Par Wayan – le 29 janvier 2024 – Le Saker Francophone
La nouvelle de la semaine, dans le sens de ses potentielles répercutions géopolitiques, est la décision de la Cour Internationale de Justice d’ordonner à Israël de :
- « Prendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher la commission de tous actes entrant dans le champ d’application de l’article II de la présente Convention, notamment
- Garantir avec effet immédiat que ses militaires ne commettent aucun des actes décrits au point 1 ci-dessus
- Prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe palestinien dans la bande de Gaza
- Prendre des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture d’urgence des services de base et de l’aide humanitaire nécessaires pour remédier aux conditions de vie défavorables auxquelles sont confrontés les Palestiniens dans la bande de Gaza
- Prendre des mesures efficaces pour empêcher la destruction et assurer la préservation des preuves liées aux allégations d’actes relevant du champ d’application des articles II et III de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide contre des membres du groupe palestinien dans la bande de Gaza
- Soumettre un rapport à la Cour sur toutes les mesures prises pour donner effet à la présente ordonnance dans un délai d’un mois à compter de la date de la présente ordonnance.
Cet ordre marque la fin de l’impunité d’Israël. C’est aussi la fin de l’impunité des partisans d’Israël. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et d’autres peuvent désormais être accusés et punis pour complicité de génocide (Article III de la Convention sur le génocide) s’ils ne s’abstiennent pas immédiatement de fournir à Israël les moyens (armes, munitions, argent) pour commettre davantage de génocide. »
Cette nouvelle a été très peu commentée dans les médias grand public occidentaux afin de ne pas trop heurter l’image, déjà bien détériorée, d’Israël. Quand elle a été commentée c’est plutôt pour dire qu’Israël respecte déjà ces injonctions ou pour retourner leur signification :
La Cour de l’ONU ordonne à Israël d’empêcher un génocide, mais n’exige pas l’arrêt de la guerre
La cour internationale de justice sélective
Israël est sanglé par les décisions de la CIJ sur Gaza – mais obéira-t-il ?
La CIJ dénigre Israël pendant 35 minutes, puis Israël gagne
« Pendant 35 minutes, la Cour internationale de Justice a dénigré Israël, mais elle a ensuite surpris l’État juif en n’émettant aucun ordre pratique contre Tsahal.
Il n’y a eu aucun ordre de cesser la guerre et il n’y a eu aucun ordre pour que Tsahal se retire de Gaza.
Le point pratique le plus troublant de la décision pour Israël est la nécessité de faire rapport à la CIJ dans un mois, ce qui laisse la porte ouverte à une ordonnance plus sérieuse à ce moment-là.
Toutes les autres mesures ordonnées par la CIJ sont des éléments avec lesquels Israël dit être d’accord en général : ne pas commettre de génocide, faciliter l’aide humanitaire, préserver les preuves pour les enquêtes sur les crimes de guerre présumés et poursuivre les Israéliens qui se livrent à des incitations illégales contre les Palestiniens. »
Al Jazeera présente une autre vision de l’événement :
« L’apartheid israélien et ses puissants soutiens commencent enfin à être confrontés à une certaine responsabilité pour leurs violations répétées et de longue date du droit international.
Maintenant que nous avons entendu le jugement provisoire rendu par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire du génocide sud-africain contre Israël, nous pouvons affirmer avec confiance qu’un nouvel ordre mondial est en train de se mettre en place. »
Malgré cette légèreté affichée par les médias, les dirigeant israéliens sont verts de rage :
« Les responsables israéliens ont accusé la Cour internationale de justice de partialité antisémite et ont exprimé leur consternation que l’histoire sud-africaine alléguant que la guerre à Gaza équivalait à un génocide n’ait pas été complètement rejetée, après que la cour a rendu une décision provisoire d’urgence.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré en réponse que son pays était déterminé à respecter le droit international ainsi qu’à défendre son peuple. « La tentative ignoble de refuser à Israël ce droit fondamental [à l’autodéfense] constitue une discrimination flagrante contre l’État juif et elle a été rejetée à juste titre », a-t-il déclaré dans un communiqué. « L’accusation de génocide portée contre Israël est non seulement fausse, elle est scandaleuse, et les gens honnêtes du monde entier devraient la rejeter. »
Alors qu’Israël se montre souvent dédaigneux à l’égard de l’ONU, alléguant que l’organisation internationale a un parti pris à son encontre, le pays a pris très au sérieux l’affaire de la CIJ, en envoyant une solide équipe juridique à La Haye qui a fait valoir qu’il avait le droit de se défendre après l’attaque du Hamas du 7 octobre.
