Selon les observateurs, les jours du premier ministre israélien Netanyahu au pouvoir sont comptés depuis que la police enquête sur deux nouvelles affaires de corruption.
Par Jonathan Cook – Le 1er mars 2018 – Source Chronique de Palestine
L’étau juridique s’est fortement resserré autour du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou que deux séries d’événements dramatiques ont plus que jamais fragilisé la semaine dernière.
Il va être interrogé par la police dans le cadre de deux nouvelles affaires de corruption avant son départ pour les États-Unis, jeudi. La question n’est plus de savoir si Netanyahou sera obligé de quitter le pouvoir, mais de savoir quand, selon les analystes.
Selon les médias israéliens, des personnalités importantes du Likoud de Netanyahou commencent à dire qu’il ne s’en sortira pas.
Le gros problème de Netanyahou est la dislocation de ce qu’on appelle sa « boîte noire » – son cercle restreint de fidèles et d’assistants.
Shlomo Filber, son ancien chef de bureau, a accepté la semaine dernière de devenir témoin à charge, ce qui a permis d’ouvrir une enquête sur de nouvelles allégations de corruption encore plus graves : à savoir que le premier ministre aurait bloqué la régulation du géant israélien des télécommunications, Bezeq, en échange d’une bonne couverture médiatique pour lui-même et de sa famille. La police doit l’interroger là-dessus dans les prochains jours.
Chute imminente
Yaron Ezrahi, politologue à l’Université hébraïque de Jérusalem, a déclaré mardi dernier que l’accord de Filber avec la justice signifiait que les jours de Netanyahou au pouvoir étaient désormais comptés. « Il ne peut pas s’accrocher au pouvoir beaucoup plus longtemps, a dit Ezrahi. Sa chute est imminente – soit il devra démissionner, soit il sera renversé par son parti ou la coalition au pouvoir. »
« Son autorité a été sérieusement sapée, et les gens qui le protégeaient n’ont plus peur de lui » a-t-il déclaré à Al Jazeera.
Ce nouveau développement fait suite à la recommandation de la police, plus tôt dans le mois, d’inculper Netanyahou pour corruption dans deux autres cas. Il est soupçonné d’avoir aidé d’importants hommes d’affaires en échange de cadeaux somptueux et d’un soutien médiatique.
De nombreux membres de l’entourage de Netanyahou font déjà l’objet de fortes pressions policières – plusieurs ont été arrêtés – et les activités du premier ministre sont minutieusement examinées dans le cadre de quatre enquêtes distinctes, et bientôt d’une cinquième.
De son côté, la femme de Netanyahou, Sara, est accusée de fraude à cause de la façon dont elle a géré la résidence officielle de la famille.
Le procureur sous les projecteurs
Mais Netanyahou ne peut être inculpé que si le procureur général d’Israël, Avichai Mandelblit, approuve les conclusions de la police. La plupart des gens pensent que Mandelblit, qui a été nommé par Netanyahou, va traîner les pieds pour inculper le premier ministre.
Mais Mandelblit fait également l’objet d’un examen approfondi de la police depuis qu’il est apparu que la nomination au poste de procureur général en 2015 avait peut-être été conditionnée au fait que le vainqueur laisserait tomber ce qui était alors une enquête préliminaire sur Sara Netanyahou.
Selon Ezrahi, il sera beaucoup plus difficile à Mandelblit de faire traîner la procédure dans les circonstances actuelles. « Il ne lui reste plus beaucoup de moyens de retarder la mise en accusation. »
Filber, l’ancien chef du bureau de Netanyahou, est le témoin-clé dont la police avait besoin pour confirmer les allégations selon lesquelles Netanyahou aurait aidé Bezeq en échange des faveurs de Shaul Elovitch, l’actionnaire majoritaire de Bezeq.
Netanyahou est soupçonné d’avoir parachuté Filber à la tête du ministère des Communications pour entraver la réforme des lois sur la concurrence qui aurait gravement nui à la position commerciale de Bezeq.
