Témoin à décharge


Par René Lamertume − Avril 2020

Du fait de la crise sanitaire, nous entendons des critiques appuyées sur les actions des autorités qui sont accusées, entre autre, de légèreté, d’impréparation, d’incompétence, voire de bêtise. Et je voudrais faire remarquer aux détracteurs qu’ils font erreur.

Les détracteurs partent probablement du principe que les autorités d’un pays ont pour fonction de protéger la population, lui assurer des conditions correctes d’existence, de la protéger contre le danger, voire de lui assurer le confort. Mais tout cela n’est qu’illusions. Le travail attendu des autorités en occident est de laisser fonctionner la « Main Invisible du Marché », c’est à dire de débarrasser la société de tout cadre juridique qui empêche justement ladite Main de manœuvrer comme elle le souhaite. La « Main Invisible du Marché » n’a que faire du confort de la population qui est uniquement un objet destiné à générer des profits de quelques manières que ce soit, faire de l’argent, pour  l’entasser, bien au chaud, dans les paradis fiscaux. Le reste n’est que littérature et rêves.

Mais, pourrions-nous dire, il s’agit d’intérêt public, de santé publique. A cela, la réponse est limpide : la Main ne reconnaît pas l’intérêt public et ne se soucie donc pas de la santé publique. Pour comprendre pourquoi les autorités en charge de diriger un pays pourraient ne pas se préoccuper des intérêts de ce pays et du bien-être de la population, il faudrait analyser comment cela s’est passé avec le temps. Il faudrait décrire la disparition de l’État. Et cette question déboucherait sur les instances supra-nationales dont le rôle déterminant dans ce processus reste, après bien des années, encore ignoré par un grand nombre de personnes.

Ainsi, ce qu’on prend pour de l’impréparation dans une crise sanitaire révèle tout son sens : il s’agit au contraire de ne rien faire qui puisse gêner la Main. D’ailleurs, la stratégie profonde qui a prévalu dans notre pays jusqu’au premier tour des élections, est bien celle qui consistait à laisser faire, mis à part les regroupements en grand nombre, et même envoyer se tasser les électeurs dans les salles de vote. A ce stade, le détachement vis-à-vis du sort de la population était tout relatif.

Un doute tardif semble avoir percé chez les autorités. Devant le drame des vies qui allaient disparaître, il y avait fort à craindre que certains voudraient chercher des responsabilités. Or, les autorités avaient suivi un chemin tout tracé, sans s’intéresser aux moyens des hôpitaux, aux protections individuelles, sans préparer des moyens sérieux de dépistage et sans se préoccuper de médicaments. Continuer dans cette direction aurait été assez imprudent à terme. C’est probablement pourquoi le confinement a été décidé en catastrophe. Et désormais la réponse sera simple : « Nous n’avons hésité devant aucun moyen et avons confiné la population », ce qui est effectivement un moyen exceptionnel. Seuls des esprits chagrins pourraient faire remarquer que le confinement n’a pas pour but d’empêcher le développement de la maladie, et le nombre de décès, directement liés à la capacité du système de santé du pays, mais seulement de limiter le nombre de cas simultanés. Le virus attendra sagement quelques semaines supplémentaires pour se répandre. Le confinement sert à limiter l’ampleur du drame qui se joue dans les hôpitaux où les soignants abandonnés à eux-mêmes font ce qu’ils peuvent, sans les moyens dont on les a privés des années durant, au prix de leur vie, pour sauver leurs semblables. Donc, le revirement et le confinement s’analysent aussi comme une habile stratégie de défense qui démontrent l’intelligence des autorités.

Un entretien très intéressant avec le porte parole des médecins urgentistes1, le 29 mars 2020, nous apprend que la France vient de créer en urgence 5 000 lits d’hôpitaux alors qu’elle en a supprimé 100 000 durant les 15 dernières années. L’arrêt du pays est donc la preuve de l’ampleur des mesures, prises pendant plus d’une décennie, pour affaiblir la puissance publique, ici dans le domaine de la santé.

Voyons ce qui se joue autour des médicaments dans notre pays. Une épidémie particulièrement virulente fait son apparition. Elle prend le pays au dépourvu. Un chercheur en médecine de haut niveau se présente avec une solution pratique de traitement. Et que constatons-nous ? On tire à vue sur le chercheur, on lui jette des ordures à la figure au lieu de le remercier. C’est incompréhensible si on perd de vue que la Main a sans doute d’autres intérêts. Seul compte la possibilité de faire de l’argent en toutes circonstances et le médicament proposé gêne probablement d’autres projets.

Les autorités proclament qu’elles sont en guerre, mais l’ennemi ne paraît  pas être le virus. L’ennemi sont les lois que la population s’est forgée au fil du temps pour se protéger de la Main. C’est bien en effet ce qu’on pourrait déduire de l’une des premières mesures sanitaires prise dans notre pays, consistant à s’attaquer à la « loi des 35 heures », aux congés payés, à la durée hebdomadaire du temps de travail  – dans un pays rongé par le chômage. Donc les autorités paraissent bien démontrer, à qui veut le voir, leur intelligence à effacer avec efficacité, tout ce qui protège la population contre la Main et accessoirement, à se préoccuper d’un problème de santé publique.

Enfin, les déclarations des autorités qui pourraient passer pour du doute  résultent également d’un mauvais éclairage. Si les autorités donnent l’impression de critiquer momentanément telle ou telle structure supra-nationale qui a justement pour but de garantir à la Main de fonctionner à sa guise, c’est pour faire diversion. Ce n’est ni revirement ni autocritique. Cela sert seulement à faire croire que, sous la pression des événements, les autorités considéreraient soudain que les intérêts de la population sont supérieurs. On peut en douter. Seule compte la Main et nous continuerons probablement à voir les autorités fonctionner de manière identique.

En toutes circonstances, il importe donc, pour les autorités, de continuer à paraître dépassées et peu éclairées, de crainte de voir des circonstances atténuantes  disparaître. Donc, reconnaissons chez les autorités, une haute intelligence et une remarquable capacité à manœuvrer. Elles paraissent agir comme si elles prenaient soudain fait et cause pour les populations, certes avec maladresse, mais elles poursuivent de manière imperturbable, encore et toujours, le même but.

René Lamertume

Notes

  1. Christophe Prudhomme, interrogé par BFM TV
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