Quand la science – fiction – économique devient réalité


Le capitalisme ne s’écroulera pas un vendredi 1


Le 13 février 2016 – Source Stratediplo

A ceux qui rétorquent que le capitalisme ne peut pas s’écrouler on répondra plus tard, et pour l’heure on affinera le propos : le monde capitaliste ne constatera pas sa ruine un vendredi.

Il y a certes de mauvais lundis, des mardis catastrophiques, des mercredis encore pires et des jeudis fatals. Mais le dernier vendredi noir ne sera pas permis.

Un lundi, un nouveau pays, significatif au niveau des échanges économiques mondiaux, déclarera à son tour qu’il n’accepte plus de paiements en dollars de Monopoly.
 
Un mardi d’autres pays suivront.
 
Les marchés financiers sur lesquels des leveurs étatiques de capitaux et des revendeurs privés de titres obligataires vendent des dettes d’État, c’est-à-dire reçoivent des fonds actuels (dont la valeur est connue) en échange d’une promesse de versement d’intérêt annuel et de remboursement du principal à terme (à une valeur future incertaine) se rendront compte que les grands spéculateurs capitalistes ne veulent plus acheter d’obligations libellées en dollars, même émises par des gouvernements qui n’ont pas la possibilité d’imprimer des dollars à volonté et de dévaluer la devise dans laquelle ils devront rembourser plus tard, et qu’ils cherchent même à vendre les obligations qu’ils détiennent.

Cela peut même se produire en une période d’intérêts négatifs comme en ce moment, où l’économie mondiale est tellement mal en point (sauf dans la presse économique qui semble célébrer quelque mystère positif chaque fois que le Baltic Dry Index casse un nouveau record d’immobilisation du fret maritime international) que les spéculateurs préfèrent payer pour prêter aux États plutôt qu’acheter des parts de produits financiers voire des actions d’entreprises véritables, ou simplement confier leurs capitaux à une banque, sachant que même si les banques continuent d’émettre des relevés de compte désormais mensongers, légalement on ne dépose plus d’argent sur un compte mais on prête de l’argent à la banque, qui entre donc dans son compte d’exploitation au même titre que les frais bancaires. Dès le mardi, la haute finance apatride cherchera coûte que coûte à se débarrasser de tout ce qu’elle appelle actifs (souvent des titres de passif ou certificats de dette) libellés en dollars, dont la grande braderie précipitera la chute du cours. Parallèlement elle cherchera à replacer les fonds rescapés dans des titres libellés en d’autres devises, en premier lieu les quelques grandes monnaies acceptées dans le monde (euro, yuan, franc), puis celles de grandes puissances économiques aux monnaies plus instables (réal, rouble, livre), enfin d’autres devises car les sommes dépasseront les capacités d’absorption des principaux marchés de devises. Or, si le lundi voire le mardi, les indicateurs de change indiquent que le cours du dollar baisse par rapport aux autres monnaies (ou que le cours de celles-ci, exprimé en dollars, grimpe), dès le mercredi un rééquilibrage des monnaies du panier principal aura lieu puisque les économies de tous les grands pays, que leurs gouvernements émettent des obligations en dollars ou pas, sont liées à la plus grande économie débitrice de tous les temps. Même les pays qui n’exportent rien aux États-Unis, ce grand acheteur déficitaire mondial, leur ont fait crédit puisque les États-Unis absorbent 80% du produit de l’économie mondiale, ce qui signifie par exemple que les excédents financiers du commerce local entre la Malaisie et l’Indonésie sont placés aux États-Unis, convertis en dollars. Aussi, même si les États-Unis ne décident pas, à ce moment-là, de miner toute alternative au dollar en déclenchant la révolution verte en Europe [une révolution de couleur de plus] ou en vitrifiant Shanghai, les faillites bancaires et étatiques précipitées, dans le monde entier, par le renvoi du dollar à sa vraie valeur priveront les capitaux apatrides de tout refuge. Les opérateurs chargés de sauver ces grands capitaux tenteront de mettre la main sur des matières premières jusqu’alors dédaignées car n’apportant pas la rentabilité d’un produit financier (métaux) ou connaissant un fléchissement de leur demande en raison du ralentissement de toutes les économies (pétrole). Les grands courtiers, qui avaient encouragé leurs clients étatiques, institutionnels et privés à se défaire de leurs métaux précieux, d’abord parce qu’ils ne rapportaient rien, puis ces dernières années pour satisfaire la Chine et retarder d’autant l’écroulement du dollar et du capitalisme dollarisé, chercheront à la dernière minute quelques lingots. En dépit des accords de manipulation des cours, le cartel qui dicte le faux prix de l’or et de l’argent depuis le 6 septembre 2011 ne pourra empêcher une institution ou deux de dévoiler un soudain appétit pour le peu de métaux précieux qui reste sur les marchés occidentaux, dont le volume d’échanges a été peu à peu réduit à peau de chagrin, l’essentiel des ventes entre les pays capitalistes et la Chine (via les fonderies suisses et pour un temps sud-africaines) passant désormais par des accords de gré à gré, hors marché visible de cotation officielle.
 
