Par Brandon Smith − Le 26 septembre 2018 − Source Alt-Market
Tout comme les lois de la physique, il y a certaines lois de l’économie qui restent constantes, peu importe le degré de manipulation qui existe sur les marchés. L’expansion conduit inévitablement à la contraction, et ce qui monte doit finir par descendre. Les banques centrales comprennent très bien cette réalité ; elles ont passé plus d’un siècle à essayer d’exploiter ces lois à leur propre avantage.
Une idée fausse courante chez les nouveaux adeptes de l’économie alternative est que les banques centrales ne cherchent qu’à maintenir l’économie à flot, ou à la maintenir en expansion pour toujours. En réalité, ces institutions et les élites financières qui les soutiennent gonflent artificiellement des bulles financières pour les faire imploser délibérément à des moments opportuns.
Comme je l’ai souligné dans de nombreux articles, chaque bulle économique et chaque krach subséquent depuis 1914 peuvent être liés aux mesures de politique monétaire des banques centrales. Parfois, elles admettent même leur culpabilité (jusqu’à un certain point), comme Ben Bernanke l’a fait sur la Grande Dépression et comme Alan Greenspan l’a fait au sujet de la crise du crédit de 2008. Vous pouvez lire plus à ce sujet dans mon article « La Réserve Fédérale fait du sabotage – Et les experts sont inconscients ».
En général, les banquiers centraux et les banquiers internationaux induisent le public en erreur en lui faisant croire que les accidents dont ils sont responsables ont été causés « par erreur ». Ils mentionnent rarement, voire jamais, le fait qu’ils utilisent souvent ces crises comme un moyen de consolider le contrôle des actifs, des ressources et des gouvernements alors que les masses sont distraites par leur propre survie financière. La centralisation est le nom du jeu. Ce n’est certainement pas une erreur si après chaque implosion économique, l’écart de richesse entre les 0,01% supérieurs et le reste de l’humanité se creuse de façon exponentielle.
Un autre krach est en train d’être armé par les banques, et cette fois-ci, je crois que les motivations qui le sous-tendent sont assez différentes. Ou du moins, les buts sont décuplés.
La phase suivante des plans de centralisation de l’élite financière passe par une restructuration complète du climat monétaire mondial, ce que Christine Lagarde, du FMI, a souvent appelé la grande « réinitialisation économique ». Les termes « réinitialisation économique » est plus probablement un code pour « effondrement économique », une épopée assez épique pour faciliter un cadre monétaire complètement nouveau avec une nouvelle monnaie de réserve mondiale. Une relance économique sans précédent dans l’histoire nécessiterait une bulle financière sans précédent dans l’histoire, et c’est exactement ce que nous avons aujourd’hui.
La « Bulle de Tout », comme l’appellent de nombreux analystes alternatifs, est construite sur de multiples piliers qui s’effritent. Ici, ils ne sont pas décrit dans un ordre particulier.
Stimulus des banques centrales
Depuis le krach de 2008, les renflouements et les mesures d’assouplissement quantitatif de la part des banques centrales ont été utilisés comme un palliatif pour prévenir les retournements de marché dès leur apparition. Surtout, les banques centrales ont été particulièrement obsédées par l’idée de maintenir les actions dans un mouvement haussier perpétuel, dont Ben Bernanke et Alan Greenspan ont admis qu’il faisait partie du maintien d’une certaine « psychologie » positive dans le public. En d’autres termes, le but des mesures de relance était de donner aux masses un faux sentiment de sécurité et non de guérir l’économie réelle.
L’autre principale initiative à l’origine des mesures de relance consistait à soutenir les gouvernements et les entreprises du monde entier empoisonnés par leur dette. Toutefois, l’intention n’était pas nécessairement d’aider ces institutions à sortir du rouge. Non, au contraire, l’objectif était de les garder suffisamment longtemps en soin palliatif pour qu’ils puissent s’endetter MÊME PLUS, au point que lorsqu’ils s’effondreront, les conséquences soient si dévastatrices qu’il sera impossible de les sauver.
Le moment de la réduction progressive de l’assouplissement quantitatif par la banque centrale devrait être considéré comme un signal d’alarme en cas d’éclatement de la Bulle de Tout. Avec l’arrêt des mesures d’assouplissement quantitatif par la Réserve fédérale, l’utilisation par la Banque du Japon de mesures d’assouplissement furtif et la mise en garde de la Banque centrale européenne contre une inflation élevée et la nécessité d’une réduction progressive des bilans, il est clair que le temps de l’argent facile est presque terminé. Quand l’argent facile n’est plus là, le crash est proche.
Rachat d’actions
Grâce à des prêts réguliers de la Réserve fédérale et aux réductions d’impôts de Trump, les marchés boursiers ont été gonflés au-delà de toute raison par les sociétés qui ont mis en œuvre le système de manipulation des cours de leurs actions par leurs rachats. En réduisant artificiellement le nombre d’actions sur le marché, les entreprises peuvent augmenter la « valeur » des actions existantes et alimenter une reprise du marché haussier. Cette reprise n’a bien sûr rien à voir avec la création réelle de richesse. C’est un jeu de richesse fantôme et de chiffres gonflés.
Les actions, en particulier, nécessiteront de plus en plus de dettes de la part des entreprises ainsi que des taux d’intérêt presque nuls pour que la farce se poursuive. Les banquiers centraux, cependant, ont d’autres plans.
