Salvini a-t-il plié ou travaillait-il pour le compte de Draghi ?


Par Tom Luongo − Le 8 février 2021 − Source Gold Goats ‘n Guns

Matteo Salvini vient de poignarder les populistes à la gorge. Mais l’a-t-il fait ? Le feu follet italien et visage de la droite populiste italienne a fait l’impensable ce week-end, en soutenant sous conditions la tentative de l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, de former un gouvernement.

Salvini, en tant que chef de la coalition de centre droit et de la Lega, se trouve dans les limbes politiques. Il est empêtré dans un procès absurde en Sicile qui n’est rien d’autre qu’un théâtre politique destiné à le harceler et à le délégitimer.

Il n’est plus au pouvoir depuis septembre 2019, date à laquelle il a brisé le gouvernement formé par la Lega et le Mouvement 5 étoiles (M5S). Le leader du M5S, Luigi Di Maio, a alors trahi les populistes du parti en passant un accord avec leur diable personnel, les Démocrates, pour rester au pouvoir.

À l’époque, la Lega de Salvini obtenait un score de 35 à 38 % et aurait pu accéder au pouvoir par les élections si Di Maio n’avait pas conclu un accord avec l’ancien Premier ministre Matteo Renzi.

Renzi a alors poignardé Di Maio en se séparant des Démocrates, formant son propre parti qui n’a pratiquement aucun soutien populaire, mais il a emmené deux ministres avec lui, faisant s’effondrer ce gouvernement.

Et cela, en bref, nous amène à aujourd’hui.

Aujourd’hui, les sondages, après un an et demi de traumatisme et d’absence de Salvini au pouvoir, ont évolué, mais pas autant que les gros titres le suggèrent.

Le soutien de la Lega est en baisse mais les Frères d’Italie (FdL) ont récupéré ces électeurs et les FdL sont plus à droite que la Lega de Salvini, plus centriste/populiste.

À peu près le même pourcentage d’Italiens soutient les partis à la droite du centre, bien plus qu’en 2018. En effet, ce qui s’est passé, c’est que les populistes qui ont voté pour le M5S en 2018 ont d’abord migré vers la Lega de Salvini lorsqu’il est devenu évident que le M5S était incapable de gouverner.

Et ensuite, une partie des électeurs de la Lega s’est déplacée plus à droite pour soutenir les Frères (FdL). À aucun moment, les centristes italiens, soutenus par l’establishment politique, n’ont gagné le moindre soutien.

Les Italiens comprennent ce qui se passe. Et je pense que les sondages, à ce stade, reflètent simplement la confusion et la lassitude des électeurs face à tous les jeux machiavéliques qui se déroulent à Rome.

Ces gens bricolent en essayant de sauver leur programme pendant que le pays brûle autour d’eux. Il n’y a pas de meilleure métaphore pour ce qui se passe que celle-là.

Et pourtant, ça ne finit jamais. La question est donc de savoir pourquoi Salvini a accepté de soutenir Draghi, de toute évidence un homme de Bruxelles, alors qu’il est l’architecte des malheurs de l’Italie.

Je pense que la réponse se trouve dans un examen approfondi des calculs politiques de la situation.

  1. Salvini est en mesure de revenir au gouvernement et de garder un statut élevé dans la perspective des élections de l’année prochaine.
  2. Le M5S a toujours soutenu Draghi, car il n’a aucune chance de rester au pouvoir s’il ne le fait pas, mais le parti lui-même se fracture.
  3. Être le gars qui se tient à l’écart alors que le gouvernement est paralysé n’est pas une position forte. Laissez le FdL rassembler ces électeurs.
  4. Le peuple est en révolte ouverte contre les politiques de confinement et cela ne fera qu’empirer. Ils ne supporteront pas l’austérité
  5. Mais l’austérité est exactement ce que Draghi prévoit de faire (voir ce billet de Martin Armstrong sur le plan de Draghi).
  6. Salvini, s’il est intelligent (une hypothèse douteuse) peut se retirer du gouvernement en signe de protestation, entraînant éventuellement Forza Italia ou même ce qui reste des populistes du M5S avec lui.
  7. La prime de temps (gamma squeeze) sur l’effondrement du gouvernement augmente à mesure que nous nous rapprochons des élections de l’année prochaine, car davantage de factions se rebelleront contre Draghi du fait de leurs contestations.