En échange, la police pense qu’Elovitch a offert de fournir au premier ministre une couverture médiatique favorable sur Walla, un important site Web d’information en ligne qu’il possédait également.
Autres enquêtes
L’enquête – baptisée Cas 4000 – fait écho à une autre enquête, Cas 2000, dans laquelle la police a déjà recommandé que Netanyahou soit inculpé de corruption.
Dans ce dernier cas, Netanyahou a été filmé en train de conclure un accord avec Arnon Mozes, le propriétaire du grand groupe d’information israélien Yedioth Ahronoth. On entend le Premier ministre israélien suggérer un projet de loi visant à affaiblir un journal rival, Israel Hayom, en échange d’une couverture médiatique qui l’aiderait à rester au pouvoir.
La police a également recommandé que M. Netanyahou soit inculpé dans le Cas 1000. Là, il est soupçonné d’avoir reçu près de 300 000 dollars en dons d’hommes d’affaires en échange de la réduction de leurs impôts et d’offres d’investissements.
Une quatrième enquête, Cas 3000, concerne jusqu’ à présent un grand nombre d’assistants et d’anciens conseillers de Netanyahou, mais pas encore directement le Premier ministre. Ils sont soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin pour un contrat de 2 milliards de dollars avec un fabricant allemand de sous-marins Dolphin capables de transporter des ogives nucléaires.
Selon Ezrahi, la police pense que Netanyahou ne pouvait pas ignorer l’existence de ces commissions occultes, vu les conséquences d’un tel achat de sous-marins sur la sécurité nationale. Il doit être interrogé cette semaine sur son rôle dans l’affaire.
Ben Caspit, qui est presque toujours le premier à sortir de nouvelles informations sur les différentes enquêtes, a noté la semaine dernière que la coopération de Filber avec la police sur l’enquête télécom de Netanyahou pourrait « ouvrir une boîte de Pandore sans fond ».
Couverture médiatique biaisée
L’un des thèmes qui ressort de l’enquête est celui des efforts apparemment de plus en plus désespérés de Netanyahou pour faire pression sur les médias israéliens et garder le pouvoir.
Yossi Alpher, qui a été conseiller d’Ehoud Barak, un ancien Premier ministre israélien, a noté après les élections générales de 2015 que Netanyahou s’était réservé le poste de ministre des communications. Dans le cadre d’un accord de coalition, il avait insisté pour que ses partenaires approuvent toutes les décisions qu’il prenait.
« Il semble qu’il cherchait à contrôler presque totalement les médias israéliens et son image publique » a déclaré Alpher à Al Jazeera.
En plus du fait qu’il aurait conclu des accords secrets avec des hommes d’affaires par l’intermédiaire de journaux et de sites Web de premier plan, Netanyahou a menacé de prendre des mesures punitives contre les deux plus grandes chaînes commerciales israéliennes, Channel 2 et 10.
Il a également cherché à transférer le contrôle de la populaire Army Radio au ministère de la Défense, pour faciliter l’ingérence du gouvernement dans sa couverture médiatique.
La mégalomanie de Netanyahou
Les déclarations de journalistes influents sur la manière dont ils ont été pressurés pour fournir une couverture non critique des Netanyahou ont renforcé les soupçons d’ingérence.
On a appris, la semaine dernière, qu’Ilan Yeshua, le directeur général du site d’informations Walla, avait remis à la police des enregistrements d’Elovitch, l’actionnaire majoritaire de Bezeq, exigeant de lui une couverture télévisée biaisée pour aider Netanyahou.
Un élément qui permet de se rendre compte de la manière dont les diverses enquêtes s’enchevêtrent, est le fait que Netanyahou aurait demandé le renvoi du rédacteur en chef de Walla, Aviram Elad, qui avait publié un article sur des irrégularités concernant une autre enquête – l’achat des sous-marins Dolphin.