Itamar Ben-Gvir, le ministre israélien de la Sécurité nationale d’extrême droite, a tweeté : « Ce tribunal ne recherche pas la justice mais plutôt la persécution du peuple juif. Les décisions qui mettent en danger l’existence de l’État d’Israël ne doivent pas être écoutées. Et nous devons continuer à vaincre l’ennemi jusqu’à la victoire complète. La décision du tribunal antisémite de La Haye prouve ce que l’on savait déjà : ce tribunal ne recherche pas la justice, mais plutôt la persécution du peuple juif. Ils sont restés silencieux pendant l’Holocauste et aujourd’hui, ils perpétuent l’hypocrisie et vont encore plus loin », dit-il.
La CIJ, dans sa version actuelle, a été fondée en 1945. »
On peut donc prédire avec une forte probabilité que cette décision de la CIJ ne va pas changer la politique israélienne de démolition complète de la bande de Gaza. :
« 21 soldats israéliens tués pendant qu’ils plaçaient des explosifs pour une démolition contrôlée. »
Sur Twitter, de nombreuses vidéos montrent les démolitions contrôlées d’universités, d’école, de mosquée…La stratégie est visiblement d’empêcher toute vie normale de reprendre place à Gaza.
« Plus de 50 % des bâtiments de Gaza endommagés ou détruits lors des bombardements israéliens »
Et les discours pour coloniser Gaza vont bon train :
« Des milliers de participants se sont rassemblés dimanche à Jérusalem pour une conférence appelant à la réinstallation dans la bande de Gaza et au transfert de la population palestinienne qui y vit.
Intitulée « Conférence pour la victoire d’Israël – Les implantations apportent la sécurité : retour dans la bande de Gaza et dans le nord de la Samarie », la conférence comprenait des discours de nombreuses personnalités publiques, notamment des membres de la Knesset et des ministres de l’actuel gouvernement de coalition, ainsi que des rabbins et des militants des implantations, des familles des soldats combattant actuellement à Gaza et les chefs des conseils du sud.
Au cours de la conférence, les participants ont reçu des détails sur les colonies juives, des cartes et les étapes de préparation, ainsi que des appels aux décideurs pour qu’ils reconnaissent qu’une victoire de guerre ne peut être revendiquée que par la réinstallation des Juifs dans la bande de Gaza. »
Par contre, comme le précisait Moon of Alabama en début de cette revue de presse, la décision de la CIJ implique aussi que :
« C’est aussi la fin de l’impunité des partisans d’Israël. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et d’autres peuvent désormais être accusés et punis pour complicité de génocide (Article III de la Convention sur le génocide) s’ils ne s’abstiennent pas immédiatement de fournir à Israël les moyens (armes, munitions, argent) pour commettre davantage de génocide. »
En parlant de complicité des pays occidentaux dans ce génocide :
« Six pays européens ont suspendu samedi le financement de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), à la suite d’allégations selon lesquelles certains de ses employés auraient été impliqués dans les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre.
La Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Suisse et la Finlande se sont jointes samedi aux États-Unis, à l’Australie et au Canada pour suspendre le financement de l’agence humanitaire, une source essentielle de soutien pour la population de Gaza, après les allégations d’Israël.
« Les Palestiniens de Gaza n’avaient pas besoin de cette punition collective supplémentaire », a déclaré Philippe Lazzarini, commissaire général de l’UNRWA, sur X. « Cela nous souille tous ». »
Il faut noter que les « allégations selon lesquelles certains de ses employés auraient été impliqués dans les attaques du Hamas » ont été lancées par Israël.
Mais l’argument de la complicité touche beaucoup moins Biden que son éventuelle réélection :
« Joe Biden aurait exhorté Benjamin Netanyahu à mettre fin à la guerre à Gaza avant les élections américaines, craignant de perdre les voix des jeunes Américains qui ne sont pas d’accord avec son soutien à Israël.
Alors que M. Biden se prépare à ce qui sera très probablement une revanche avec Donald Trump, une source de la Maison Blanche a déclaré à Axios, le site d’information américain, que Biden ne pouvait pas risquer que le nombre croissant de morts palestiniens fasse la une des journaux.
Près des trois quarts des électeurs âgés de 18 à 29 ans ont déclaré qu’ils n’étaient pas d’accord avec la façon dont Biden gérait le conflit, selon un sondage du New York Times/Siena College du mois dernier. »
Car, effectivement, les sondages montrent que le massacre israélien à Gaza pourrait bien lui couter sa réélection :
« La moitié des électeurs du président Biden en 2020 pensent que le gouvernement israélien commet un génocide des Palestiniens à Gaza, selon un sondage YouGov/The Economist publié jeudi.
