Suite à son appel à l’ émigration lancé à notre communauté
par Sayed 7asan
Imran Hussein est parfois présenté comme un savant de l’Islam spécialiste de « l’eschatologie », et portant un regard éclairé sur l’actualité internationale qu’il analyse au regard des sources théologiques. Sans récuser l’intérêt que peuvent présenter certaines de ses analyses, quiconque a des connaissances islamiques un tant soit peu sérieuses peut affirmer avec certitude que sa légitimité, son autorité et le sérieux de ses travaux d’exégèse et de ses analyses théologiques sont nuls et contredisent bien des enseignements fondamentaux de l’Islam. Cette lettre ouverte sera une première esquisse, un premier jalon dans un effort visant à le démontrer à tous ceux qui n’en sont pas convaincus en écoutant ses divagations. Elle sera suivie par d’autres écrits et documents plus ciblés et plus synthétiques, et par la traduction d’un récent discours religieux de Sayed Hassan Nasrallah consacré à l’eschatologie islamique authentique dans son rapport à l’actualité internationale et à la fin des temps. Sayed Hassan Nasrallah y dénonçait notamment, en s’appuyant sur des preuves qui font l’unanimité des écoles de l’Islam et de toute personne rationnelle, les dangers représentés par les prédicateurs qui prétendent connaître l’avenir, dont Imran Hussein est un parfait exemple (pour les arabophones, voir dès à présent ici et ici).
Cet appel à la hijra, ou « émigration », lancé aux musulmans français du fait de leur situation en France et de ce que les événements actuels peuvent laisser présager d’après lui, est absolument insensé, scandaleux et irresponsable, et même franchement grotesque – et c’est une évidence, que l’on se base sur des critères rationnels, moraux ou religieux –, au point qu’un tel individu ne devrait pas même recevoir la moindre considération, et encore moins motiver un long effort de réponse qui consistera nécessairement en un égrenage fastidieux de truismes. Mais le contexte étant ce qu’il est, Imran Hussein étant considéré par d’aucuns comme une autorité, et son premier appel ayant malheureusement été relayé par plusieurs sites d’information alternatifs sans les avertissements et caveat nécessaires (par légèreté, imprudence ou ignorance, voire, on a parfois pu le craindre, dans un agenda politique de couleur brun – bleu marine), ce qui lui a permis de dépasser les 150 000 vues (toutes sources confondues), sans qu’il ait suscité de réponse formelle et publique à notre connaissance, cette démarche peut ne pas être inutile.
Pour conclure, je précise que je ne prétends pas m’exprimer au nom de tous les musulmans de France : j’ai moi-même trop souffert d’entendre des voix dépourvues de toute légitimité (autoproclamées ou nominées d’en haut et/ou d’en dehors de notre communauté à des fins de contrôle, d’infantilisation et même d’humiliation) s’exprimer en mon nom et proférer des insanités et même des infamies. Je ne prétends pas à l’adhésion de l’ensemble de la communauté musulmane française au fond et à la forme de tous les points avancés ci-dessous, mais je suis convaincu du fait que mon analyse est bien plus conforme au bon sens, au droit moral et positif, aux lois divines, à la réalité de la situation en France et dans le monde et au sentiment de la grande majorité des musulmans français que ne le sont les élucubrations charlatanesques d’Imran Hussein.
Voir la première partie de cette lettre : Lettre ouverte à Imran Hussein, par un musulman français (1/2)
La Russie face à l’Empire
Vous n’apportez pas le moindre élément de preuve pour appuyer vos prédictions invraisemblables, sinon sous la forme d’un paralogisme, à savoir la référence à l’impérialisme américain et à la Russie qui se dresse face à son hégémonie. Quand bien même cette analyse géopolitique serait pertinente – et j’y souscris du reste dans une grande partie – cela n’aurait aucune incidence sur la validité de votre message principal au sujet de la situation des musulmans en France et de vos exhortations à l’émigration. Si vous poussez les gens au suicide en arguant du fait que le soleil se lève à l’Est, le fait que cette dernière proposition soit incontestablement vraie n’accorde aucun poids à la conclusion que vous en tirez, qui n’a absolument rien à voir avec le constat de départ.
L’Empire américain est effectivement déterminé à imposer son hégémonie partout dans le monde, et à écraser toute résistance, surtout celle de la Russie et de la Chine, qui sont ses principaux adversaires (mais on pourrait encore citer l’ensemble des BRICS, l’Iran, la Syrie, certains pays d’Amérique latine, etc.). Certes, l’Empire américain est criminel et vise à une domination sur toute la planète, et il est prêt à écraser quiconque se dresse sur son passage, sans la moindre considération d’ordre moral ou humanitaire. Mais en quoi cet Empire est-il plus impitoyable que ceux qui l’ont précédé, ou que ceux qui vont probablement le suivre ? Tout tyran, tout Empire, depuis Adam (as), n’a reculé devant aucun massacre, aucune atrocité pour assouvir ses désirs hégémoniques. Le fait que les impérialistes sont des barbares est un truisme (Che Guevara le dénonçait déjà en des termes éloquents), et présenter le degré de cruauté de cet Empire comme sans précédent est infondé, car il en a toujours été ainsi (Romains, Croisés, Mongols…). Prétendre que nous sommes au pire endroit au pire moment pour nous pousser à fuir comme des rats – et veuillez m’excuser, mais je ne vois pas comment je pourrais le formuler autrement – n’est qu’une extrapolation gratuite, un effet dramatique dénué de toute réalité. Peut-être vaudrait-il mieux que nous soyons à Tripoli ou à Benghazi ? A Bagdad, à Mosul, à Kobane ? A Raqqa, à Deir-al-Zurr, à Homs ? Dans le Donbass, à Slaviansk, à Marioupol ? Je dirais même que ce qu’ont souffert les musulmans des premiers temps de l’Islam entre les mains des Quraysh est bien pire que tout ce que peuvent et pourront jamais nous faire subir les Etats Français et Occidentaux (bien évidemment, je parle du traitement qui peut être réservé au sein d’un pays, à des concitoyens, du simple fait de leur foi, et non pas des guerres meurtrières qu’ils peuvent mener à l’extérieur pour bien d’autres raisons). Ce qui est effectivement différent aujourd’hui est l’ampleur de la confrontation (politique, médiatique, culturelle et militaire), la puissance de destruction et le risque de guerre nucléaire, mais il serait grotesque de croire qu’on pourrait fuir un tel Armageddon. Au contraire, on a bien vu en Irak, en Libye et en Syrie que c’est justement dans « nos » pays qu’il y a un grand risque de mort et de destruction à une échelle massive, que ce soit par des armes et armées conventionnelles ou non conventionnelles. Par conséquent, même dans le cadre hautement improbable d’une guerre ouverte contre l’Islam et les musulmans, nous serions bien plus en sécurité en France que dans « notre » pays d’origine où nous nous constituerions en cible de choix face à des criminels de guerre génocidaires dont les principes n’ont guère évolué depuis Dresde, Hiroshima et Nagasaki.
