Par Wayan – Le 11 septembre 2023 – Le Saker Francophone
Forte activité diplomatique internationale cette semaine avec deux réunions géopolitiques ; le sommet de l’ANASE en cours de semaine et la réunion du G20 ce week-end.
Le G20
Cette réunion du G20 fut surtout le révélateur des tensions internationale en cours. Ni Poutine ni Xi Jinping n’y ont assisté en personne, donnant l’impression qu’ils considèrent cette réunion comme n’étant plus aussi importante qu’auparavant :
« La réunion d’une famille “dysfonctionnelle” : voilà comment le patron de l’ONU a décrit, vendredi 8 septembre, le sommet du G20, qui cherchera des compromis en matière d’économie et de climat, mais qui reste profondément divisé sur la guerre en Ukraine.
La plupart des chefs d’État et de gouvernement sont arrivés vendredi à New Delhi pour participer à une réunion de deux jours, samedi et dimanche.
Celle-ci se tiendra sans le président russe Vladimir Poutine et sans son homologue chinois Xi Jinping, dont l’absence pose la question de la pertinence de ce grand raout diplomatique.
Joe Biden, qui compte bien occuper l’espace laissé vacant par ses grands rivaux, a commencé vendredi par une réunion bilatérale avec Narendra Modi.
Jeudi, Narendra Modi a réitéré son souhait d’élargir le bloc en G21 avec “l’inclusion de l’Union africaine en tant que membre permanent”. Un projet qui, c’est chose rare au G20, semble plus ou moins faire consensus. »
Souhait réalisé pour Modi :
« L’Union africaine a obtenu le statut de membre permanent du Groupe des 20 plus grandes économies mondiales, a déclaré samedi le Premier ministre indien Narendra Modi, ajoutant ainsi un élan à sa volonté de donner une plus grande voix aux pays du Sud en tant qu’hôte du sommet annuel de cette année.
Modi a annoncé cette adhésion lors de son discours d’ouverture du sommet du G20 du week-end. Les divisions mondiales croissantes et l’absence d’acteurs clés menacent de rendre difficile la recherche d’un consensus sur les questions les plus épineuses.
L’ajout de l’UA au G20 a toutefois suscité un large soutien, ce qui en ferait le deuxième bloc régional à devenir membre permanent après l’Union européenne. »
Comme les années précédentes la guerre en Ukraine a encore été le sujet d’âpres négociations. Une vague déclaration en est quand même sortie :
« Sur la guerre russe en Ukraine, le gros point de friction sur lequel les Indiens voulaient à tout prix arracher l’accord des Russes, le texte adopté n’est pas la réplique de celui du précédent G20 qui s’est tenu à Bali, mais plutôt un ensemble d’éléments de langage, une voie médiane où la condamnation directe du conflit a disparu.
Ces éléments de langage reprennent l’esprit de la résolution des Nations unies condamnant l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Tous les membres rappellent ainsi leurs positions prises à l’ONU, ainsi que l’obligation de respecter l’intégrité territoriale, et celle de ne pas utiliser la menace d’attaque nucléaire contre un autre. Ce qui, pour les pays occidentaux, permet de dénoncer implicitement les abus de la Russie et d’empêcher de légitimer son agression.
Un paragraphe a été rajouté dans cette partie, qui évoque les terribles souffrances et les effets néfastes causés par tous les conflits dans le monde entier. Un point important pour les pays du Sud, qui cherchent à rappeler que la guerre en Ukraine n’est qu’un des nombreux conflits que connait le monde.
L’Ukraine a réagi à ce texte, critiquant le contenu, qui dénonce l’emploi de la force mais sans mentionner la Russie. « L’Ukraine est reconnaissante envers les partenaires qui ont essayé d’inclure une formulation forte dans le texte. En même temps, en ce qui concerne l’agression de la Russie contre l’Ukraine, le G20 n’a pas de quoi être fier », a réagi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Kiev, Oleg Nikolenko. »
Le changement climatique non plus n’a pas fait l’unanimité :
« Si le G20 a soutenu pour la première fois un triplement des énergies renouvelables d’ici 2030, le forum intergouvernemental a échoué à appeler à une sortie des énergies fossiles, samedi. Cause essentielle de la crise climatique de plus en plus sévère, cette question était au cœur des négociations internationales à New Delhi, et devrait culminer en décembre prochain lors de la COP28 à Dubaï. »
Voici ce qu’en pense la Chine :
« Les analystes chinois ont souligné que le G20 a été créé pour faire face aux crises économiques mondiales et pour discuter des actions collectives visant à résoudre les problèmes économiques et à stimuler le développement économique mondial, mais aujourd’hui, malheureusement, en raison du consensus décroissant et des divergences croissantes entre les grandes puissances depuis l’éclatement de la crise ukrainienne et l’endiguement total des États-Unis contre la Chine, il devient de plus en plus une plate-forme de querelles, et le mécanisme multilatéral autrefois productif et constructif est confronté au risque d’être détourné par un petit nombre de pays.
Le G20 reste une plateforme importante pour la coopération internationale dans la gestion des défis mondiaux, et avec les contributions croissantes des pays en développement comme la Chine, l’Inde et les pays africains, les voix au sein du G20 deviennent plus diversifiées, et ne sont plus dominées uniquement par les perspectives occidentales. Par conséquent, les États-Unis tentent de reprendre le contrôle du mécanisme multilatéral et de l’utiliser pour servir leur stratégie de concurrence entre grandes puissances, mais la communauté internationale n’accueillera pas favorablement cette tentative, selon les experts. »
https://www.globaltimes.cn/page/202309/1297880.shtml
Le sommet de l’ANASE
Cette semaine s’est tenue le sommet annuel de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est, à Jakarta, où des dirigeants de grands pays étaient invités, la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, le Japon, la Russie et la Corée du sud. On remarquera l’absence totale de l’Europe, montrant de facto qu’elle est de moins en moins considérée comme une « grande puissance » :
« Objectif : paix. L’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) tient à Jakarta plusieurs sommets successifs avec la Chine, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis, offrant ainsi l’occasion aux grandes puissances de faire pression sur le bloc de 10 pays….