Le sondage a également révélé que 51 % des électeurs de Biden 2020 estiment que l’invasion terrestre de Gaza par le gouvernement israélien est « trop dure », et 58 % du même groupe pensent que le conflit est « susceptible » d’entrainer une guerre plus vaste au Moyen-Orient. »
Quant à l’Europe, elle reste bien discrète sur le sujet et seuls quelques mouvements d’humeur de la part de ses dirigeants montrent leur agacement vis-à-vis du gouvernement Netanyahou
« Le plus haut diplomate de l’UE accuse Israël de financer le Hamas
Josep Borrell fait une déclaration explosive juste avant l’arrivée du ministre israélien des Affaires étrangères à Bruxelles lundi.
Le plus haut diplomate de l’UE, Josep Borrell, a ouvertement accusé vendredi Israël d’avoir financé le groupe militant palestinien Hamas. »
Borrell sera-t-il traité de complotiste antisémite ?
Dans le reste du Moyen Orient, la situation continue à se dégrader :
« Trois soldats de l’armée américaine ont été tués et plus de 30 militaires ont été blessés lors d’une attaque de drone pendant la nuit [de dimanche à lundi] contre un petit avant-poste américain en Jordanie, ont déclaré des responsables américains à CNN.
« Nous y répondrons », a déclaré dimanche le président Joe Biden lors d’un discours en Caroline du Sud. »
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Des infos de plus en plus fréquentes parlent de « saisir les avoirs russes, déjà gelés, en Occident » :
« Les États-Unis ont proposé que des groupes de travail du G7 étudient les moyens de saisir 300 milliards de dollars d’actifs russes gelés, alors que les alliés s’empressent de convenir d’un plan à temps pour le deuxième anniversaire de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par Moscou.
Même si aucune décision n’a été prise et que la question reste vivement débattue dans les capitales européennes, l’accélération des travaux visant à confisquer les avoirs de Moscou au profit de l’Ukraine met en évidence son importance croissante pour l’Occident.
Les États-Unis, soutenus par le Royaume-Uni, le Japon et le Canada, ont proposé d’avancer dans les travaux préparatoires afin que les options soient prêtes pour une éventuelle réunion des dirigeants du G7 vers le 24 février, date de l’offensive de Vladimir Poutine sur Kiev en 2022. »
Le Congrès étasunien veut donc voter une loi le permettant :
« La commission sénatoriale des relations étrangères a proposé mercredi une législation autorisant les États-Unis à saisir les avoirs russes gelés pour financer la reconstruction de l’Ukraine.
Les principaux démocrates et républicains du panel étaient convaincus que les dirigeants du Sénat considéraient la législation, appelée loi REPO, comme une priorité à adopter dans un contexte d’impasse dans les efforts visant à fournir une aide supplémentaire à l’Ukraine. »
Mais ce sera une fois de plus un non-respect des normes internationales :
« La loi REPO concède implicitement ce problème en empruntant une voie différente : en inscrivant simplement le pouvoir de confisquer dans le droit national. De cette façon, cela prendrait un raccourci à travers l’ensemble du système judiciaire américain tout en ignorant simplement le droit international.
Une telle démarche soulèverait des questions géopolitiques. Une conséquence pratique serait de signaler à la Chine et à d’autres pays ayant des relations tendues avec les États-Unis que les actifs de leur banque centrale seront ensuite confisqués – si, par exemple, la Chine attaquait Taïwan. Ils redoubleront donc d’efforts pour détenir des réserves dans des centres bancaires neutres et dans des monnaies autres que le dollar et l’euro. À long terme, cela pourrait affaiblir la puissance américaine.
Le problème le plus immédiat, cependant, est que l’adoption de lois ad hoc pour saisir les actifs souverains semblerait hypocrite aux yeux de la plupart des pays du monde. Depuis l’invasion de Poutine, les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont déclaré que l’Ukraine était en première ligne d’une lutte mondiale pour défendre « l’ordre international fondé sur des règles ». Mais des pays comme l’Indonésie, l’Afrique du Sud et le Brésil n’y croient pas. Ils pensent que les États-Unis font ce qu’ils veulent et le justifient par la suite. En saisissant les actifs russes avec une législation sur mesure, Washington alimenterait ce récit d’hypocrisie et aliénerait davantage le soi-disant Sud global. »
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La semaine dernière nous parlions de l’immigration clandestine comme source de tensions politiques internes à l’Europe. Et bien aux Etats-Unis ces mêmes sources de tension vont jusqu’à provoquer des discours sécessionistes de la part de certains Etats :
« Les appels au Texas pour qu’il déclare son indépendance des États-Unis se multiplient dans l’État du Lone Star après la décision de la Cour suprême lundi de se ranger du côté de l’administration Biden sur un différend concernant la barrière frontalière.