La réalité ici est que les populistes n’ont aucun moyen de pression avec Mattarella au pouvoir en tant que président. Il s’est inséré de manière extra-constitutionnelle à de multiples reprises depuis les résultats des élections de 2018 et a prouvé à maintes reprises que ce que le peuple veut, compte tenu de ces résultats, ne compte pas.

Mais la réalité est aussi qu’un marécage aussi profond que celui de Rome est capable de corrompre n’importe qui. Salvini n’est pas un sauveur, et il n’est peut-être pas si astucieux en tant que responsable politique, comme le prouve son stratagème raté pour les élections de 2019.

Il tente de faire admettre à tout le monde que jusqu’à ce que les règles du jeu changent, jusqu’à ce que lui et les factions anti-Bruxelles reçoivent de meilleures cartes à jouer par le peuple, se salir dans le régime technocratique de Draghi est le meilleur jeu.

Et cela n’en fait pas un bon jeu, ni même un jeu susceptible de réussir.

L’Italie est désormais à l’avant-garde de la stratégie de réduction de la population de Bill Gates, puisque le taux de natalité a chuté de 22 % neuf mois après le début des mesures de confinement. Rien ne sera épargné dans la quête du contrôle mondial, je suppose.

En effet, les banquiers centraux sont en train de prendre le pouvoir, en écartant toute opposition à leur usurpation par des politiciens paralysés et chamailleurs.

C’est la stratégie de relations publiques qui est en jeu.

La nouvelle secrétaire d’État au Trésor américain, Janet Yellen, appelle maintenant à des mesures de relance pratiquement illimitées, tandis que les Démocrates font pression pour obtenir de l’argent gratuit en masse « pour les enfants », qu’ils ont poussés à des niveaux de suicide record pendant ces confinements insensés.

Les États-Unis doivent être matériellement affaiblis et ne plus être considérés comme une société fonctionnelle avec un dollar faible, une politique fiscale et une politique intérieure faibles qui accéléreront la fuite des capitaux hors du pays.

D’autre part, Draghi exigera une austérité massive pour matraquer l’Italie jusqu’à ce que mort s’ensuive et Christine Lagarde, à la BCE, ne permettra à personne d’échapper à son sort, déclarant récemment qu’il n’y aura aucune remise de dette sous quelque forme que ce soit.

C’est le même scénario que celui qui a été appliqué à la Grèce en 2015 et qui est sur le point de se dérouler en Italie en 2021. Et c’est de cette manière, comme en 2015, qu’Angela Merkel, en Allemagne, vendra son projet au peuple allemand, en tenant la dragée haute aux mauvais payeurs italiens.

Des mauvais payeurs, d’ailleurs, que Mario Draghi lui-même a subventionnés, encouragés et créés à travers sa myriade de programmes à acronymes qui ont empêché l’euro de s’effondrer, entraînant l’UE avec lui, tout en faisant peser la future facture sur le peuple allemand, comme les déséquilibres ridicules de l’Italie dans le cadre de Target 2.

Mais aussi mauvais et malfaisants que soient ces gens, ils sont présentés comme les sages impartiaux capables de nous délivrer de la partisanerie de la politique parlementaire.

Et c’est la partie la plus cruelle de ce puzzle politique byzantin, qui devient chaque jour plus bizarre et plus méchant. Le fait que Salvini s’engage à faire de son mieux pour ralentir les choses de l’intérieur est probablement le signe qu’il se bat contre des moulins à vent.

Tom Luongo

Traduit par Zineb, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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