Taux d’intérêt presque nuls
Les faibles taux d’intérêt devraient être considérés comme faisant partie du modèle de relance, mais je les traite séparément parce qu’ils représentent un type particulier de manipulation du marché. La possibilité pour les entreprises d’emprunter presque gratuitement auprès de la Fed n’a guère contribué à améliorer les effets de la crise du crédit de 2008. En fait, les niveaux d’endettement des entreprises frôlent maintenant des sommets inégalés depuis le dernier krach. Cette fois, cependant, la dépendance à l’égard des prêts à faible coût a engendré une dépendance monstrueuse au sein du cycle économique. Toute hausse des taux d’intérêt entraînera des retours douloureux à la réalité.
Les banques centrales du monde entier sont en train d’accroître cette douleur en augmentant les taux bien au-delà de ce à quoi de nombreux analystes s’attendaient il y a quelques années. La dette des entreprises, en particulier, est très vulnérable à cette nouvelle politique de resserrement. Sans taux d’intérêt bas, les entreprises ne peuvent plus se permettre de détenir les dettes qu’elles ont, et encore moins de s’endetter davantage pour tenter futilement de maintenir les actions à un niveau élevé.
Les banques centrales soutiennent que l’« inflation » est l’excuse pour augmenter les taux d’intérêt en ce moment. L’inflation réelle a été bien au-dessus des cibles de la Fed pendant des années, et les élites bancaires n’ont pas fait preuve de la moindre attention. Je soupçonne que la vraie raison est que la prochaine phase de la remise à zéro est proche et qu’un peu de chaos est nécessaire.
Pendant des décennies, la Fed a maintenu le taux d’intérêt neutre bien en deçà du taux d’inflation. Pour la première fois depuis au moins 30 ans, la Fed sous Jerome Powell cherche à augmenter les taux neutres pour les rendre égaux au rythme de l’inflation (inflation officielle). La Fed dispose d’environ deux ou trois autres hausses de taux (y compris la hausse de septembre) pour atteindre le rythme de l’inflation. Je crois que c’est notre fenêtre sur le prochain krach, le moment où la Fed renverse complètement sa politique passée de soutien artificiel à l’économie.
Bilan de la Réserve fédérale
J’ai beaucoup écrit sur la corrélation entre le bilan de la Fed et ses actions et je n’entrerai pas dans les détails ici. Autrement dit, à chaque augmentation du bilan au cours de la dernière décennie, les marchés des actions se sont redressés simultanément. Alors que la Fed réduit ses actifs, les actions deviennent volatiles. Une divergence s’est produite au cours des deux derniers mois entre le bilan de la Fed et les marchés, mais je crois que c’est temporaire.
Les rachats d’actions par les entreprises n’ont jamais été aussi élevés qu’en 2018, et il est évident que cela vise à compenser l’affaiblissement du soutien de la Fed aux marchés. Cependant, à mesure que les taux d’intérêt augmenteront et que les effets des réductions d’impôt vont faiblir, les rachats d’actions s’éteindront.
Si l’on considère la possibilité que les actifs de la Fed comprennent également des actions comme beaucoup le soupçonnent, alors les ventes d’actifs de la Fed vont augmenter également le nombre d’actions existantes sur le marché et saboteront les efforts des entreprises pour réduire ce nombre d’actions par leur rachat. Je prévois que les actions convergeront de nouveau avec la baisse du bilan de la Fed d’ici la fin de l’année et qu’elles continueront de chuter rapidement au cours du dernier trimestre de 2018 et pendant le reste de 2019.
Tout est dans le timing
Les banques centrales ont besoin d’une couverture avant de pouvoir lancer leur « réinitialisation globale », et quelle meilleure couverture qu’une guerre commerciale internationale massive ? La guerre commerciale de Trump est une excellente distraction qui peut servir de justification à toutes les conséquences négatives de la décision des banques centrales de mettre un terme à leur soutien vital. En d’autres termes, les désastres que les banques centrales causent en resserrant leurs bilans dans un environnement économique faible peuvent être imputés à Trump et au conflit commercial.
Je ne pense pas que ce soit une coïncidence si presque toutes les escalades de la guerre commerciale se produisent en même temps que les annonces des grandes banques centrales concernant les hausses de taux et les réductions de bilan. La dernière salve de guerre commerciale de 200 milliards de dollars autour des tarifs douaniers contre la Chine mène à une annonce chinoise de représailles – tout cela a lieu la semaine même de la réunion de septembre de la Fed qui devrait se traduire par une nouvelle hausse des taux [+ 0,25%, NdT] et des réductions de bilan élargies.
Les politiques de resserrement de la Fed ont entraîné une réaction sévère de la part des marchés émergents qui s’effondrent déjà et divergent fortement des marchés américains. Les actions américaines n’échapperont pas au même sort.
Les efforts de la Fed en matière de taux neutre laissent entrevoir un tournant entre la fin de 2018 et le début de 2019. On s’attend à ce que les réductions du bilan augmentent en ce moment, ce qui accélérerait également l’effondrement des actifs existants sur le marché. La seule question est de savoir combien de temps les entreprises peuvent soutenir les rachats d’actions jusqu’à ce que le fardeau de leur propre dette écrase leurs efforts. Dans le cas de ces entreprises, les taux d’intérêt détermineront la durée de leur résolution. Je crois que deux autres hausses seront leur limite.
Si la Fed continue sur sa trajectoire actuelle, le prochain krach boursier commencerait vers décembre 2018 et se poursuivrait au premier trimestre 2019. Par la suite, d’autres secteurs de l’économie, déjà très instables, se décomposeront jusqu’en 2019 et 2020.
Brandon Smith
Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone
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