Par Wayan – Le 25 mars 2024 – Le Saker Francophone
La réélection de Poutine en tant que président de la Russie a fait les titres horrifiés des médias grand public. Une telle victoire, avec un taux de participation à faire envie aux démocraties occidentales, fut une gifle au visage des stratèges occidentaux qui cherchent sa chute depuis déjà bien longtemps. La propagande s’est alors déchainée :
« Il n’y a pas eu d’élections en Russie le week-end dernier. Il n’y a pas eu de campagne. Il n’y a pas eu de débat, ce qui n’est pas surprenant, car aucun sujet ne peut être débattu. Surtout, il n’y avait pas de vrais candidats, à l’exception d’un seul : le président russe, Vladimir Poutine, celui qui vient d’entamer son cinquième mandat anticonstitutionnel.
Les Russes faisaient la queue devant les bureaux de vote, mais il ne s’agissait pas réellement de bureaux de vote. Ils étaient des accessoires dans une pièce de théâtre politique élaborée, un exercice de plusieurs mois de projection de pouvoir et de brutalité. »
Donc les russes faisaient la queue devant les bureaux de vote juste pour volontairement participer à la pièce de théâtre de Poutine. 70% des électeurs russes sont donc des acteurs-figurants « idiots utiles » qui s’ignorent. Pas sympa pour la population russe.
« En tant qu’exercice démocratique, la victoire de Vladimir Poutine à 87 % aux élections de ce week-end était une parodie, qui n’a de sens que comme un chapitre déterminant de l’histoire tragique des opportunités perdues et des destructions causées par ses 24 années au pouvoir. Pourtant, juger une élection russe selon les normes de la démocratie libérale est aujourd’hui une dangereuse complaisance.
La victoire de Poutine doit être vue à travers les yeux du Kremlin, car l’histoire de la Russie n’est plus celle d’une transition capricieuse hors du communisme. Il a instauré un nouveau style d’autocratie, pourtant familier à la Russie, qui – ce n’est pas la première fois – se définit contre l’Occident. En ces termes, la mascarade de ce week-end était une pièce de théâtre politique tout à fait réussie qui fournira une toile de fond cruciale au retour de Poutine après les profondes humiliations militaires que l’armée russe, y compris son commandant en chef, a subies en Ukraine il y a deux ans. »
Depuis que Poutine est au pouvoir ce ne serait donc qu’une « histoire tragique des opportunités perdues et des destructions ». Pourtant 80% des 70% de participants l’ont réélu alors qu’ils auraient pu choisir l’un des 3 autres candidats, ne serait-ce qu’en vote de protestation. Encore une fois la population russe est présentée comme des idiots que Poutine manipulerait de manière incroyable pour leur faire oublier ses « destructions, humiliations et défaites ».
Politico pense avoir trouvé la réponse à cette contradiction :
« Selon les chiffres officiels – impossibles à vérifier de manière indépendante – plus de 70 % des électeurs éligibles ont participé, un chiffre plus élevé que lors de toutes les élections précédentes de Poutine. Que ce nombre ait été décidé à l’avance ou non, des efforts monumentaux ont été déployés pour donner à ce vote simulé un air de légitimité. Pour gonfler le vote, des tirages au sort ont été proposés par les autorités locales, des employés de l’État ont été sommés de se rendre aux bureaux de vote et une ville de Sibérie a même promis aux électeurs de prendre une photo avec une découpe en carton du commentateur politique américain Tucker Carlson. »
Mais certains « analystes/propagandistes » vont encore plus loin en déclarant en titre que « Poutine a perdu les élections » :
« C’est donc une erreur de conclure que la très forte performance électorale de Poutine renforce son pouvoir. Cela serait vrai si le vote était authentique. Mais puisque Poutine et ses acolytes ont truqué les chiffres, il est évident qu’ils l’ont fait pour créer l’illusion d’une popularité de masse pure.
En fait, Poutine est tout sauf l’homme fort que son image proclame. Il est indécis lorsqu’il a besoin d’être décisif et décisif lorsqu’il a besoin d’être indécis. Il est sujet à d’énormes erreurs – la plus grave étant d’envahir l’Ukraine et ainsi de la perdre et de renforcer l’OTAN. Son trône a été attaqué – par Eugène Prigojine, Alexeï Navalny et Boris Nadejdine, ainsi que par les élites russes sceptiques quant à sa capacité à diriger le navire de l’État dans un temps aussi orageux.
Malgré ses fanfaronnades, Poutine doit savoir qu’il n’est pas le maître de l’univers qu’il prétendait autrefois être. À moins d’être complètement déconnecté de la réalité (ce qui est possible), il sait qu’il a engagé son pays sur la voie de la perdition. La guerre en Ukraine ne peut pas se terminer par une victoire, car même si l’Ukraine perd sur le champ de bataille, la Russie aura perdu jusqu’à un million de soldats ; son armée et son économie auront été brisées ; et son occupation de l’Ukraine sera durable, coûteuse et finalement inefficace. L’Ukraine est devenue pour lui un cas perdant-perdant. »
Bien sûr, cette litanie d’affirmations péremptoires n’est étayée par aucun lien internet ou références confirmant leur validité.
Bref, des affirmations outrageuses, des analyses émotionnelles ne se basant sur aucune référence, un modèle de propagande russophobe.
Par contre, si les résultats de cette élection n’ont pas satisfait les analystes russophobes, elle semble avoir satisfait la majorité de la population russe.
Le maire de la commune française de Marsan a fait parti des observateurs internationaux présents pour valider cette élection. Ecoutez ce qu’il en dit.
Finalement, comme l’a demandé un journaliste à Obama, au moment où ce dernier rentrait dans la résidence de Sunak à Londres, « pourquoi les Etats-Unis sont ils si obsédés par l’état de la démocratie russe ? ». Derrière son habituel large sourire Obama lui a répondu « petit malin » en passant son chemin. (Je ne retrouve plus le lien de cette courte vidéo)
Parallèlement au démontage de la démocratie russe, les médias occidentaux ont aussi accéléré leur dénonciation de la « propagande russe » :
« Pour Vladimir Poutine, la victoire en Ukraine pourrait passer par la vallée du Rio Grande, au Texas.
Ces dernières semaines, les médias d’État russes et les comptes en ligne liés au Kremlin ont diffusé et amplifié des contenus trompeurs et incendiaires sur l’immigration américaine et la sécurité des frontières. La campagne semble conçue pour attiser l’indignation et la polarisation avant les élections de 2024 à la Maison Blanche, et les experts qui étudient la désinformation russe affirment que les Américains peuvent s’attendre à davantage alors que Poutine cherche à affaiblir le soutien étasunien à l’Ukraine et à couper une aide vitale pour ce pays.
Dans les publications sur les réseaux sociaux, les vidéos en ligne et les articles sur les sites Web, ces comptes dénaturent l’impact de l’immigration, mettent en lumière des histoires de crimes commis par des immigrants et mettent en garde contre des conséquences désastreuses si les États-Unis ne sévissent pas à leur frontière avec le Mexique. Beaucoup sont trompeurs, remplis de données triées sur le volet ou de rumeurs démystifiées. »
Je remarque au passage que cet article qui dénonce « les publications sur les réseaux sociaux, les vidéos en ligne et les articles sur les sites Web » ne donne absolument aucun lien y renvoyant, ce qui est une faute journalistique. Nous devrons donc le croire sur parole. Moi qui navigue quotidiennement sur ces publications je ne vois pas en quoi elles sont reliées à Poutine et la « propagande russe ». Il y a bien sur multitudes de comptes et d’analystes parlant de ce sujet mais ils sont tous occidentaux. L’article ne démontre pas quel rapport ils ont avec Poutine sauf une fois ici en disant :
« Les images d’une récente manifestation anti-immigration diffusée par le média russe RT, par exemple, ont été visionnées cette semaine par des milliers de personnes sur X, l’ancienne plateforme Twitter, et ont suscité des réactions de colère de la part d’autres utilisateurs.
Le média russe Spoutnik a publié cette semaine un article sur les appels croissants à la construction d’un mur frontalier entre les États-Unis et le Mexique, une priorité pour Trump, qui n’a pas réussi à la mener à bien pendant son mandat de président. »
Donc deux articles, un de RT et l’autre de Sputnik, sans liens y renvoyant non plus mais croyons le quand même, qui, comme tout média, rapportent ce qui se passe dans le monde sont de la « dangereuse propagande russe ». D’autant plus que ni RT ni Sputnik ne sont accessibles au public occidental depuis leur censure.
Propagande russe qui, selon l’article, serait là pour interférer dans les élections pour aider Trump à prendre le pouvoir, reprenant ainsi tranquillement la manipulation médiatique du Russiagate qui prétendait que Trump est une marionnette de Poutine car celui-ci l’avait aidé à gagner les élections de 2016 :
« Les responsables américains ont averti que la Russie pourrait chercher à s’immiscer dans les élections de dizaines de pays en 2024, alors que plus de 50 pays représentant la moitié de la population mondiale devraient organiser des élections nationales. Même si la Russie a un intérêt stratégique dans l’issue de bon nombre d’entre eux – le Parlement européen, par exemple – peu d’entre eux offrent l’opportunité et le prix que l’Amérique offre.
Pour la tentative de la Russie de conquérir l’Ukraine, les enjeux des élections américaines de cette année ne pourraient pas être plus élevés. Le président Joe Biden s’est engagé à soutenir pleinement l’Ukraine. Les Républicains y sont beaucoup moins favorables. Trump a ouvertement félicité Poutine et l’ancien président a suggéré qu’il encouragerait la Russie à attaquer les alliés américains de l’OTAN s’ils ne payaient pas leur juste part pour l’alliance militaire. »
Vous verrez comment la possibilité d’une réélection de Trump va raviver ce narratif « Trump marionnette de Poutine ».
On sent, en filigrane de cette propagande, que les journalistes devront maintenant parler de 2 sortes de démocraties, la « démocratie autocrate », celle où les électeurs sont des idiots qui sont manipulés pour voter pour un président qui ne suit pas « l’ordre international fondé sur des règles », comme on l’a vu pour Orban la semaine dernière ; et la « démocratie libérale » celle où un petit nombre d’électeurs, qui ne se sentent absolument pas manipulés par les médias de leur pays, ne se rendent dans les bureaux de vote que pour repousser les « candidats extrémistes », ceux désignés ainsi par des médias qui ne les manipulent pas, choisissant naturellement un président « centriste » qui, sans jamais le dire ouvertement, prête allégeance à « l’ordre international basé sur des règles ».
En cas de victoire de Trump, les Etats-Unis deviendront, selon leurs propres médias, une « démocratie dirigée par un autocrate ».
Par contre, les dirigeants non-occidentaux ont tous félicité Poutine pour sa réélection sans émettre le moindre doute sur son caractère démocratique. Ils doivent être, comme le peuple russe, des idiots que Poutine manipule de manière incroyable. Un vrai hypnotiseur ce Poutine.
Seul européen à avoir respecté la diplomatie internationale, Orban le fameux « autocrate premier ministre d’une démocratie » :
« Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a félicité le président russe Vladimir Poutine pour avoir remporté un cinquième mandat, devenant ainsi le seul dirigeant de l’UE à féliciter un tel succès. Orban a déclaré que le « respect mutuel » entre Budapest et Moscou permet « des discussions importantes même dans des contextes géopolitiques difficiles ».