Selon Alpher, l’accumulation des affaires est le signe de l’immensité de la « mégalomanie » de Netanyahou.
« C’est la conséquence évidente d’un mélange catastrophique d’ego, d’instinct de survie et de paranoïa politique » a déclaré Alpher.
Victime de persécution policière
Jusqu’ à présent, Netanyahou a réussi à se maintenir au pouvoir parce que ses principaux partisans ne se sont pas laissé impressionner par les preuves de plus en plus nombreuses qui s’accumulent contre lui.
Un sondage réalisé après les révélations de la semaine dernière a montré que son parti continuerait à remporter la plus grande part des sièges s’il y avait de nouvelles élections législatives.
Netanyahou dit qu’il est victime de persécution policière.
La semaine dernière, les députés du Likoud ont tenté en vain de lancer une attaque directe contre Roni Alsheikh, le commandant de la police, qui est de droite, lors d’une audition d’une commission de l’Intérieur. Les députés ont accusé les forces d’Alsheikh de mener un « coup d’État » contre le premier ministre pour des raisons politiques.
Selon Amos Harel, un analyste du journal Haaretz, cette attaque publique contre Alsheikh avait pour but d’avertir Mandelblit, le procureur général, de ce qui l’attendait s’il décidait d’inculper Netanyahou.
Mais la pression sur le procureur général pour qu’il passe sérieusement à l’action, est maintenant encore plus forte car il est lui-même impliqué dans un nouveau scandale potentiel.
On a appris la semaine dernière qu’en 2015, Hila Gerstl, une ancienne juge, a été approchée par Nir Hefetz, l’ancien conseiller en communication de Netanyahou, qui lui a offert le poste de procureur général si elle promettait de clore les poursuites judiciaires contre Sara Netanyahou.
Cela fait planer une ombre menaçante sur Mandelblit, l’ancien secrétaire du cabinet de Netanyahou qui a obtenu le poste à sa place. Du coup, on se demande à quel point Netanyahou s’est ingéré dans cette nomination, et si Mandelblit s’est vu offrir – et a accepté – un accord similaire.
Les médias israéliens se demandent si Mandelblit ne devrait pas faire lui-même l’objet d’une enquête et si, par conséquent, il ne devrait pas se récuser pour les enquêtes concernant Netanyahou.
Dans une déclaration de la semaine dernière, Netanyahou a balayé les soupçons qui pèsent sur Hefetz, en déclarant que son conseiller « n’a jamais fait une offre aussi ridicule ».
Crimes contre l’humanité
Alpher, un ancien conseiller d’Ehoud Barak, a déclaré que Netanyahou n’avait pas d’autre choix que de présenter au public l’image d’un homme qui vaque à ses affaires comme d’habitude, mais qu’en fait il ne lui restait plus beaucoup d’options.
Il pouvait démissionner, comme l’a fait son prédécesseur Ehoud Olmert, pour se concentrer sur sa défense ; conclure un accord avec la justice pour éviter la prison en échange de sa démission ; ou organiser de nouvelles élections pendant qu’il a encore le soutien de la population.
« La dernière option serait risquée. Cela ne changerait probablement rien à son sort, si l’affaire est légalement aussi solide qu’elle en a l’air. Et il y a une chance que cela suscite de nouvelles révélations. »
Jamal Zahalka, un membre palestinien de la Knesset sur la Liste arabe unie, a déclaré que l’inculpation de Netanyahou pour irrégularités financières faisait penser à la condamnation du gangster américain Al Capone pour évasion fiscale au début des années 1930.
« Netanyahou a commis des crimes contre l’humanité et il est responsable de la mort d’innombrables Palestiniens pendant son mandat de premier ministre » a-t-il déclaré à Al Jazeera. « Il devrait être jugé pour ces crimes, pas pour son goût pour les cigares et le champagne. »
Traduction : Dominique Muselet
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