunisie a été réouverte. En janvier, Gulf-Air, la compagnie aérienne officielle de Bahreïn, proposera à nouveau des vols au départ de Damas. La Ligue arabe, qui a expulsé la Syrie en 2012, l’invitera à revenir. La Syrie pourrait bien accepter l’offre, mais seulement en échange d’une importante compensation.

Une attaque aérienne israélienne contre des installations militaires syriennes, le 25 décembre, a largement échoué. Les avions de chasse israéliens ont tiré quelque 16 missiles à distance de sécurité depuis l’espace aérien libanais. Ils se sont lâchement cachés derrière deux avions de ligne commerciaux qui se dirigeaient du Golfe vers l’Europe. Il était donc impossible pour la défense aérienne syrienne de cibler directement ces avions israéliens. La plupart des missiles israéliens ont été détruits par les défenses aériennes syriennes à courte portée. Un missile syrien a été tiré directement contre Israël, un rappel que de nouvelles règles d’engagement, celles annoncées, ont été établies. Les attaques directes contre la Syrie seront répliquées par des attaques directes contre Israël. Le tir du missile a mis fin à l’attaque israélienne.

Israël, comme d’autres, apprendra que toute nouvelle attaque contre la Syrie est futile et n’amènera qu’à des représailles efficaces. La guerre contre la Syrie, bien qu’elle ne soit pas encore terminée, s’achève. L’isolement politique de la Syrie prend fin. Ceux qui insistent pour continuer sur cette voie seront finalement perdants.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone

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