Après l’annonce des résultats, Orban « a félicité [Poutine], soulignant que la coopération entre la Hongrie et la Russie, basée sur le respect mutuel, permet des discussions importantes même dans des contextes géopolitiques difficiles », a écrit le porte-parole du gouvernement hongrois, Zoltan Kovacs, dans un communiqué sur X.
« Le Premier ministre Orban a affirmé l’engagement de la Hongrie en faveur de la paix et sa volonté d’intensifier la coopération dans les secteurs non limités par le droit international, soulignant l’importance du dialogue pour favoriser des relations pacifiques », a ajouté Kovacs. »
Ce qui confirme la remarque de la semaine dernière ; Orban est qualifié d’autocrate par les médias occidentaux parce qu’il préfère dialoguer avec Poutine plutôt que de lui faire la guerre.
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Un autre cas montrant au reste du monde la hargne du bloc occidental contre « la Russie de Poutine » est le fait qu’elle soit toujours mis au ban des jeux olympiques de 2024 :
« Les sportifs russes et biélorusses ne pourront pas prendre part à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, ils pourront tout de même suivre la cérémonie, dit le CIO, qui ne précise pas comment. Le CIO s’aligne ainsi sur la décision prise début mars par le Comité paralympique international (IPC) pour la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques, le 28 août, et exclut tout comme l’IPC de prendre en compte les podiums des « athlètes individuels neutres » (AIN) dans son tableau des médailles. Pour la cérémonie de clôture, rien n’est tranché encore puisque ce ne sont pas les équipes qui défilent, mais les athlètes de manière individuelle.
Le comité international olympique a fait les comptes : 12 sportifs russes et 7 biélorusses se sont pour le moment qualifiés pour Paris 2024, mais ils pourraient être une soixantaine à obtenir leur ticket, à la fin du processus de qualification. C’est très peu par rapport aux 434 athlètes russes et biélorusses des jeux de Tokyo, en 2021.
Les conditions de leur participation sont connues : pas de soutien à la guerre, pas d’équipes, que des individuels, une bannière neutre. Un comité d’examen va valider chaque qualification russe et biélorusse, à charge pour ses membres de veiller ensuite aux respects des règles pour chacun de ses athlètes pendant tous les jeux. En cas de violation du règlement – s’ils affichent un drapeau russe par exemple – le comité pourra saisir la commission de discipline du CIO. »
Alors qu’Israël y participera pleinement malgré le carnage humanitaire qu’il fait à Gaza. Là encore un « deux poids deux mesures » que le monde entier peut voir car ce n’est plus une guerre entre militaires comme en Ukraine mais un véritable génocide lent d’une population civile qu’est en train de commettre Israël :
« Les pénuries alimentaires extrêmes dans certaines parties de la bande de Gaza ont déjà dépassé les niveaux de famine, et des morts massives sont désormais imminentes sans un cessez-le-feu immédiat et un afflux de nourriture dans les zones isolées par les combats, a déclaré lundi l’Observatoire mondial de la faim.
La Classification intégrée de la phase de sécurité alimentaire (IPC), dont les évaluations sont utilisées par les agences des Nations Unies, a déclaré que 70 % de la population dans certaines parties du nord de Gaza souffrait du niveau de pénurie alimentaire le plus grave, soit plus du triple du seuil de 20 % à prendre en compte pour la famine. »
Le Comité International Olympique (CIO) est donc visiblement politisé alors qu’il prétend le contraire, niant l’évidence.
Face à cela, la Russie a donc décidé d’organiser ses propres jeux sportifs. Et bien le CIO ose se plaindre que la Russie « politise le sport » :
« Le Comité international olympique a durci le ton mardi envers la Russie, accusée de « politiser le sport » en lançant ses « Jeux de l’amitié » en septembre prochain, une nouvelle compétition concurrente des JO qui prévoit aussi une édition hivernale. »
Un exemple typique d’inversion accusatoire.
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Les législateurs étasuniens sont en train de discuter pour bannir le média social Tik Tok du marché étasunien, à moins que sa société mère, Bytedance, ne la vende à une compagnie étasunienne. Bytedance étant une compagnie chinoise, le prétexte à cette loi est que la Chine pourrait espionner et influencer le public occidental.
Cet argument sous-entend implicitement que c’est le cas avec les médias sociaux étasuniens qui sont répandus dans le monde entier. La vente obligatoire de Tik tok permettra alors aux Etats-Unis de garder le monopole des réseaux sociaux et donc de l’espionnage et de l’influence cognitive dans le monde :
« Les efforts du Congrès pour forcer la vente de TikTok ont gagné du terrain aujourd’hui alors que les sénateurs ont quitté une réunion d’information à huis clos avec des responsables de la sécurité nationale et ont lancé des appels à des audiences sur la question.
Le 13 mars, la Chambre a voté par 352 voix contre 65 en faveur d’un projet de loi qui obligerait le propriétaire chinois de TikTok, ByteDance, à vendre l’entreprise dans six mois, sous peine de voir l’application populaire interdite aux États-Unis. »
Mais il y a un deuxième facteur qui n’est pas expressément utilisé dans le débat législatif :
« Les législateurs républicains sont de plus en plus préoccupés par la vague de contenus anti-israéliens sur TikTok pendant la guerre avec le Hamas – et ils renouvellent leurs efforts pour interdire l’application appartenant à la Chine, a appris The Post.
Bien que TikTok reste très secret sur les algorithmes qui distribuent quotidiennement des millions de vidéos courtes sur l’application, il existe des signes révélateurs de la quantité disproportionnée de contenu anti-israélien sur l’application par rapport aux vidéos favorisant les Palestiniens.