Du reste, le fait même que la Russie ait justement la volonté et la capacité de tenir tête à l’impérialisme américain entraine d’après moi des conclusions exactement opposées à celles que vous tirez, ce qui pourrait expliquer pourquoi vous n’avez pas établi de lien entre les deux parties de votre intervention. Le fait que la Russie puisse résister victorieusement à l’Empire, cette Russie qui défend le droit international et la diversité du monde, cette Russie qui est venue en aide à la Syrie (et a peut-être ainsi empêché une guerre mondiale) comme aux innocents du Donbass, et qui considère très certainement l’Islam et les musulmans comme des alliés, constitue un facteur qui, au contraire, doit nous pousser à rester en France et à y être de plus en plus visibles, actifs et revendicatifs. Car de même que les musulmans ont pu authentiquement s’intégrer à la Russie malgré les tempêtes suscitées par l’Occident en Tchétchénie, comme l’a montré l’exemple des Kadyrov, nous pourrons nous « intégrer » authentiquement (et non pas nous « désintégrer » à la française) partout dans le monde multipolaire et multiculturel de demain, où que nous soyons. « L’Empire du mal » – qui a créé le choc des civilisations de toutes pièces – est en train de s’effondrer, ses vassaux (dont la France) suivront irrémédiablement, et les forces émergentes sont attachées aux valeurs traditionnelles défendues par Vladimir Poutine, tout comme les musulmans : nous serons donc triomphants où que nous soyons si, comme vous le dites (et comme je le crois et le souhaite), l’Empire Chrétien d’Orient devait être proclamé victorieux de la guerre que l’Occident lui impose.
Ainsi, étant donné l’état des forces en présence, que ce soit à l’échelle nationale ou internationale, il est pour ainsi dire impossible qu’un projet tel que celui que vous envisagez en France puisse réussir. Si on devait effectivement rejouer les années trente avec les musulmans dans le rôle des boucs émissaires, et une conflagration générale entre l’Occident et l’Orient, je soutiens, avec certitude et tout comme vous, que l’Occident ne peut pas l’emporter, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Aucune des mesures concentrationnaires ou génocidaires impensables contre lesquelles vous nous avertissez ne pourraient être couronnées de succès face à des millions de citoyens qui ne sont nullement disposés à se laisser faire, ni même toutes les autres catégories de populations qui s’élèveront contre ce projet. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, les conditions actuelles sont bien différentes que celles des années 1930, dans lesquelles le fascisme avait le vent en poupe et était victorieux partout. Aujourd’hui, l’impérialisme et son avatar qu’est l’extrémisme, politique ou religieux, dont les néo-nazis en Ukraine ou l’Etat Islamique au Moyen-Orient sont des expansions, sont en déclin.
En aucun cas ce ne sera la lutte des musulmans contre les non-musulmans, mais la lutte de ceux qui sont attachés à leur identité et à leur dignité, à leur patrie, à leur souveraineté et aux valeurs traditionnelles, à une société multiethnique et à un monde multipolaire régi par le droit international d’un côté, contre les vassaux de l’Empire de l’autre. Comme toutes les guerres qui ont précédé, ce ne sera pas une lutte avec des lignes de démarcation ethniques ou religieuses, mais politiques, économiques et sociales. Les gens peuvent à la rigueur fuir lorsqu’ils sont sur le point d’être vaincus et annihilés, mais certainement pas lorsqu’ils ont le vent en poupe et que leurs ennemis sont en phase de déclin. Personne n’a le couteau sur la gorge, et même là où c’est le cas comme en Syrie ou en Irak, ce qui ne peut pas arriver ici, ceux qui restent pour lutter tomberont en patriotes et en martyrs, ou seront victorieux, car la victoire finale est certaine.
Qu’est-ce que l’eschatologie islamique ?
Il est regrettable que vous ne preniez pas même la peine de préciser la nature de la menace qui pèserait sur nous – ce qui nous attend selon vous, comment, quand et pourquoi cela va advenir – ou d’en apporter des éléments de preuves recevables. Nous n’avons aucune description de vos présages oraculaires qui ne sont ni étayés, ni justifiés, laissant simplement planer une atmosphère d’Apocalypse visant à inspirer la peur et même la terreur, car seul l’Armageddon pourrait justifier un tel appel au « sauve qui peut ». Mais Dieu merci, nous sommes des personnes raisonnables, et nous ne croyons personne sur parole, surtout lorsqu’il s’agit d’exhortations sinon fanatiques, du moins radicales. Bien plutôt, nous suivrons l’injonction coranique : « Dis : Produisez donc vos preuves, si vous êtes véridiques. » (Coran, XXVII, 64).
