Le Donbass suisse


Par Luc Brunet − Le 25 Février 2022

Alors que les événements se développent très rapidement en Ukraine, de nombreuses personnes aux États-Unis ou en Europe peuvent avoir des difficultés à comprendre le sentiment des Russes sur ce qui s’est passé au cours des 7 dernières années en Ukraine et dans le Donbass – événements qui ont conduit à la décision dramatique de cette semaine.

Comme je l’ai déjà fait par le passé, j’utiliserai un scénario fictif se déroulant en Europe, mais suivant les mêmes schémas géopolitiques que la situation réelle dans le Donbass. Je l’appelle le Donbass suisse.

Voici le scénario qui s’étale sur 7 ans, incluant des commentaires faisant le lien avec le vrai Donbass.

Le back-ground

La Suisse est un pays au centre de l’Europe, qui comprend plusieurs groupes ethniques et linguistiques. Les 3 principaux groupes sont, au nord, la Suisse alémanique, avec la capitale de l’État à Berne, puis la partie francophone à l’ouest du pays, limitrophe de la France, et enfin le Tessin italophone au sud, limitrophe de l’Italie.

La stabilité de ce pays multiculturel était très bonne et les gens vivaient ensemble sans conflits. Notons que la situation en Ukraine au moment de la fin de l’URSS était également assez stable et que les gens pouvaient parler librement la langue qu’ils voulaient et que les tensions entre les régions étaient minimes.

Une telle situation pacifique a pris fin en 2014, lorsque la partie germanophone de la Suisse, fortement soutenue et poussée par l’Allemagne, a lancé un mouvement politique plus radical pour couper le pays de l’influence italienne et française. La situation est devenue chaotique, avec de grandes manifestations dans les rues de Berne et Zürich. Des fusillades meurtrières ont eu lieu, attribuées au gouvernement au pouvoir, bien que de nombreuses questions restent sans réponse quant à savoir qui a exactement tiré. Au bout de quelques jours, le gouvernement a été renversé et un nouveau gouvernement a été illégalement mis en place.

Après le coup d’état

Le nouveau gouvernement comprenait des personnes issues de groupes extrémistes allemaniques qui ont prospéré dans le nord du pays au cours des dernières années. Ces groupes ont montré une attirance nette pour les symboles nazis et ont considéré comme des héros les personnes qui ont servi dans la Waffen-SS pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un certain nombre de crimes ont été commis par ces groupes, notamment le meurtre et le passage à tabac de résidents tessinois alors qu’ils retournaient à Lugano après une manifestation pro-gouvernementale à Berne juste avant le coup d’État. De même, plusieurs ont été tués, brûlés vifs dans un bâtiment administratif à Genève, alors qu’ils manifestaient leur opposition au coup d’État.

Notons que les événements ci-dessus reflètent des événements en Ukraine, comme les personnes abattues sur Maidan, un bus de Crimée attaqué sur le chemin du retour de Kiev, ou le tristement célèbre incendie criminel de la Maison des Syndicats à Odessa.

Début de la guerre civile

Dès le début, le nouveau gouvernement a fait preuve d’une orientation anti-latinos claire, latino étant désormais le terme utilisé pour désigner les citoyens suisses francophones et italophones. D’autres manifestations ont eu lieu dans les grandes villes du nord, accusant les latinos d’être paresseux, malhonnêtes, buveurs et bien d’autres, comme les mangeurs de grenouilles ou les macaronis. Un premier ministre à Berne a même qualifié les latinos de ‘non-humains’. La réaction dans les deux régions était inévitable, car les gens comprenaient que les germanophones pensaient vraiment ce qu’ils disaient et étaient dangereux. Bien sûr, seule une petite majorité des germanophones ont vraiment soutenu cette violence, mais les autres se sont contentés de fermer les yeux, par peur, lâcheté ou intérêt.

Les cantons de Genève, Vaud et Jura ont voté pour l’indépendance ainsi que le canton du Tessin. Le gouvernement ne l’a cependant pas accepté et a envoyé les troupes, y compris plusieurs groupes de combattants fanatises, utilisant des symboles néo-nazis et disant ouvertement que tous les latinos devaient soit partir, soit être liquidés.

Le Tessin a pu arrêter l’armée suisse mais a perdu la moitié de son territoire. La partie francophone a perdu le Jura et une grande partie du canton de Vaud, Lausanne étant à 10 km de la ligne de front stabilisée. Bien sûr, tous deux bénéficiaient d’un soutien matériel de la France et de l’Italie, mais les deux pays s’abstenaient d’envoyer des troupes, soucieux de préserver leurs relations avec l’Allemagne.

7 années douloureuses

Au cours des 7 années suivantes, et malgré un accord de paix signé entre les parties, l’armée suisse bombarda régulièrement les territoires dits rebelles, faisant régulièrement des victimes civiles, par exemple dans la banlieue est de Lausanne.

La France et l’Italie, tant au niveau des dirigeants qu’au sein de la population, ont passé ces 7 années à se plaindre de la situation, demandant une réelle mise en œuvre de l’accord de paix, mais la capitale suisse et l’Allemagne n’ont pas pris de mesures concrètes. D’autres pays ont également montré une indifférence totale à l’égard des victimes civiles. Mais la France et l’Italie avaient encore l’espoir qu’une solution pacifique était possible.

A noter que des réunions régulières en Ukraine, notamment dans l’ouest du pays, se moquaient des Russes, appelés Moskals. Le bombardement de Donass a tué quelques milliers de civils dont 110 enfants. Le mot ‘non-humains’ a été utilisé par le Premier ministre Arseni Iatseniouk.

Escalation

En 2022, le gouvernement bernois a envoyé une grande quantité de troupes et de matériel à l’est de Lausanne et au nord du Tessin. Une attaque est attendue dans les prochains jours, les gens commencent à fuir.

Maintenant, arrêtez l’histoire ici.

Vous êtes maintenant le gouvernement ou un citoyen français ou italien. Que pensez-vous de la situation ? Faut-il rester assis et ne rien faire quand des Tessinois ou des Vaudois/Genevois se font tuer, blesser et chasser de chez eux ? Allez-vous leur tourner le dos et faire du shopping ?

Pensez-y quelques minutes. Merci.

Luc Brunet

   Envoyer l'article en PDF