Par 5 voix contre 4, une majorité des juges de la Cour suprême a autorisé les fonctionnaires fédéraux à couper ou à retirer des parties d’une barrière en barbelés que le Texas avait érigée le long de la frontière avec le Mexique pour empêcher les migrants de traverser son territoire. Les juges conservateurs Clarence Thomas, Samuel Alito, Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh étaient dissidents.
La décision du plus haut tribunal a suscité la colère des Texans qui soutiennent les mesures prises par le gouverneur républicain Greg Abbott pour lutter contre l’immigration clandestine dans l’État, qui a vu un afflux de personnes traverser la frontière en provenance du Mexique.
Des centaines de posts sont apparus depuis lundi sur X, anciennement Twitter, sous le hashtag « Texit », qui fait référence à la sécession du Texas des Etats-Unis.
« En tant que Texan, je crois de tout cœur que la seule option viable pour le Texas est de voter sur #TEXIT », a écrit une utilisatrice de X qui se considère comme une Texienne de 9e génération.
« Le gouvernement fédéral a pratiquement déclaré la guerre au Texas. Nous ne continuerons pas à tolérer cette usurpation flagrante de la souveraineté du Texas et de son droit constitutionnel à la défense », a-t-elle poursuivi, ajoutant que l’État devrait invoquer son droit de « modifier, abolir ou réformer notre gouvernement comme nous le jugeons opportun, comme le garantit l’article 1, section 2, de la Constitution du Texas.
Le Mouvement nationaliste du Texas (TNM) a publié une déclaration condamnant la décision de la Cour suprême, estimant « que le gouvernement fédéral a, une fois de plus, fait échouer le Texas ». Le mouvement exhorte désormais Abbott à « convoquer immédiatement une session extraordinaire pour explorer l’indépendance du Texas ».
Le représentant républicain Clay Higgins de Louisiane a également condamné la décision de la Cour suprême, affirmant que « le gouvernement fédéral organise une guerre civile » et que « le Texas devrait tenir bon ».
Cela reflète en partie ce que le gouverneur du Texas a dit ces dernières années depuis le lancement de « l’opération Lone Star » en 2021, un effort de sécurité dirigé par l’État qui a ajouté des milliers de soldats de l’État du Texas et de la Garde nationale le long de la frontière avec le Mexique. »
Les Démocrates texans soutiennent Biden :
« Le représentant Joaquin Castro (Démocrate-Texas) appelle le président Biden à prendre le contrôle de la Garde nationale du Texas si l’État défie une décision de la Cour suprême autorisant les agents de la patrouille frontalière américaine à démonter les barrières frontalières.
« Le gouverneur Greg Abbott utilise la Garde nationale du Texas pour faire obstruction et créer le chaos à la frontière. Si Abbott défie la décision d’hier de la Cour suprême, @POTUS doit maintenant établir le contrôle fédéral exclusif de la Garde nationale du Texas », a écrit Castro dans un article publié mardi sur X, la plateforme anciennement connue sous le nom de Twitter.
Abbott a déclaré mercredi dans un communiqué que Biden avait « ignoré la demande du Texas de s’acquitter de ses fonctions constitutionnelles » et que le Texas avait déclaré une invasion, qui invoquerait « l’autorité constitutionnelle du Texas pour se défendre et se protéger ».
« Cette autorité constitue la loi suprême du pays et remplace toute loi fédérale contraire. La Garde nationale du Texas, le ministère de la Sécurité publique du Texas et d’autres membres du personnel du Texas agissent en vertu de cette autorité, ainsi que de la loi de l’État, pour sécuriser la frontière du Texas », a-t-il déclaré. »
Les arguments sécessionistes fusent :
« Cette semaine, les gouverneurs républicains de tout le pays ont intensifié leur conflit avec l’administration Biden au sujet de la frontière sud en invoquant la même théorie juridique que celle utilisée par les États esclavagistes pour justifier la sécession avant la guerre civile. Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, rejoint par 25 autres gouverneurs républicains, affirme désormais que l’administration Biden a violé le « pacte » du gouvernement fédéral avec les États – une abdication qui justifie l’usurpation par l’État de l’autorité fédérale à la frontière. Ce langage embrasse la conception de la Confédération selon laquelle la Constitution est un simple pacte duquel les États peuvent se retirer s’ils estiment qu’il a été rompu. C’est une rhétorique dangereuse qui transcende les démagogies partisanes. Et comme auparavant, il est utilisé pour légitimer à la fois l’annulation et la déshumanisation.
Considérez la toute première ligne d’une déclaration publiée par Abbott mercredi et qui a ensuite été soutenue par les autres Républicains, qui déclare : « Le gouvernement fédéral a rompu le pacte entre les États-Unis et les États ». Ce langage est étonnamment similaire à la toute première ligne des ordonnances de sécession adoptées par les États esclavagistes lorsqu’ils prétendaient quitter l’union. »
Et la réaction sécessioniste fait tache d’huile :
« Au moins 25 gouverneurs républicains ont déclaré leur soutien à Abbott, dont le gouverneur de Virginie Glenn Youngkin, le gouverneur de l’Alabama Kay Ivey et le gouverneur de l’Oklahoma Kevin Stitt, le dernier d’entre eux flirtant avec l’idée de dire à la Garde nationale de l’Oklahoma de défier les ordres du gouvernement fédéral.
De nombreux gouverneurs républicains ont envoyé des troupes au Texas au cours des derniers mois pour aider Abbott dans ce qu’il appelle son « opération Lone Star ». Mais jeudi, Stitt est passé à un niveau supérieur lorsqu’il a été interrogé par Steve Doocy de Fox News.
« Avez-vous réfléchi à cela ? Si vous envoyez votre Garde nationale de l’Oklahoma là-bas, et qu’un tas d’autres États les envoient là-bas, tout ce que Joe Biden a à faire est de les fédéraliser tous. La prochaine chose que vous savez, c’est qu’ils font essentiellement un travail de soutien à la patrouille frontalière, qui est là-bas en ce moment juste pour essayer de gérer l’invasion des migrants. Votre Garde nationale pourrait travailler pour Joe Biden », a théorisé Doocy.
Mais Stitt n’a pas hésité, remettant plutôt en question l’allégeance ultime de l’armée.
« J’ai été à la frontière, j’ai parlé aux agents frontaliers. Même les agents frontaliers eux-mêmes se grattent la tête, mais ce sont de bons Américains et ils essaient d’obéir à leur patron – mais ils ne sont pas non plus d’accord avec cette politique », a commencé Stitt.
« Bien sûr, les soldats de la Garde nationale sont des Texans, des Oklahomans et des Tennessee. Ce ne sont que des Américains et ils n’aiment pas ce qui se passe. Donc, vous placeriez vraiment nos soldats dans une situation très difficile pour protéger leurs États contre les décès dus au fentanyl, les immigrants illégaux et les terroristes, dans de nombreux cas, juste pour apaiser une administration qui a un agenda politique », a poursuivi le gouverneur de l’Oklahoma, ignorant complètement le fait qu’il appartiendrait entièrement aux États de mettre ou non leur Garde nationale dans une situation aussi précaire. « C’est la seule explication possible », a-t-il ajouté. »
Pendant que les Républicains se rebellent contre le gouvernement Biden, Trump renforce sa nomination aux primaires :
« Donald Trump a remporté mardi la présidentielle républicaine du New Hampshire, se rapprochant d’une revanche en novembre avec le président démocrate Joe Biden, alors même que son seul rival restant, l’ancienne ambassadrice de l’ONU Nikki Haley, a promis de continuer la course.
Avec 57 % des suffrages attendus, selon Edison Research, Trump détenait une confortable avance de 54,4 % contre 43,6 %.
Haley avait espéré que l’important groupe d’électeurs indépendants de l’État du Nord-Est la mènerait à une victoire surprise qui pourrait desserrer l’emprise de fer de Trump sur le Parti républicain.
Au lieu de cela, Trump est devenu le premier Républicain à remporter des votes compétitifs dans l’Iowa – où il a gagné avec une marge record il y a huit jours – et dans le New Hampshire depuis 1976, lorsque les deux États ont consolidé leur statut de premiers concours de nomination. »
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Les médias occidentaux nous dépeignent Xi Jinping comme un autocrate centralisant tous les pouvoirs entre ses mains. Arnaud Bertrand nous résume la conférence de :
« Keyu Jin est professeur d’économie à la LSE (London School of Economics) et siège au conseil d’administration de sociétés comme le Crédit Suisse. Elle est également la fille de Jin Liqun, ancien vice-ministre des Finances de la Chine. Elle est donc une rare universitaire basée en Occident (peut-être même la seule) qui ait réellement un aperçu du système chinois de l’intérieur. »
Qui explique que, contrairement aux assertions des médias :
« Essentiellement, ce qu’elle explique est que l’une des principales raisons pour lesquelles la Chine a connu un tel succès économique est sa nature décentralisée, qui crée deux boucles de concurrence qui s’aggravent mutuellement, par opposition à une boucle en Occident.
Qu’est-ce que cela signifie ? Eh bien, contrairement à la croyance populaire qui imagine la Chine comme une économie centralisée où presque tout est décidé à Pékin, l’inverse est en réalité vrai : la Chine est en réalité l’un des pays les plus décentralisés au monde. Pour illustrer cela, un indicateur qui m’a toujours étonné est le fait qu’en Chine, les gouvernements locaux (provinces, villes, villages, etc.) contrôlent 85 % des dépenses du pays. En moyenne, ce même chiffre pour les pays de l’OCDE est de 33 % (puisque 64 % des dépenses sont contrôlées au niveau fédéral/national contre 15 % en Chine). Aux États-Unis par exemple, qui sont déjà plus décentralisés que la plupart des pays étant donné qu’il s’agit d’une fédération d’États, seulement 45 % des dépenses du pays sont effectuées au niveau des États et au niveau local : près de deux fois moins qu’en Chine !
Comme l’explique Keyu Jin, cela a pour conséquence que les provinces et les grandes municipalités chinoises disposent d’un immense degré d’autonomie dans la manière dont elles gèrent leur économie respective et se font une concurrence féroce. C’est la première boucle. Et puis, bien sûr, la deuxième boucle est que les entreprises se font concurrence sur le marché.
En conséquence, ce qui évolue constamment en Chine, ce ne sont pas seulement les entreprises elles-mêmes mais l’environnement dans lequel elles évoluent : vous avez constamment telle ou telle province qui mène une nouvelle politique qui s’avère très efficace, lui faisant gagner un avantage par rapport à d’autres localités, initiative qui est alors copié par d’autres localités. Cela rend l’environnement économique incroyablement dynamique car il permet à l’État d’évoluer en harmonie avec l’économie, au lieu de la ralentir comme c’est souvent le cas dans d’autres pays.
Alors, quel est le rôle du gouvernement central dans tout cela ? Selon Keyu Jin, le rôle clé consiste à fixer des objectifs généraux ainsi qu’à assurer la gestion et la promotion personnelles. Et c’est ce qui fait fonctionner tout le système, car c’est là que réside l’incitation des localités à se faire concurrence : parce que les responsables locaux savent que s’ils font un meilleur travail que leurs pairs, ils sont en bonne voie d’être promus par le gouvernement central. Dans « China Inc », le gouvernement central est le conseil d’administration et les ressources humaines, présidant une armée de PDG locaux dotés d’immenses degrés d’autonomie sur leurs propres « entreprises ».
Keyu Jin donne l’exemple de l’industrie solaire. Il y a eu à un moment donné (vers 2005) une directive du gouvernement central visant à développer l’industrie solaire. Le graphique qu’elle partage dans son discours est incroyable : en quelques années, des entreprises spécialisées dans le solaire ainsi que des brevets liés à la recherche sur la technologie solaire sont apparus littéralement partout en Chine. Avec le résultat que nous connaissons tous aujourd’hui : la Chine domine aujourd’hui complètement l’industrie et la technologie solaires (selon l’Agence internationale de l’énergie, la part de la Chine dans toutes les étapes de fabrication des panneaux solaires dépasse 80 %).
Comme elle l’explique, cela rend le système chinois quelque peu paradoxal car il est à la fois incroyablement décentralisé mais aussi incroyablement efficace pour mobiliser le pays autour d’objectifs décidés au niveau central. Elle va même jusqu’à comparer cette efficacité au fait que le pays est dans un état constant de « mobilisation en temps de guerre ». Une comparaison intéressante serait si tous les pays d’Amérique du Nord, de l’UE et d’Afrique du Nord (soit à peu près la population de la Chine) étaient tous unis sous une direction commune décidant des objectifs communs et du cheminement de carrière de tous les fonctionnaires en fonction de la manière dont ils atteignent ces objectifs dans leurs régions respectives.
