Par Andrew Korybko – Le 25 septembre 2018 – Source eurasiafuture.com
Le dirigeant indien, qui s’est façonné une réputation en luttant sans peur et sans reproche contre l’« argent sale » pourrait voir venir sa déchéance politique par un scandale de corruption, en développement rapide, et qui l’implique dans le transfert illégal de milliards de dollars d’argent étranger vers l’un de ses acolytes.
M. Modi, premier ministre indien, se voit impliqué dans un scandale de milliards de dollars d’« argent sale – après que l’ancien président français, Hollande en personne, a déclaré à des journalistes que l’une des principales sociétés d’armement française n’avait pas eu d’autre choix que de conclure un accord à 8 milliards de dollars sur des avions de combat avec un partenaire indien désigné à l’avance, qui se trouve être l’un des principaux lèche-bottes de Modi. Les deux pays étaient parvenus à un accord en 2015, selon lequel la France allait livrer 36 avions Rafale à l’Inde, mais des questions avaient presque immédiatement commencé à fuser, car on avait appris que Dassault s’était allié à Ambani au lieu de Hindustan Aeronautics Limited (HAL) comme il était prévu. Pour comprendre le niveau de scandale que cela représente, un peu plus d’information est nécessaire.
France24 a publié un excellent article le mois dernier à ce sujet, titré « L‘avion Rafale soulève un ouragan politique en Inde », et duquel nous tirons le résumé qui suit. L’accord était de fait suspect depuis le départ, pour ne pas s’inscrire dans la célèbre politique de Modi « Made in India », exigeant une production en Inde pour tous les accords importants, en lieu et place de laquelle la France avait accepté de « compenser » (en verbiage politico-juridique indien) son engagement en réinvestissant la moitié des montants versés dans l’industrie de la défense indienne. Anil Ambani, actionnaire du groupe Reliance et figurant parmi les personnalités les plus riches en Inde, qui n’avait jamais dissimulé son affection presque exagérée pour Modi, avait « par hasard » fondé sa toute première filiale dans le domaine de la défense, moins de deux semaines avant que l’accord sur le Rafale ne soit signé.
Contrairement à HAL, aucune société détenue par Ambani n’avait jamais connu l’expérience de fabriquer des avions de combat, mais « Reliance Defence » avait été « choisie » par Dassault comme destinataire des fonds (soit la moitié des 8 milliards de dollars du contrat), réinvestis ainsi comme convenu dans l’industrie de la défense indienne. L’ancien président Hollande a depuis révélé : « Nous n’avions pas notre mot à dire là dedans. C’est le gouvernement indien qui avait mis en avant le groupe de service, et Dassault négocia avec Ambani. Nous n’avons pas eu le choix. Nous avons discuté avec l’interlocuteur qui nous fut désigné. » Le parti d’opposition au Congrès a profité de cette nouvelle information pour exiger qu’une enquête soit ouverte sur le terrain de la sécurité nationale, dénonçant l’accaparement par Modi de la sécurité du pays, en forçant la France à réinvestir des milliards de dollars dans une société sans aucune expérience détenue par l’un de ses acolytes.
La puanteur hypocrite de la corruption par l’« argent sale » se fait sentir partout, mais le fumet en est d’autant plus répugnant ici que Modi a dénoncé pendant des années le « capitalisme de copinage », ce qui contraste singulièrement avec les milliards de dollars d’argent étranger acheminés sans problème vers les sociétés créées de nulle part par son acolyte en chef, alors que cet argent aurait clairement du être investi dans une société disposant d’expérience, conformément aux intérêts nationaux indiens. Ce scandale peut le faire tomber, si la preuve est apportée devant un tribunal qu’il était au fait de ce qui se produisait et est resté sans agir, voire s’il a tenu un rôle un tant soit peu actif dans ce magouillage. Même en excluant une condamnation criminelle, cet épisode embarrassant présente bien le risque d’abîmer la réputation intérieure de Modi en tant que « réformateur anti-corruption », et de mettre à mal les perspectives électorales du BJP à l’avenir.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone