Au Népal, la loi contre les conversions religieuses est avant tout un sujet de sécurité nationale


Andrew Korybko – Le 27 août 2018 – Source orientalreview.org

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La loi népalaise s’opposant aux conversions religieuses vient de prendre effet.

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Carte régionale du Nepal et de sa région. Source : wikimedia

Les nouvelles limitations avaient d’abord été promulguées fin 2017 ; il s’agit d’interdire la pratique de tout prosélytisme. Ces mesures sont comprises comme ciblant implicitement la communauté évangéliste chrétienne, en forte croissance dans le pays historiquement hindou ; mais la loi prend également des mesures pour protéger les sentiments des croyants. L’une des composantes clés de la loi décrète que « Personne ne devrait convertir autrui d’une religion vers une autre, ni prêcher pour sa propre religion ou ses propres croyances avec ces mêmes intentions, que ce soit par l’usage de méthodes attrayantes ou non, ni perturber la religion ou les croyances de tout groupe ethnique ou communauté qui les a pratiquées depuis des temps anciens ».

En d’autres termes, il s’agit de préserver l’hindouisme de la campagne de christianisation agressive qui a vu le nombre de chrétiens tripler dans le pays en une décennie, au fur et à mesure que les ONG religieuses ont proliféré au Népal et ont, on peut le penser, tiré avantage de la population socio-économiquement vulnérable pour propager le Gospel. La propagation du christianisme, épaulée depuis l’étranger, constitue pour certains pays asiatiques un problème de longue date et sensible, l’héritage de l’impérialisme et le recours à des figures religieuses comme « cinquièmes colonnes » présentent le potentiel de perturber le statu quo qui règne dans les société traditionnelles, et l’exploitation de doctrines chrétiennes peut être considéré comme servant des buts « révolutionnaires ».

Stabilité nationale du Népal

Le plus intéressant dans cette affaire reste que le gouvernement actuel du Népal n’est pas du tout constitué de traditionalistes hindous, mais de communistes profanes ; ces derniers comprennent le défi à long terme que les organisations religieuses minoritaires soutenues depuis l’étranger peut poser à la stabilité nationale. Ceux qui se plaignent d’un favoritisme religieux et d’un « retour à un royaume hindou » parlent dans le vide : les autorités en place, proches de la Chine, ne sont d’aucune manière portées vers l’Inde et ses intérêts, mais tâchent subtilement d’« équilibrer » les relations entre les deux grandes puissances que constituent les états voisins. Cette loi devrait par conséquent être comprise comme une réponse à des considérations de l’ordre de la sécurité nationale, et rien d’autre.

Mais quoi qu’il en soit, l’objet de ces lois étant, de fait, de contrer l’influence croissante d’ONG chrétiennes étrangères sur le pays, on va probablement voir fleurir une guerre de l’information contre les autorités du Népal, dont le fondement réel sera l’implication du gouvernement dans les routes de la soie et ses partenariats militaires sans précédent avec la Chine, et certainement pas son soutien supposé aux hindous potentiellement influencés par l’Inde. Le subterfuge en gestion de la perception en sera le suivant : un gouvernement de fait proche de la Chine se verra attaqué sous prétexte de favoritisme pro-hindou, afin de le déstabiliser et d’ouvrir la voie à des concessions politiques qui relèveront en fait de l’intérêt indien, les chrétiens étant utilisés comme appâts pour attirer l’attention internationale – et si possible, susciter ses condamnations – autant que possible.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le 24 août 2018.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent, relu par Cat, vérifié par Diane pour le Saker francophone

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