Par Karine Bechet-Golovko − Le 6 avril 2019 − Source Russie Politics
Le coronavirus existe et remettre en cause la crise sanitaire n’a aucun sens. Pourtant, ce qu’elle nous révèle est autre. Impossible de fermer les yeux sur l’ampleur de la dégradation des institutions étatiques dans notre monde néolibéral, qui n’a eu de cesse de réduire le public au profit du privé et montre son incapacité à gérer une poussée virale, une pandémie, qui n’est ni la première, ni la dernière, mais qui, surtout, n’est pas la seule en cours et pas la plus meurtrière aujourd’hui. Or, des mesures absolument inédites sont adoptées à travers le monde, les pays qui résistent font l’objet de pressions sans précédent. Et parallèlement, l’on voit une peur grandissante s’infiltrer dans les populations et pour cause, elles sont mises en situation de détresse psychique, artificiellement en situation de survie. Autant la réalité de l’existence de la crise sanitaire est incontestable, autant son instrumentalisation apparaît toujours plus clairement.
Toute approche est réduite à deux camps, aussi fanatiques l’un que l’autre, niant le fait ou niant la possibilité de l’analyser. Ce qui présente le grand intérêt de rejeter toute tentative d’approche objective, qui ne soit pas catastrophiste. Or, l’analyse est possible. Pour cela, il convient d’une part de remettre les statistiques du coronavirus dans leur environnement, afin de pouvoir les comparer et d’autre part de réfléchir, puisque nous sommes dans un monde de la communication aux méthodes employées afin de convaincre toute une époque du caractère extraordinaire d’une attaque virale, qui si elle est importante, n’est pas extraordinaire. En ce sens, l’information diffusée n’est pas neutre, elle sous-tend un projet, elle devient alors propagande. C’est ce que je vous propose d’analyser.
Le coronavirus, une crise virale parmi d’autres
Pour comprendre l’ampleur du coronavirus, il faut comparer les données disponibles le concernant avec les données concernant d’autres épidémies ou pandémies en cours. Car il est loin d’être le seul.
Tout d’abord, l’on remarque une différence importante de chiffrage du coronavirus selon les ressources, ce qui montre la difficulté d’appréciation des chiffres. A ce jour, les données sur google sont de plus de 1 275 856 cas confirmés pour environ 69 514 décès.
Or, les données de l’OMS sont plus faibles : 1 133 758 cas confirmés pour 62 784 décès, soit une différence significative, si l’on considère chaque vie importante. L’on aurait pu croire que les données de l’OMS soient les données officielles diffusées. Ce qui pose la question des sources et de leur diffusion.
Si ces chiffres, quoi qu’il en soit, sont loin d’être négligeables, il convient de les remettre dans leur contexte pour pouvoir les évaluer.
Actuellement, si l’on en croit les données fournies par l’Institut Pasteur, d’autres crises épidémiques et pandémiques majeures sont en cours. D’accord, je ne parlerai pas des 2 à 8 millions de personnes touchées par la grippe en France par an. Il est d’autres éléments de comparaison non moins intéressants. Ainsi, le choléra se propage toujours sur notre planète. 3 millions de personnes touchées et 95 000 décès environ par an. L’hépatite est toujours l’une des principales causes de décès par virus. Environ 2 milliards de personnes ont été infectées par l’hépatite B. 2 milliards. L’on compte à ce jour 370 millions de porteurs et 600 000 décès par an. Quant à l’hépatite C, dont seulement 15 à 35% des personnes peuvent guérir, l’on compte 130 à 170 millions de porteurs pour environ 350 000 décès par an. L’hépatite est par ailleurs extrêmement contagieuse et 50 à 100 fois plus infectieuse que le SIDA. De son côté, le VIH n’a pas non plus été vaincu, 37 millions de personnes infectées, même si les traitements ont beaucoup évolué. N’oublions pas non plus la lèpre, qui touche sur les continents africain, américain et asiatique principalement 2,8 millions de personnes et continue à se propager. Le paludisme fait encore 1 million de victimes par an et 40% de la population y est exposé.
Ensuite, il convient de replacer les chiffres des décès causés par le coronavirus dans les statistiques nationales de mortalité. Gardons les chiffres officiels, même s’il convient de ne pas oublier qu’une partie des patients ont plusieurs pathologies et automatiquement indiquer la mort par coronavirus dès qu’il est présent, sans pour autant être la cause du décès, soulève en soi des questions. Prenons les données du coronavirus tels qu’elles sont et comparons les avec les statistiques nationales de décès. Car les gens meurent et continuent à mourir de maladies, de vieillesse, d’accidents … L’homme, certainement pour le mieux, n’est pas devenu immortel et ne le deviendra pas après cette pandémie. L’on annonce en France 8078 décès depuis le début de la crise fixé pour le pays au 1er mars. Rappelons qu’en 2019, il mourrait déjà en France environ 1700 personnes par jour. Il faudra voir les chiffres de fin d’année pour comparer l’impact réel du coronavirus sur le pays. En ce qui concerne la Russie, avec 47 décès déclarés (même si certains d’entre eux, selon les médecins, ne sont pas directement imputables au coronavirus), elle est loin de sa statistique habituelle : en 2017, selon les statistiques officielles, il est mort 1 891 015 personnes, soit environ 5180 par jour. Quant à l’Italie, des données comparatives sont intéressantes et ont été soulevées par une personne, pourtant très convaincue par la crise actuelle. Il a recherché les statistiques officielles italiennes de décès. En 2019, 647 000 personnes sont mortes, pour les trois premiers mois, cela doit faire environ 161 000. Or, début avril 2020, en Italie, selon les statistiques officielles, donc en trois mois, environ 145 000 personnes sont mortes. Non seulement pas plus que l’année dernière en raison du coronavirus, mais moins.
Remise dans son cadre, le coronavirus est une maladie parmi d’autres. Qui comme toute maladie cause des décès, touche les populations. Mais qui produit des effets socio-politiques sans précédent et sans rapport avec sa dangerosité. Et cela oblige à réfléchir. Notamment à l’instrumentalisation qui en est faite pour mettre les populations en situation de détresse.
Comment les populations sont-elles mises en situation de détresse psychique ?
Mikhail Supotnitsky, microbiologiste russe, colonel, s’interroge sur la disproportion entre les mesures adoptées et le danger réel présenté par le coronavirus (voir son interview dans le journal Zavtra, N°13, avril 2020, p. 6). Il souligne que ce virus ne présente pas un danger extraordinaire si l’on regarde la situation épidémiologique globale et qu’il se développe aussi en fonction des spécificités de certains endroits. Bref, ce n’est pas une peste moderne, sinon médiatico-politique. Un extrait des réponses apportées, aux questions posées par le journaliste, lui, par contre, tout à fait dans l’air hystérique du temps :
Q: Le coup porté par la pandémie du Covid-2019 à notre mode de vie est très fort.
R: En fait, ce coup a été porté essentiellement par les médias.
Q: On peut les critiquer, mais ce n’est que la conséquence, ils ne font que réagir dans cette situation à une certaine réalité. Il y a des faits : les gens tombent malades, les gens meurent. C’est clair que plus de personnes sont mortes de la grippe que du coronavirus, l’ampleur n’est pas comparable, mais tout ce qui cause la mort provoque l’intérêt des gens et donc des médias. Or, la grippe n’a pas produit un tel effet sur l’économie, sur la politique, sur les frontières comme le Covid-2019, qui en quelques mois a fait plonger l’économie mondiale au moins de 5 points.
R: S’il y avait eu la volonté de la faire plonger avec la grippe aviaire en 2009, ils l’auraient faite plonger. C’est justement pourquoi j’ai cette impression de l’année 1990 (juste à la chute de l’URSS – note Russie Politics). Dans cette année 1990 aussi, j’ai eu ce sentiment d’un chaos grandissant et je ressentais ma propre impuissance. J’ai vu qu’une certaine réaction en chaîne d’événements se mettait en route, l’un après l’autre : Tchernobyl, les catastrophes, les incendies, la chute du prix du pétrole, les troubles, l’impuissance du Centre … Regardez, aujourd’hui c’est pareil : la crise, le pétrole, le coronavirus, le mécontentement – le scénario est semblable. Ce coronavirus qui en un jour est devenu l’élément dominant l’espace médiatique. D’autant plus que ces mesures qui sont prises aujourd’hui contre ce virus sont dignes des méthodes du Moyen Âge. La quarantaine, faire des tranchées autour d’une ville en Chine, mettre des barrages – même au début du 20e on n’aurait pas fait ça. Nous vivons aujourd’hui au 21e siècle et l’on revient quasiment au 17e.
Au-delà des mesures physiques soulignées ici, qui n’ont été prises pour aucune autre pandémie en Occident, dont pourtant la mortalité n’a rien à envier au coronavirus, la communication surprend. En général, lorsque la situation est grave, les pouvoirs sont enclins à calmer les populations, ce qui évite les paniques et permet une réaction plus adéquate. Ici, nous sommes dans un scénario totalement différent. La pression est montée par les médias et les politiques eux-mêmes.
Pourquoi, tout à coup, publier chaque jour le nombre de personnes infectées, le nombre de décès ? Et ce uniquement pour le coronavirus, comme si aucune autre maladie n’existait, comme si l’on ne mourrait que de ça. Ce qui focalise totalement l’attention des populations sur un seul point. Imaginez l’impact qu’aurait la publication journalière, par exemple, des chiffres concernant les hépatites B et C. Plus de 500 millions de personnes touchées, près d’un million de morts par an. Chaque jour le décompte. L’on peut imaginer la diffusion non-stop des portraits et des noms. Chaque jour. Pour les siècles des siècles. L’impact serait aussi violent sur la psychologie que le coronavirus. Mais l’hépatite n’a pas été choisie pour cela. Comme aucune autre épidémie d’ailleurs avant le coronavirus.
Pourquoi ces images de véhicules militaires transportant les cadavres en Lombardie ? Sans explication. L’impact psychique fut terrible. Car les images sont terribles. Seulement, personne en général, n’expliquait qu’il fallait bien transporter les corps, parce que les pouvoirs avaient tout fermé, y compris le crématorium, les pompes funèbres, etc. Il fallait donc bien transporter les corps dans les régions voisines. Ce qui a permis, au passage, de produire des images à fort impact.
Lorsque l’information n’est plus brute, mais employée à des fins précises, c’est de la propagande. C’est exactement ce qui se passe avec le traitement médiatique du coronavirus.
Il y a donc bien choix d’utiliser le coronavirus pour mettre les populations en situation de détresse psychique, pour cela la propagande est utilisée, le monopole du discours et de l’information. Un choix qui ressemble étrangement à une guerre psychologique, menée contre sa propre population. Mais ça, c’est pour demain.
PS : Ceux qui caressent l’espoir, toujours renouvelé, de voir les pouvoirs publics prendre conscience d’une véritable réforme de l’État, allant dans le sens de la restauration des structures publiques, risquent d’être extrêmement déçues. La crise du coronavirus ne conduira pas, selon les pouvoirs publics dans l’Est de la France, à une remise en cause du plan de réduction des postes dans les hôpitaux.
Karine Bechet-Golovko
Note du Saker Francophone Nous ne pouvons que vous conseiller de suivre les articles de cette auteure sur son blog comme celui d'hier sur le confinement : Coronavirus, déconfinement et "souveraineté globalisée"
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