Al Jazeera en Amérique, ça ne prend pas. La lutte pour la survie

Par Stephen Lendman – Le 29 septembre 2015 – Source : SteveLendmanBlog

En décembre 2012, Al Jazeera News Channel (JNC) a acheté Current TV, la chaîne d’Al Gore pour 500 millions de dollars. Elle s’est offert ainsi une audience potentielle de 40 millions de foyers.

Le siège d’Al Jazeera News Channel (JNC) est à New York, coiffant douze antennes d’informations nationales dans les principales villes américaines. La chaîne diffuse des informations mondiales, combinées à des programmes conçus pour les Américains.
C’est la monarchie qatarie qui possède et dirige JNC – et comme les autres monarchies du Golfe, elle bafoue les droits de la personne, et utilise notamment le travail forcé et les travailleurs immigrés traités comme du bétail.
Cela fait longtemps que JNC a perdu toute crédibilité, oubliant professionnalisme, objectivité et réalité. Au lieu de quoi, elle sert une propagande d’État, comme tous les grands médias américains possédés par des étrangers.
Al Jazeera America (AJAM) travaille selon les mêmes règles que la maison-mère à Doha. Elle s’est lancée en août 2013 dans la compétition pour attirer des spectateurs.
Le Qatar est un riche émirat pétrolier, capable de subventionner AJAM – pour combien de temps, là est la question. Le Qatar veut avoir une audience en Amérique. S’il n’a pas assez de spectateurs à son goût, il peut arrêter les frais et fermer la chaîne.
Dans un article paru en mai dernier, le New York Times explique que Al Jazeera est sur la sellette. Son PDG, Ehab Al Shihabi, déclare que son but est de «gagner les cœurs et les esprits des spectateurs Américains». Or, les chiffres d’audience et les profits sont critiques.
En deux ans : zéro profits, très peu d’audience. A peine 30 000 spectateurs la nuit. Les dirigeants sont partis. Les employés se plaignent d’une direction incompétente. Et certains dénoncent une culture de la peur.
L’ancien vice-président Marcy McGinnis dit que la chaîne d’information reconnaît que «c’est la déroute, en coulisses» – une façon de voir partagée par les directions anciennes et actuelle.
Le 28 septembre, au tour du Financial Times de s’emparer du sujet. Au printemps dernier, Shihabi a été viré, et remplacé par Al Anstey. Les employés l’ont défié, l’accusant de «mettre la charrue avant les bœufs» :
«Vous devez en priorité installer une ligne éditoriale claire et cohérente. Or, il y a de tels défauts structurels dans votre organisation qu’on ne peut en dégager une quelconque ligne directrice.»
Anstey a expliqué au Financial Times que les changements «prennent du temps. Mais nous commençons à voir le début du renouveau». AJAM a failli ne pas se relever d’une amende de 15 millions de dollars, à la suite d’une plainte pour discrimination, du départ de trois directrices et du remplacement de son fondateur :
«Les équipes ont vécu des moments durs. Notre agenda de lancement était très agressif, a rappelé Anstey. Mon prédécesseur a imposé un rythme à marche forcée, et cela a mis la barre haut, créant des inquiétudes qui étaient déjà là avant mon arrivée.»
Il a reconnu qu’il lui fallait éteindre des «incendies», notamment ces accusations de sexisme et de discrimination raciale. Et l’on dit qu’il doit également négocier avec la maison-mère, qui veut éliminer 1 000 emplois.
Le Financial Times écrit que AJAM espère être remise à flot – mais pour combien de temps? Les largesses du Qatar se réduisent avec les cours bas du pétrole. Et le propriétaire pourrait être moins tolérant sur les pertes, si les objectifs d’audience ne sont pas atteints.
La concurrence sans pitié entre les chaînes câblées a rejeté les mesures d’audience de AJAM au bas de l’échelle. Ce n’est pas facile de gagner la confiance des téléspectateurs américains.
Si AJAM adoptait la conception de Russia Today, elle pourrait trouver le chemin du succès. L’audience globale de RT dépasse les 700 millions de spectateurs sur plus de 100 pays.
RT est en tête des bulletins d’informations sur Youtube, avec plus de 2,5 millions de vues et près de 3 millions d’abonnés – un succès vraiment fascinant qui ne se dément pas depuis son lancement en décembre 2005.
Ce qui explique cette part d’audience croissante, ce sont les reportages basés sur la réalité, le refus de la désinformation véhiculée par les autres médias américains aux ordres et du Grand Mensonge – des médias qui perdent leurs spectateurs et leurs lecteurs parce qu’ils n’arrivent pas à donner aux gens ce qu’ils veulent : la vérité !
Stephen Lendman est un retraité très actif, qui vit à Chicago, et assure de nombreuses chroniques dans les médias. Vous pouvez le contacter à lendmanstephen@sbcglobal.net.
Traduit par Ludovic et relu par jj et Diane pour le Saker Francophone
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