CUI BONO?
A qui profite le crime?

par Mikail Khazin le 21 janvier 2015 

L’ampleur des événements en France et l’intensité de la panique qui a suivi se sont avérées si massives que même les personnes les moins politiquement averties se sont rendu compte que la stabilité de l’UE était confrontée à une menace énorme. Que les autorités françaises aient réussi à neutraliser la situation actuelle n’a aucune importance – cela peut se répéter sur une échelle encore beaucoup plus grande. Il est impossible d’arrêter ce processus dans le cadre de la démocratie tolérante moderne, placer des forces de sécurité professionnelles et bien armées devant chaque bâtiment dans chaque ville n’est tout simplement pas possible et tout le reste serait inefficace. Une évaluation honnête des risques liés à des événements similaires, même juste en termes de coûts des assurances, montrera que l’économie toute entière court le risque d’aller à l’égout. Et je parle de l’économie mondiale. Depuis que j’ai écrit ici une prévision qui, entre autres choses, contient des informations sur l’année 2015, je suis obligé d’ajouter quelques commentaires. La première question qui demande une réponse est: qui en tire profit?

Ici, je vais simplement énumérer les bénéficiaires possibles.

Premier choix: les États-Unis. Les autorités de ce pays ont réalisé que l’influence des élites d’opposition augmente, si bien qu’elle met en péril  non seulement les accords autour de la Zone de libre-échange Transatlantique (TAFTA), mais elle peut aussi devenir une menace à l’emprise des élites pro-américaines sur l’Europe. Orban en Hongrie, Zeman en République Tchèque , Marine Le Pen en France … Tous ceci met en évidence un processus très négatif pour les États-Unis. Par conséquent, la situation doit être dynamitée, la démocratie doit être mise de côté et une dictature stricte doit être installée. Une dictature pro-américaine qui suivra inconsidérément les ordres de Washington, sans la nécessité de s’engager dans tout type de procédures démocratiques. En d’autres termes, installez un Pinochet dans tous les pays de l’UE avec tous les symboles,les gadgets et l’apparat qui accompagnent toujours ce genre de régimes: escadrons de la mort, démantèlement de toutes protections sociales, suppression des réglementations étatiques, c’est à dire la libéralisation totale. Et, bien sûr, avec ces développements une zone de libre-échange avec les États-Unis sera mise en oeuvre. Par ailleurs, le refus par les autorités françaises d’autoriser le Front National à participer à la marche d’union nationale s’adapte parfaitement au scénario ci-dessus, en effet, que signifie une démocratie et l‘unité quand un quart de la population des Français natifs (!) est rudement mise de côté.

Je tiens également à noter que, dans l’élite US, il y a plusieurs groupes, chacun d’entre eux ayant ses propres canaux d’influence, qui pourraient être utilisés pour stimuler et organiser des attaques terroristes qui s’adapteraient à leur ordre du jour. Chaque groupe a ses propres partenaires (La Maison royale des Windsor britanniques, les élites financières mondialisées, la Chine et bien d’autres), ainsi que ses propres intérêts, et tout cela nécessite une analyse très détaillée et approfondie.

Deuxième possibilité: la Grande-Bretagne (ou, pour être plus précis, la Maison des Windsor). Ils pourraient s’inquiéter d’un scénario dans lequel Merkel s’abandonnerait totalement aux pressions des États-Unis et pousserait Bruxelles à signer l’accord de libre-échange TAFTA, qui mettrait un terme à l’idée de créer des zones de devises alternatives au dollar et entraînerait la disparition du rôle de la City de Londres  (Rothschild ) sur le contrôle des opérations financières inter-devises. Ce qui signifie essentiellement que le système financier britannique, plus ou moins indépendant, cessera d’exister, tout comme Londres perdra son statut de centre financier mondial.

Troisième possibilité: les élites d’Europe continentale (l’internationale noire, ou le Vatican – en termes conspirationnistes). Pour eux, le traité TAFTA est une catastrophe, et ils ont déjà gagné assez d’influence pour essayer de mettre les élites de l’opposition à vocation nationale au pouvoir dans chaque pays. Une fois que le nombre de pays de l’UE où cette passation de pouvoir aura eu lieu dépasse un seuil critique, les élites pro-américaines à Bruxelles seront évincées et l’UE, telle que nous la connaissons, sera terminée. Il est possible que les idées de domination franco-germano-russe en Europe jouent un rôle dans ce scénario. Dans un cadre impérial, et non libéral-démocratique, bien sûr.