Par exemple, le premier résultat de la recherche « se tenir aux côtés de la Palestine » a été vu près de 3 milliards de fois au 26 octobre, tandis que le premier résultat pour « se tenir aux côtés d’Israël » a été vu un peu plus de 200 millions de fois, selon une analyse. C’est devenu viral sur X ».
Sans oublier le facteur gros sous :
« TikTok a enregistré un chiffre d’affaires de 9,37 milliards de dollars au troisième trimestre 2023.
Cette croissance est portée par plusieurs facteurs, notamment sa base d’utilisateurs croissante, notamment aux États-Unis, sa plateforme publicitaire innovante et son expansion sur de nouveaux marchés.
TikTok avait déjà enregistré un chiffre d’affaires de 9,401 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation littérale de 100 % par rapport à 2021. »
Autant de facteurs qui expliquent pourquoi les législateurs ont voté cette loi à une large majorité.
Mais il y a un problème, c’est que les internautes étasuniens sont les premiers au monde à utiliser Tik Tok :
« Avec 150 millions d’utilisateurs, les États-Unis comptent le plus grand nombre d’utilisateurs de TikTok en 2023. Cela représente près de la moitié de la population du pays !
L’Indonésie arrive en deuxième position avec 113 millions d’utilisateurs. »
Autant de futurs électeurs qui ne seront pas joyeux de voir ce réseau social censuré.
Car la Chine n’a pas l’air décidée à se plier au chantage :
« Pékin peut-il empêcher la vente de TikTok ?
Oui, Pékin a la capacité juridique de le faire et a déjà indiqué qu’il le ferait.
En août 2020, à la suite d’une tentative de l’administration Trump de forcer la vente de TikTok, Pékin a révisé ses règles de contrôle des exportations pour couvrir une variété de technologies qu’il jugeait sensibles, y compris une technologie qui semble similaire aux services de recommandation d’informations personnalisées de TikTok.
Quelques années plus tard, début 2023, une porte-parole du ministère du Commerce a déclaré dans la première réponse directe du gouvernement à cette affaire que la Chine s’opposerait à toute vente forcée de TikTok.
En effet, une vente ou une cession de l’application impliquerait « l’exportation de technologie » et devait être approuvée par le gouvernement chinois, a déclaré Shu Yuting, la porte-parole.
Pékin n’a indiqué aucun changement à cette position depuis lors. »
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La semaine dernière nous relations les remarques de militaires français avertissant que l’armée française risquait fortement de perdre dans une confrontation avec la Russie. Cette semaine le chef d’Etat major de l’armée de terre française indique, dans une tribune au Monde, que :
« Pierre Schill, chef d’état-major : « L’armée de terre se tient prête »
A l’heure où les foyers de crise se multiplient, la France, nation-cadre de l’OTAN, a des atouts majeurs. Outre la dissuasion nucléaire, elle dispose de forces entraînées et interopérables avec les armées alliées, explique le général d’armée dans une tribune au « Monde ». »
Les émissions télés préparent aussi les français à une intervention sur le terrain ukrainien.
Ailleurs qu’en France, les signes montrant la volonté des dirigeants européens de se lancer dans une guerre contre la Russie commencent aussi à s’accumuler :
« En Suède, le gouvernement estime qu’il n’a même plus à faire semblant de soutenir le mouvement pour la paix.
Les principales ONG suédoises œuvrant pour la paix et le désarmement perdent leurs financements publics, au lendemain de l’adhésion de la Suède dans l’Otan. Le gouvernement de droite, soutenu par l’extrême droite, met ainsi sous silence les critiques de ces organisations pacifistes centenaires, très respectées pour leur contribution au débat démocratique en Suède. »
Pourtant, entre la théorie et la pratique :
« Il ne s’agit plus tant de recruter de nouveaux soldats que de persuader les troupes existantes de ne pas démissionner.
Cette semaine, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a présenté un plan de rétention des talents pour inciter les militaires à rester en uniforme.
Cela survient quelques jours après qu’un rapport annuel soumis au Parlement allemand a montré qu’en 2023, quelque 1.537 soldats ont quitté la Bundeswehr, la réduisant à 181.514 effectifs.
« Ces conversations existent désormais dans toutes les capitales, dans toutes les démocraties qui disposent d’armées professionnelles sans conscription », a déclaré lundi Lecornu, mentionnant le Royaume-Uni et les États-Unis.
« Lors des réunions de l’OTAN, nous pouvons parler d’équipement, mais désormais nous parlons aussi du niveau de rétention », a-t-il ajouté. »
La Russie prend au sérieux tous ces signes virils et déclare :
« L’opération militaire russe en Ukraine s’est transformée en guerre à part entière après que l’Occident est devenu participant au conflit, a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dans une interview accordée aux médias nationaux publiée vendredi.
Moscou poursuivra son objectif consistant à garantir que l’armée ukrainienne ne puisse pas constituer une menace pour les citoyens ou le territoire russes, a déclaré le porte-parole au journal Argumenti i Fakty, soulignant que le pays compte désormais quatre nouveaux sujets fédéraux qui doivent être protégés et pleinement libérés des forces de Kiev.
Peskov a souligné que la Russie ne peut pas permettre l’existence à ses frontières d’un État qui prétend publiquement s’emparer de la péninsule de Crimée ainsi que des nouveaux territoires russes, en faisant référence aux républiques populaires de Donetsk et de Lougansk et aux régions de Zaporojie et de Kherson.
