Révolution d’Octobre


Par Alexandre Douguine – Le 7 novembre 2016 – Source katehon.com

Aujourd’hui, 7 novembre, anniversaire de la Révolution d’Octobre : une date à la fois terrible et importante.

Il y a beaucoup à dire sur la Révolution d’Octobre. C’est incontestablement une part de notre Histoire et nous en assumons la responsabilité. C’est pourquoi nous sommes simplement tenus de comprendre la signification de cet événement.

Premièrement, à l’époque soviétique, la Révolution d’Octobre était vénérée comme quelque chose de quasiment sacré, comme un événement fondamental marquant le début du cycle de l’Histoire soviétique.

En URSS, cette date était considérée comme le point de départ d’une période infinie devant aboutir au communisme. Mais il s’avéra que ce fut seulement un pan d’histoire, qui a commencé en octobre 1917 et s’est terminé en 1991. L’approche soviétique de la Révolution d’Octobre est donc profondément erronée. Nous avons pris une chose pour l’autre et sommes restés prisonniers d’une interprétation dépassée. Nous devons trouver une nouvelle explication à cet événement, puisque la vieille interprétation de l’école soviétique s’est révélée fausse.

Deuxièmement, cette conception idéalisée d’Octobre 1917 s’est imposée dans notre société comme la seule possible pendant 70 ans.

Elle était fausse, raison pour laquelle nous devons trouver une autre explication. Et c’est important de tenir compte de l’autre moitié du peuple russe, qui n’était pas du parti des Rouges, mais de celui des Blancs. Pour ces derniers, la révolution était le fruit d’une conspiration monstrueuse, mise en œuvre par une secte qui a recouru au mensonge et à la violence pour prendre le pouvoir et qui a perdu toute forme de légitimité après la dissolution de l’Assemblée constituante. De plus, les Blancs ont particulièrement insisté sur le fait que les Bolchéviques étaient issus en grande partie de minorités nationales et avaient fait appel à des brigades étrangères, comme les fusiliers lettons ou même des soldats chinois. En d’autres termes, ils considèrent la Révolution d’Octobre comme une prise de pouvoir par la force par une organisation terroriste russophobe. Cette vision totalement négative est aussi éloignée de la vérité que l’était la vision soviétique. La théorie de la conspiration qui est celle de la Garde Blanche est tout aussi inacceptable que le culte soviétique de la Révolution d’Octobre.

La vérité a quelque chose d’asymétrique. Chacun connaît l’interprétation erronée de l’historiographie soviétique, alors que peu de nos citoyens connaissent la version douteuse et simpliste qui est celle de la Garde Blanche. Il importe de déterminer où est l’erreur et de mettre en balance ces deux théories, aussi douteuses l’une que l’autre, qu’il s’agisse de l’absurdité de la nature socialiste de la révolution (dans un pays agraire au capitalisme sous-développé, d’où le prolétariat est quasiment absent) et l’absurdité de la conspiration juive, mise en avant par les Blancs. Mais puisque la version absurde des Rouges est représentée dans des milliers de films et de pièces de théâtre, alors faisons en sorte qu’il y ait autant de monuments à l’absurdité de celle des Blancs.

Nous avons déjà une explication de la Révolution d’Octobre sous la forme d’une théorie communiste, qui est un mensonge tellement répandu que toute tentative de publier les théories de l’ataman Krasnov soulèverait immédiatement un concert de protestations. Devant le tribunal de l’Histoire, les Blancs méritent aujourd’hui de pouvoir parler en toute liberté. Ils doivent même être aidés en cela, jusqu’à ce qu’un juste équilibre soit rétabli. Il est en effet tout à fait justifié de voir en Octobre une catastrophe, puisque notre peuple l’a payé par le sacrifice de millions de vies et de l’élite de ses fils et de ses filles.

Troisièmement, nous devons expliquer la signification profonde de la Révolution d’Octobre, ou du coup d’État d’Octobre, au-delà des interprétations incorrectes et simplistes, tant des Rouges que des Blancs.

Ici, nous nous heurtons toutefois à un problème méthodologique important. L’Histoire est la science de l’interprétation des faits, et pas seulement des faits en eux-mêmes. Il n’y a pas de faits sans interprétation. C’est pourquoi il est impossible d’évaluer un événement aussi teinté d’idéologie que la Révolution – ou coup d’État – d’Octobre sans se fonder soi-même sur une forme d’idéologie ou une autre. Les Rouges et les Blancs ont chacun leur plateforme idéologique. Même leurs explications fausses et contradictoires sont plus pertinentes que les vaines théories qui se prétendent objectives.

Il n’y a pas d’objectivité en Histoire – c’est seulement une figure de rhétorique. Ainsi, tant que nous n’aurons pas déterminé une plate-forme globale de notre société contemporaine et que nous ne nous serons pas reconnus, le sens des événements de la Révolution d’Octobre nous restera inaccessible et dérobé.

Enfin, quatrièmement, 1917 était un phénomène interne à la Russie. Ce fut un drame monstrueux pour les uns et une grande révolution pour les autres.

Seuls nous, les Russes, pouvons décider ce que 1917 a été en réalité et comment intégrer cet événement dans la logique de l’Histoire de la Russie. C’est notre affaire et notre révolution. Par conséquent, nous seuls, sommes autorisés à mettre ensemble les pièces de ce puzzle. Et personne d’autre.

La Révolution d’Octobre a tenté de nombreux penseurs et poètes russes, qui ont vu dans la révolution un événement eschatologique et même l’avènement de l’Heure de la Russie. Ils se sont quasiment tous repentis par la suite. Mais cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas attendu en vain l’Heure de la Russie. Dit simplement : la vraie Révolution russe est devant nous.

Alexandre Douguine

Traduit par Jean-Marc, relu par nadine pour le Saker Francophone

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