Les Bérets verts sont-ils à la tête des YPG qui prennent la poche d’Azaz ?


Moon of Alabama

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Le 16 février 2015 – Source Moon of Alabama

La prise de la poche d’Azaz par l’armée arabe syrienne et les troupes des YPG (Unités de protection du peuple) kurdes syriennes progresse bien. La poche, formée après que l’armée syrienne a réussi à se frayer un corridor jusqu’à la frontière turque à travers le territoire que tenaient les rebelles, entre la ville d’Alep et la frontière turque. L’objectif est maintenant de repousser vers le nord, en Turquie, toutes les forces soutenues par l’étranger qui sont encore dans cette poche (en vert sur la carte) et de prendre le contrôle de toute la frontière.

Le commandement syro-russe a décidé de laisser aux YPG (en jaune) le plaisir de nettoyer la poche pour narguer le président turc Erdogan. Erdogan a de sérieux problèmes de politique intérieure si les forces kurdes prennent le contrôle des parties de la Syrie que le Sultan wannabe (aspirant) Erdogan considère comme du sol néo-ottoman sacré. Son bouffon de la cour, le premier ministre Davutoglu, a annoncé que son pays ne permettrait pas que la ville d’Azaz tombe aux mains des combattants kurdes. Il va devoir manger beaucoup de chapeaux !

Les Turcs lancent des tirs d’artillerie depuis le nord de leur pays sur les positions kurdes dans la poche. Les forces spéciales turques sont probablement à proximité de la ligne de front et contrôlent le feu. Mais l’artillerie seule ne peut pas faire la différence. Les Kurdes ont le soutien aérien de l’armée de l’air russe, que la Turquie n’ose plus attaquer. Les Russes n’attaqueront pas l’artillerie turque parce que cela pourrait étendre la guerre. Les troupes kurdes vont devoir supporter le barrage d’artillerie pendant qu’elles repoussent les combattants par procuration des Turcs et de la CIA. Quelques mercenaires de la CIA sont arrivés en renfort à Idlib. Ils sont passés d’Idlib en Turquie et de Turquie dans la poche. La destruction de ces forces dans la poche d’Azaz facilitera grandement les futurs combats de l’armée syrienne à Idlib et ailleurs.

Les Turcs voient les Kurdes comme des terroristes et exigent que tout le monde partage leur point de vue. Les États-Unis ont refusé de le faire et plusieurs autres États ont protesté contre l’utilisation de l’artillerie turque contre les Kurdes. Les États-Unis considèrent les Kurdes syriens comme des amis. Dans l’est de la Syrie, ils ont aidé les Kurdes à chasser État islamique de Kobane. Il y a des forces spéciales américaines sur le terrain, à l’est de la Syrie, pour préparer les Kurdes en vue de nouvelles attaques contre l’État islamique. Elles font aussi office de Forward Air Controller (FAC) 1 pour diriger les frappes aériennes américaines.

Les Kurdes qui se battent dans la poche d’Azaz reçoivent aussi le soutien d’une armée professionnelle. Leurs mouvements sont très précis et contrôlés. Ils se coordonnent clairement avec l’armée syrienne. La coordination avec l’armée de l’air russe fonctionne bien ainsi que la coordination avec l’Armée syrienne pour le feu au sol. Ils se sont vraisemblablement mis d’accord sur la ligne de démarcation entre eux, il y a un certain temps. Cette image animée montre l’évolution dans la poche sur plusieurs jours. La ville de Kafr Naya, par exemple, a été d’abord prise par l’armée syrienne, mais ensuite l’armée s’en est retirée et les Kurdes ont immédiatement pris le relais. Des forces locales de Kafr Naya, anciennement rebelles, ont rejoint les Forces démocratiques syriennes, le nom utilisé par les États-Unis pour les YPG chaque fois que des forces arabes locales s’y rattachent.

Qui sont les soldats professionnels qui aident les YPG à prendre la poche d’Azaz?

J’ai d’abord pensé, bien sûr, au Spetsnaz russe. Mais j’ai demandé autour de moi et aucune de mes sources habituelles n’a pu le confirmer. Mes sources ont reconnu que les YPG de l’ouest de la Syrie avaient le soutien de forces spéciales, mais bizarrement, personne ne voulait dire qui étaient ces forces. Il est clair pour moi que ce ne sont pas des forces spéciales syriennes. Les YPG ne veulent pas  apparaître comme un appendice du gouvernement syrien. Personne ne m’a dit que c’étaient des forces russes, même si cela n’aurait pas été très surprenant. Cela me conduit à supposer que des forces spéciales américaines dirigent les YPG dans la poche d’Azaz. Cela en coordination avec l’armée syrienne et les Russes.

Est-ce une idée tellement idiote ? Voyez vous-mêmes : les YPG kurdes syriens sont soutenus par l’armée des États-Unis. Ils ont reçu des armes et des munitions de l’armée des États-Unis et, au moins dans l’est, ils ont des forces spéciales militaires américaines embarquées avec eux. Ces troupes YPG soutenues par le Pentagone se battent actuellement dans la poche d’Azaz contre des combattants par procuration qui sont soutenus, équipés et payés par la CIA, les Saoudiens, les Turcs et d’autres alliés arabes des États-Unis. La CIA mène la danse. Le membre turc de l’OTAN bombarde les YPG soutenus par le Pentagone pour protéger les rebelles modérés soutenus par la CIA. Le directeur actuel de la CIA était autrefois le chef de poste de la CIA à Riyad et est très lié aux dirigeants saoudiens (et à ce qu’ils ont dans leurs poches ?).