Vous rendez la hijra obligatoire sans l’autorité nécessaire, sans que les conditions soient réunies – que ce soit au lieu de départ ou aux lieux de destination. Cela me semble absolument scandaleux, et j’aimerais vous demander, puisque vous ne l’avez pas fait, de bien vouloir nous indiquer vos sources. Car vous vous exprimez comme si vous teniez vos informations d’une science exacte, ou d’une autorité infaillible, divine – et encore, les Prophètes mêmes ne se comportaient certainement pas comme vous –, alors qu’il ne s’agit que d’analyses et d’interprétations de votre part qui sont hautement contestables, même s’il vous arrive d’avancer des traditions prophétiques et des versets coraniques que vous interprétez à votre guise, votre opinion étant pour ainsi dire unique au sein de la communauté musulmane. Ce que vous présentez comme la lutte ultime entre Gog et Magog n’est qu’une interprétation qui vous est propre et qui n’est guère répandue dans la communauté des savants de l’Islam, dont la plupart considèrent que Gog et Magog sont les Mongols, qui ont dévasté Bagdad en 1258 (un événement bien plus assimilable à l’Armageddon que ce que nous pouvons actuellement voir et prévoir), et la fin du monde pourrait tout aussi bien être dans 50, 500 ou 5000 ans, ou bien plus encore. Quelle autorité reconnue de l’Islam partage vos vues et accepte vos verdicts ? L’ONU ? D’où tenez-vous donc vos informations concernant la fin des temps prochaine, ou la politique concentrationnaire qui doit être mise en œuvre en France de manière imminente contre nous ? Les avez-vous lues dans quelque arcane, tel un haruspice, ou dans les étoiles ? Ce n’est pas même une exagération de ma part, car vous avez révélé, dans une conférence récente ou vous prédisiez une guerre nucléaire[1] imminente, dans moins de 5 ans, que vous l’aviez vue dans vos rêves – et vous présentiez cela comme une révélation divine à transmettre à l’humanité, et comme un fait absolument indiscutable, ce qui prêterait à rire : le pseudonyme de l’un de vos principaux traducteurs français, Jean Rigolencore, suggère explicitement qu’il ne s’agit que d’une plaisanterie, d’une vaste supercherie. Pouvoir faire de telles prédictions supposerait que vous ayez : 1/ la faculté d’avoir des rêves prémonitoires (ce qui n’est pas en soi absolument impossible) ; 2/ la faculté de les interpréter avec justesse, ce qui, selon les enseignements de l’Islam, est une faculté réservée à certains Messagers divins, comme le montre l’exemple du Prophète Yusuf (as) interprétant le fameux rêve de Pharaon, dont tout le monde savait qu’il était prémonitoire, mais que personne d’autre que lui n’avait su interpréter justement. N’est-ce pas faire preuve de légèreté et d’aveuglement, sinon d’une arrogance insensée que de se parer ainsi des prérogatives des plus éminents des Prophètes (saas) ? Je vous répondrais par ces versets de la sourate 53, justement intitulée L’Etoile : « Mais ils n’en ont aucun savoir réel. Ils ne suivent que leurs conjectures, alors que la conjecture n’a aucune emprise sur la vérité » (Coran, LIII, 28).
Ces questions de divination de l’avenir et de la fin des temps sont des choses qui font partie de l’invisible (al ghayb), qui ne sont connues que d’Allah, et qu’Il ne révèle que partiellement à certains de ses Prophètes (as) : « [C’est Lui] qui connaît l’invisible. Il ne le dévoile à personne, sauf à celui qu’Il agrée comme Messager » (Coran, LXXII, 26-27). Le Prophète Muhammad (saas) lui-même disait que le savoir de ce qui adviendrait dans le futur était une des clefs de l’invisible connue de Dieu seul, qu’il s’agisse des événements de demain ou de la fin des temps, dont il ignorait le détail lui-même. « Dis : ‘Je ne vous dis pas que je détiens les trésors d’Allah, ni que je connais l’Invisible, et je ne vous dis pas que je suis un ange. Je ne fais que suivre ce qui m’est révélé.’ » (Coran, VI, 50). Comment pouvez-vous ignorer de manière si flagrante ces versets coraniques et ces traditions authentiques et être si catégorique dans vos prédictions ? Si vous maîtrisez suffisamment la langue arabe, je vous invite instamment à écouter cette conférence de Sayed Hassan Nasrallah (première et deuxième parties), où il parle très précisément des moyens et des limites de ce que nous pouvons, en tant que musulmans, connaître de l’avenir, notamment au sujet de la fin des temps, en référence aux diverses interprétations qui surgissent quant aux événements actuels. Sayed Hassan Nasrallah y évoque la responsabilité des savants et leur devoir de prudence et d’humilité afin de ne pas égarer les gens ou de s’égarer eux-mêmes.
L’Empire américain est en déclin et finira par s’effondrer (que Dieu fasse advenir cela de notre vivant !), emportant avec lui ses « valeurs » (qui sont toutes cotées en bourse), ses satellites et ses vassaux. Il ne dirigera plus le monde, ni de Washington, ni de Paris, ni même de Jérusalem, contrairement à ce que vous présentez comme une vérité acquise qui ne saurait convaincre que les ignorants, Israël étant voué à disparaître exactement comme l’Algérie française. Leur emprise est en train de s’affaiblir et non pas de se renforcer, et leur âge d’or est bel et bien révolu. En 1995, les Etats-Unis pouvaient dévaster l’Europe de l’Est via l’OTAN, mais en 2013, ils durent ployer piteusement face à la Russie sur la question syrienne et sont actuellement vaincus en Ukraine. En 1967, Israël pouvait écraser cinq pays arabes en six jours, mais en 2000 et en 2006, ils connurent une déroute contre la résistance islamique libanaise, et dernièrement, ils ont été vaincus à Gaza même. Les acteurs de ces victoires face à Israël, qui combattent sur le terrain depuis des décennies (Hezbollah, Iran, Syrie, Gaza), sont des gens raisonnables et lucides, ils ont une expérience que vous n’avez pas, et sont donc bien plus qualifiés que vous pour parler de la situation, qu’ils ne décrivent pas en d’autres termes, à savoir qu’Israël est dans sa phase de déclin et voué à disparaître prochainement, et certainement pas à dominer le monde. Même des intellectuels occidentaux de renom parlent de la « destruction finale » d’Israël comme d’un fait probablement inévitable. Des autorités religieuses Sayed Ali Khamenei, Ayatollah, ou même Sayed Hassan Nasrallah, Hojatolislam, sont en outre des savants de l’Islam de tout premier plan. Pourtant, lorsqu’ils parlent de développements géopolitiques futurs et d’eschatologie, ils le font avec beaucoup plus d’humilité que vous, rappelant les précautions élémentaires à prendre lorsqu’on propose des analyses politiques ou qu’on interprète les traditions prophétiques et versets coraniques consacrés à la fin des temps. Mais malgré leur autorité, ils ne se sont jamais exprimés avec suffisance, et ils n’ont jamais exprimé de mépris à l’égard de vos semblables. Je vous prie donc de ne pas parler avec condescendance de personnes qui sont certainement bien plus savantes et bien plus légitimes que vous.
La France devient-elle totalitaire ?
Nous ne sommes pas aveugles, et mesurons parfaitement la gravité de la situation actuelle, tout comme nous sommes conscients du fait que les choses vont très certainement aller en empirant, à l’instar de la crise économique et du déclin programmé de l’Europe, qui seront propices à bien des excès inconcevables auparavant. Nous voyons déjà cela avec des procédures judiciaires dictatoriales contre la liberté d’expression, et même parfois orwelliennes,les enfants de 8 ans n’étant pas épargnés par le risque d’une accusation d’apologie du terrorisme. Quiconque peut être arbitrairement soumis à une procédure abusive, et même à des peines d’emprisonnement, comme pour cette caricature qui a valu une inculpation à un lycéen de 16 ans. Et nous sommes nombreux à nous être exprimés publiquement sur cette affaire et à avoir relayé des opinions discordantes vis-à-vis des hurlements & bêlements politico-médiatiques, sans céder à cette campagne d’intimidation, et donc à être passibles de poursuites. Mais est-ce une raison pour fuir ? De telles atteintes au droit ne se retrouvent-elles pas dans la majorité des pays, qui restreignent tous autant que possible les libertés ? Tous les régimes politiques, à l’exception des gouvernements authentiquement démocratiques qui sont très peu nombreux, font la même chose avec tout opposant, toute voix dissidente qui peut représenter un danger pour leur domination. Pour le coup, c’est vrai de la majorité des pays d’Orient et d’Occident – et surtout de tous les pays où vous souhaitez nous renvoyer, prétendant que ce sont « nos » seuls et véritables pays. Tous les citoyens doivent s’y taire sur les questions jugées sensibles. Que quiconque essaie d’aller tenir un discours dissident dans le berceau de l’Islam, en Arabie Saoudite, et il verra ce qui va lui arriver – il risque d’être emprisonné, torturé et exécuté, comme c’est le cas au Bahreïn. Ils nous emprisonneraient seulement pour avoir fait des actes d’adoration recommandés par l’ensemble des écoles de l’Islam, mais interdits par le Wahhabisme. Ils interdisent de prononcer toute parole de vérité, et sont du reste, à mon sens, les plus grands ennemis de l’Islam, bien pires que les Etats-Unis ou Israël, car les ennemis les plus dangereux sont toujours les ennemis intérieurs, la cinquième colonne. Et bien entendu, d’un endroit à l’autre, les sujets « tabous » peuvent changer (ici en France, c’est tout ce qui concerne Israël, comme dans beaucoup d’autres endroits, bien qu’à un degré inégalé), mais on peut les résumer dans l’idée de tout discours « anti-système », quel que soit le système, car nos principes et notre religion nous opposeront toujours à tout « système », quel qu’il soit, le système se définissant comme le règne d’une oligarchie oppressante qui bafoue les intérêts légitimes de la majorité du peuple. Oui, ils veulent nous faire taire, nous « convertir » à leur mode de pensée unique de déchéance morale et de vassalisation, faire de nous des moutons, mais nous suivrons l’exemple de notre Prophète Muhammad (saas) et nous résisterons, portant hautement et fièrement nos valeurs saines contre leur « valeurs » décadentes.
Et quoi que vous disiez, nous ne sommes pas sous Saddam Hussein, ils ne s’en prendront pas physiquement à nous ou à nos proches, ni ne nous emprisonneront en masse dans des camps de concentration ou de rééducation, ni dans un nouveau Goulag, certainement pas dans un futur proche ni même lointain, du moins pas à la seule échelle nationale. Car si un projet concentrationnaire tel que celui que vous laissez entendre se produisait (une hypothèse insensée), ils viendraient nous chercher où que nous soyons. Ils ne nous tueront pas, ni ne tortureront nos familles sous nos yeux – même les Etats-Unis ne font pas ça sur leur territoire, mais dans d’autres pays, notamment des Etats vassaux arabes : vous nous demandez donc littéralement de nous mettre à la merci de nos ennemis. Ici, en France, nous sommes toujours dans un Etat de droit, bien qu’ils essaient de le rogner de plus en plus, et parviennent effectivement à faire, ponctuellement, des choses iniques et impensables, il est tout de même bien plus difficile de bafouer les droits de l’homme (et donc les valeurs de l’Islam) en France que dans « nos » pays, où il n’y a souvent pas même l’apparence d’un Etat de droit. Le pire qu’ils puissent nous faire, et encore, seulement à certains d’entre nous, car un système concentrationnaire français n’est pas possible, sera de nous emprisonner pour quelques mois après des procédures abusives, et là, pour paraphraser le Prophète Yusuf (as), je récuserais le discours de vos semblables en ces termes : « Oh mon Dieu ! La prison me paraît plus désirable que ce à quoi [ils] m’invitent, et si tu ne me préserves pas de leurs plans, j’y cèderai et serai au nombre des ignorants. » (cf. Coran, XII, 33). Il n’y a que les lâches et les coupables qui fuient, et, dans ce contexte, les ignorants, ceux qui ne peuvent pas accomplir leur devoir, assumer leurs responsabilités et même évaluer objectivement la réalité de la situation et les risques prévisibles.
L’idée selon laquelle nous aurions le choix entre fuir maintenant, tant qu’il en est encore temps, et nous voir interdire toute sortie du territoire et soumettre à un emprisonnement à une échelle massive – c’est-à-dire, pour l’exprimer en toutes lettres, à une politique d’éradication – contredit toutes les données factuelles et rationnelles. Certes, des individus comme Marine Le Pen ou Aymeric Chauprade présentent effectivement les choses de manière apocalyptique, invoquant, après Bush, une guerre entre l’Islam et l’Occident, et affirmant que même des citoyens français comme moi devront renoncer à l’une de leurs nationalités et/ou faire un choix entre « diluer » leur foi et quitter la France – bon courage à eux pour obtenir l’un ou l’autre, de gré ou de force ! Mais d’une part ils ne sont pas au pouvoir, et d’autre part, même s’ils y arrivaient (ce qu’on ne peut pas exclure), et même s’ils étaient assez insensés pour essayer de mettre en œuvre leur programme de campagne et donc de bafouer la Constitution et le droit international, ils rencontreraient une résistance farouche de la part de bien des catégories de la population et de bien des acteurs internationaux. Il est du reste hautement douteux qu’ils essaient, car en toute vraisemblance, ils se révéleraient comme tous les autres partis lorsqu’ils accèdent au pouvoir, ne changeant véritablement que leur vie et celle de leurs proches, et ne s’empresseraient nullement de tenir les promesses populistes ignobles faites à un électorat souvent crédule, pathétique d’ignorance et/ou méprisable d’ignominie. Mais donnons du crédit à cette vision apocalyptique surréaliste et admettons même l’impensable, à savoir qu’ils réussissent, eh bien le pire qui pourrait alors se produire serait une expulsion de ces populations, exactement ce qu’eux et vous souhaitez et préconisez (ce qui me fait penser que vous pourriez être le pendant musulman des Judenräte, ces Juifs ayant collaboré avec les nazis pour le plus grand malheur des Juifs d’Europe, et dans les meilleurs intérêts de l’édification d’Israël). Il n’y a donc aucune raison de se précipiter, même dans le cadre de vos prédictions extravagantes et irréalisables. Irréalisables, car tout cela ne pourrait se produire qu’après une guerre civile, et probablement plusieurs guerres internationales, les « pays d’accueil » ayant le droit et même le devoir de refuser un tel afflux de réfugiés qui déstabiliserait gravement leurs sociétés, ce qu’ils feront sans le moindre doute. La France ne pourrait en sortir que ravagée et exsangue, et le fait que ces évidences soient passées sous silence souligne le degré d’ignorance et d’aveuglement des néo-fascistes qui votent pour l’extrême droite en croyant que cela les débarrassera de leurs compatriotes d’origine étrangère et redonnera la prospérité à la France, comme si les deux questions étaient liées, et comme s’il pouvait y avoir un vainqueur dans une guerre civile qui dévasterait durablement le pays. Seuls des inconscients – ou des ennemis – peuvent souhaiter de tels développements. Dans le monde réel, des déchéances de la nationalité massives seront très difficiles à mettre en place de manière abusive par tout gouvernement, quel qu’il soit, mais c’est une possibilité qui ne change rien dans le cadre de vos fantasmagories : plutôt que de partir, attendons de nous faire expulser après avoir opposé toute la résistance dont nous sommes capables, au moins l’honneur et le devoir – et le bon sens – seront-ils saufs.
Oui, le gouvernement français – comme tout gouvernement en de telles circonstances – va profiter de la situation pour faire passer des lois iniques, restreindre les libertés, arrêter des innocents, les emprisonner sans raison, déchoir des citoyens de leur nationalité, mais cela restera à une échelle limitée, et cela ne parviendra pas à faire taire les voix dissidentes, au contraire. Oui, on voit qu’ils essaient de nous faire peur, de nous habituer à une présence militaire, etc., mais ce n’est que la tentative désespérée du gouvernement le plus méprisé de l’histoire de France pour retrouver un semblant de légitimité, de renforcer son « emprise » affaiblie sur quelque chose qui tombe déjà en pièces, à savoir sa façade de respectabilité et de légitimité sur le plan intérieur, et, au plan international, le système de domination mondial impérial qui usurpe le nom de démocratie. Fuir maintenant, alors que la victoire est proche ? Certainement pas. Nous ne sommes ni lâches, ni serviles, ni stupides. Nous sommes arrivés jusque-là, nous voulons en voir la fin et jouer un rôle actif dans le dénouement.
La place des musulmans en France
Votre appel s’inscrit clairement dans le sillage des manipulations qui ont suivi l’attaque contre Charlie Hebdo, indépendamment des faits, ce qui fait le jeu desdits manipulateurs et nous empêche de poser les véritables questions. Doit-on vraiment se sentir coupables à cause de l’affaire Charlie Hebdo ? Se sentir responsables, même indirectement, parce que nous aurions un lien avec le terrorisme du fait de notre religion, comme osent le défendre d’ignobles ignares qui auraient certainement été les plus acharnés des antidreyfusards lorsque la mode française était à l’opprobre des Juifs ? Devons-nous faire des excès de zèle, nous mettre au premier rang des manifestants et scander « Je suis Charlie » comme le font des millions de moutons et des agents de contrôle ? Si nous devons effectivement nous sentir coupables, c’est en tant que Français, et non en tant que musulmans, car notre religion est claire quant au terrorisme, alors que notre gouvernement reste un des principaux soutiens et apologistes du terrorisme, de la Libye à la Syrie – sans même parler d’Israël – et qu’il est le vassal de la plus grande puissance terroriste au monde. Ce ne sont pas les victimes mais les coupables qui doivent baisser la tête, s’excuser ou s’exiler. Nous n’avons pas besoin de manifester avec Charlie et les terroristes contre le terrorisme, d’abord parce que nous sommes opposés à tout ce que représente Charlie, comme le sont tous les hommes lucides et dignes, et ensuite parce que nous sommes conséquents et qu’en tant qu’arabo-musulmans, nous sommes les premières victimes du terrorisme wahhabite créé et armé par l’Occident. Nous le dénonçons depuis des années, nous faisant accuser de soutenir les crimes de guerre en Syrie par ceux-là même qui glorifiaient le terrorisme du Front Al-Nosra, et qui, aujourd’hui, prétendent avoir changé leur fusil d’épaule et combattre l’Etat Islamique à nos côtés – mais nous ne sommes pas dupes. Nous avons donc toutes les raisons d’avoir la tête haute, car ce qui se passe confirme nos analyses et nos prédictions, à savoir que qui sème le vent récolte la tempête. Et nous continuerons à soutenir fièrement la véritable alliance anti-terroriste mondiale – Syrie, Iran, Hezbollah, Russie, etc.