Un des objectifs déclarés par le président indonésien est de ne pas se faire piéger dans un conflit Etats Unis-Chine :
« Le président indonésien Joko Widodo a déclaré à ses collègues dirigeants du bloc régional de 10 membres que l’ASEAN « s’est mis d’accord pour ne pas servir de proxy » pour aucune puissance, et a déclaré que « nous devons devenir capitaines de notre propre navire pour parvenir à la paix ». »
https://www.voanews.com/a/asean-opens-summit-in-jakarta-/7254803.html
« Lors de l’ouverture du sommet de l’ANASE de cette année, mardi, dans la capitale du pays, le président Joko “Jokowi” Widodo a affirmé que le bloc régional des dix nations restait uni malgré les différences d’opinion ou l’instabilité interne des États membres liées aux récentes questions géopolitiques. »
https://www.thejakartapost.com/world/2023/09/05/jokowi-says-asean-stands-unitedaboveallelse.html
Les « grandes puissance » ont profité de l’occasion pour asseoir leur soft power. L’inde d’abord :
« Le 7 septembre 2023, le Premier ministre Narendra Modi a participé au 20e sommet ASEAN-Inde à Jakarta et a qualifié le sommet de pilier central de la politique indienne Act East.
Partageant ses remarques lors de l’événement, le Premier ministre Modi a déclaré : « L’Inde soutient les perspectives de l’ASEAN sur l’Indo-Pacifique. Alors que notre partenariat entre dans sa quatrième décennie, l’ASEAN occupe une place de premier plan dans l’initiative indo-pacifique de l’Inde.
Modi a déclaré que l’ASEAN est l’épicentre de la croissance car elle joue un rôle crucial dans le développement mondial. “Des progrès constants ont été réalisés dans notre coopération mutuelle malgré l’atmosphère d’incertitude mondiale”, a-t-il ajouté.»
La Chine aussi :
« Le premier ministre chinois Li Qiang a déclaré mercredi lors du 26e sommet Chine-ANASE à Jakarta, en Indonésie, que tant que la Chine et les pays de l’ANASE resteront sur la bonne voie, quelles que soient les tempêtes, leur coopération sera plus ferme que jamais et ils pourront aller de l’avant contre vents et marées. Les analystes ont déclaré que les liens Chine-ANASE restent étroits et continueront à se développer pour résister aux impacts de toute ingérence extérieure qui tente de provoquer des tensions et des conflits.
Li a déclaré que la coopération entre la Chine et l’ANASE avait beaucoup progressé grâce à leur compréhension aiguë des difficultés rencontrées. “La Chine et les pays de l’ANASE se sont engagés dans la poursuite inébranlable de la paix avec une forte aspiration au développement, et tous deux prennent des mesures concrètes pour sauvegarder la stabilité régionale”, a-t-il déclaré lors du sommet, a rapporté mercredi l’agence de presse Xinhua.
Le premier ministre chinois a également déclaré que la Chine et les pays de l’ANASE avaient géré correctement les désaccords en cherchant un terrain d’entente tout en mettant de côté les divergences par le biais du dialogue et de la consultation.
“Les deux parties ont approfondi la coopération pratique dans les domaines traditionnels et non traditionnels de la sécurité, et ont défendu les cinq principes de la coexistence pacifique et l’objectif du TAC (Traité d’amitié et de coopération en Asie du Sud-Est)”, a fait remarquer M. Li. »
https://www.globaltimes.cn/page/202309/1297697.shtml
Les Etats Unis, par la voix de Kamala Harris, s’en sont pris au Myanmar, qui est sous régime militaire depuis le coup d’Etat contre San Suu Kyi :
« Une chaise portant le drapeau du Myanmar est restée vide pendant que la vice-présidente Kamala Harris s’entretenait avec les dirigeants de l’Asie du Sud-Est lors du sommet États-Unis-ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) à Djakarta, organisé par l’Indonésie, qui assure la présidence sortante.
“Les États-Unis continueront à faire pression sur le régime pour qu’il mette fin à l’horrible violence, qu’il libère toutes les personnes injustement détenues et qu’il rétablisse le Myanmar sur la voie d’une démocratie inclusive”, a déclaré Mme Harris lors de l’ouverture du sommet.
“Nous continuerons à soutenir le consensus en cinq points de l’ANASE”, a-t-elle ajouté, faisant référence aux exigences formulées par le groupe en 2021 concernant la crise déclenchée par le coup d’État militaire de février 2021, qui comprennent l’arrêt immédiat de la violence et un dialogue constructif facilité par l’ANASE. »
https://www.voanews.com/a/myanmar-s-seat-is-empty-as-vp-harris-speaks-to-asean-leaders-/7256962.html
En fin de sommet, France 24 a publié un article mettant en évidence les dissensions entre grandes puissances qui sont apparues pleinement pendant ce sommet :
« Un sommet sous tensions. La vice-présidente américaine, Kamala Harris, le Premier ministre chinois, Li Qiang, et le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, ont participé, jeudi 7 septembre, au sommet de l’Asie de l’Est, lors duquel le dirigeant indonésien, leur hôte, a mis en garde contre les rivalités croissantes entre puissances.
La réunion de 18 pays organisée dans la capitale indonésienne Jakarta a mis autour de la même table les hauts responsables de Washington et Pékin, un jour après que le Premier ministre chinois a averti que les grandes puissances devaient contenir leurs différends pour éviter une “nouvelle guerre froide”.
Les échanges entre les responsables des deux plus grandes économies mondiales étaient scrutés dans un contexte de tensions sur des questions allant de Taïwan aux relations avec Moscou en passant par la rivalité dans le Pacifique, quelques jours avant le sommet du G20 à New Delhi.
“Je demande (…) aux leaders du sommet de l’Asie de l’Est de faire (de cette rencontre) un forum pour renforcer la coopération et non pour aiguiser les rivalités”, a déclaré le président indonésien Joko Widodo. »
Mais derrière tous ces grands discours diplomatiques, le processus de dédollarisation du commerce mondial a fait un nouveau pas en avant :
« Les banques centrales d’Indonésie, de Thaïlande et de Malaisie ont profité de la réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales de l’ANASE (AFMGM) qui s’est tenue le mois dernier à Jakarta pour annoncer l’élargissement des accords sur les monnaies locales. L’objectif n’est pas seulement de régler les importations et les exportations ou les investissements en monnaie locale, mais aussi de permettre aux voyageurs de bénéficier de produits financiers transfrontaliers et de systèmes de paiement numérique unifiés. Bien qu’il s’agisse d’accords bilatéraux plutôt que d’un projet à l’échelle de l’ANASE, ils soutiennent le programme d’intégration financière de l’ANASE. La réduction de la dépendance à l’égard du dollar américain comme moyen d’échange soutient également l’objectif de centralité de l’ANASE et l’autonomie stratégique des États membres de l’ANASE. »
https://www.thejakartapost.com/opinion/2023/09/06/asean-aims-for-the-achievable.html
L’Afrique
Moon of Alabama nous propose une intéressante analyse qui met en évidence le rôle des Etats-Unis dans les mouvement politiques que secouent l’Afrique :
« Les États-Unis ont utilisé leur formation d’officiers africains pour trouver et former subtilement des personnes avec lesquelles ils pouvaient travailler. Un nombre étonnant de ces officiers ont ensuite été impliqués dans des coups d’État qui se sont souvent révélés anti-français et pro-américains :
« Depuis 2008, des officiers formés par les États-Unis ont tenté au moins neuf coups d’État et en ont réussi au moins huit dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest seulement : Trois fois au Burkina Faso, trois fois au Mali et une fois en Guinée, en Mauritanie et en Gambie.