Quatrième possibilité: l’Allemagne. Ils auraient pu craindre que Hollande ne se désolidarise, sous la menace de perdre le pouvoir, des plans précédemment coordonnés avec Mme Merkel , et ainsi auraient provoqué une situation qui permet de serrer la vis et de limiter sensiblement l’influence et les capacités du groupe anti-américain dirigé par Mme Le Pen.

La cinquième possibilité est celle avec laquelle on abreuve actuellement les masses, ce qui en fait la moins probable. Cette version implique que les islamistes sont derrière l’attaque – ISIS, Al-Qaïda, etc. Elle a ses propres méandres parce que partout où nous voyons une mention de Al-Qaïda, nous devons également chercher des traces de la CIA et de la participation du renseignement britannique. Al-Qaïda n’a pas assez de pouvoir et de ressources pour mener à bien une telle attaque indépendamment, sans aide extérieure.

Sixième possibilité: l’Arabie Saoudite. Aujourd’hui, elle prend de sérieux coups et elle doit trouver un moyen de survivre. Un certain nombre de scénarios qui sont développés par les US impliquent la liquidation de l’État saoudien avec le but ultime de créer un califat sunnite, qui serait ensuite utilisé dans une attaque contre Israël et l’Iran. Ces scénarios peuvent être évités. Le plus simple est de disperser les ressources militaires et financières américaines sur autant de fronts que possible, les forçant à abandonner leurs plans pour éliminer les Saoudiens du pouvoir. Israël aide les Saoudiens dans cette situation, mais en gardant un profil bas.

Septième possibilité: nous (la Russie). Ayant échoué à convaincre Merkel d’abandonner les sanctions et réalisant qu’elle est fermement sous contrôle américain, nous avons décidé de dynamiter l’UE. En commençant par la France qui semble être le premier pays européen majeur prêt à quitter le régime de la confrontation États-Unis vs Russie. Cela donne un alibi à Hollande pour le soutien à ses actions anti-américaines (“Que pouvons-nous faire, – dira-t-il à Obama, – vous n’apportez aucune aide, tandis que la Russie nous soutient“), et ainsi de suite. Il est également possible que nous ayons déjà des accords avec certaines des parties mentionnées ci-dessus.

Et la huitième possibilité, plus à l’Est, est la Chine. Cela voudrait dire que l’attaque était un retour de manivelle suite à l’intervention US  en Ukraine et d’autres actions dirigées contre la nouvelle Route de la Soie. En d’autres termes, cela impliquerait l’entrée dans le grand jeu politique sur l’échelle mondiale de la Chine.

Théoriquement et pour l’instant, toutes les possibilités mentionnées ci-dessus ne sont pas encore hors sujet. Comme le temps passe, de plus en plus d’informations seront disponibles et l’image deviendra plus claire, mais nous devons faire très attention. Beaucoup des parties mentionnées ont leurs propres agendas idéologiques, qui ont été symboliquement présentés au public au cours des deux derniers jours. Les symboles incluent des bougies (pour une raison étrange, personne dans l’UE n’allume des bougies pour commémorer les victimes de Donbass, d’Odessa ou de Mariupol même si tous ces endroits sont également situés en Europe et qu’il y meure tous les jours plus de gens qu’il n’en est mort en France), des fleurs , des mises en scène marches de l’unité qui sentent tellement le montage bricolé que l’on doit se demander pourquoi il était impossible de mieux se préparer!

Ici, en Russie, les choses commencent à bouger aussi, il suffit de regarder les querelles entre Venediktov et Kadyrov! Cependant, je ne vois toujours aucune action constructive en cours, mais il est possible que cela n’arrive jamais parce qu’il n’y a personne pour mettre en œuvre un tel plan d’action. En passant, j’ai trouvé la déclaration de Khodorkovski très révélatrice de ce qui se passe ici en ce moment. Elle a été clairement utilisée pour provoquer le public, ce qui a montré, à l’évidence, qu’il n’est pas une figure politique indépendante. En outre, ceux qui l’utilisent ne le considèrent manifestement plus  comme un atout précieux.

Mikail Khazin est un économiste russe réputé pour ses vues hétérodoxes.

Traduit du russe à l’anglais par Mikhael (thanks a lot Mikhael!! The Saker)

Traduit en français par jj pour le Saker Francophone

 

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