Le 3 novembre 2015 – Source stratediplo
La chancelière allemande Angela Merkel brandit le spectre de la guerre au sujet de l’invasion migratoire.
Hier 2 novembre à Darmstadt, durant une réunion du parti CDU, Mme Merkel a expliqué son refus de fermer la frontière avec l’Autriche par sa crainte de déclencher ainsi une guerre. Elle a précisé que ce n’était pas noircir la situation que d’être lucide, que l’Europe n’avait jamais été dans une situation aussi grave, que les guerres que l’on croyait lointaines étaient maintenant à ses portes, et que le rêve de paix que représentait l’Europe était à deux doigts de se terminer.
Tout en mentionnant à titre d’exemple une (prétendue) tension suite à la fermeture de la frontière serbo-hongroise, elle a déclaré que si l’Allemagne fermait ses frontières les autres pays le feraient aussi les uns après les autres, que de toute façon cela ne changerait rien parce que les migrants entreraient quand même, mais que cela déclencherait des conflits militaires.
Evidemment Mme Merkel s’est présentée devant son parti CDU sur la défensive. Sur le plan partisan elle fait face, d’après certaines sources, à une dislocation de la coalition qui l’a élue (au minimum une séparation du CSU bavarois). Plus grave, le gouvernement allemand est, comme tous les gouvernements européens sur ce sujet, en butte à une société civile qui rejette totalement et inconditionnellement la politique d’imposition des masses de colons que le gouvernement entend imposer sans consultation populaire (et pour cause) en utilisant tous les dictateurs d’opinion disponibles. Enfin, tout en agitant comme un épouvantail à gouvernements (qui attire pourtant de plus en plus de peuples) le malheureusement improbable risque d’un éclatement de l’Union européenne, le pouvoir fédéral allemand est lui-même confronté à une très sérieuse menace d’éclatement interne. La Bavière a été soumise à une pression (immigratoire d’un côté et politique de l’autre) tellement forte, dans la première quinzaine de septembre, que le président Horst Seehofer, après avoir tenté en vain de freiner les ardeurs immigratoires de Berlin ou au moins d’obtenir une aide fédérale pour les services bavarois complètement débordés, qu’il a été amené à menacer le gouvernement fédéral de sécession. La Bavière, dont le gouvernement a évidemment l’entier soutien de la population en la matière, allait rétablir elle-même le contrôle de la frontière avec l’Autriche si la République Fédérale Allemande se refusait à le faire, quitte à devoir pour cela reprendre sa souveraineté. La crise a été étouffée autant que possible, tant en Allemagne qu’en Europe où les gouvernements immigrationnistes ont très largement révolté leurs populations, et où plusieurs provinces envisageaient déjà de reprendre leur souveraineté face à Bruxelles (et pour cela face à leurs gouvernements nationaux). Il n’y avait pourtant pas de véritable mouvement sécessionniste en Bavière au début de cette année, mais ce pays de treize millions d’habitants (plus peuplé que son voisin l’Autriche) a été suffisamment violenté depuis août pour ne plus voir que cette solution définitive. Il y avait (il y a toujours) urgence, ce n’était pas comme la ridicule dispute entre les partis CDU, CSU (majorité) et SPD (opposition) qui peuvent toujours recomposer des alliances avant les prochaines élections, car face à une invasion de 10 000 hommes par jour la Bavière menaçait d’agir, et en coordination avec l’Autriche, de manière imminente. Pour la Bavière il ne s’agit pas de revendications floklorico-historiques comme en Écosse ou linguistico-culturelles comme en Catalogne, il s’agit de son intégrité territoriale (matérialisée par les frontières), de son identité humaine (ou nationale) et de la sécurité de sa population (déjà traumatisée par les viols à grande échelle). Voilà l’unique raison pour laquelle, à la surprise générale, le gouvernement fédéral a annoncé dimanche 13 septembre qu’il suspendait l’accord de Schengen et rétablissait les contrôles aux frontières… décision prise évidemment à contre-coeur et appliquée à contre-sens puisqu’elle a consisté à mettre en place l’enregistrement (pas le refoulement) des arrivants à la frontière (ou de 10% d’entre eux), donc de confirmer leur réception en Allemagne, tout en les laissant à la charge de la Bavière. L’annonce de cette « restauration des contrôles aux frontières » a évité l’imminente déclaration d’indépendance, et permis de relancer un débat à la manière politicienne (réunions, création de commissions, nomination de rapporteurs…) qui ne produira pas de résultats avant l’issue qu’on devine, et qui sera mise en place (sans annonce grandiloquente) pendant que le peuple en congés fera aux marchés de Noël ses emplettes de fêtes.
Alors de quels conflits militaires Merkel agite-t-elle la menace, au cas où l’on fermerait les frontières ? Il ne peut pas s’agir de la sécession de la Bavière, d’abord parce qu’elle interviendra plus sûrement si l’Allemagne refuse de fermer ses frontières que si elle les ferme, ensuite parce que la Bavière n’est une menace ni pour l’Allemagne ni pour l’Autriche, avec laquelle elle est en accord total sur la question de l’envahissement, et enfin parce que l’Allemagne elle-même n’a pas la capacité militaire de s’opposer à la sécession de la Bavière si celle-ci a lieu. Il ne peut pas non plus s’agir de conflits entre pays balkaniques, d’abord parce qu’ils sont tous d’accord (hormis évidemment l’Albanie et l’administration d’occupation du Sud de la Serbie) pour interrompre le flux et ne laisseront pas entrer de nouveaux envahisseurs si ceux-ci ne sont plus reçus à l’autre bout, en Allemagne ou en France, et ensuite parce qu’ils n’ont pratiquement plus de forces armées, on en a eu la preuve lorsque la Hongrie n’a pas pu déployer une brigade à sa frontière orientale sans renfort tchèque ; il est aussi militairement impossible à la Serbie ou à la Croatie d’attaquer la Hongrie (ou à la Grèce ou la Bulgarie d’attaquer la Serbie) pour lui imposer l’entrée d’une foule déjà en transit avant la fermeture des frontières, qu’à la Hongrie d’attaquer l’Autriche, ou à l’Autriche d’attaquer l’Allemagne, dans le même but. Il ne peut pas s’agir non plus d’une menace de la part des masses de migrants elles-mêmes, d’une part parce qu’en dépit de leur agressivité elles ne sont pour l’instant pas armées, et d’autre part parce que si elles présentaient un risque de s’armer les Allemands doivent supposer que le gouvernement fédéral déciderait de les refouler ou de les interner avant que ce soit le cas. D’ouest en est, si on ne voit de risque militaire ni en Autriche et Tchéquie, ni en Slovaquie et Hongrie, ni en Slovénie, Croatie et Serbie, ni en Bulgarie et en Grèce, cela semble éliminer toute menace militaire à l’ouest de la Turquie.
Evidemment, dans la partie encore libre de Chypre, comme dans les îles grecques pas encore occupées et razziées comme le sont Kos et Lesbos, comme aussi dans la marine grecque plusieurs fois soumise à ultimatum pour laisser entrer dans les eaux territoriales grecques la flotte militaire turque d’escorte des esquifs surchargés d’Asiatiques, l’évidence est sous les yeux tous les jours.
Angela Merkel s’est rendue seule, après les offres généreuses de l’Union européenne à la Turquie, pour proposer encore plus, mais d’une part elle n’a obtenu aucun accord de Recep Tayyip Erdoğan, d’autre part à peine était-elle rentrée que le gouvernement et la presse turcs ont relevé leurs exigences au quadruple du montant du tribut proposé par Merkel (ou au dodécuple du chiffre mensonger annoncé par Juncker aux Européens). L’Allemagne n’a en tout cas pas diffusé de compte-rendu du contenu des entretiens entre Merkel et Erdoğan à Ankara le 18 octobre.
Les peuples d’Europe, dont les représentants élus se désintéressent et dont les gouvernements sont occupés à installer d’autres peuples à leurs frais et sur leurs territoires, enverront-ils quelques journalistes demander à Angela Merkel de terminer son propos et de nommer la menace militaire qu’elle a brandi hier, ou se contenteront-ils de faire comme les Autrichiens, qui en quelques mois ont acheté assez d’armes de chasse et de poing pour équiper (illusoirement) une milice six fois plus nombreuse que l’armée autrichienne (augmentant de 10% le nombre d’armes détenues par la population) et quintuplé leur fréquentation des clubs de tir ?
Stratediplo