Les leçons que Hollande n’a pas apprises de W. Bush

Par Ramzy Baroud – le 20 janvier 2015 – Source Palestine Chronicle

 

De même que les US à l’époque Bush, la France camoufle ses guerres sous le prétexte du terrorisme (dessin de Latuff)

François Hollande n’est pas un président populaire. Malgré les efforts auxquels se livre le leader «socialiste» pour faire de l’effet, il ne semble jamais y avoir personne pour s’y laisser prendre. Il essaie de dissimuler son manque d’expérience en politique étrangère en déclenchant une guerre au Mali, après que son pays s’est attaqué avec enthousiasme à la Libye. Il a bien réussi à déclencher des guerres, mais il s’est révélé incapable de gérer leurs conséquences comme les derniers attentats de Paris l’ont montré.

Il essaie de surfer sur la vague soulevée par l’attaque contre le magazine satirique Charlie-Hebdo, pour augmenter sa popularité. Le 11 janvier, environ 3,5 millions de gens sont descendus dans les rues en France pour défendre la liberté d’expression – comme si c’était ça le vrai problème. Une quarantaine de leaders et d’officiels de haut niveau, dont beaucoup ne respectent ni les droits humains ni la liberté d’expression, ont marché bras dessus bras dessous dans les rues de Paris. Ils se sont faits photographier tous ensemble [en l’absence remarquée de Poutine et d’Obama, NdT] pour signifier que le monde entier était «uni contre le terrorisme».

Le fauteur de guerre Hollande était au centre de la scène, prêt à agir comme un homme d’État, un leader résolu et le père de la nation. Et pendant que le pays essayait de surmonter la tragédie, Hollande a fait son discours de vœux annuel en promettant d’augmenter encore les mesures mêmes qui avaient engendré la violence et ce que de nombreux experts occidentaux appellent le «terrorisme islamique».

«Si nous pouvons combattre le terrorisme en Irak, comme nous l’avons fait en Afrique, nous assurerons notre propre sécurité», a-t-il dit. Son plan semblait à la fois pitoyable et trop rabâché : «Si nécessaire, nous agirons en Irak avec plus d’intensité et d’efficacité ; le porte-avion travaillera en lien étroit avec les autres forces et sera capable d’attaquer à n’importe quel endroit en cas de nouvelles tensions», a-t-il dit.

Comme si aucune leçon n’avait été tirée du passé, Hollande semble poursuivre, à l’identique, la coûteuse ligne politique initiée par l’ancien président étatsunien George W. Bush après les attaques meurtrières du 11 septembre. Lui aussi a frappé violemment et inconsidérément et, sous la pression de puissants groupes néoconservateurs, a exécuté un plan conçu à l’avance pour assurer la suprématie états-unienne au nom de la lutte contre le «terrorisme». Cette politique s’est retournée contre les Etats-Unis, aucun des objectifs stratégiques états-uniens n’a été atteint et le «Nouveau Moyen-Orient» auquel l’Administration aspirait désespérément est devenu le nid de ce «terrorisme» même que les états-uniens étaient censés combattre.

Avant les périlleuses incursions de Bush au Moyen Orient, al-Qaeda semblait n’être qu’une lointaine réalité dont on avait entendu parler mais qu’on n’avait jamais vue. Dix ans après l’invasion états-unienne de l’Irak, al-Qaeda a donné naissance partout au Moyen Orient et en Afrique de Nord à de nombreux groupes et sous-groupes inspirés d’al-Qaeda. En fait, al-Qaeda-devenu-l’Etat-islamique (EI) est en train de redéfinir les frontières et de se tailler un «État» bien à lui sur de larges portions des territoires syriens et irakiens.

Pourquoi donc Hollande s’acharne-t-il à répéter les erreurs politiques de l’Administration discréditée de Bush et à aller à l’encontre des saines orientations, basées sur le respect du droit et promues par d’anciens présidents français comme Jacques Chirac? Prévoyant le désastre qu’elle allait engendrer, Chirac s’était opposé à la guerre de Bush en Irak; les événements lui ont donné  raison. Mais c’est la France qui a changé depuis, et ce sont des leaders incompétents comme Nicolas Sarkozy et maintenant François Hollande qui sont responsables de ce changement.

Quand Hollande a été élu en mai 2012, il a suscité un peu d’espoir en ces temps de crise économique, de chômage élevé, de tensions politiques, ajoutés à un sentiment général de chute et de confusion; mais il n’a pas été à la hauteur des espérances. L’économie piétine en dépit de ses promesses de la dynamiser. Le chômage ne fait que croître et il n’a même pas tenu sa promesse de taxer les milliardaires du pays.

Mais le problème n’est pas seulement la récession économique. La montée du racisme, provoquée par l’essor des partis fascistes et des partis d’extrême-droite, est en train de détruire le sentiment d’identité nationale de la France. Naturellement, les échecs de Hollande se traduisent par des mauvais sondages. Sa cote de popularité s’est effondrée rapidement, et donc, pour sauver sa peau, il a décidé de faire exactement le contraire de ce pourquoi il avait été élu: partir en guerre.

Sa décision, le 11 janvier 201,3 de bombarder «les militants islamiques» lui a valu la réputation d’être un «président résolu» aux yeux de certains. Mais les guerres sont faciles à déclarer et difficiles à terminer. Les guerres de Hollande ne font pas exception.

La guerre au Mali n’avait pas grand chose à voir avec le militantisme religieux et tout à voir avec l’abîme qui existe dans le pays lui-même, et la région tout entière. Ajouter des guerres et autres interventions occidentales à cette mixture ne pouvait que provoquer un désastre.

Dans un contexte où les États-Unis étendent leur présence militaire en Afrique, la Chine son influence économique, et où les puissances régionales se disputent le pouvoir, Hollande a voulu apparaître comme le grand leader qui ranimait le “glorieux» passé colonial français en Afrique. Le but de Hollande était de détourner l’attention internationale de ses échecs intérieurs et il n’y avait pas de meilleur endroit que le Mali pour cela. Ce pays d’Afrique de l’Ouest, autrefois une démocratie prometteuse, est aujourd’hui un état failli, rongé par d’innombrables problèmes, des divisions ethniques et raciales et un flux ininterrompu d’armes en provenance de Libye – un pays qui a lui-même été détruit par les puissances occidentales, France en tête.

L’heure de gloire de Hollande a sonné le 13 septembre 2013, quand il a déclaré que la France avait gagné la guerre contre les «extrémistes islamiques». Mais c’était une déclaration aussi prématurée que le «mission accomplie» du discours «victorieux” de Bush après l’invasion de l’Irak.

Tout cela n’empêche pas les déboires économiques de Hollande de s’amonceler, et la guerre ne suffisait pas à redorer son blason. En novembre 2014, son indice de popularité était «le plus bas de tous les présidents qui se sont succédé dans le monde depuis que ces sondages existent: 12 % d’opinions favorables.»

Plus les nouvelles sont mauvaises sur le front intérieur, plus la France trouve le moyen d’étendre ses tentacules interventionnistes dans des pays proches ou lointains – la Libye, le Mali, la Syrie, l’Irak, etc. La guerre est devenue le seul sauveur de Hollande.

Les guerres futiles sont comme les drogues. On les commence pour se procurer un sentiment passager d’euphorie, mais avec le temps elles deviennent un moyen dangereux de fuir la réalité. Un seigneur de guerre est aussi accro à la guerre qu’un drogué à sa drogue, et rien d’autre ne peut le nourrir ni le satisfaire. Hollande est un seigneur de guerre à l’occidentale, ce que les Américains appellent un «président de guerre» [comme le fut Bush II, NdT].

Mais comme le montre le tristement célèbre héritage de Bush, si la peur générée par la guerre et l’instrumentalisation du patriotisme peuvent permettre à un leader de garder son poste un peu plus longtemps, les conséquences terribles de la violence qu’il a déchaînée se feront sentir pendant de longues années encore.

Traduit par Dominique Muselet relu par jj pour le Saker Francophone

 

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