Biden modifie le récit au sujet du Banderastan


Par The Saker – Le 1 août 2022 – Source The Saker’s Blog

Le “Président Biden” (c’est-à-dire le Biden “collectif”) a écrit un article intéressant pour le NYT intitulé “Président Biden : voici ce que l’Amérique va faire et ne pas faire en Ukraine“.  L’intégralité de l’article se trouve derrière un guichet payant, et il n’est pas vraiment utile de le reproduire ici. Mais je tiens à commenter quelques-unes des thèses de “Biden”.

Tout d’abord, j’ignorerai l’habitude odieuse d’appeler les États-Unis “Amérique“, alors que le Canada et le Brésil sont à eux seuls presque aussi grands que les États-Unis.  De plus, les États-Unis ne font que 9 833 520 km2 (3 796 742 mi2) alors que la superficie totale des Amériques est de 42 549 000 km2 (16 428 000 mi2).  Enfin, les Amériques comptent 35 pays, mais si dire “‘Meurica” évoque des images de Captain America et de drapeaux (de fabrication chinoise) brandis, tant mieux. Examinons quelques phrases clés :

“L’objectif de l’Amérique est simple : Nous voulons voir une Ukraine démocratique, indépendante, souveraine et prospère, dotée de moyens de dissuasion et de défense contre toute nouvelle agression (…) Nous ne cherchons pas une guerre entre l’OTAN et la Russie. Bien que je ne sois pas d’accord avec M. Poutine et que je trouve ses actions scandaleuses, les États-Unis n’essaieront pas de provoquer son éviction à Moscou“.

C’est un changement ÉNORME.  En russe, il y a cette expression disant “changer de chaussures en plein saut” (переобуться в прыжке) qui fait référence à la situation où une personne fait soudainement un demi-tour complet et instantané après avoir pompeusement insisté sur un objectif qui est maintenant abandonné.

Le plan initial était simple : écraser l’économie russe, faire renverser Poutine dans une sorte d’insurrection, briser la Russie et se tourner ensuite vers la Chine pour l’écraser. Et, compte tenu de la diabolisation absolument extrême de Poutine, il était clairement désigné comme l’objet d’une haine totale par “toute l’humanité progressiste et éprise de liberté“.

Et maintenant “Biden” va “généreusement” permettre à Poutine de rester au pouvoir.  Oui, “Biden”, sans tenir compte du fait que la population russe soutient pleinement Poutine, et l’Opération Spéciale. A quel degré “Biden” nous prend pour des cons ?

Bref, continuons,

“Nous continuerons également à renforcer le flanc oriental de l’OTAN avec les forces et les capacités des États-Unis et d’autres alliés. Et tout récemment, j’ai accueilli favorablement les demandes d’adhésion à l’OTAN de la Finlande et de la Suède, une décision qui renforcera la sécurité globale des États-Unis et de la région transatlantique en ajoutant deux partenaires militaires, démocratiques et hautement compétents”.

Ce paragraphe entier peut être résumé de toutes sortes de façons colorées, je me contenterai d’appeler cela des absurdités contre-factuelles et délirantes. Par où dois-je commencer ? Permettez-moi de décrire la réalité de l’OTAN ici, en quelques points.

  1. Premièrement, son objectif.  Son véritable objectif, bien sûr, pas toutes ces foutaises propagandistes sur la liberté, la démocratie, etc. Le véritable objectif de l’OTAN est simple : mettre les “Russes dehors, les Américains dedans et les Allemands à terre“.  Remarquez, Staline voulait une Allemagne unie, ce sont les USA qui ont dit non. Et l’OTAN a été créée avant l’Organisation du traité de Varsovie qui, en Occident, est appelée le “Pacte de Varsovie” parce que “pacte” sonne plus sinistrement. Nous avions donc une belle, brillante et pacifique Organisation du Traité de l’Atlantique Nord d’un côté, et le sombre et maléfique Pacte de Varsovie de l’autre. Vous voyez, dès le premier jour, cette organisation avait pour but de tromper l’opinion publique sur ses véritables objectifs. Même la partie “Atlantique Nord” est un mensonge, il suffit de regarder les opérations de l’OTAN en Afghanistan !
  2. Deuxièmement, en termes militaires, l’OTAN est composée à 90% des États-Unis et à 10% de caillasse.  Oh oui, oui, je sais, les pays de l’OTAN ont des tanks, des avions, des soldats, des bateaux, etc. Mais ne regardez pas ce qu’ils ont, regardez ce qu’ils n’ont pas. L’OTAN dépend entièrement des États-Unis pour le C4ISR, pour la logistique, pour la maintenance de ses systèmes d’armes, pour la formation de son personnel [les pilotes de l’aéronavale française sont formés aux USA, NdSF], etc. etc. etc. La vérité est que les États-Unis sont la seule puissance de l’OTAN qui compte, les autres ne servent que de feuille de vigne pour cacher le fait indéniable que l’OTAN est une force d’occupation militaire.
  3. Troisièmement, alors que l’OTAN fait beaucoup de bruit à propos de tout et n’importe quoi, en réalité, c’est une armée creuse, un tigre de papier. Ce que l’OTAN peut faire, c’est attaquer des pays faibles, plus ou moins défensifs. Et même dans ce cas, son bilan final est plutôt mauvais : elle a échoué en Libye, elle a échoué en Afghanistan et en Irak, elle a échoué en Syrie et elle a même échoué (en termes militaires) contre un seul corps d’armée serbe au Kosovo. Même sa tristement célèbre opération Gladio a été un échec total. L’idée que l’OTAN puisse affronter la Russie dans une guerre terrestre est absolument hilarante et soulève la question suivante : avec *quoi* ?
  4. Enfin, il existe de nombreux pays qui ont fait partie de l’OTAN de facto tout en restant formellement indépendants des États-Unis et de l’OTAN. Il ne s’agit pas seulement de la Finlande ou de la Suède, mais aussi de la Suisse et, bien sûr, de l’Ukraine. Ce qui compte, ce n’est donc pas tant la liste formelle des pays, que la réalité sur le terrain. L’“expansion” de l’OTAN vers l’Est (Ukraine), le Sud (Kosovo) ou le Nord (Finlande, Suède) ne change absolument rien. Tout ce qu’elle fait, c’est réduire encore plus la souveraineté et la liberté de ces pays. Mais militairement, c’est toujours la même chose.

Ensuite,

« Mon principe tout au long de cette crise a été “Rien au sujet de l’Ukraine sans l’Ukraine“. Je ne ferai pas pression sur le gouvernement ukrainien – en privé ou en public – pour qu’il fasse une quelconque concession territoriale. Ce serait une erreur et contraire à des principes bien établis de le faire. »

Une autre perle pour sûr ! Ainsi, après le “fuck the EU” de Nuland, on nous dit maintenant que “Biden” a le plus grand respect pour l’Ukraine et son brillant dirigeant Zelensky. Mais peu importe, le mot clé ici est “concessions territoriales“. Ici, “Biden” est très habile à deux niveaux :

  • Il introduit la notion de “concessions territoriales” dans la doxa, le discours publiquement accepté.
  • Il fait porter toute la charge et la responsabilité de ces concessions sur le régime de Kiev. On pourrait dire qu’il se lave les mains de ce sujet. Débrouille-toi tout seul maintenant, mon pote “Ze” !

Vient ensuite cette perle d’auto-gratification :

« Se tenir aux côtés de l’Ukraine quand elle en a besoin n’est pas seulement la bonne chose à faire. Il est dans notre intérêt national vital d’assurer une Europe pacifique et stable et de faire comprendre que la force ne fait pas le droit. »

VRAIMENT ? La force ne fait pas le droit ? Mais alors, comment les États-Unis sont-ils nés si ce n’est en vertu de ce principe même. Et puis, les CENTAINES d’opérations militaires et d’attaques que les États-Unis ont menées contre presque tous les pays de la planète en toute illégalité. Que dire de toutes les soi-disant “sanctions” qui sont toutes illégales au regard du droit international, y compris les divers blocus et sanctions secondaires. Et que dire d’Israël, cette entité génocidaire que tous les politiciens américains vénèrent pieusement, et qui a fait de “la force fait le droit” son plus grand dogme religieux, c’est-à-dire l’entité que les États-Unis ont appelée “la seule démocratie du Moyen-Orient” et leur plus proche allié ! Je propose qu’au lieu du (clairement contre-factuel) “in God we trust“, les États-Unis adoptent une nouvelle devise : “quod licet iovi non licet bovi“, que l’on peut traduire librement par “c’est bien quand c’est moi qui le fait“.

Je pourrais continuer à décortiquer ce texte ennuyeux, mais voici la conclusion :

L’administration “Biden” est en train de changer son discours officiel.

Avant, il s’agissait d’évincer Poutine en écrasant la Russie, maintenant il s’agit de faire semblant d’être fort tout en préparant l’opinion publique à la défaite inévitable, non pas tant de l’Ukraine proprement dite (cette guerre a été perdue dès la première semaine de l’Opération Spéciale !), mais de la défaite des États-Unis et de l’OTAN dans ce conflit.

Oh bien sûr, selon l’auditoire, “Biden” dira ceci, ou cela, ou son contraire, ou les deux.  C’est ainsi que fonctionnent les politiciens occidentaux. Mais un article d’opinion dans le NYT est l’un des principaux moyens d’envoyer un signal aux élites dirigeantes et à la machine de propagande de l’empire anglo-sioniste. Il n’est plus question de vaincre la Russie, mais seulement de dire que le régime ukrainien de Kiev devra trouver tout seul comment et quand demander la paix.

Andrei

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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