Par Dave Lindorff – Le 22 septembre 2016 – Source CounterPunch
Hey, les Américains! Nous allons tous commencer à prendre la responsabilité de ce que nous faisons mal. Nous allons tous commencer à être responsables de nos actions ou de notre inaction.
John Stumpf, PDG de Wells Fargo Bank, l’une des plus grandes banques too big to fail du pays, nous montre le chemin dans ce nouveau monde radieux engagé.
Lorsque le gouvernement a découvert que Wells Fargo Bank avait, depuis 2011, trafiqué son bilan en ouvrant des millions de comptes de cartes de crédit au nom des clients de Wells Fargo, mais derrière leur dos, puis en prenant des frais sur ces comptes, et enfin en taxant, à leur insu, les titulaires des cartes, de frais et d’intérêts de retard pour non paiement des charges indues précédentes, il a infligé à la banque une amende de $185 millions. Mais il n’a pas inculpé les dirigeants de la banque cette fois-ci, alors qu’il l’avait fait précédemment pour le comportement criminel des plus grandes banques du pays – Citibank, Goldman Sachs, Morgan Stanley et JPMorgan Chase.
Mais bon, ce John Stumpf est un gars engagé. Il a dit aux médias et à la Commission sénatoriale permanente des banques qu’il prenait «l’entière responsabilité» pour la fraude gigantesque commise à l’encontre des clients de la troisième plus grosse banque du pays, et dit qu’il était «responsable» de la forte pression mise sur les commerciaux de bas niveau pour qu’ils vendent des produits bancaires – cette pression a conduit plus de 5 000 de ses employés à mettre en place les comptes frauduleux.
Mais voici le pompon : se lever et dire : «Je prends l’entière responsabilité» et «Je suis responsable» est vraiment facile ! Vous ne devez pas réellement faire quoi que ce soit d’autre et rien ne vous arrive ! En fait, Stumpf, interrogé par une membre de la Commission sénatoriale des banques, Elizabeth Warren – sénatrice démocrate du Massachusetts – a admis qu’il avait gagné $19,3 millions l’an dernier, dont $4 millions de bonus pour avoir supervisé l’opération frauduleuse, cela dans une année où la banque et son conseil d’administration étaient bien conscients qu’une enquête était en cours pour la gigantesque escroquerie. «Prendre ses responsabilités» et être «responsable» n’a apparemment aucune implication réelle, comme, par exemple, démissionner de son poste lucratif de PDG, et encore moins quitter son entreprise. Cela ne semble même pas signifier une réduction de salaire. Joli travail, vraiment !
Mais ce n’est pas vrai pour les milliers d’employés qui ont ouvert les comptes frauduleux. Ils ont tous été virés par la banque, sans aucun doute à la demande de Stumpf. La fiche de paie a subi une ponction substantielle suite à leur comportement criminel, ce que l’on peut qualifier d’une sorte de «prise de responsabilité» pour ce qu’ils ont fait, même s’ils ne l’ont pas fait volontairement.
Mais Stumpf ? Alors qu’il avait clairement détourné les yeux de l’escroquerie pendant cinq ans, jusqu’à ce que les autorités fédérales aient eu vent de celle-ci, et une fois que la fraude fut devenue de notoriété publique, il se leva et dit qu’il «assumait la responsabilité» pour ce qui est arrivé. Non seulement cela. Il a aussi dit qu’il était «responsable» de la fraude. Quel homme !
Cela me fait penser que nous devrions tous commencer à faire ça. Le pays se porterait tellement mieux, si nous étions tous des gens engagés comme Stumpf.
Alors, la prochaine fois que vous êtes arrêté pour excès de vitesse, ne discutez pas avec le flic qui vous est tombé dessus. Il suffit de dire : «Monsieur l’agent, vous avez raison. J’ai commis un excès de vitesse, et je prends l’entière responsabilité. Je serai responsable de mon mauvais comportement sur la route.» Ensuite, remerciez-le et démarrez. Vous avez fait la bonne chose. Sans doute le flic va juste retourner dans sa voiture et chercher d’autres conducteurs imprudents, impressionné par votre volonté de prendre votre responsabilité.
