Le ministre de l’Économie dénonce ses collègues corrompus… puis claque la porte du gouvernement.
Par Alexander Mercouris – Le 3 février 2016 – Source Russia Insider
Aivaras Abromavicius, le ministre de l’Économie, d’origine étrangère, annonce brutalement sa démission lors d’une conférence de presse où il accuse ses collègues de bloquer les réformes et de faire pression sur lui pour qu’il nomme des responsables corrompus proches de divers oligarques
Abromavicius était l’un des experts étrangers qui ont rejoint le gouvernement en 2014 et ont pris la nationalité ukrainienne au cours du processus. Il est lituanien. L’autre expert d’origine étrangère qui occupe une position élevée dans le gouvernement est la ministre des Finances Jaresko, qui est citoyenne des États-Unis.
Abromavicius a démissionné de manière mélodramatique, en dénonçant ses collègues du gouvernement lors d’une conférence de presse à Kiev.
«Mon équipe et moi n’avons aucune envie de servir de couverture à la corruption éhontée, ni être les marionnettes de gens qui veulent prendre le contrôle sur les fonds de l’État dans le style de l’ancien gouvernement. […] Je ne veux pas aller à Davos et leur parler de nos réussites alors que les questions sont tranchées dans notre dos dans l’intérêt de certaines personnes.»
Il a très précisément dénoncé Igor Kononenko, un proche associé de Porochenko, pour avoir exercé des pressions sur lui afin qu’il nomme, contre sa volonté, des députés qui assureraient à des personnages puissants la garantie de pouvoir continuer à profiter de la corruption dans les secteurs de l’énergie et de la défense.
La démission d’Abromavicius intervient sur fond de désillusion croissante, à la fois en Ukraine et en Occident, face à l’échec du gouvernement post-Maïdan à éradiquer la corruption. Au contraire, le consensus affirme que depuis la chute de Ianoukovitch, la corruption en Ukraine a nettement empiré.
Une raison peut-être même encore plus urgente – bien que non déclarée – à la démission d’Abromavicius est que le FMI, préoccupé lui-même par la situation en Ukraine et par la plainte de la Russie, devient de plus en plus réticent à allouer de nouveaux fonds. Si ces fonds ne sont pas versés, l’Ukraine devra faire défaut sur sa dette à l’Ouest, comme sur sa dette à la Russie, et la ministre des finances Jaresko dit que ce sera une catastrophe.
La démission d’Abromavicius est un coup sérieux, mais pas rédhibitoire, pour le régime de Maïdan. Comme outsider, il n’était pas politiquement important en Ukraine elle-même. Pourtant, il donnait à l’Occident l’assurance de l’engagement de l’Ukraine à se réformer, et sa démission va en faire douter.
La façon dont Abromavicius a démissionné, dénonçant ses collègues de bloquer les réformes et de corruption, ébranlera inévitablement la confiance en Porochenko – qui l’a nommé, à l’origine – et confirmera ce que les Ukrainiens pensent de la corruption de leur gouvernement.
D’une manière ou d’une autre, Abromavicius ne veut visiblement pas être à bord de ce qu’il pense clairement être un navire en perdition.
Alexander Mercouris
Traduit par Diane, vérifié par jj, relu par Nadine pour le Saker francophone
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