La formation et le soutien des États-Unis à la région passent par le département d’État et le Commandement pour l’Afrique, une branche du département de la défense, en charge des opérations militaires sur le continent. »
Depuis la rédaction de cet article, le Niger a suivi :
« Le général de brigade Moussa Barmou, commandant des forces d’opérations spéciales nigériennes formées par les Américains, était tout sourire lorsqu’il a embrassé un général américain de haut rang qui visitait la base de drones du pays, financée par Washington et d’une valeur de 100 millions de dollars, en juin dernier.
Six semaines plus tard, Barmou a contribué à renverser le président démocratiquement élu du Niger.
Pour les officiers militaires et les diplomates américains, cette histoire est devenue trop familière et profondément frustrante.
Le Niger est l’un des nombreux pays d’Afrique de l’Ouest où des officiers formés par l’armée américaine ont pris le contrôle depuis 2021, notamment le Burkina Faso, la Guinée et le Mali. Certains chefs de coup d’État ont entretenu des relations étroites avec leurs formateurs américains, dont le mentorat comprenait des leçons sur la sauvegarde de la démocratie et des droits de l’homme ainsi que sur les tactiques militaires. »
Ohh – s’il vous plaît, épargnez-moi les larmes de crocodile sur la “sauvegarde de la démocratie”. Elles sont vraiment exagérées. Les États-Unis disposent d’une grande base militaire au Niger et c’est tout ce qui compte, ainsi que l’influence qu’ils exercent.
Après le coup d’État, le contingent militaire français au Niger et son ambassadeur ont été priés de partir, tandis que la grande base de drones américaine devrait rester.
S’agit-il d’un mauvais résultat pour les États-Unis ou du résultat d’un plan ?
Les États-Unis ont des intérêts stratégiques en Afrique et, comme l’écrit Michael Shurkin, ancien analyste de la RAND et de la CIA et membre du Conseil atlantique, ils veulent que la France se retire :
« J’ai salué les efforts de la France pour aider les pays du Sahel – notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger – à se défendre contre les insurrections djihadistes affiliées à Al-Qaïda ou à l’État islamique.
Et pourtant, la seule conclusion raisonnable à tirer aujourd’hui est que la France devrait fermer ses bases et partir.
Le problème, comme l’ont montré les récents événements au Niger, est que tout ce que fait la France, en bien ou en mal, provoque une réaction allergique de la part de populations depuis longtemps conditionnées à se méfier des motivations françaises et à envisager le pire.
Que ce sentiment anti-français soit juste ou non n’a rien à voir avec le sujet. Les liens avec la France sont désormais devenus un baiser de la mort pour les gouvernements africains – un phénomène démontré par le sort du président du Niger, Mohamed Bazoum. »
Mais bon… Qui a créé Al-Qaïda et État islamique ? Qui les a déplacés de l’Asie occidentale vers l’Afrique ?
Oui, la France a conservé certaines de ses mauvaises habitudes et influences coloniales et certains la détestent vraiment pour cela. Mais qui, par sa propagande, les a poussés dans cette direction ?
Le plan est évident. La France doit être poussée vers la sortie pour que les États-Unis puissent entrer :
« En attendant, la menace de voir la Russie combler le vide est exagérée et ne devrait pas justifier la poursuite de l’engagement [de la France]. En effet, une partie de l’attrait de la Russie réside dans le fait que de nombreux Africains la considèrent comme une sorte d’anti-France. Et moins la France vivra “de ses rentes” dans l’imaginaire populaire, moins l’attrait symbolique de la Russie sera grand.
L’attrait de la Russie tient également au fait que certains gouvernements africains, dont celui du Mali, sont frustrés par la réticence de la France à les aider dans une stratégie qui consiste trop souvent à cibler certaines communautés ethniques – surtout les Fulanis, mais aussi les Arabes et les Touaregs. Et si c’est pour cela qu’ils veulent de l’aide, la France et les autres puissances occidentales ont raison de refuser.
Le fait que les États-Unis et d’autres partenaires européens comme l’Allemagne ne provoquent pas la même réaction leur offre une ouverture, un moyen de contribuer à combler le vide pour maintenir la Russie à l’écart et aider les États africains à se défendre. Mais pour cela, ils devront se montrer attentifs et faire preuve d’une plus grande créativité que celle dont ils ont fait preuve jusqu’à présent.
Cela signifie également que la France devra leur faire confiance au sujet de son ancien empire. C’était encore une pierre d’achoppement dans les années 1990, mais aujourd’hui, Paris est prête.
Elle n’a d’ailleurs pas le choix. »
Pauvre France. On lui dit de partir et de laisser les États-Unis s’emparer de ses anciennes colonies. Elle n’a pas le choix. »
Voici l’article de la Revue Conflit auquel Moa fait référence :
« Ce qui est en jeu n’est donc pas simplement la présence de la France au Sahel ou en Afrique. C’est son maintien en tant que puissance globale souveraine ou sa réduction à une puissance périphérique « betteravisée » en Europe. Par extension, la nature même des relations entre les grandes démocraties en dépend : formeront-elle un bloc rigide, impérial, derrière les États-Unis ou seront-elles capables de constituer une alliance souple dans un cadre multilatéral, bien plus à même de défendre leurs intérêts et leurs valeurs ?
Sans doute l’Amérique et les Européens ont-ils besoin d’une voix pour leur rappeler les dangers respectifs de leur hubris ou de leur faiblesse. Incontestablement, le monde a besoin de puissances moyennes autonomes comme la France pour trouver de nouveaux équilibres, donner leur place aux nations émergentes, appuyer sans les étouffer les États les plus fragiles et éviter les logiques de confrontations directes entre blocs. »
https://www.revueconflits.com/pourquoi-lamerique-veut-elle-chasser-la-france-dafrique/
Luis Martinez, directeur de recherche au Centre de recherches internationales Sciences Po, le dit lui-même dans cette franche remise en question de la politique française en Afrique :
« En Afrique, nous avons été incapable de changer notre discours, notre narratif et puis d’être beaucoup plus modeste, compréhensif. Nous avons été extrêmement isolés, arrogants, lointains, très peu dans la communication avec les populations et on a aussi rejeté les observation et diagnostics effectués par les chercheurs africains. Dès qu’ils avaient un regard critique on les taxait de pro-russes… »
« Dès qu’ils avaient un regard critique on les taxait de pro-russes ». Il semble que cette réaction est devenue un réflexe social bien pratique pour éviter toute remise en question de notre système de fonctionnement politique, à tous les niveaux.
Comme on pouvait s’y attendre, les attaques contre la population et l’armée s’accentuent :
« Les forces armées du Burkina Faso ont annoncé avoir neutralisé, du 7 août au 1er septembre 2023, au moins 65 « terroristes » au cours d’actions dans plusieurs provinces. Suite à cette opération conduite par le 7e bataillon d’intervention rapide, les populations qui avaient été déguerpies ont pu rejoindre leurs villages, toujours selon l’armée. Au cours des combats, cinq blessés dont deux volontaires pour la défense de la partie ont été enregistrés au sein des forces armées burkinabé. »
On remarquera que, pour une raison que la rédaction de RFI n’explique pas, le mot terroriste a été placé entre guillemets.
« Dix-sept militaires et 36 supplétifs de l’armée du Burkina Faso ont été tués lors d’une attaque de jihadistes présumés dans la région du Nord, a annoncé mardi 5 septembre l’état-major dans un communiqué.
“Cinquante-trois combattants”, précisément “dix-sept militaires et trente-six VDP (Volontaires pour la défense de la patrie, supplétifs civils de l’armée) ont perdu la vie” lundi, indique-t-il.
Plusieurs assaillants “neutralisés”
L’unité attaquée était déployée à Koumbri, dans la province du Yatenga, pour “permettre la réinstallation” de populations “qui ont quitté la zone depuis plus de deux ans”, chassées par les jihadistes, explique-t-il. »
De son coté, France 24 utilise le terme « djihadiste présumé ».
« Un camp de l’armée malienne a été visé par une attaque suicide à Gao vendredi 8 septembre, au lendemain d’une double attaque imputée aux jihadistes qui a tué au moins 64 civils et soldats dans le Nord, où la tension monte de jour en jour.
L’armée a parlé dans un bref message sur les réseaux sociaux d’une attaque “complexe” dans la zone aéroportuaire, ce qui signifie qu’elle a impliqué différents moyens. Elle n’a pas fourni de bilan….
Le Nord est en proie à une lutte qui va s’intensifiant pour le territoire entre une multitude d’acteurs : groupes jihadistes contre armée malienne, groupes jihadistes entre eux, groupes armés touaregs contre jihadistes, et groupes touaregs face à armée malienne.
La région de Tombouctou est soumise depuis août à un blocus imposé par le GSIM. De vastes étendues sont passées sous le contrôle de l’organisation État islamique dans la région de Gao.
C’est du Nord, avec les insurrections indépendantiste et salafiste de 2012, qu’est partie la tourmente dans laquelle le Mali est toujours plongé et qui a gagné le Burkina Faso et le Niger voisins, faisant des milliers de morts. Les indépendantistes ont signé en 2015 un accord de paix avec l’État malien tandis que les jihadistes continuaient le combat. Mais les hostilités n’ont jamais paru si proches de reprendre entre Touareg et armée….
Une reconfiguration sécuritaire a lieu dans le Nord après le départ de la force antijihadiste française en 2022 et celui, en cours, de la mission de l’ONU (Minusma), toutes deux poussées vers la sortie par la junte qui a pris le pouvoir par la force en 2020. La CMA n’accepte pas que la Minusma remette les clés de ses camps aux autorités maliennes dans une zone dont elle revendique le contrôle.
La junte fait du rétablissement de la souveraineté l’un de ses mantras. Elle s’est tournée militairement et politiquement vers la Russie. Mais différents experts estiment que la situation s’est encore dégradée sous sa direction. »
Malgré ces attaques régulières, la partie activiste de la population nigérienne ne veut plus de la présence de l’armée française :
« Des dizaines de milliers de manifestants ont convergé vers le rond-point Escadrille, devant une base militaire nigérienne de la capitale du Niger, Niamey, où sont stationnés des soldats français.
Majoritairement jeunes, les manifestants ont brandi des pancartes et crié des slogans hostiles à la France et à son armée, exigeant le départ « immédiat » et « sans condition » des militaires français. »
La raison en est donnée plus bas dans l’article :
« Les soldats français sont environ 1 500 dans le pays. Et ils étaient, avant le coup d’État, engagés aux côtés des forces nigériennes contre les jihadistes d’al-Qaïda et du groupe État islamique.
Mais cet engagement, les militaires du CNSP n’en veulent plus. Les nouvelles autorités de fait accusent même la France, à présent, de soutenir les groupes terroristes.
Pour autant, Paris maintient jusqu’ici une position de fermeté. »
Une position de fermeté qui commence à se fissurer :
« Lundi, le Premier ministre nigérien nommé par les militaires au pouvoir, Ali Mahaman Lamine Zeine, a affirmé que des “échanges” avaient lieu pour obtenir un départ des soldats français. Les “échanges qui sont en cours devraient permettre très rapidement” leur retrait, avait-il déclaré au cours d’une conférence de presse. Ali Mahaman Lamine Zeine a toutefois assuré que son gouvernement espérait “si possible maintenir une coopération avec un pays avec qui on a partagé énormément de choses”. »
« L’armée américaine se prépare à réduire de près de moitié sa présence au Niger dans les prochaines semaines, alors que les troupes quittent la capitale Niamey à cause de manifestations généralisées, selon deux responsables du ministère de la Défense ayant une connaissance directe de cette décision.
Le ministère de la Défense a récemment commencé à repositionner un certain nombre de forces de l’aéroport de Niamey vers une deuxième base plus petite à Agadez, à environ 500 milles de là, a déclaré jeudi la porte-parole du Pentagone, Sabrina Singh, aux journalistes. En conséquence, le nombre total de soldats au Niger pourrait passer de 1 200 avant le coup d’État du 26 juillet à quelque part « juste au milieu » de 500 à 1 000 dans les prochaines semaines, a déclaré l’un des responsables du ministère de la Défense, qui, comme d’autres interviewés pour cette histoire a obtenu l’anonymat pour discuter de projets sensibles. »
https://www.politico.com/news/2023/09/08/u-s-troops-niger-reduction-00114697
La guerre des puces
Au mois d’octobre 2022, les Etats-Unis lançaient une nouvelle bataille contre la Chine dans la guerre commerciale qu’ils mènent pour empêcher ce pays de leur prendre la place de première puissance économique mondiale. Cet article du New York Times traduit par Les Crises présente les enjeux de cette bataille :
« Ces dernières années, les puces de semi-conducteurs sont devenues un élément central du travail du bureau. Les puces sont l’élément vital de l’économie moderne et le cerveau de tous les appareils et systèmes électroniques, depuis les iPhones jusqu’aux grille-pain, depuis les centres de données jusqu’aux cartes de crédit. Une nouvelle voiture peut comporter plus d’un millier de puces, chacune gérant une facette différente du fonctionnement du véhicule. Les semi-conducteurs sont également la force motrice des innovations qui sont sur le point de révolutionner la vie au cours du siècle prochain, comme l’informatique quantique et l’intelligence artificielle. Le logiciel ChatGPT d’OpenAI, par exemple, aurait été développé sur 10 000 des puces les plus avancées actuellement disponibles.
Par le biais des contrôles à l’exportation du 7 octobre, le gouvernement américain a annoncé son intention de restreindre les capacités de la Chine à produire, voire à acheter, les puces haut de gamme. La logique de cette mesure est simple : ces puces, ainsi que les superordinateurs et les systèmes d’intelligence artificielle qu’elles alimentent, permettent la production de nouvelles armes et d’outils de surveillance. Toutefois, la portée et la finalité de ces mesures auraient difficilement pu être plus radicales, puisqu’elles visaient une cible bien plus large que le système de sécurité de l’État chinois. « Il est essentiel de comprendre que les États-Unis voulaient avoir un impact sur l’industrie chinoise de l’intelligence artificielle », explique Gregory C. Allen, directeur du Wadhwani Center for AI and Advanced Technologies au Center for Strategic and International Studies à Washington. « Le secteur des semi-conducteurs est notre moyen pour parvenir à cet objectif. »
Bien qu’elles se présentent sous la forme discrète d’une mise à jour des règles d’exportation, les mesures de contrôles du 7 octobre visent essentiellement à éradiquer, de fond en comble, tout l’ensemble de l’écosystème chinois des technologies de pointe. « La nouvelle politique incarnée par le 7 octobre est la suivante : non seulement nous n’allons pas permettre à la Chine de progresser davantage sur le plan technologique, mais nous allons activement inverser l’état actuel des choses », explique Allen. Ce que C. J. Muse, analyste confirmé en matière de semi-conducteurs chez Evercore ISI, exprime de la façon suivante : « Si vous m’aviez parlé de ces règles il y a cinq ans, je vous aurais dit qu’il s’agissait d’une déclaration de guerre – il aurait fallu que nous soyons en guerre. »
Si les mesures de contrôle sont efficaces, cela pourrait pénaliser la Chine pendant une génération entière. Si elles échouent, elles pourraient se retourner contre les États Unis de manière spectaculaire, précipitant l’avenir même que ces derniers tentent désespérément d’éviter. Le résultat déterminera probablement les rivalités entre les États-Unis et la Chine, tout comme l’avenir de l’ordre mondial, et ce, pour les décennies à venir. « Deux dates de 2022 resteront dans l’histoire, explique Allen. La première est le 24 février, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, et la seconde est le 7 octobre. » »
Quelque temps plus tard il semble que « Si elles échouent, elles pourraient se retourner contre les États Unis de manière spectaculaire, précipitant l’avenir même que ces derniers tentent désespérément d’éviter » :
« Il y a trois ans, les États-Unis ont interdit aux entreprises nationales et étrangères de fournir des puces 5G à Huawei. Une étape importante dans le remplacement des importations a donc été franchie hier lorsque Huawei a annoncé un tout nouveau téléphone 5G équipé de puces fabriquées en Chine :
« Le Huawei Mate 60 Pro a été silencieusement lancé en Chine. Le successeur du Huawei Mate 50 Pro de l’année dernière apporte plusieurs améliorations majeures, notamment la prise en charge des appels par satellite et un écran LTPO AMOLED. L’appareil est équipé d’un écran AMOLED de 6,82 pouces avec un taux de rafraîchissement adaptatif allant de 1 Hz à 120 Hz et un taux d’échantillonnage tactile de 300 Hz. »
Les États-Unis ont fait pression pour stopper les livraisons de puces 5G à Huawei. Cela a conduit à une campagne de développement de substituts chinois. Huawei a également développé un processeur graphique aussi rapide que le GPU A100 de Nvidia, utilisé pour le calcul haute performance et le développement de l’IA. L’authenticité de la nouvelle puce 5G utilisée par le téléphone a été confirmée.
Les 300 milliards de dollars d’importations de puces par la Chine ont diminué car le pays développe rapidement des substituts nationaux. »
Comme d’habitude le gouvernement étasunien utilise la technique du « puisque cela ne marche pas remettons en encore une couche :
« Au moment où la secrétaire américaine au commerce, Gina Raimondo, rentre de Chine, son ministère émet de nouvelles restrictions sur les livraisons de puces électroniques :
« Les États-Unis ont élargi les restrictions sur l’exportation de puces d’intelligence artificielle de haute performance par Nvidia et Advanced Micro Devices (AMD), les étendant à d’autres régions que la Chine, y compris certains pays du Moyen-Orient, sur fond d’inquiétudes croissantes quant à l’accès de Pékin à des ressources critiques en matière d’IA.
Reuters a rapporté jeudi qu’un dossier réglementaire de Nvidia indiquait que ses puces A100 et H100 de pointe, qui accélèrent l’apprentissage automatique sur des applications d’IA telles que ChatGPT, avaient été placées sur une liste “d’interdiction d’exportation“. »
L’objectif est d’empêcher les “fuites” de puces de pays comme les Émirats arabes unis ou l’Arabie saoudite vers la Russie et la Chine. Mais, comme je l’ai noté hier, la Chine fabrique déjà des puces d’une capacité équivalente »
Là encore, les dirigeants étasuniens sont restés bloqués sur une vision du monde complètement dépassé car ils n’acceptent que difficilement la perte de leur suprématie technologique :
« L’industrie chinoise s’est développée en copiant les modèles d’autres producteurs. Mais il n’a fallu que quelques années pour qu’elle commence à produire de meilleurs ou de nouveaux produits pour de nouveaux marchés. Historiquement, ce phénomène n’est pas nouveau. Le développement industriel de l’Allemagne s’est fait en copiant les processus de fabrication et les produits britanniques. Quelques années plus tard, les produits industriels allemands pouvaient concurrencer les produits britanniques et les Britanniques ont commencé à copier la technologie allemande.
En 2018, la Chine a fait la démonstration de grands essaims de drones coordonnés capables de dessiner des images animées dans le ciel.
Le Pentagone veut maintenant répliquer ces capacités. »
https://lesakerfrancophone.fr/les-sanctions-nont-pas-reussi-a-entraver-le-developpement-de-la-chine
Nous avions déjà parlé de l’attitude ambivalente des Etats-Unis qui, d’un côté, envoient des hauts fonctionnaires en Chine pour discuter et de l’autre ne cessent de provoquer ce pays. Moa nous propose une explication de Patrick Lawrence sur cette attitude :
« Le régime Biden gagne du temps pour remilitariser l’extrémité occidentale du Pacifique.
Les seules personnes censées comprendre le contraire sont les Américains, qui ne sont pas censés regarder Washington provoquer et poursuivre une deuxième guerre froide. Les Américains sont censés regarder les fonctionnaires américains – raisonnables, constructifs, bien intentionnés – faire tous les efforts possibles pour parler aux Chinois malgré leur réticence obstinée à coopérer.
Voici mon point de vue révisé sur la cavalcade Blinken-Yellen-Kerry-Raimondo à travers le Pacifique. Ces gens ne sont pas des imbéciles. Ils sont délibérément malveillants et, il va sans dire, rendent le monde encore plus dangereux qu’il ne l’est déjà. »
Et pour cela ils n’hésitent pas à manipuler les déclarations officielles, comme celles faites à la suite de la rencontre entre les ministères de la défense indonésien et étasunien :
« Ils [les ministres de la défense indonésien et étasunien] partagent le point de vue selon lequel les revendications maritimes expansives de la République populaire de Chine (RPC) dans la mer de Chine méridionale sont incompatibles avec le droit international tel qu’il ressort de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. »
Le ministère indonésien a donc dû se fendre d’une déclaration pour pallier à ce mensonge :
« Le ministre de la défense Prabowo Subianto a confirmé qu’il n’y avait pas eu de déclaration commune avec le ministère américain de la défense lorsqu’il a rencontré le ministre américain de la défense Lloyd Austin la semaine dernière. Prabowo a déclaré que l’Indonésie est en principe amie de tous les pays et qu’elle adhère à une politique étrangère libre et active.
“La position de l’Indonésie est très claire. Nous sommes non-alignés, nous sommes amis avec tous les pays. Je pense que c’est ce qui compte“, a déclaré M. Prabowo après avoir remis des vélos électriques à l’armée et à la police au ministère de la défense, jeudi (31/8). »
Ce sont, de la part des Etats-Unis, plus des signes de panique que d’un grand esprit stratégique. Ce n’est pas avec de telles méthodes qu’ils garderont leur première place dans la diplomatie mondiale.
Global Times exprime le fond de la pensée chinoise sur ce sujet :
« La surprise de certaines élites américaines [face à cette percée chinoise] s’explique par le fait qu’elles sont généralement convaincues que la Chine ne peut pas fabriquer seule des puces haut de gamme. Selon Kevin Klyman, chercheur en politique technologique à l’université de Harvard, les États-Unis ont fait de leur mieux pour saper l’industrie chinoise des semi-conducteurs en prenant une mesure sans précédent et en lançant une frappe chirurgicale sur cette industrie. Il a également déclaré que “le fait que les Pays-Bas et le Japon se soient ralliés aux contrôles américains à l’exportation a été un succès extraordinaire qui dépasse les rêves les plus fous de quiconque”. Pour certains politiciens de Washington dont la mentalité à l’égard de la Chine est extrêmement déformée, cela suffit à les submerger.
Nous conseillons à certains Américains de déconstruire et de reconstruire leur conception du développement technique et de l’innovation de la Chine, en plus de démonter les smartphones. Ces dernières années, Huawei, mais aussi de nombreuses autres entreprises chinoises, ont fait des progrès considérables dans des domaines où les États-Unis ont fait pression pour interdire la Chine, tels que l’aérospatiale, l’énergie photovoltaïque et l’énergie. La Chine a fait d’énormes progrès dans ces domaines et a apporté davantage de dividendes technologiques au monde. Ainsi, nous établissons des liens plus étroits avec la communauté internationale. Il est raisonnable de dire que la tendance de la Chine à l’autosuffisance technologique de haut niveau et à l’auto-renforcement est irréversible. Comme l’ont dit de nombreux net-citoyens chinois, ceux qui ne peut pas nous tuer finira par nous renforcer.
Certains médias américains se sont livrés à une “auto-réflexion” sur le lancement par Huawei d’une nouvelle série de téléphones, affirmant que “la puce de Huawei montre que les restrictions américaines sont poreuses, mais pas inutiles”. Ce genre de réflexion revient à essayer de construire un barrage au milieu de vagues impétueuses, sans se demander si l’eau peut être arrêtée. En fin de compte, ils s’apercevront qu’ils ont dépensé beaucoup d’efforts pour construire une île dans laquelle ils se piègent eux-mêmes. Malheureusement, nous n’avons pas vu Washington réfléchir en profondeur aux raisons de l’échec de ses restrictions et de ses suppressions et à la question de savoir si certaines mesures politiques étaient erronées, et nous n’avons pas non plus vu les ajustements correspondants être effectués. »
https://www.globaltimes.cn/page/202309/1297658.shtml
L’économie chinoise
Autre reflet de ce complexe de supériorité face à la Chine, depuis quelques semaines la presse étasunienne publie des articles sur la mauvaise santé de l’économie chinoise. En voici deux exemples
Est-ce vraiment la réalité ou simplement prendre ses désirs pour la réalité ?
D’autres instituts étasuniens semblent bien plus objectifs dans leur analyse :
« Un nouveau consensus s’est dégagé parmi de nombreux économistes, journalistes et autres analystes concernant le ralentissement actuel de l’économie chinoise. Leur argument est que les trébuchements de la Chine au printemps 2023 laissent présager un problème à long terme bien plus grave découlant d’une politique imparfaite, insulaire et contrôlée par le Parti communiste en réponse au COVID et à ses conséquences, avec des conséquences probablement néfastes pour l’économie mondiale.
Cette évaluation largement répandue est probablement prématurée et, au moins en partie, peut-être tout simplement fausse.
Il ne fait aucun doute que la Chine est confrontée à de nombreux défis structurels et autres : une productivité en baisse, une main-d’œuvre en diminution, des restrictions sur le transfert de technologie imposées par les États-Unis et d’autres pays, une bulle immobilière en cours de correction, un chômage élevé parmi les jeunes travailleurs et un leadership qui semble donner la priorité au contrôle du parti et à la sécurité nationale plutôt qu’à la croissance économique. Ces défis signifient que la croissance chinoise ne reviendra pas au rythme fulgurant de 1980-2010, lorsque la croissance annuelle moyenne était proche de 10 pour cent.
Mais une lecture attentive de la situation actuelle ne permet pas de conclure que la croissance chinoise est désormais en proie à une grave spirale descendante cyclique qui persistera pendant plusieurs années. »
https://www.piie.com/blogs/realtime-economics/how-serious-chinas-economic-slowdown
Moa décortique un article du New York Times sur ce sujet :
« Le New York Times et d’autres médias occidentaux mènent une campagne sur le thème de la morosité de l’économie sous le gouvernement Xi.
Le dernier article en date est le suivant :
La douleur économique de la Chine est un test de l’obsession de Xi pour le contrôle
L’affirmation principale est la suivante :
« Les consommateurs sont moroses. Les investissements privés sont léthargiques. Une grande société immobilière est au bord de l’effondrement. Les gouvernements locaux sont confrontés à une dette écrasante. Le chômage des jeunes continue d’augmenter. Les revers économiques érodent l’image de commandement impérieux de Xi et apparaissent comme le défi le plus soutenu et le plus épineux pour son programme en plus de dix ans de pouvoir. » »
https://lesakerfrancophone.fr/les-medias-disent-la-chine-en-proie-a-la-morosite-et-a-linquietude
Mais qu’en dit la Chine ?
« Peu de gens en Chine – des hauts responsables politiques aux gens de la rue – nieraient le fait que l’économie chinoise est confrontée à des difficultés. Dès mars 2022, dans le rapport sur le travail du gouvernement publié pendant les deux sessions du pays, les responsables chinois ont reconnu ce qu’ils ont appelé les “triples pressions” sur l’économie chinoise : la contraction de la demande, la perturbation de l’offre et l’affaiblissement du sentiment. C’est d’ailleurs cette évaluation qui a guidé la politique économique de la Chine depuis la publication du rapport. Une série de mesures de soutien ont été récemment annoncées pour relever ces défis précis.
Et pourtant, il y a eu ce qui semble être une campagne concertée de la part de fonctionnaires et de médias occidentaux, en particulier ceux des États-Unis, pour raviver la théorie bien connue de “l’effondrement de la Chine”…
Au fil des ans, l’économie chinoise a dû faire face à ces prédictions désastreuses et à un tsunami de fausses informations – voire de désinformation – sur sa résilience de la part des politiciens et des experts occidentaux, mais elle a en fait prospéré en dépit de ces questions. Toutefois, cette mentalité vicieuse qui consiste à se réjouir du malheur des autres a un impact réel et négatif sur la lente reprise de l’économie mondiale après la pandémie de COVID-19. Dans un contexte de ralentissement économique mondial et de dégradation générale du paysage géoéconomique, le monde a plus que jamais besoin d’attentes stables et de confiance. Comme le dit une expression chinoise très répandue, “la confiance, c’est de l’or”. Lorsque les consommateurs ont confiance en l’avenir, ils sont plus à l’aise pour dépenser, ce qui est bon pour le développement économique. Lorsque les investisseurs sont confiants, ils augmentent leurs investissements et embauchent davantage, ce qui est également favorable au développement économique. Les points de vue biaisés, cyniques et toxiques des médias occidentaux sur l’économie chinoise – ou sur l’économie mondiale dans son ensemble d’ailleurs – ne contribuent pas à renforcer la confiance sur la base d’une analyse objective de la situation de l’économie chinoise.
Oui, l’économie chinoise ralentit. Oui, l’économie chinoise est confrontée à des défis et à des risques importants. Mais au cours des quatre dernières années, l’économie chinoise a connu l’une des croissances les plus rapides de toutes les grandes économies. Malgré des mesures plus audacieuses et plus strictes contre le COVID-19, l’économie chinoise est passée de 91,9 billions de yuans (12,6 billions de dollars) en 2018 à 121 billions de yuans en 2022, soit une croissance beaucoup plus rapide que celle des États-Unis au cours de la même période et que celle de la zone euro. Dans ses dernières perspectives économiques mondiales publiées en juillet, le FMI prévoit que la Chine connaîtra une croissance de 5,2 % cette année, contre 1,6 % pour les États-Unis et 0,8 % pour la zone euro, et que la Chine contribuera à hauteur de 34,9 % à la croissance économique mondiale en 2023. »
https://www.globaltimes.cn/page/202309/1297628.shtml
Après vérification, les chiffres donnés par la Chine sont exacts et même un peu sous-estimés :
« L’économie chinoise a progressé de 6,3 % sur un an au deuxième trimestre 2023, affichant une croissance plus rapide que les 4,5 % enregistrés au premier trimestre, mais en deçà des estimations du marché de 7,3 %. »
https://tradingeconomics.com/china/gdp-growth-annual
Par pudeur, on évitera de comparer à la croissance du PIB des pays occidentaux.
L’Ukraine
Signe que des changement importants de politique sont en cours en Ukraine, Blinken s’est déplacé à Kiev pour « rassurer les ukrainiens quant au soutien des Etats Unis » :
« Blinken, premier haut fonctionnaire américain à se rendre à Kiev depuis le début de la contre-offensive début juin, a annoncé un nouveau programme d’aide à la guerre d’une valeur de plus d’un milliard de dollars, notamment pour soutenir les défenses aériennes de l’Ukraine.
“Dans la contre-offensive en cours, les progrès se sont accélérés au cours des dernières semaines. Cette nouvelle aide contribuera à les maintenir et à renforcer la dynamique”, a déclaré M. Blinken lors d’une conférence de presse avec le ministre ukrainien des affaires étrangères, M. Dmytro Kuleba.Blinken avait auparavant qualifié ces progrès d’importants et de “très, très encourageants”.»
https://jp.reuters.com/article/ukraine-crisis-blinken-idAFKBN30C0IB
L’enthousiasme étasunien à soutenir l’Ukraine va jusqu’à lui fournir, après les bombes à sous-munitions, des munitions à l’uranium appauvri :
« L’administration Biden va pour la première fois envoyer à l’Ukraine des munitions perforantes controversées contenant de l’uranium appauvri, selon un document vu par Reuters et confirmé séparément par deux responsables américains.
Ces munitions, qui pourraient aider à détruire les chars russes, font partie d’un nouveau programme d’aide militaire à l’Ukraine qui devrait être dévoilé la semaine prochaine. Les munitions peuvent être tirées à partir de chars américains Abrams qui, selon une personne au fait du dossier, devraient être livrés à l’Ukraine dans les semaines à venir. »
https://www.reuters.com/world/us-send-its-first-depleted-uranium-rounds-ukraine-sources-2023-09-01/
Quant à diriger le reste du monde vers une troisième guerre mondiale cela ne dérange ni les dirigeants ukrainiens ni les dirigeants étasuniens qui considèrent qu’elle a déjà commencé :
« Le chef du Conseil national de sécurité et de défense de l’Ukraine a affirmé qu’une troisième guerre mondiale était déjà en cours, le conflit entre Moscou et Kiev attirant des pays bien au-delà de la région.
S’exprimant lors du Forum sur la sécurité de Kiev mardi, Aleksey Danilov a affirmé que l’OTAN avait besoin de l’Ukraine en tant que membre, car les turbulences mondiales sont appelées à se poursuivre. “Nous allons renforcer l’alliance”, a-t-il insisté.
“Si quelqu’un pense que la troisième guerre mondiale n’a pas commencé, il se trompe lourdement. Elle a déjà commencé. Elle était en cours dans une période hybride depuis un certain temps et elle est maintenant entrée dans une phase active”, a-t-il déclaré.
Assis sur scène aux côtés de l’ancien directeur de la CIA, le général David Petraeus, M. Danilov a déclaré que “si quelqu’un pense qu’il [le conflit en Ukraine] s’agit d’un règlement de comptes entre Kiev et Moscou, c’est une erreur. Les choses sont bien plus compliquées.
Petraeus a également souligné l’ampleur du conflit entre la Russie et l’Ukraine, en déclarant : “Je n’ai jamais rien vu de tel que le conflit entre la Russie et l’Ukraine : Je n’ai rien vu de tel depuis la Seconde Guerre mondiale”, a-t-il déclaré.
“Les Russes ne sont pas particulièrement impressionnants en termes de connaissances ou de performances sur le champ de bataille, mais ils ont créé un système de défense assez exceptionnel, et il est assez difficile de le percer”, a-t-il affirmé. »
https://www.rt.com/news/582447-ukraine-nato-danilov-petraeus/
Au contraire, l’ambassadeur expérimenté qu’est Bhadrakumar perçoit des signes de dégel dans les relations USA-Russie :
« Tout observateur expérimenté de la politique russe sait qu’il est préférable d’évaluer l’état du tango russo-américain à partir d’intrigues secondaires, souvent obscures et inaperçues, loin de l’amphithéâtre où les gladiateurs croisent le fer. C’est pourquoi il convient d’explorer deux pistes concernant la crise ukrainienne.
La première est la rencontre entre le ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, et son homologue indien, S. Jaishankar, à Jakarta, en marge du sommet de l’Asie de l’Est, et la seconde est l’arrivée inopinée du secrétaire d’État américain, Antony Blinken, à Kiev. Ces deux événements se sont produits mercredi. Le trafic cryptographique entre Jakarta, Kiev, Moscou et Washington a dû être très intense au cours des dernières 48 heures. »
Le Monde occidental
Dans la rubrique « signes de la décadence du monde occidental » voici, après le travail des enfants, celui de la semaine, le retour de la faim au ventre :
« Une personne sur sept au Royaume-Uni a souffert de la faim l’année dernière parce qu’elle n’avait pas assez d’argent, selon un rapport publié mercredi par l’organisation caritative Trussell Trust, qui s’occupe des banques alimentaires.
Ce rapport, qui fait état de 11,3 millions de personnes, soit plus du double de la population de l’Écosse, met en cause un système de sécurité sociale dysfonctionnel, ainsi qu’une crise du coût de la vie qui ne montre guère de signes d’apaisement.
La Grande-Bretagne est la sixième économie mondiale, mais ses citoyens subissent depuis plus d’un an la pression d’une inflation élevée qui a dépassé la croissance des salaires pour la quasi-totalité des travailleurs. »
« Les comptes sont dans le rouge. Aussi, les Restos du cœur ont annoncé qu’ils allaient être contraints de réduire le nombre de bénéficiaires de leurs distributions alimentaires, cet hiver. Le président de l’association, Patrice Douret, estimait à 150 000 le nombre de personnes concernées.
Il faut tout de suite préciser que depuis début 2023, l’association a déjà accueilli 1,3 million de personnes. Soit 200 000 de plus que sur l’ensemble de l’année 2022. Elle n’arrive plus à faire face à l’ampleur des besoins. Les Restos du cœur disent avoir besoin de 35 millions d’euros pour terminer leur exercice à l’équilibre.
Pour résumer, le budget que l’association consacre aux achats alimentaires a doublé ces derniers mois. Parallèlement, la demande d’aide alimentaire est en forte hausse. Plusieurs associations lancent l’alerte. À l’instar d’Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.
« Il y a une montée en charge, dit-elle. Et cette montée en charge ne se réduit pas. Et elle concerne maintenant des personnes qui travaillent. Y compris des couples qui travaillent. Et qui ont des toutes petites rémunérations. » »
Zola doit se retourner dans sa tombe.
A lundi prochain.
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