Même chose si vous avez une vérification fiscale de l’IRS et qu’ils vous disent que vous avez sous-estimé votre revenu et réclamé des déductions indues, que vous devez donc au département du Trésor $20 000 en arriéré d’impôts, pénalités et intérêts. Remerciez-les d’avoir pris la peine de vous vérifier et de corriger vos erreurs, dites-leur que vous prenez l’entière responsabilité de celles-ci, assurez-les que vous êtes responsable, puis raccrochez le téléphone. Vous avez fait votre devoir civique. Vous vous êtes engagé et avez pris votre leçon. Vous êtes un citoyen responsable, et vous ne serez sûrement pas dérangé à nouveau par l’IRS.
Les criminels violents pourraient faire la même chose. Disons que vous avez tué un employé de magasin, lors d’une tentative ratée de voler la caisse. Lorsque vous êtes devant le tribunal, ne plaidez pas innocent, prenez tout de façon insouciante et exigez un procès devant un jury. Vous savez que vous l’avez fait. Je ne dis pas que vous devez plaider coupable. John Stumpf n’a pas fait cela, après tout. Juste comme Stumpf, dites au magistrat lors de votre mise en accusation : «Votre honneur, je prends toute la responsabilité pour cette assassinat. Je suis responsable.» Vous pouvez même dire que vous suivez l’exemple du célèbre banquier John Stumpf. Alors attendez-vous, comme Stumpf, à être autorisé à poursuivre votre chemin en continuant votre vie de criminel. Quel juge de bon sens pourrait être en désaccord ?
Si John Stumpf peut gérer une banque qui n’est rien d’autre qu’un syndicat criminel et ensuite se lever, prendre la responsabilité, et continuer ses escroqueries sans avoir à payer même une amende, pourquoi ne devrions-nous pas tous être en mesure de faire la même chose chose, quand nous sortons des clous et sommes pincés à faire quelque chose d’illégal ou de vil ?
D’autres banques ont fait à peu près la même chose, donc on ne peut pas dire que c’est une idée nouvelle. Rien que l’an dernier, le ministère de la Justice a chargé cinq autres grandes banques, Citibank, JPMorgan Chase, Barclays PLC, Royal Bank of Scotland et UBS, avec le crime de fraude pour avoir manipulé illégalement les marchés monétaires internationaux – apparemment, Wells Fargo était trop occupé à frauder ses propres clients pour participer à la fête. Les cinq banques ont plaidé coupable, et payé collectivement $2 milliards d’amendes. Mais, alors que les principaux dirigeants ont tous «pris leur responsabilité» pour les crimes de leurs institutions, ils n’ont personnellement pas payé d’amendes ou fait de la prison, ni même perdu leur emploi. En fait, après que sa banque, en mai 2015, a plaidé coupable pour alléger sa peine – rappelez-vous que les sociétés sont aussi des gens – le PDG de JPMorgan Chase et le président Jamie Dimon ont obtenu une augmentation de $7 millions pour l’année par le conseil d’administration qu’ils président, augmentant leur salaire de 35% jusqu’à $27 millions, par rapport à $20 millions en 2014. Oh, attendez ! Dimon n’a jamais pris de responsabilité pour le comportement criminel de la banque. Il a reporté tout cela sur un lampiste. Tant pis.
Peut-être que ce dont nous avons vraiment besoin est l’ancien système traditionnel japonais, où la conséquence de la prise de responsabilité d’une fraude d’entreprise consistait à enfoncer un poignard de samouraï dans son intestin en le tournant un peu. Ils pourraient même en distribuer aux nouveaux diplômés de MBA.
Dave Lindorff est membre fondateur de ThisCantBeHappening!, un journal en ligne collectif, il a contribué aussi à Hopeless: Barack Obama and the Politics of Illusion (AK Press).
Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone
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