Il serait absurde de fuir la France, notre pays, vers d’autres continents où nous ne pourrions rien faire, sinon y attendre, les bras croisés, que la justice règne dans le monde. Devons-nous attendre passivement l’arrivée du Mahdi et du Messie (as) au lieu de leur préparer le terrain par nos actions et de nous efforcer d’être dignes de faire partie de leur communauté ? Je préfère largement rester où je suis et agir et lutter pour le plus grand bien de ma famille, de ma communauté et de mes compatriotes, croyants ou pas, car je crois sincèrement que les populations d’origine immigrée peuvent jouer un rôle non négligeable dans le redressement de la France et contribuer à la relever de sa décadence politique et morale et à la faire changer d’orientation et renouer avec une souveraineté authentique. Les populations arabo-musulmanes sont restées attachées à leur identité, à leurs traditions et à leur dignité, tant de choses essentielles dont la France et les Français se voient dénier par la mondialisation économique, politique et culturelle et l’impérialisme américain, et elles peuvent aider la France à renouer avec ses racines et ainsi la replacer dans le « bon » camp, celui qui défend l’indépendance des Nations, le droit international, les valeurs traditionnelles et le multiculturalisme, et qui va triompher avec la Grâce de Dieu. Si le Mahdi doit revenir avec Jésus, le Messie (as), n’est-ce pas pour unir les Musulmans, les Chrétiens et tous les hommes libres et dignes de ce monde derrière la bannière de la vérité et de la justice ? N’étions-nous pas unis, en France même, avec nos frères et compatriotes de toutes confessions pour lutter contre le mariage homosexuel ? Ce n’est pas le dernier combat que nous mènerons ensemble. Plus nos ennemis deviennent offensifs, plus nous serons unis, car nous avons besoin les uns des autres, et nous avons beaucoup à faire.
Aujourd’hui, la Grèce et l’Espagne constituent le modèle de ce qui nous attend, non seulement quant aux politiques d’austérité que les gouvernements vont essayer de nous imposer, avec pour cible principale les catégories les plus vulnérables de la population (quelle que soit leur appartenance ethnique et religieuse, et qu’elles soient Charlie ou pas), mais également comme l’espoir de voir l’émergence de nouvelles forces politiques grâce aux mouvements de résistance populaires et patriotes qui ne manqueront pas de se créer face à Bruxelles et à Washington, et desquels nous autres, musulmans et surtout Français, grossirons les rangs dans l’intérêt de tous. L’Islam n’est que le bouc émissaire, comme il y a toujours un bouc émissaire en temps de crise pour faire diversion et cacher les vrais problèmes, mais cela ne marche qu’un temps, et à la fin ce sont les plus démunis qui paient, qui se retrouvent les seules victimes. Car ce n’est pas seulement l’Islam qui est attaqué, mais bien les libertés, les droits sociaux, la souveraineté et les valeurs traditionnelles, et c’est le peuple français dans sa majorité qui sera victime des politiques économiques et sociales oppressives de demain.
Nous sommes nombreux à avoir compris que les véritables questions ne sont pas d’ordre religieux ou civilisationnel, mais d’ordre économique et social – et ce n’est du reste pas nouveau et ces questions jalonnent toute l’histoire de France depuis 1789 : le peuple et ses revendications légitimes ont toujours été détournés de leurs ennemis réels – les banques – vers des ennemis fictifs intérieurs (l’Eglise, les Juifs…) ou extérieurs (Robespierre le dénonçait déjà en 1792, de même que Jules Vallès en 1883 à propos du Tonkin). Et chaque fois qu’il s’est réveillé, ledit peuple a été passé par les armes, du 17 juillet 1791 au 28 mai 1871. Comment abandonner nos amis, alliés et compatriotes dans cette situation, ceux qui n’ont nulle part où aller (en considérant que nous avons quelque part où aller, ce qui n’est pas du tout le cas) ? Ce serait une fuite honteuse, un abandon indigne de tout individu qui se respecte, et de tout musulman. Et du reste, ce ne serait pas avisé, car il n’y a rien d’unique dans l’opprobre jeté sur l’Islam aujourd’hui. Chaque époque, chaque lieu a eu son « bouc émissaire », son « Juif », son « Arabe ». A la fin du XIXe siècle, un grand écrivain comme Emile Zola était décrit par Jacques Bainville en des termes extrêmement racistes à cause de ses origines étrangères : « ce demi-italien, quart de grec, trois ou quatre fois métis, n’est pas un bel échantillon de l’humanité ». Zola a en effet suscité des haines inexpiables, mais il a bravement résisté, en France comme à l’étranger lorsqu’il fut effectivement contraint à l’exil. Mais n’a-t-il pas fini au Panthéon, exalté pour sa plume et sa défense de Dreyfus[2], se révélant plus « Français » que les Français par son attachement aux valeurs éternelles de liberté, de vérité et de justice ? Et on pourrait multiplier les exemples, mais il y a trop à dire pour que je puisse faire plus qu’effleurer la matière, du moins dans le cadre de cet écrit.
Disons simplement, pour conclure, que la plupart des déclarations anti-immigration, dénonçant l’islamisation de la France et de l’Europe, le « grand remplacement », ne sont rien moins qu’ignorance et refus d’une réalité inéluctable, et traduisent souvent une méconnaissance grossière de l’histoire de France et du monde en général, qui est un métissage permanent des peuples et des cultures. C’est là pour ainsi dire une loi naturelle. Les « identitaires » devraient peut-être demander à ne plus être appelés les « Français », car après tout, les Francs étaient originellement un peuple germanique qui s’est installé en Gaule. Et ils devraient certainement revenir à la religion gauloise originelle, car l’héritage judéo-chrétien est d’origine sémite. Ce refus de l’autre et de l’évolution des sociétés est une absurdité, une aberration, ce qui était rejeté un jour devenant ensuite une norme pleinement acceptée. Ce n’est qu’une question de temps, de patience et d’efforts, car il n’y a aucune incompatibilité entre les valeurs de l’Islam (authentique) et celles de la France (authentique), bien au contraire. Certes, nous rejetons le laïcisme « à la française », qui est, depuis les Encyclopédistes[3], 1789 et Jules Ferry, une offensive ouverte contre l’identité historique de la France (« la fille aînée de l’Eglise ») et contre la religion[4], mais nous nous accommoderions parfaitement du principe de laïcité en soi, de même que nous nous accommoderions de tout régime qui garantirait la liberté de croyance et de culte. Quant au fantasme de l’islamisation de la France ou de l’Europe, et de l’avènement d’un gouvernement islamique, quiconque connaît les principes de base de l’Islam sait que seule une adhésion massive de la population peut permettre qu’un Etat Islamique authentique soit proclamé, non pas à 50,1 % des suffrages exprimés comme le prétendent les faux standards pseudo-démocratiques en vigueur en Occident, mais plus de 80% des voix de l’ensemble de l’électorat, comme en Iran en 1979 où la République Islamique fut plébiscitée par plus de 90% de la population. L’exemple du Hezbollah au Liban, pays majoritairement musulman mais divisé entre sunnites et chiites, avec une minorité chrétienne, l’illustre clairement : cette puissance militaire formidable ayant humilié deux fois Israël serait tout à fait capable de prendre le pouvoir au Liban si elle le souhaitait, mais les exigences de l’Islam en feraient un péché irrémissible, et il n’est nullement question pour eux d’y ériger un Etat islamique, ni dans un futur proche, ni dans un futur lointain, mais simplement de contribuer à assurer la stabilité et la cohésion de cet Etat multiconfessionnel.
Nous ne sommes pas une cinquième colonne, nous n’œuvrons pas contre la France mais avec elle, avec la France authentique, celle de Jeanne d’Arc contre Charles VII, celle de Rousseau contre les Encyclopédistes, deRobespierre contre Danton et les Thermidoriens, de la Commune contre Versailles, de Lamartine et Hugo contre Cavaignac, de Jules Vallès contre Jules Ferry, de Jaurès contre Solages et Poincaré, de de Gaulle contre Pétain et contre tous les traîtres apatrides qui l’ont précédé et suivi à la tête de la France. Si nous devons être opprimés et vaincus comme ils le furent, ce sera un honneur. Mais nous ferons tout ce que nous pourrons pour relever leur mémoire et leur héritage bafoués, et reprendre leur flambeau, aux côtés de tous ceux qui mènent un combat similaire en France et dans le monde, et par tous les moyens légaux. Et n’en déplaise aux frontistes, Zemmour et autres Houellebecq, si cette France-là est victorieuse, cette France à laquelle nous sommes fiers d’appartenir et pour laquelle nous sommes prêts à lutter, en ce qui nous concerne, ses rues, écoles et places publiques pourront porter fièrement ces noms-là, que nous honorons à la fois en tant que Français et en tant que musulmans.
Les enseignements de l’Islam
Pour finir, je souhaiterais dire un mot sur votre manière de vous exprimer et de transmettre vos idées. Sans forcément remettre en cause votre bienveillance et votre honnêteté, on pourrait objecter que lorsqu’on prétend dicter aux gens ce qu’ils doivent faire de leur existence même, leur ordonnant de bouleverser toute leur vie et de plier bagages en direction de l’inconnu, ce qui est tout de même une action drastique, on ne devrait peut-être pas être si catégorique, paternaliste et condescendant. Et ce d’autant plus que comme j’ai essayé de le montrer, ce que vous imposez aux gens est tel que le Prophète (saas) lui-même ne l’a jamais imposé à quiconque, et moins encore dans de telles proportions et conditions. Je tiens à affirmer que l’on peut tout à fait ne pas être d’accord avec vous, rester en France et même à Paris (comme c’est mon cas), non pas parce que l’on serait des amoureux de ce bas-monde qui vendraient leur religion contre un gain matériel (ce qui est doublement faux – venez donc vivre à Paris – et constitue une présomption insultante), mais, au contraire, parce qu’on considère avec bien plus de raison que la raison, la justice, la responsabilité et la religion même exigent de nous que nous restions où nous sommes et y œuvrions. Ou plutôt que nous continuions d’agir, car nous ne sommes pas soumis et passifs comme vous le prétendez, nous marchons la tête haute, et nous n’allons certainement pas céder gracieusement aux vœux de ceux qui nous désignent comme ennemis alors qu’ils ne pourraient les obtenir de nous ni par l’intimidation, ni par la force, d’autant plus que cela équivaudrait à un reniement de tous les principes humains universels et de toutes les lois divines. On peut être raisonnable, attaché à ses principes et à sa religion, lucide au sujet de ce qui se passe autour de nous (et qui n’est certainement pas anodin) et cependant être en totale opposition avec vous. Votre arrogance, votre mépris et vos rires sarcastiques sont on ne peut plus malvenus, et n’ont rien à voir avec les enseignements de l’Islam.
Conclusion
En conclusion, nous, musulmans de France, sommes pleinement conscients et éveillés face à tout ce qui se passe. Nous ne sommes ni indifférents, ni insouciants, ni passifs, ni intimidés, ni effrayés, ni soumis. Nous devons effectivement devenir de plus en plus présents et actifs, mais il n’est pas pertinent de nous décrire comme étant désemparés, incapables de voir ce que sont nos devoirs et comment les honorer. Nous sommes nombreux à avoir pris des initiatives depuis longtemps, et nous allons être de plus en plus investis, de mieux en mieux organisés afin de faire face aux défis actuels et futurs, avec force, confiance, discernement et sérénité. Et nous ne sommes pas seuls, bien des gens nous considérant déjà comme des individus et compatriotes à part entière, et ne nous renvoyant pas à notre condition d’arabes et/ou de musulmans. Nous avons et aurons à nos côtés toutes les bonnes volontés, qu’elles soient musulmanes, chrétiennes ou autres, toutes les croyances – et non-croyances – et toutes les catégories de la population œuvrent et continueront à œuvrer à nos côtés dans l’intérêt de la France et de la majorité de ses citoyens, et pour un monde meilleur.