On a déjà évoqué l’encadrement du marché des métaux précieux aux États-Unis, qui a cessé très officiellement d’être un libre marché de l’offre et de la demande le 22 décembre 2014, date depuis laquelle toute appréciation de l’or (il en est de même pour les autres métaux) supérieure à 200 dollars, soit 16% du cours actuel, entraînerait une suspension de séance suivie d’une réouverture au cours de la veille (acheteurs et vendeurs n’ont pas le droit de s’entendre sur un cours supérieur), puis fermeture si cela se produit quatre fois dans la même journée… et réouverture le lendemain au cours de l’avant-veille, ce qui interdit toute envolée subite de l’or (en fait tout écroulement subit du dollar) puisque selon ce système il faudrait au moins quatre jours pour retrouver simplement le cours du 6 septembre 2011.
 
Or, bien évidemment, après quatre jours consécutifs de baisse du dollar, il se relèvera le vendredi. On fera ce qu’il faudra pour ça, on garde toujours une dernière cartouche pour tirer dans la lampe du plafonnier et éteindre la lumière avant d’être totalement défait. Un pays au bord de la banqueroute (Venezuela par exemple), ou très lié à l’économie étasunienne (Canada par exemple), ou dont on arrivera à corrompre ou menacer le gouvernement, déclarera soudain qu’il vend ses réserves d’or, soulageant le marché (vu le volume qui reste au Comex pour justifier la fixation du cours, dix petites tonnes changeraient la donne), donnant un prétexte à la presse économique pour expliquer que c’était une fausse alerte, qu’il y a eu une bulle spéculative injustifiée, mais qu’il y aura toujours de quoi satisfaire la Chine, les prix repartiront à la baisse et des particuliers ou de petites banques se laisseront convaincre qu’ils vont encore baisser et vendront précipitamment ce qui leur reste. Ce vendredi-là le cours de l’or et des autres métaux précieux, après quatre jours d’une envolée toute relative (puisque toute hausse supérieure à 200 dollars entraînera suspension de marché et réouverture au prix antérieur), baissera, en dollars. Ce vendredi-là le dollar ne s’appréciera pas seulement face aux métaux précieux mais également à toutes les autres devises.
 
Puis quelque chose se passera dans le monde le samedi ou le dimanche, qui fera la première page des journaux du lundi matin dans le monde entier. Ce même lundi matin, le marché des matières premières ou Commodities Exchange new-yorkais n’ouvrira pas (il suffira de reconnaître qu’il n’y a rien à vendre ou que l’immeuble a brûlé), le marché londonien non plus, et les derniers acheteurs d’or et d’argent recevront une indemnisation en dollars au dernier cours du vendredi. Certes un nouveau défaut aura eu lieu, mais sur un marché très insignifiant en volume et relativement sage (puisque manipulé) les derniers jours. La Commission européenne ou la Banque centrale européenne (sûrement pas les vingt-huit chefs d’État) se verra proposer d’accélérer le grand marché transatlantique justifiant la fusion des monnaies, celle des douze étoiles et celle du trou noir gigantesque, c’est-à-dire le camouflage (un sauvetage étant impossible) de la dette étasunienne par l’économie européenne et la compensation des déficits étasuniens par les excédents européens, les États-Unis étant totalement exemptés de toute obligation de conformité aux critères de convergence de l’euro. Si, au nom de ses peuples et citoyens non consultés, l’Union européenne accepte, le dollar sera définitivement fixé à un euro et tirera la valeur de celui-ci vers le bas.
 
Si l’Europe refuse, le dollar restera définitivement fixé aux alentours d’un mille-cinq-centième ou d’un deux-millième d’once d’or, mais comme il ne sera rapidement plus accepté en paiement de quoi que ce soit dans le reste du monde, ses utilisateurs verront sa valeur fondre rapidement au rythme de l’hyperinflation aux États-Unis.
 
Dans les deux cas le dollar aura connu un artificiel soubresaut récupérateur le dernier jour d’existence des marchés occidentaux de métaux précieux. Le capitalisme ne s’écroulera pas un vendredi.
 
Delenda Carthago.

Stratediplo

Note

  1. Cet article fait suite à l’article paru le 22/12/2014les États-Unis préparent la fin de la cotation des métaux précieux et verrouillent le cours officiel du dollar
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