Par Brandon Smith − Le 21 septembre2023 − Source Alt-Market
Le mois dernier, en plein milieu du battage médiatique sur les « Bidenomics », j’ai publié un article intitulé « Rien n’est fini : L’inflation va revenir en force« . J’y décrivais les idées fausses qui entourent l’IPC et le fait qu’il ne s’agit pas d’un modèle précis des effets de l’inflation. J’ai également noté que l’indice avait été manipulé à la baisse par Joe Biden lorsqu’il a inondé le marché de pétrole provenant des réserves stratégiques. Étant donné que de nombreux éléments de l’IPC sont liés à l’énergie, Joe Biden avait créé une baisse artificielle de l’IPC en utilisant cette stratégie.
J’ai soutenu que lorsque les réserves stratégiques s’épuiseraient et que Biden perdrait son influence, l’IPC augmenterait à nouveau et les prix d’un certain nombre de produits de première nécessité grimperaient. C’est ce qui se produit actuellement, avec la plus forte hausse de l’IPC en 14 mois et des prix de l’essence qui se rapprochent de leurs plus hauts niveaux historiques.
L’inflation n’est pas près de disparaître, mais la question la plus importante est de savoir qui profite le plus de l’inflation et de la hausse des prix. La réponse est peut-être évidente pour certains, mais de nombreuses personnes sont inconscientes de la cause profonde du dysfonctionnement inflationniste et le considèrent souvent comme la conséquence d’un chaos économique aléatoire plutôt que comme le produit d’une ingénierie intelligente. En réalité, les oligarques bancaires et les autorités politiques se délectent du raz-de-marée inflationniste car c’est l’occasion rêvée d’instaurer des contrôles socialistes de grande envergure sur les ressources.
Dans la plupart des cas, les banquiers centraux sont les principaux responsables de la création d’un événement inflationniste, et le mot « création » s’applique le mieux car il est pratiquement impossible qu’une inflation manifeste se produise sans eux. Si la masse monétaire n’est pas le seul facteur à prendre en compte en matière d’inflation (désolé pour les puristes, mais il y a effectivement d’autres causes), c’est le plus important. Plus d’argent pour moins de ressources déclenche une instabilité de l’offre et les prix augmentent. Les banques centrales ont un certain nombre d’excuses pour expliquer pourquoi elles ont « besoin » de produire plus de dollars, de pesos, de livres ou de marks, mais il ne fait aucun doute qu’elles savent quel sera le résultat final.
Cela s’est produit trop souvent pour qu’ils ne le sachent pas…
Ces événements inflationnistes déclenchent une série prévisible de dominos dans la société ainsi que dans l’économie et la finance. La hausse des prix, la diminution de l’épargne, l’augmentation de la pauvreté, la hausse de la criminalité et la hausse des taux d’intérêt sont suivies dans la plupart des cas par des hausses de taux ratées, plus d’inflation, puis d’autres hausses, la diminution des investissements étrangers dans la dette, le dumping des devises étrangères (provoquant plus d’inflation), l’effondrement des dépenses de consommation et les pertes d’emploi.
Ce même schéma a été observé depuis l’Allemagne de Weimar des années 1920 jusqu’à l’Amérique des années 1970, en passant par la Yougoslavie des années 1990, l’Argentine et le Venezuela des années 2000 et au-delà. Mais que se passe-t-il ensuite ? Dans chaque cas, la tendance conduit d’abord à un contrôle des prix pour les producteurs et les distributeurs, qui finit par échouer. Viennent ensuite le rationnement gouvernemental et la prise de contrôle complète des produits de première nécessité, y compris l’approvisionnement en nourriture.
Vous pensez que cela ne peut pas arriver aux États-Unis ? C’est déjà le cas. En 1971, Richard Nixon a promulgué le décret 11615 (dans le cadre de la loi sur la stabilisation économique adoptée en 1970) ; ce décret exigeait un gel des salaires et des prix pendant 90 jours afin de lutter contre l’inflation. Il s’agissait d’une mesure extrêmement rare en dehors d’une guerre mondiale et qui tombait opportunément pendant le cycle électoral. Il ne faut pas oublier que la véritable crise inflationniste n’avait pas encore eu lieu, mais le contrôle des prix a donné un coup de pouce à court terme aux marchés et a permis à Nixon de remporter les élections.
En 1973, les contrôles ont repris lors de l’embargo sur le pétrole arabe. Ils ont échoué et ont entraîné une inflation à long terme des prix de l’essence. Gerald Ford a alors appelé les entreprises américaines à instaurer un contrôle des prix dans le cadre de sa campagne « L’inflation doit être combattue maintenant » ; cette campagne a fait l’objet de moqueries et a même été tournée en dérision par un jeune Joe Biden (qui prétend aujourd’hui à tort avoir résolu son propre problème d’inflation avec son inutile loi sur la réduction de l’inflation).
Enfin, Jimmy Carter a introduit des « lignes directrices » (contrôles) sur les prix et les salaires qui récompensaient les entreprises qui augmentaient leurs prix en dessous d’un certain pourcentage. Les entreprises qui augmentaient leurs prix au-delà de ce pourcentage et qui réalisaient un bénéfice avant impôt supérieur à celui des deux années précédentes étaient pénalisées. En aucun cas une entreprise ne pouvait augmenter son bénéfice en dollars de plus de 6,5 %, à moins que l’excédent ne soit imputable à une augmentation du volume des ventes unitaires. Bien entendu, ce plan n’a pas non plus permis d’enrayer l’inflation.