Nous voyons ce système être mobilisé aujourd’hui dans toute sa puissance sur les semi-conducteurs de pointe à cause des sanctions américaines, et c’est pourquoi ces sanctions s’avéreront sans doute si contre productives : une fois que la machine chinoise de « mobilisation en temps de guerre » a un objectif – et vous pouvez être sûr que cet objectif est hautement prioritaire – le combat est essentiellement terminé, vous pouvez le considérer comme terminé. Une fois que des centaines de milliers de docteurs, d’entreprises et de fonctionnaires sont en même temps en compétition et travaillent sous le même toit de « China Inc » pour faire bouger les choses, cela finira par se faire. Si vous voulez que la Chine NE développe PAS une technologie, la toute dernière chose à faire est de lui faire mobiliser toute la puissance de sa machine. Avec les sanctions, les États-Unis ont effectivement dit à la Chine : « s’il vous plaît, nous vous en supplions, consacrez votre formidable pouvoir de mobilisation économique à devenir une puissance dans le domaine des semi-conducteurs le plus rapidement possible » 🤦
Une autre particularité du système que Keyu Jin souligne – et je terminerai là-dessus – est que ce système permet également à la Chine « d’attribuer les pertes à certains groupes de personnes, groupes d’intérêt et secteurs » afin de « mettre en œuvre des changements au niveau du système ». », ce qui, selon elle, est « très difficile à faire pour d’autres gouvernements ayant plus de contraintes politiques ». Par exemple, nous voyons cela se produire en temps réel dans le secteur immobilier : la Chine a reconnu l’existence d’une bulle immobilière et Xi a publié sa directive « les maisons sont destinées à l’habitation, pas à la spéculation ». Depuis, nous assistons à un dégonflement machiné de la bulle, garantissant dans la mesure du possible que les pertes soient supportées par les promoteurs immobiliers et les spéculateurs, et pas trop par la société dans son ensemble. C’est en partie la raison pour laquelle la Chine n’a jamais connu de récession dans l’ère moderne : elle procède à des démolitions contrôlées lorsque cela est nécessaire, mais essaie de s’assurer qu’elle ne souffre pas de crises massives comme celles dont nous avons été témoins à plusieurs reprises aux États-Unis par exemple.
Bien entendu, aucun système n’est parfait. Les faiblesses du système chinois incluent par exemple le protectionnisme local : les autorités locales sont incitées de manière perverse à protéger leurs entreprises locales afin de leur donner un avantage par rapport aux entreprises d’autres provinces, ce qui se fait finalement au détriment de tout le monde. Une autre faiblesse est la corruption, un problème séculaire en Chine, où les responsables locaux – qui sont extrêmement puissants en raison de la nature du système – décideront que l’obtention d’une promotion n’est pas une incitation suffisante et tenteront de tirer profit de leur position de pouvoir. Réprimer ce phénomène est également une mission clé du gouvernement central et bien sûr l’une des initiatives majeures de Xi depuis son arrivée au pouvoir.
Enfin, une autre faiblesse évidente est évidemment que tout repose en fin de compte sur la sagesse des raisons pour lesquelles le système est mobilisé, sur la sagesse des objectifs plus larges émanant du gouvernement central. S’ils sont mal pensés, c’est effectivement tout un pays qui travaille vers de mauvais objectifs… À ce sujet, on nous dit souvent que ce problème ne se produit pas dans les pays où les objectifs de l’économie sont déterminés de manière plus organique par les « forces invisibles du marché », mais si vous y réfléchissez, cela revient à dire que la « main invisible du marché » équivaut en fait à « ce qui est bon pour les actionnaires » et ce qui est bon pour les actionnaires n’est pas toujours un indicateur parfait de ce qui est bon pour la société, c’est le moins qu’on puisse dire… Par exemple, il est absolument insensé que nous ayons eu 2 ou 3 générations en Occident où les meilleurs et les plus brillants sont allés travailler pour le secteur financier afin de concevoir des projets toujours plus alambiqués pour gagner de l’argent à partir de rien, tout simplement parce que c’est incroyablement rentable de le faire. Quiconque regarde cela de manière rationnelle peut voir que ce n’est pas exactement la meilleure utilisation de nos précieuses ressources humaines en tant que société… Donc tout bien considéré, si je devais choisir, je préférerais de loin que nos grands objectifs sociétaux soient fixés par les êtres humains plutôt que par le concept théorique selon lequel « ce qui rapporte le plus d’argent mérite le plus d’attention ». Et il s’avère que le système chinois s’en sort plutôt bien face au capitalisme : les êtres humains ne sont évidemment pas trop mauvais pour décider sur quoi ils devraient travailler s’ils sont réfléchis et stratégiques à ce sujet. »
Ce que fait Arnaud Bertrand sur X (Twitter) est un exemple de « journalisme citoyen » et X est le lieu où ces journalistes citoyens peuvent s’exprimer. Bien sûr, il y en a de plus ou moins bon, à chacun de choisir ceux qu’il veut suivre. Mais depuis que la censure a été allégée par Musk, X est devenu le lieu de travail des journalistes citoyen. En voici un autre exemple :
« Au cours des 111 derniers jours, depuis le 7 octobre, Israël a constamment nié avoir pris pour cible des civils. Eh bien, dans cette vidéo, je vais vous montrer que dans l’histoire de son occupation, Israël cible non seulement activement les civils, mais également les enfants.
Plus important encore, j’explique pourquoi ils le font.
Nous avons tous été collectivement contraints d’observer l’essentiel du terrorisme d’État absolu et sans limites perpétré par Israël, protégé par le parrainage de la grande majorité des pays du Nord, de leurs gouvernements et de leurs médias. Les politiques israéliennes institutionnalisées qui impliquent le meurtre, la mutilation, l’enlèvement, la maltraitance, l’emprisonnement et le viol des enfants n’ont pas encore été portées au premier plan de la conscience occidentale.
J’espère que cette vidéo aidera à créer cette conscience. »
La vidéo est en anglais mais avec des sous titres qui permettent de suivre facilement l’intéressante enquête de cette journaliste.
Evidemment, ce « journalisme citoyen » permet de briser le narratif que les médias grand public et les gouvernements s’efforcent d’imposer dans la tête de la population, alors il faut dénigrer celui qui permet un tel affront, Elon Musk :
« La déclaration d’Elon Musk entre en contradiction avec ses actes. Et pas seulement parce que Musk est l’auteur d’un tweet, en novembre, approuvant un discours ouvertement complotiste et antisémite. Pas seulement parce que le nombre de messages contre les Juifs a doublé sur X depuis qu’il en a pris le contrôle, ce qui a d’ailleurs valu au réseau la désertion de grands annonceurs. Non, si Musk ne peut pas se prévaloir d’un rôle de vigie contre la barbarie, c’est parce qu’il refuse de mettre un frein au déversement de la haine en ligne. Rappelons qu’il a n’a pas souscrit aux règles sur l’information de l’Union européenne, ce qui a déclenché une enquête de Bruxelles, et qu’il a joué un rôle crucial dans la prolifération de fausses nouvelles pendant le conflit Israël-Hamas. »
Et en ce moment, il s’agit essentiellement de protéger le narratif israélien qui prétend faire accepter à une population réticente que le massacre en cours à Gaza est une réponse normale face à l’attaque du Hamas, le 7 octobre dernier. Or une enquête citoyenne comme la précédente démolit ce narratif israélien.
Il s’agit aussi de protéger le narratif officiel disant que « la Russie de Poutine est un danger pour l’Europe » qui est souvent battu en brèche sur X et autres médias alternatifs :
« « La guerre en Ukraine sera terminée dans trois mois », dixit la ministre allemande des Affaires étrangères sur X, l’ex-Twitter. Le compte est presque parfait. La photo habituelle est utilisée, le nombre d’abonnés est également exact. Mais le message qui remettait en cause le soutien de l’Allemagne à Kiev n’était pas complètement parfait.
Dans un coin, on pouvait reconnaître un signe en cyrillique. On l’aura compris : le faux compte et les fausses informations ont leur source en Russie. Les services du ministère des Affaires étrangères ont comptabilisé pas moins de 50 000 comptes et plus d’un million de messages en un mois. Objectif : faire croire que Berlin ne soutien plus l’Ukraine ou au contraire que ce soutien se fait au détriment des Allemands.
La campagne veut surfer sur le mécontentement dans la population avec de fausses informations. Les partages et les commentaires doivent contribuer à multiplier l’écho de ces publications. Berlin a partagé ces informations avec les services spécialisés de l’Union européenne (UE). L’origine de ces messages est claire : ils viennent de Russie et sont en partie complètement automatisés. « La désinformation est devenue une menace globale », a déclaré, dans la foulée, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. »
Cette info veut nous faire croire que les services secrets russes sont assez stupides pour laisser « dans un coin un signe en cyrillique » et ne pas cacher « l’origine des messages » alors que c’est à la portée de n’importe quel informaticien. Cette « info » est plutôt là pour faire passer ce message dans l’esprit des lecteurs : « La Russie et X sont dangereux pour vos esprits si facilement manipulables alors il faut que nous, médias et gouvernement, nous vous en protégions ».
Pourtant, le haut dirigeant de l’OTAN, Stoltenberg lui-même, le redit :
« L’OTAN ne voit aucune menace de la part de la Russie envers aucun de ses membres, a déclaré mardi le secrétaire général du bloc dirigé par les États-Unis, Jens Stoltenberg, aux journalistes lors d’une conférence de presse à Bruxelles. Ses commentaires interviennent alors que plusieurs pays, dont l’Allemagne et les États baltes, ont fait part de leurs inquiétudes quant à une éventuelle attaque russe.
Répondant aux questions des journalistes suite à la signature de nouveaux investissements majeurs dans la production de munitions d’artillerie, Stoltenberg a déclaré : « Nous ne voyons aucune menace directe ou imminente contre un allié de l’OTAN. »
En même temps, il a souligné que le bloc « surveille de près ce que fait la Russie » et a accru sa « vigilance et sa présence dans la partie orientale de l’alliance », afin de prévenir toute attaque contre les pays alliés. »
Mais les médias et certains dirigeants veulent absolument nous faire croire le contraire.
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