En 2012, la Defense Intelligence Agency de l’armée avait averti les autorités de l’émergence d’une Principauté salafiste – État Islamique – en Syrie et en Irak. Elle avait mis en garde contre la poursuite de l’appui de la CIA aux rebelles. Mais le Pentagone a saboté les efforts de la Maison Blanche pour créer une autre force rebelle modérée pour attaquer État Islamique :

La résistance de l’armée date de l’été 2013, quand une étude hautement classifiée, réalisée par la Defense Intelligence Agency (DIA) et le Comité des chefs d’état-major interarmées, alors dirigé par le général Martin Dempsey, avait annoncé que la chute du régime Assad conduirait au chaos et, éventuellement, à la prise de contrôle de la Syrie par des extrémistes djihadistes, comme cela se passait alors en Libye. Un ancien conseiller haut placé du Comité des chefs d’état-major interarmées m’a dit que le document était une étude basée sur «toutes les sources disponibles» de renseignement, satellites et humaines, et qu’il avait vu d’un mauvais œil l’insistance de l’administration Obama à continuer à financer et armer les groupes rebelles soi-disant modérés. À l’époque, cela faisait déjà plus d’un an que la CIA conspirait avec ses alliés au Royaume-Uni, l’Arabie saoudite et le Qatar pour envoyer en Syrie des armes et des marchandises – à utiliser pour le renversement du gouvernement Assad – depuis la Libye via la Turquie. Ce nouveau rapport du Renseignement avertissait que la Turquie serait un obstacle majeur à la politique d’Obama en Syrie. Le document montrait, selon le conseiller, que «ce qui avait commencé comme un programme américain secret pour armer et soutenir les rebelles modérés qui se battaient contre Assad avait été coopté par la Turquie et s’était transformé en un vaste programme d’aide technique, militaire et logistique systématique à l’ensemble de l’opposition, y compris Jabhat al-Nusra et État Islamique. Les soit-disant modérés s’étaient évaporés et l’Armée syrienne libre était un groupe croupion installé sur une base aérienne de Turquie».

De toute évidence, le Pentagone déteste le soutien de la CIA aux rebelles modérés. Le soutien de la CIA a nourri non seulement les rebelles, mais aussi al-Qaïda et État Islamique. Poursuivre dans cette voie entraînerait probablement l’avènement d’un gouvernement syrien radical contrôlé par al-Qaïda, et des années de dures expéditions militaires supplémentaires pour le chasser.

Les États-Unis ont plusieurs sortes de forces spéciales. Les célèbres SEALs ainsi que les Forces Delta de l’armée sont désormais principalement des défonceurs de porte. Ils mènent des raids nocturnes et des opérations dans le style des commandos SWAT. Les Army Rangers se sont eux aussi spécialisés dans l’entreprise sanglante de tuer les agriculteurs afghans. Les seules forces spéciales américaines qui sont bien formées et en mesure de mener une guérilla locale sont les Bérets Verts. Ce sont des gens très discrets qui opèrent en petites équipes et connaissent la langue et les habitudes locales.

Alors, qui aide les Kurdes ? Mon intuition est que ce ne sont pas les hommes verts polis du Spetsnaz russe, ceux qui ont permis à la population de la Crimée de rejoindre la Russie, qui aident maintenant les YPG. Je crois que le Pentagone a envoyé certains de ses propres citoyens verts aider les YPG à chasser de Syrie les djihadistes appuyés par la CIA. Cela en coordination étroite avec les forces syriennes et russes.

L’administration Obama a pour l’instant décidé d’accepter l’offre russe de tirer ses marrons du feu syrien. Mais elle ne veut pas que les Russes en retirent du mérite. Alors tandis que le Pentagone a fermement rejoint le camp russe il y a quelques années, les borgs 2 interventionnistes de la Maison Blanche s’apprêtent à changer à nouveau leur fusil d’épaule et à soutenir à nouveau la CIA, les Saoudiens et les Turcs dans leur ineptie de djihadistes modérés. Il vaudrait mieux que les Bérets verts, s’il y en a vraiment au nord-ouest de la Syrie, fassent vite et bien leur travail et battent les combattants par procuration de la CIA d’une manière décisive.

Ce qui précède est pure spéculation, fondée uniquement sur mon intuition personnelle, et je peux tout à fait me tromper. Cela ferait probablement un bon scénario de film. Mais est-ce que ça pourrait être vrai ? Le Pentagone a-t-il envoyé ses spécialistes pour aider les Syriens, les Russes et les Kurdes à expulser les djihadistes parrainés par la CIA ? Dites-moi ce que vous en pensez.

Traduction : Marie Staels

Note

  1.  Le terme FAC, appellation OTAN pour Forward Air Controller, désigne un contrôleur aérien avancé qui coordonne exclusivement les mouvements des aéronefs et leur feu sur la zone de combat, en fonction des mouvements des unités au sol (Wikipedia)
  2. Les Borgs ou le Collectif Borg sont, dans l’univers de fiction de Star Trek, des races de créatures cybernétiques.
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