Nous, musulmans de France, pouvons prendre nos vies en main, et bien que nous accueillions volontiers tout conseil bienveillant de quiconque, et soyons reconnaissants pour toute aide respectueuse qui nous est proposée, nous rejetons catégoriquement tout paternalisme, nous n’autorisons personne à nous prendre de haut ou à nous dicter notre conduite, et à la fin, nous avons et exerçons le droit de prendre nos propres décisions, car personne ne connaît notre situation mieux que nous. L’écrasante majorité des musulmans de France – et du monde – n’a jamais entendu parler de vous, et considèrerait vos exhortations à l’émigration sinon avec dédain, du moins avec amusement, et ce avec raison. Votre audience, marginale, est surtout non-musulmane, constituée de gens qui peuvent être de bonne foi et sont séduits par certaines de vos analyses géopolitiques, mais sont ignorants de l’Islam et vous accordent un crédit que vous n’avez pas – sans parler de ceux qui instrumentalisent votre discours dans un agenda précis. J’espère sincèrement que votre notoriété ne va pas grandir, au contraire, car nous n’avons pas besoin de tels discours insensés et incendiaires. Mais quoi qu’il en soit, ce sera notre responsabilité que de les dénoncer et de les réfuter publiquement, de révéler tout usurpateur et tout manipulateur pour ce qu’il est, et nous l’assumerons si Dieu le veut.
Nous avons la responsabilité de veiller à notre image, à l’image que nous donnons des musulmans, surtout en ces temps où de grands efforts sont réalisés pour nous décrire comme des personnes illuminées, étroites d’esprit, réactionnaires et insociables, qui ne peuvent cohabiter avec personne, et pas même entre eux (car l’Etat Islamique tue avant tout des musulmans). Oui, nous pouvons coexister avec les autres n’importe où, nous pouvons œuvrer dans le sens du bien commun avec nos concitoyens en Occident, même en France, bien que ce pays ait une histoire toute particulière pour ce qui est de l’oppression de la religion. Mais tout comme les chrétiens sont parvenus à survivre et à préserver leurs croyances et leurs traditions malgré les violentes tempêtes qu’ils ont dû traverser, nous parviendrons également à le faire et nous bénéficions pour cela de leur aide et de leur expérience. Nous devons savoir que nous avons beaucoup d’amis, en France et partout dans le monde, en Occident comme en Orient, et nous devons faire attention à ne pas tomber dans les pièges de nos ennemis. Et à la fin, après avoir pondéré tous les facteurs et pris notre décision, nous devons nous en remettre à Dieu le Très-Haut et l’Exalté qui n’abandonne jamais ceux qui comptent sur Lui, et qui est un Secours suffisant contre toutes les coalitions hostiles, si redoutables fussent-elles.
Par avance, je vous remercie pour votre attention.
Que Dieu nous guide et nous renforce sur le droit chemin.
Message forcené de « Cheikh » Imran Hussein en addendum à son appel à la Hijra :
« Paix sur vous !
Les Français (de souche) Musulmans (convertis) ont aussi l’obligation de suivre la Sunna (tradition prophétique) de l’émigration depuis les endroits hautement dangereux pour leur liberté, leurs personnes et leur foi, vers des endroits ou un Musulman pourra retrouver la sécurité de la personne et de la foi, de même que la liberté de répondre de façon appropriée à l’oppression et au mal.
Les Musulmans d’origine Nord Africaine qui résident actuellement en France, peu importe qu’ils soient nés ou non in France, devraient non seulement émigrer hors de la France pour revenir en Afrique du Nord, et chercher refuge dans la campagne profonde Marocaine, Algérienne, Tunisienne, mais ils devraient aussi assister les Français natifs (convertis/de souche) pour qu’ils puissent effectuer cette émigration, cela fait aussi partie de la Sunna.
Il se peut qu’il ne reste que peu de temps avant que le gouvernement français ne soit FORCÉ de bannir ce genre d’émigration hors de France.
Tout ce qu’ils ont à faire c’est de bloquer votre départ par air ou par mer en déclarant que votre nom est sur une liste d’interdits de vol ou d’interdits de quitter le territoire français.
Ceux qui ne peuvent pas quitter la France, et cela quel-qu’en soit la raison, devraient quitter les villes et chercher la sécurité de la personne et de la foi dans la campagne profonde française.
Ceux qui insistent à rester dans les villes, comme Paris, ont le droit de le faire et nous ne les critiquons pas. Cependant il serait bien fourbe de la part de pareils gens de tenter d’empêcher ceux qui souhaitent émigrer hors de France ou hors des villes françaises de le faire.
avec toute mon affection,
Imran N. Hosein »
[1] Voir ici à partir de 50,03 : https://www.youtube.com/w
[2] Suscitant l’indignation d’un Léon Daudet, qui dénonçait la « honte suprême » que constituait cet honneur rendu au « grand métèque protecteur du traître juif. »
[3] Rappelons que Voltaire prétendait éradiquer non pas le fanatisme ou le cléricalisme, mais bel et bien le christianisme, qu’il œuvra pour la mise au ban et la mise à mort de Rousseau, qui avait l’audace de ne pas penser comme lui sur les questions sociales et religieuses, et qu’il couvrait Jeanne d’Arc d’immondices dans sa Pucelle.
[4] « Les rois conspirent toujours pour assassiner l’humanité : s’ils ne peuvent plus défigurer la Divinité par la superstition, pour l’associer à leurs forfaits, ils s’efforcent de la bannir de la terre pour y régner seuls avec le crime. » Robespierre, Second discours pour la fête de l’Etre Suprême, 8 juin 1794.