Par Pavel Polityuk – Le 12 mai 2016 – Source Swiss Info
KIEV (Reuters) – Jeudi dernier, les députés ukrainiens ont nommé un proche allié du président Petro Porochenko, qui n’a aucune formation juridique, comme procureur général. Une position considérée comme cruciale par l’Occident, qui espère que Kiev lutte contre la corruption enracinée dans le pays.
Aux cris de honte, lancés par certains législateurs, Porochenko a répondu au Parlement que son allié, Iouri Loutsenko, ancien ministre de l’Intérieur et chef du groupe parlementaire de Porochenko, allait renforcer la confiance du public envers le travail des procureurs.
Cette nomination risque de décevoir la Commission européenne qui, comme les États-Unis et le Fonds monétaire international, a lié l’aide financière à l’Ukraine à la performance de Kiev en matière de lutte contre la corruption et à la poursuite des réformes. Bruxelles avait exhorté Porochenko à nommer quelqu’un considéré comme indépendant et ayant une formation juridique.
Le vote a coïncidé avec la visite d’une mission du FMI à Kiev, pour des discussions sur le versement d’une tranche d’aide de $1,7 milliard.
Porochenko a annulé un voyage à un forum anti-corruption à Londres cette semaine, pour se concentrer sur la nomination du nouveau procureur général et pour passer les réformes nécessaires à convaincre le FMI que Kiev est sérieux dans la relance de son programme de réforme qui a tendance à s’enliser.
Les législateurs venaient de passer une loi supprimant l’amendement statuant que seule une personne ayant une formation juridique peut remplir un tel poste.
Loutsenko a déclaré au parlement qu’il était désireux de «briser l’actuel système, inefficace et en partie criminel».
Porochenko a d’abord évincé l’ancien haut procureur, Viktor Chokine. Mais son travail était déjà largement critiqué pour ses entraves aux réformes anti-corruption.
Leonid Kozachenko, un député de la faction de Porochenko, a déclaré à Reuters qu’il s’attendait à ce que l’UE fasse preuve d’un «manque de compréhension» face à cette nomination, tout en ajoutant : «Mais, je l’espère, ce conflit disparaîtra lorsque Loutsenko lancera de vraies enquêtes.»
Faire semblant de travailler
Loutsenko était une figure de la Révolution orange de 2004, qui a bloqué la première tentative de Viktor Ianoukovitch d’accéder à la présidence, mais fut une victime de la politique de vengeance que ce dernier a appliquée lorsqu’il a finalement pris le pouvoir en 2010.
Il a été emprisonné pour détournement de fonds et abus de pouvoir, même si ses défenseurs disaient que la sentence était politiquement motivée. Il a été libéré en avril 2013 pour raisons de santé.
Après la révolte du « Maidan » qui a renversé Ianoukovitch, en février 2014, et a marqué le début d’une politique pro-occidentale, Loutsenko a rejoint le bloc politique de Porochenko.
Sa carrière a eu des moments hauts en couleur. En mai 2009, il a démissionné de son poste de ministre de l’Intérieur, après avoir été arrêté par la police à l’aéroport de Francfort, en état d’ivresse et se comportant de façon désordonnée, bien que le ministère ait nié l’incident.
«Il ne fera que faire semblant de travailler», a déclaré Egor Sobolev, un député du parti réformiste Samopomich, qui a quitté la coalition au pouvoir cette année. «L’idée de base est de veiller à ce que rien ne soit fait. Il est clair que les oligarques seront intouchables, que les unités de base de la cleptocratie dans le (service de sécurité) SBU, les tribunaux et les bureaux du procureur ne seront pas changés ».
Traduit par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone.
Ping : Revue de presse inter. | Pearltrees