La Guerre


Par Jean Piniarski − Décembre 2018

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Un monde en Guerre – CNRS Le journal

Il ne se passe pas de mois, voire de semaine, qu’un média n’évoque les risques de guerre. Tirant les leçons de siècles d’histoire et en particulier pour la France des millésimes comme 1870, 1914-1918 ou 1939-1945, nos irremplaçables médias peuvent présenter l’Ennemi : la Russie. La Russie, le plus grand pays de la planète, probablement l’un des plus riches en matières premières, manifestement habitée par une population insuffisante, et qui, s’étant retirée d’Europe de l’Est après y avoir combattu et vaincu le fascisme, rêverait maintenant d’envahir l’Europe entière pour se donner un peu de distraction ; la Russie, puissance militaire de premier plan et qui n’a pas été vaincue chez elle depuis des siècles.


Peu de personnes s’émeuvent de ce refrain continuel des chants guerriers, mais sait-on vraiment ce qu’est la guerre ? Je ne parle pas des meurtres de masse, par exemple les bombardements des villes et des civils par les militaires, innovation du régime nazi durant la seconde guerre mondiale, et qui furent repris avec enthousiasme par d’autres, comme d’autres héritages nauséabonds de ce régime d’ailleurs. Je voudrais parler de choses simples, de la vie de tous les jours qui doit se poursuivre. Quand on nous promet la guerre, vous savez cette action toujours rapide durant laquelle nous triompherons sans peine des pires ennemis, qu’est-ce que cela veut dire au juste ?

Imaginons des bombes atterrissant sur nos centrales électriques. Et pour commencer, des bombes sur nos centrales nucléaires. Nous serions bien à l’aise d’une situation qui nous placerait aux prises avec nos propres produits radioactifs dispersés un peu partout. Plus besoin de retraiter les déchets, c’est le pays entier qui sera à retraiter. Il ne faudra pas se trouver trop près d’une centrale nucléaire et que le vent souffle du bon coté.

Et quand à la conséquence directe : plus d’électricité. C’est à dire plus de relais radio ou télé ; plus d’internet ; plus de portables et de tablettes ; plus de relations à distance ; tous les robots électro-ménagers en panne subite. Plus d’électricité, c’est ne plus pouvoir se chauffer pour la majorité d’entre nous. Si la guerre est en hiver, il faudra acheter des couvertures et s’il en manque, il faut espérer que nous ne serons pas aussi en guerre contre la Chine qui les fabrique. Si vous avez des panneaux solaires, vous êtes peut-être sauvés, mais dépêchez-vous quand même d’aller acheter du matériel en 12 volt, parce qu’il n’y en aura pas pour tout le monde : on ne stocke plus rien depuis longtemps, et vous savez où c’est fabriqué pour l’essentiel.

Sans électricité, plus d’eau dans les châteaux d’eau, et plus d’eau au robinet. Qui se dévouera pour aller chercher les 200 ou 300 litres quotidiens « nécessaires » à nos familles modernes ? Et où aller ? Même les bornes à incendie ne pourront plus servir. S’il y a encore un peu d’électricité, elle sera consommée par les appels téléphoniques des consommateurs en rage.

Imaginez que des bombes tombent sur les quelques points de ravitaillement en carburants, ceux que les camionneurs bloquaient quand ils étaient en grève : plus de carburants ; plus de déplacements en camions ou en voiture ; plus de transports de marchandises. Et très vite, plus de produits dans les grandes surfaces. On commence à toucher à l’essentiel. Où trouver les produits alimentaires ? Le congélateur (en panne depuis la coupure générale d’électricité) permettra de tenir combien de temps ? Heureux propriétaire d’un jardin, se lancer dans la culture des pommes de terre ? Quelle quantité est nécessaire pour nourrir une famille ? Et comment on fait et combien de temps il faut attendre ? L’élevage des lapins et la fabrication du pâté ? Au fait, ça mange quoi un lapin quand on n’a plus les croquettes du supermarché ? Et mon chat, qui n’aura plus son menu trois étoiles, que deviendra-t-il quand  la faim sera là ?

Ce que les médias oublient de dire, c’est que lors de la dernière guerre, on crevait de faim dans les villes. La population dans les campagnes était alors nombreuse et les gens des villes faisaient des dizaines de kilomètres en vélo (sans assistance électrique) pour aller chercher à la campagne de quoi manger. Mais dans nos villes devenues tentaculaires, entourées de campagnes désertées ou saccagées, pour l’essentiel, par l’agriculture industrielle, comment trouver la nourriture si on ne nous apporte pas tout ? Les concombres d’Espagne, les pommes de Nouvelle Zélande, la viande d’Europe de l’Est, c’est loin à vélo. Comment faire ?

Plus d’électricité, c’est la lessive à la main. Il faudra demander à grand-mère comment on fait. Espérons aussi qu’il y aura des réserves suffisantes de carburant et autres dans les hôpitaux car alors, sans énergie, et sans approvisionnement, les urgences seront traitées de manière moins folichonne que ce qu’on nous montre aujourd’hui dans les séries télé.

Sans carburant, si le lieu de travail est loin, combien de personnes feront demain des dizaines de kilomètres pour se rendre au travail ou pour amener les enfants à l’école ? Dormir au boulot et les enfants à l’école ? Qui gardera la maison ? Sans électricité, le tout ordinateur industriel va aussi avoir des hoquets. Sans travail, plus de salaires. Mais les banques  patienteront pour les traites.

Alors, nous sommes prêts ? Pour commencer : plus d’électricité, plus de chauffage, se laver à l’eau froide si nous en trouvons, se déplacer à pied, et ne plus trouver à manger ou de quoi se soigner. Entre la guerre chez les autres et qu’on regarde à la télé, et celle qui vient frapper à notre porte, quelle différence ! Sûrement que nos « responsables politiques » et les « journalistes » des médias qui sont prêts à la guerre ont prévu tout ça depuis longtemps, mais nous, comment vivrons-nous cela ? Combien de jours accepterons-nous d’abandonner notre confort pour que, par exemple, un président letton ou un responsable de l’OTAN puisse montrer ses muscles à la Russie, voire à la Chine ?

Quand la guerre sera déclenchée, peut-être alors nous souviendrons-nous de nos ancêtres qui ne se sont pas amusés, même s’ils n’étaient pas au front, et peut-être chercherons-nous à comprendre un peu tard comment on nous a amenés là.

Jean Piniarski

Relu par Cat pour le Saker francophone

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