Liberté d’expression
Dommages collatéraux

Voilà déjà quelques temps que les partis néo-fascistes européens ne sont plus voués aux gémonies et s’installent dans le paysage idéologique européen. De l’Aube Dorée en Grèce à Pravy Sektor en Ukraine en passant par le Vlams Blok flamand et le Front National chez nous. Le brouillard se dissipe, reste un champ de ruines dans un état policier européen en devenir.

Contribution de Thomas pour le Saker Francophone. Le 14 janvier 2015.

Avant le brouhaha qui a suivi l’exécution de Charlie, une chose mirifique était déjà apparue en France et en Europe.

On avait déjà commencé, avant que ce drame n’ait lieu, à accepter, par ci par là, les partis néo-fascistes européens.

Déjà, l’Élysée a décidé récemment d’inviter Marine Le Pen afin de discuter avec le Président François Hollande, comme le signale le site wsws.org.

Ceci montre que, malgré quelques idées saugrenues de Mme Le Pen, comme la proposition de rétablir la peine de mort, abolie depuis 1981, ce qui serait un retour en arrière considérable, on n’évite plus la compagnie du FN en ce moment ainsi que ses propositions. La prochaine fois, ce sera peut-être pour une explulsion des musulmans, qui sait?

Et puis comme dit Laurent Wauquiez, secrétaire général de l’UMP, à propos de la grande marche républicaine du 11 janvier dernier : “Si on n’invitait pas Madame Le Pen, ce ne serait pas une marche d’union nationale”. Là, tout est dit.

Mme Le Pen fait de la récupération à bon compte, nous aurions préféré qu’elle dénonce plus efficacement le soutien diplomatique et militaire affiché par la France lors des dernières guerres en Libye et en Syrie (dont on voit le résultat). Elle n’a pas réagi aux propos de M. Fabius lorsqu’il nous a annoncé son soutien, ainsi que celui de la République, au Front al-Nosra dans le journal Le Monde, “parce qu’il fait du bon boulot ». On ne peut être un jour allié d’Al-Qaeda et le lendemain s’en plaindre en demandant de changer de politique d’immigration et en mettant la tragédie récente de Charlie-Hebdo sur le dos d’une minorité en France.

Alors Madame Le Pen, croyez-vous que la peine de mort va résoudre quoi que ce soit et effrayer les fanatiques?

Comme si cela ne suffisait pas, au lendemain du raid meurtrier et très professionnel sur Charlie-Hebdo à Paris, Angela Merkel en Allemagne reçevait le premier ministre ukrainien, Yatsenyuk, – ou Yats comme l’appelle affectueusement Victoria Nuland, numéro deux du Département d’État US, celle qui distribuait des brioches aux émeutiers fascistes de la place Maïdan à Kiev début 2014– lui promettant de la poche des contribuables 500 millions d’euro de plus, à ajouter aux 1.3 milliards que Bruxelles venait de donner à l’Ukraine le jour précédent. Yatsenyuk s’adressant ensuite au peuple allemand pour le remercier et promettre le remboursement. Du jamais vu!

Le lendemain à la télévision d’état allemande en charge de la propagande -sinon quoi d’autre?- face à une journaliste pétrifiée à l’idée de le reprendre sur ses mensonges, M. Yatsenyuk  a répété ce qu’il dit déjà depuis bientôt un an à la tribune du parlement ukrainien, la Rada, à savoir: « la Russie a envahi le troisième Reich et l’Ukraine en 1945 et qu’il n’est pas question que cela se reproduise à nouveau. » Le fait nouveau est qu’il s’est cru autorisé à le dire sur une chaîne d’État allemande et que de plus ce n’était pas en direct (donc ce fut délibéré de la part d’ARD).

Cela s’appelle du révisionnisme historique dans le but de servir le néo-nazisme, car comme tout le monde le sait, le troisième Reich nazi a envahi l’URSS lors de l’opération dite Barbarossa le 22 juin 1941, allant jusqu’à Moscou avec l’aide des milices de différents pays européens, dont l’Ukraine, avant de se faire écraser par la contre offensive à Stalingrad, Koursk et enfin à Berlin ou se rencontrèrent les alliés anglais, étasuniens et russes. Ceci au prix de pertes humaines considérables, plus de 20 millions de soldats russes et d’alliés du front est.

Reste a décider si ce sont les paroles de Yats ou l’absence de réaction de Mme Merkel qui dérange le plus. Je vous laisse juge.

Cerise sur ce gâteau brun-noir, on apprend que ce grand démocrate européen qu’est Poroschenko, qui fit tomber le détesté Yanoukovitch, élu démocratiquement (le résultat de l’élection ayant été reconnu par l’ONU et l’OSCE), et qui avait quand même un taux d’approbation supérieur a celui de Hollande avant la tragédie de Charlie-Hebdo, a pris toute sa place au défilé du dimanche  11 janvier, avec M. Hollande et ses compères, en hommage aux journalistes et caricaturistes français, oubliant évidemment les cinq journalistes morts dans le conflit ukrainien et ceux emprisonnés là-bas pendant plusieurs semaines par les milices.

Avec tous ces événements, le Système a du souci à se faire, parce que tout ce qu’il touche produit le désordre, actuellement masqué par des torrents d’émotions, mais le champ de ruines apparaîtra clairement lorsque le brouillard des larmes sera dissipé : un état policier nu, des lois d’exception scélérates, un Patriot Act à la française, des libertés civiles en lambeaux.

Thomas membre du Saker Francophone

 

 

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