En fin de compte, la Fed a dû relever les taux d’intérêt à environ 20 % en 1980-1981 pour stopper l’inflation exponentielle, qui a entraîné des pertes considérables pour les entreprises et un taux de chômage élevé.
Le problème est simple : le contrôle des prix entraîne une perte d’incitation à la rentabilité, ce qui se traduit par une baisse de la production. Moins de production entraîne moins d’offre et moins d’offre entraîne une hausse des prix. Tout cela s’ajoute au cancer de la racine qu’est la création de monnaie fiduciaire. Les politiciens s’attaquent rarement, voire jamais, à la cause réelle d’une crise inflationniste : Le gouvernement et les banques centrales. Au lieu de cela, ils tentent d’accuser les marchés libres, les entreprises « cupides » et la recherche du profit en période de détresse.
Malheureusement, ce schéma se répète aujourd’hui, car il devient clair pour le public que les hausses de taux d’intérêt des banques centrales n’ont pas d’effet significatif et que le public continue de payer la majorité des biens qu’il achète entre 25 % et 50 % plus cher qu’il y a trois ans. Alors que l’inflation progresse, de nombreux gouvernements de gauche discutent désormais ouvertement du contrôle des prix.
Récemment, Justin Trudeau a ordonné aux principales chaînes de supermarchés du pays de réduire leurs prix, tout en les réprimandant pour leurs profits plus élevés, insinuant qu’elles étaient la cause de l’inflation. Au Canada, les marges bénéficiaires des épiciers sont en fait stables en raison de l’augmentation des coûts. Si l’on ne considère que les bénéfices bruts, sans tenir compte de l’inflation des coûts de production ainsi que des coûts de transport, de distribution et des salaires, on pourrait croire que ces entreprises gagnent de l’argent. Il n’y a aucune preuve pour étayer cette affirmation.
Ce que fait Trudeau, c’est faire semblant d’être stupide tout en s’engageant dans une stratégie très intelligente de désignation d’un bouc émissaire. C’est le gouvernement et les banquiers centraux qui sont la cause fondamentale de l’inflation, mais en blâmant des secteurs d’activité individuels, il prépare le terrain pour un contrôle des prix imposé par le gouvernement. Une fois que le gouvernement aura conditionné le public à accepter le rationnement, les élites contrôleront l’accès de l’ensemble de la population à la nourriture et aux produits de première nécessité.
Certains diront peut-être : « C’est le Canada, et les États-Unis ? ». Le même programme est en cours aux États-Unis, mais il est poursuivi au niveau des villes et des États. Par exemple, le maire socialiste de Chicago, Brandon Johnson, vient d’annoncer un plan pour que la ville (en utilisant les fonds fiscaux de l’État et du gouvernement fédéral) construise des épiceries gérées par le gouvernement dans les « déserts alimentaires ». Il s’agit d’endroits où l’inflation et le vol à l’étalage ont contraint les épiciers à quitter certains quartiers de la ville.
Le programme de Chicago comprendrait des mesures de contrôle des prix et il existe de nombreuses possibilités pour ces institutions de recourir au rationnement à l’avenir. Des projets similaires sont également envisagés dans d’autres villes du pays. En d’autres termes, les villes de gauche font fuir les entreprises tout en prévoyant de remplacer les « services essentiels » par des opérations gérées par le gouvernement.
L’année dernière, dans mon article intitulé « Le piège de la stagflation conduira au revenu de base universel et au rationnement alimentaire« , j’ai évoqué l’inévitabilité du rationnement gouvernemental après le contrôle des prix. Le rationnement survient généralement lorsque le contrôle des prix échoue. Cela fait longtemps que les États-Unis n’ont pas été confrontés à ce type de situation, mais il est probable qu’ils le soient à nouveau dans un avenir proche. Cette fois-ci, je pense que si l’establishment se voit confier le pouvoir de rationnement, il ne le lâchera plus jamais.
Le rationnement pourrait également être utilisé pour inciter le public à accepter le revenu de base universel (RBU) et les monnaies numériques des banques centrales (CBDC). Les centres alimentaires gérés par le gouvernement peuvent facilement restreindre les achats de marchandises à une liste limitée d’articles, et également exiger le paiement par des méthodes spécifiques (comme les monnaies numériques). En peu de temps, l’argent liquide disparaîtrait car les détaillants, sous la pression du gouvernement, refuseraient de l’accepter.
Il est difficile de dire ce que l’avenir nous réserve en termes de politique, étant donné que la prochaine campagne présidentielle s’annonce comme un véritable cirque. D’un point de vue historique, les présidents Démocrates et Républicains ont tenté de contrôler les prix dans le passé. La pression publique doit être exercée (au niveau de l’État au minimum) pour empêcher que cela ne se produise. Aussi commode que cela puisse paraître de blâmer les producteurs et les distributeurs, la véritable menace vient des gouvernements et des banques. Nous ne pouvons pas laisser ceux qui ont provoqué la crise en tirer profit en leur donnant encore plus de pouvoir.
Brandon Smith
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone