Par Alex Gorka – Le 21 mai 2017 – Source Strategic Culture
Le Monténégro sera officiellement admis dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord le 5 Juin. Le Parlement monténégrin a approuvé l’idée de devenir le 29e membre de l’OTAN, malgré un certain rejet populaire partagé par la plupart de l’opposition politique, qui a demandé un référendum pour ratifier l’appartenance du pays à l’alliance militaire.
L’organisation est passée de douze membres fondateurs en 1949, à 28 aujourd’hui. Les plus récents nouveaux membres, l’Albanie et la Croatie, l’ont rejointe en 2009.
Il y a trois membres aspirants officiellement reconnus : la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie et la Macédoine. L’extension de l’adhésion est actuellement un sujet de débat, y compris pour la Suède et la Finlande. L’Ukraine est moins susceptible de s’y joindre, mais l’adhésion n’est pas exclue, elle est même à l’ordre du jour.
L’Alliance semble être en expansion constante, avec de nouvelles nations qui aspirent à franchir la porte. Ce fait est souvent cité pour démontrer son succès. Avec le Monténégro qui va la rejoindre bientôt, son expansion fait les gros titres des médias. En même temps, ces derniers sont peu diserts sur la tendance émergente qui pousse dans la direction opposée.
Plus de 150 000 personnes ont déjà signé la pétition pour lancer un référendum sur le retrait de la Slovaquie de l’OTAN. L’initiative a été lancée par l’opposition anti-OTAN, anti-UE, Kotleba – le Parti populaire Notre Slovaquie. La pétition a besoin de 350 000 signatures pour lancer le processus.
Le pays a rejoint l’Alliance en 2004. Aucun référendum n’a eu lieu. Les enquêtes récentes ont montré une attitude négative à l’idée de l’adhésion. Selon un sondage de l’agence GLOBSEC, mené en 2016, 47% des Slovaques ont répondu que la neutralité serait mieux que l’appartenance à l’alliance. « Pas moins de 59% des Slovaques voient le rôle des États-Unis en Europe et dans le monde négativement », selon le journal d’actualité SITA, qui a cité ce sondage. « Et 60% d’entre eux croient en l’idée que les États-Unis utilisent l’OTAN pour contrôler les petits pays. » L’enquête a constaté qu’il y avait une opposition considérable contre l’infrastructure de l’OTAN. Au total, 56% des Tchèques, 55% des Slovaques et 34% des Hongrois sont contre la construction de bases alliées sur leur territoire.
L’année dernière, des manifestations anti-OTAN ont enflammé Bratislava. Le 18 mai 2017, les manifestants sont descendus dans les rues en opposition aux plans d’installations de matériels de l’OTAN sur le sol slovaque. Le soutien à l’adhésion de l’Alliance est apparemment en diminution. La Slovaquie pourrait devenir le premier membre à la quitter d’ici 2020.
Pas seulement la Slovaquie. Toujours membre, la Turquie s’éloigne définitivement de l’alliance pour mettre en œuvre une politique étrangère indépendante. La possibilité de sa sortie est largement débattue. Les avions et le personnel militaire allemands se préparent à quitter la base aérienne turque d’Incirlik, alors que les relations entre Berlin et Ankara se sont grandement détériorées. Cela se passe dans un contexte de fissures émergentes qui sapent l’unité de l’Alliance.
Avec l’élan du Brexit, l’Écosse milite pour un référendum sur son indépendance. Si le vote y est favorable, elle perdra automatiquement son adhésion à l’OTAN. Il y a des voix qui se lèvent en Grèce, appelant à se retirer de l’alliance.
L’organisation est profondément divisée sur de nombreuses questions. Pendant toutes ces années, elle n’a pas réussi à combler l’écart entre la Grèce et la Turquie, les deux membres oscillant au bord d’un conflit. Le bloc est loin d’être unanime sur la Russie.
L’idée d’une force européenne de dissuasion indépendante est une question prioritaire à l’ordre du jour. En juillet dernier, le document précisant la stratégie de l’UE, intitulée « La stratégie internationale de l’Union européenne », recommandait que le bloc recherche une plus grande autonomie militaire vis-à-vis de l’OTAN. Les plans prévoient le développement de nouvelles structures européennes militaires et opérationnelles, y compris un quartier général commun. La Suède et la Finlande, membres de l’UE en dehors de l’OTAN, pourraient préférer une alliance européenne au bloc de l’Atlantique Nord. Si le concept se concrétise, la raison d’être de l’OTAN sera remise en question.
Des responsables de l’OTAN ont exprimé leurs préoccupations sur la création d’un rival qui défierait la primauté de l’Alliance de l’Atlantique Nord, en tant que principale structure de défense occidentale. Une capacité européenne indépendante, pouvant réaliser ses propres opérations militaires, affaiblirait considérablement l’OTAN et mettrait un terme à la dépendance du Vieux continent envers les États-Unis.
L’alliance a démontré son inefficacité. Elle ne participe pas au conflit le plus important en ce qui concerne l’avenir de l’Europe – la guerre en Syrie – et démontre qu’elle n’est pas prête à répondre aux nouvelles menaces et défis, telle que la lutte contre le terrorisme. Aucune opération de l’OTAN n’est en cours là-bas. Certains membres ont également un rôle très limité dans le conflit en tant que membres de la Coalition des volontaires. L’Europe est confrontée à de multiples menaces dans son voisinage stratégique en provenance du Sahel, de la Corne de l’Afrique, en traversant le Moyen-Orient, le Caucase jusqu’aux nouvelles lignes de front en Europe de l’Est. Les États-Unis ont d’autres menaces à repousser. La Corée du Nord est une menace réelle pour les États-Unis, mais pas pour l’Europe. Les intérêts ne correspondent pas.
Dans l’ensemble, l’unité de l’OTAN, que l’on exalte tant, relève plus du mythe que de la réalité. Elle est traversée de divisions profondes et les problèmes non réglés sapent l’organisation. Sans doute, toutes ces questions seront-elles tenues hors des projecteurs lors du sommet de l’OTAN du 25 mai. Mais les discours ronflants ne changeront pas le fait que le bloc est secoué, et les événements en Slovaquie confirment cette tendance.
Alex Gorka
Traduit par Wayan, relu par Nadine pour le Saker Francophone
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