« Nous sommes en guerre », a déclaré Peskov, expliquant que si le conflit a commencé comme une opération militaire spéciale, dès que « l’Occident collectif y a participé aux côtés de l’Ukraine, pour nous, cela est devenu une guerre ». »
Par contre, pour des histoires de gros sous et d’élections présidentielles, les Etats Unis freinent des deux pieds :
« Les États-Unis ont exhorté l’Ukraine à mettre fin aux attaques contre les infrastructures énergétiques russes, avertissant que les frappes de drones risquaient de faire grimper les prix mondiaux du pétrole et de provoquer des représailles, selon trois personnes proches des discussions.
Les avertissements répétés de Washington ont été adressés aux hauts responsables des services de sécurité de l’État ukrainiens, le SBU, et à sa direction du renseignement militaire, connue sous le nom de GUR, ont déclaré ces sources au Financial Times.
Les deux unités de renseignement n’ont cessé d’étendre leurs propres programmes de drones pour frapper des cibles russes sur terre, sur mer et dans les airs depuis le début de l’invasion à grande échelle du Kremlin en février 2022.
Une personne a déclaré que la Maison Blanche était de plus en plus frustrée par les attaques effrontées de drones ukrainiens qui ont frappé des raffineries de pétrole, des terminaux, des dépôts et des installations de stockage dans l’ouest de la Russie, nuisant à sa capacité de production pétrolière.
La Russie reste l’un des plus importants exportateurs d’énergie au monde malgré les sanctions occidentales contre son secteur pétrolier et gazier. Les prix du pétrole ont augmenté d’environ 15 % cette année, à 85 dollars le baril, faisant grimper les prix du carburant au moment même où le président américain Joe Biden entame sa campagne pour sa réélection.
Washington craint également que si l’Ukraine continue de frapper les installations russes, dont beaucoup se trouvent à des centaines de kilomètres de la frontière, la Russie pourrait riposter en s’en prenant aux infrastructures énergétiques dont dépend l’Occident. »
Nous terminerons par cet article de prospective intitulé « Va-t-on de la guerre indirecte à la guerre directe contre la Russie ? » :
« Par Samir Saul – Michel Seymour – Le 13 mars 2024
Les dernières semaines du mois de février ont été fertiles en développements dans la guerre opposant les USA/OTAN et la Russie en Ukraine. Les dangers qui guettent le monde, et en particulier l’Europe, se concrétisent et deviennent plus menaçants. Du méli-mélo d’événements disparates et désordonnés, il se dégage néanmoins des perspectives assez claires de collision directe entre l’OTAN et la Russie, c’est-à-dire du passage de la guerre indirecte par procuration actuelle à la guerre directe menée par des soldats et des civils de l’OTAN contre des soldats et des civils russes. Les deux côtés disposant d’armes nucléaires, la montée aux extrêmes, c’est-à-dire, leur utilisation contre les armées et les civils sort du domaine de la théorie et des doctrines militaires pour entrer dans la sphère de l’application concrète. C’est à ce péril apocalyptique que sont confrontées dans les mois à venir les populations de nombreux pays. Cela exige une prise de conscience, un positionnement et des actions en vue de prévenir une catastrophe annoncée. Essayons d’abord de comprendre les raisons pour l’inquiétude, la source du danger.
Les USA/OTAN ont perdu en Ukraine
La guerre hybride, indirecte, par procuration, organisée et menée par les USA/OTAN depuis 2014 contre la Russie en Ukraine est un échec patent et impossible à camoufler. Loin d’abattre la Russie comme prévu, l’utilisation de l’Ukraine tel un proxy ou un instrument de combat a produit l’effet exactement contraire : le renforcement de la Russie, la destruction de l’Ukraine et la défaite des USA/OTAN. Les forces russes vont de succès en succès sur les champs de bataille, les armes russes démontrent leur supériorité sur celles des USA/OTAN, et l’économie russe se porte si bien qu’elle est maintenant la première d’Europe, tandis que les économies européennes s’embourbent sous l’effet boomerang des « sanctions » imposées à la Russie. Ce résultat n’a rien de surprenant pour tout observateur le moindrement conscient du rapport de force ou des faits économiques et ne s’étant pas départi de ses facultés mentales.
Ce n’était pas le cas des dirigeants des USA/OTAN, adeptes de l’impérialisme étatsunien mariné au néoconservatisme va-t-en guerre. Ivres de leur puissance, prenant leurs désirs pour des réalités, malades de russophobie, ils ont fait passer leur appareil de propagande à la vitesse supérieure, se surpassant en récits sur la facilité d’une victoire contre la Russie. Les populations occidentales ont été soumises à un déferlement sans précédent d’éructations délirantes de la part de leurs dirigeants politiques, médias, commentateurs de plateau et « experts » de service, tandis que toute analyse ou réflexion était ignorée, proscrite, ostracisée ou stigmatisée sous des huées d’insultes et de calomnies. Et pour cause : les mensonges sont des châteaux de cartes qui s’effondrent au contact de la réalité. Le but de la campagne d’hystérie collective était de décérébrer les opinions publiques et de leur faire accepter la folle aventure d’une guerre par procuration contre la Russie. Auto-intoxiqués, hallucinés, les bellicistes occidentaux croyaient à un succès rapide mettant la Russie à genou. L’effondrement économique et une « révolution de couleur » détruiraient l’État russe, ramenant la Russie à l’époque chaotique d’Eltsine, démembrant le vaste pays et livrant ses ressources au capital occidental. Un si bel exploit justifiait la tromperie et la manipulation de leurs populations. Les néocons, convertis au postmodernisme, n’ont-ils pas tenté de créer leur réalité, convaincus que, au bout du compte, ce sont les « faits alternatifs » et la perception qui importent ?
L’irruption du réel
Non prévue était l’ingérence de la réalité dans ce scénario abracadabrant. L’avancée des forces russes contre les forces de Kiev deux à trois fois plus nombreuses, les grandes batailles perdues à Marioupol en mai 2022 et à Bakhmout en mai 2023, le sacrifice irresponsable d’hommes et de matériel par Kiev, le coût financier pour tenir à bout de bras l’Ukraine, n’ébranlèrent pas la foi des commanditaires occidentaux du régime de Zelensky. Les « narratifs » enthousiastes et les rêveries optimistes s’enchaînèrent dans l’attente de la « contre-offensive » salvatrice qui, à l’aide d’armes miracles occidentales, infligerait à la Russie la cuisante défaite militaire tant recherchée. C’était peine perdue. La grande manœuvre se conclut par une débâcle otano-kievienne, mort-née dès son déclenchement en juin 2023. Les lignes russes n’ont même pas été entamées, bien que l’Ukraine avait envoyé à la mort ses meilleures troupes, récemment formées et armées à cette fin par l’OTAN.
L’incrédulité, l’incompréhension et le silence s’installèrent du côté des USA/OTAN. La fiction en technicolor venait de frapper le mur du réel. Après quelques tentatives de se bercer d’illusions (« C’est l’impasse pour les deux côtés. On est à égalité. »), l’échec fut reconnu, mais toujours à contre-cœur. Les Occidentaux avaient vidé leurs arsenaux; ils sont maintenant à l’os et n’ont plus rien à donner. Kiev a du mal à trouver de la nouvelle chair à canon : les jeunes sont kidnappés dans la rue pour être mis sous uniforme; les expatriés sont conviés à rentrer; les mercenaires sont envoyés en première ligne; les groupes bandéristes sont utilisés pour boucher les trous dans les lignes. Les bailleurs de fonds se rendent compte du mauvais investissement. À la Chambre des représentants étatsunienne, les élus rechignent à continuer le gaspillage des ressources de leur pays. Petit à petit, et malgré les dénis, le constat que l’Ukraine ne peut l’emporter contre la Russie fait son chemin. C’était une évidence depuis le début mais pas pour les fauteurs de guerre carburant au fantasme de casser la Russie.
Les lendemains de défaite
Les défaites sont orphelines. Chaque responsable essaie de s’en dissocier, pointant du doigt quelqu’un d’autre. Les auto-justifications et les récriminations sont choses courantes. D’abord, les USA/OTAN essaient de faire porter le chapeau à Zelensky, à sa mauvaise stratégie, à son entêtement, à sa dilapidation des ressources humaines et matérielles. Ses appels répétitifs pour davantage de dons devenant lassants, on en vient même à évoquer la corruption qui gangrène son pays.
Tout cela est hypocrite car les plans de guerre en Ukraine ont été élaborés de concert avec les USA/OTAN. Cela comprenait l’obsession du tout-à-l’offensive qui jeta des dizaines de milliers de soldats dans le « hachoir à viande » russe dans l’espoir de tuer des Russes (saigner la Russie est bien le but des USA/OTAN), ainsi que la malheureuse « contre-offensive » elle-même. Le commandant en chef Zaloujny tenta lui aussi de dégager sa responsabilité du désastre en prenant ses distances de Zelensky, tout en se mettant de l’avant comme solution de rechange. Cet épisode se termina par son limogeage le 8 février 2024. Les Occidentaux n’étaient pas encore prêts à larguer Zelensky.
Sur le front militaire, la situation se dégrada encore plus. Le 17 février, les Russes prirent la ville d’Avdiivka, un succès encore plus important que la prise de Bakhmout le 20 mai 2023. D’abord, l’opération fut un petit chef-d’œuvre de l’art militaire, se concluant par une déroute de l’adversaire et sa fuite à pied, combattants bandéristes du groupe Azov en tête. Ensuite Avdiivka était l’un des lieux les mieux fortifiés avec l’aide de l’OTAN depuis 2014, un promontoire d’où les forces de Kiev bombardaient les civils de Donetsk. L’issue de la guerre en Ukraine ne fait maintenant aucun doute et la défaite de Kiev est inéluctable.
Continuer la guerre malgré la défaite
Une guerre par procuration est perdue lorsque le supplétif chargé de se battre pour les commanditaires n’arrive pas à l’emporter. Face à ce résultat, il y a quatre possibilités :
(i) continuer la guerre indirecte;
(ii) accepter la défaite (les États-Unis évacuent l’Afghanistan en 2021),
(iii) jeter les masques et faire faire la guerre par les commanditaires eux-mêmes, soit la guerre directe et sans auxiliaires,
(iv) trouver d’autres proxys pour poursuivre la guerre d’une façon ou d’une autre (en Syrie, les États-Unis remplacent les djihadistes vaincus par les Kurdes).
Les deux premières possibilités sont peu susceptibles d’être retenues. Zelensky veut bien continuer la guerre par procuration mais les promesses d’armes occidentales ne peuvent se concrétiser car il n’y en a plus (l’Ukraine n’a reçu que 30% des obus promis) et les sommes demandées pour tenir l’Ukraine sous perfusion sont de moins en moins trouvables dans les économies occidentales, anémiques et au seuil de l’austérité. Dépenser des milliards pour une guerre en Ukraine frise l’indécence alors que les prix flambent, les agricultures sont dévastées par le déversement de produits ukrainiens, les niveaux de vie s’affaissent, les budgets publics sont plombés de déficits et l’endettement national dépasse le PIB. Le grand « Sommet » convoqué par Macron à Paris le 16 février 2024 pour augmenter l’aide européenne à Kiev ne débouche sur rien. En janvier-février 2024, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France ont signé des traités bilatéraux d’aide et de coopération militaire avec l’Ukraine pour 10 ans, mais nul ne sait s’ils pourront être suivis d’effet. Quant à l’option de l’acceptation de la défaite, elle est plus qu’improbable car la guerre n’est pas menée en fonction de ce qui se passe en Ukraine mais pour abattre la Russie. Peu importe le sort de l’Ukraine, la mise hors de combat de la Russie doit se réaliser coûte que coûte car il en va de la pérennité de l’impérialisme étatsunien. Macron ne fait que refléter ce besoin des États-Unis en insistant que la Russie ne doit pas sortir vainqueur.
Passer de la guerre par procuration (perdue) à la guerre directe ?
Reste donc les formules de la collision directe et du proxy de substitution. Les deux s’entrecroisent et sont au cœur de l’actualité de ces dernières deux semaines. En 2024, l’alarmisme de mauvais aloi remplace l’exaltation ignare de 2022-2023. On se plaît à se faire peur : la Russie ne doit pas l’emporter en Ukraine car elle piafferait d’impatience à envahir l’Europe; il faut arrêter les chars russes en Ukraine si l’on ne veut pas les voir défiler sur les Champs-Élysées. Un cas de bipolarité géopolitique.
Le 19 février, un politicien français ultra-atlantiste en tout et pro-guerre contre la Russie appelle la France « à passer en mode économie de guerre ». Le 26 février, Macron fait sa déclaration n’excluant pas l’envoi de troupes occidentales affronter la Russie. Comment l’interpréter ? Macron a l’habitude de gouverner par petites phrases lancées tantôt par ci, tantôt par là pour satisfaire tel groupe ou tel courant, pour donner le change sur ce qu’il fait véritablement, ou pour détourner l’attention de ses difficultés à l’intérieur (tous les voyants économiques, sociaux et politiques en France sont au rouge). En général, ce n’est que du vent ou un écran de fumée pour faire illusion.
Dans le cas qui nous occupe, il y a aussi la volonté de la France de se distinguer dans les relations internationales, ce qui, en principe, est bienvenu. On se rappelle combien de Gaulle avait fait rayonner la France. Mais n’est pas de Gaulle qui veut. On ne saurait prendre les vessies pour des lanternes. De Gaulle tenait un discours d’indépendance de la France contre les hégémonies; Macron fait de la surenchère en faveur de l’alignement otanien de la France et pour l’hégémonie étatsunienne. Voulant les premiers rôles, il ne se distingue que par les rodomontades et le surcroît de bellicisme par rapport à ses alliés. S’il joue au matamore pour impressionner la Russie, Poutine lui rappelle le 29 février l’existence des armes atomiques qui peuvent atteindre son pays. Macron est immédiatement désavoué par les autres dirigeants occidentaux, y compris ceux des États-Unis. On lui fait remarquer que la France, généreuse en discours grandiloquents, a moins donné à l’Ukraine que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne. Toujours est-il que Macron met le sujet sur la table. Il le fait de concert avec Biden à qui il a parlé au préalable. À ce stade, l’idée est de préparer les esprits. C’est le but recherché.
Un suicide collectif
À court terme, l’intervention militaire directe de quelque pays de l’OTAN que ce soit ou de toute l’OTAN n’est qu’une abstraction dans les conditions actuelles. L’OTAN n’a ni les troupes ni les armes pour une guerre contre la Russie. Aucun pays de l’OTAN ne peut envoyer au combat plus que quelques milliers de soldats. Tous auraient à décréter le service militaire obligatoire et la conscription, tout en se convertissant à l’économie de guerre. On imagine l’accueil que feraient les opinions publiques à ces mesures. Pour le moment, ils en sont (l’Allemagne en particulier) à des programmes de réarmement et d’augmentations de leurs budgets militaires.
Durant les trois décennies d’unilatéralisme et de suprématie étatsunienne (« la fin de l’histoire »), les Occidentaux avaient oublié les conflits de grande envergure pour se concentrer sur les guerres « sans fin », conflits asymétriques quasi coloniaux de suppression de récalcitrants : pays plus faibles et forces irrégulières « en sandales ». Ils ont tout misé sur les proxys et les moyens high tech, la guerre conventionnelle étant tombée en désuétude. Les armées nationales ont été remplacées par des armées de professionnels, beaucoup plus petites. Les forces militaires sont devenues des corps expéditionnaires, des forces spéciales et des opérateurs à distance de systèmes d’armes, plutôt que des armées. Elles ont du mal à recruter et leurs effectifs sont incomplets. Plusieurs pièces d’équipement sont hors service ou ne sont plus fabriquées, et les chaînes de production sont démantelées.
Aucun pays de l’OTAN n’a l’expérience d’une guerre contre un adversaire de la taille de l’armée russe, un « pair ». Celle-ci est, en plus, la plus aguerrie au monde, autant en guerre high tech qu’en guerre conventionnelle à grand déploiement d’effectifs. Sa taille est supérieure et elle est capable de croître fortement. Depuis la mobilisation de septembre 2022, pouvant aller jusqu’à 1,25 millions d’hommes, la Russie se prépare à un éventuel passage à la guerre directe par l’OTAN. Son armement conventionnel a fait les preuves de sa supériorité sur le champ de bataille en Ukraine et son industrie militaire peut augmenter sa cadence de production. Elle n’aurait même pas besoin de son arsenal nucléaire, le premier au monde, pour repousser l’OTAN. Qu’à cela ne tienne, le recours au nucléaire par les deux côtés serait une conséquence possible en cas d’affrontement. Si la guerre par procuration contre la Russie relève de l’aveuglement, la guerre directe est assimilable à un suicide collectif.
Il n’empêche que ce qui se dessine semble bien être une fusion des scénarios iii et iv : l’Europe serait préparée pour être le nouveau proxy et celui-ci basculerait dans un affrontement direct avec la Russie.
Où logent les États-Unis ?
Chefs de la coalition occidentale, maîtres d’œuvre de la stratégie de la guerre par procuration, les États-Unis auraient été les bénéficiaires de la défaite de la Russie. Leur hégémonie mondiale aurait été confortée. Mais la guerre a été contre-productive et les États-Unis sont engoncés dans de redoutables problèmes domestiques. Que font les États-Unis quand une aventure extérieure tourne au vinaigre ? Ils stoppent les pertes, rentrent chez eux et laissent en rase campagne les associés qu’ils ont utilisés se débrouiller seuls (Vietnam, Afghanistan). Tout indique qu’ils cherchent en ce moment une porte de sortie de l’Ukraine, indépendamment de ce que ferait un Trump réélu. Les boutefeux de 2022-2023 sont désormais le soutien le moins sûr de Kiev.
Il faut rappeler que les États-Unis ont deux ennemis : la Russie et la Chine, et qu’ils doivent les séparer pour les vaincre un à un. Pour les États-Unis, la Russie était considérée seulement comme un obstacle moins important à surmonter rapidement pour passer à l’essentiel : un conflit avec la Chine. Après la défaite russe anticipée, les États-Unis déplaceraient leur attention vers la Chine, laissant à l’Europe otanienne la responsabilité de poursuivre le combat contre la Russie pour la tenir éloignée de la Chine pendant l’affrontement américano-chinois. L’agitation en Europe pour un passage à ce qui serait de facto la guerre directe et la création d’une « défense européenne » est en droite ligne de ce plan originel. Cela signifie que le rôle assigné à l’Europe est d’être le proxy de substitution des États-Unis, suite à l’épuisement du proxy ukrainien. Dans l’éventualité du passage à la guerre directe contre la Russie, le territoire européen prendrait la suite du territoire ukrainien. La guerre se déroulerait en Europe.
Les intentions étatsuniennes sont lisibles dans le renvoi le 5 mars de Nuland, russophobe patentée, personnage de premier plan dans l’État et dans la sphère néoconservatrice. Événement significatif, il marque enfin la sortie des chimères et la prise de conscience à Washington de la défaite en Ukraine ainsi que de toute la stratégie basée sur le proxy ukrainien dont Nuland est l’acteur principal au moins depuis 2014. Fait inhabituel, la sanction est une reconnaissance spectaculaire de l’échec de la politique du pays. Le proxy ukrainien est irrécupérable. Les États-Unis ne peuvent plus rester aussi « engagés » en Ukraine que ne le veut Nuland; sa présence est un inconvénient. Par ailleurs, ils en ont plein les bras en Palestine, au Proche-Orient et dans le Sud où leur association avec Israël les discrédite dans leur quête d’appuis pour le maintien de leur hégémonie et d’un monde unipolaire. Fidèles à leur conduite après une aventure impériale ratée, ils regardent ailleurs, vers la Chine, où ils espèrent plus de succès que contre la Russie. Il n’échappe à personne que le diplomate nommé au poste que convoitait Nuland est un spécialiste de la Chine.
Que faire devant le danger de guerre en Europe ?
Pour le moment, tous les intervenants présents sur les plateaux de télévision français se sont penchés avec délectation sur la déclaration de Macron. Au-delà des Pour et des Contre, il y a l’enthousiasme qui s’exprime, chacun se sentant investi d’une nouvelle mission, celle qui consiste à influer sur le cours stratégique des choses. Une reprise de pouvoir éventuelle de Trump et les distances que ce candidat prend déjà à l’égard de l’OTAN permettent pour le moment de se bercer d’illusion sur la capacité de la France à assumer elle-même un certain leadership de remplacement. La France qui a toujours rêvé de jouer un rôle politique dominant au sein de l’Union européenne, peut espérer l’espace d’un instant, être en mesure de jouer un rôle politique déterminant au sein de l’OTAN. Les stratèges de plateaux peuvent de leur côté espérer prendre du galon et voir croître leur influence possible auprès de Macron.
Cet enthousiasme français risque cependant d’être de courte durée, car il est une version dévoyée et pervertie de la politique envisagée par le général de Gaulle. Malgré les apparences, les propos audacieux de Macron ne sont que l’expression d’un volontarisme belligérant qui convient parfaitement à Washington. C’est un peu comme si Macron était sorti de ses gonds en regardant du coin de l’œil le Commander in chief américain. Malgré la rebuffade officielle venant de Washington, le président français a le feu vert étatsunien. Si jamais l’Europe s’engage directement dans une confrontation guerrière avec Moscou sans que cela ne relève d’une initiative des États-Unis, le président américain quel qu’il soit, mais a fortiori si c’est Donald Trump, ne tardera pas à prendre ses distances à l’égard de l’article 5. Les contrats signés, même avec des alliés, peuvent aisément être déchirés si les intérêts des États-Unis changent. L’Europe serait alors Gros-Jean comme devant. Il est dans l’intérêt Américains de laisser l’Europe se charger elle-même de confronter la Russie. Cette indépendance politique nouvelle de l’Europe par rapport à Washington, serait en réalité la reprise sous une nouvelle forme d’une dépendance ancienne : un new skin for the old ceremony. Un nouveau proxy européen, même perdant, pourrait à tout le moins peut-être servir à enliser la Russie, ne serait-ce qu’en la forçant à mobiliser ses effectifs pour affronter l’Europe, pendant que les États-Unis se tourneraient vers la Chine pour l’affronter avec leurs proxys régionaux (Taïwan, Corée du Sud, Japon, Philippines, Australie, Nouvelle Zélande). Qu’Européens et Russes s’affaiblissent mutuellement n’est que bénéfice net pour l’impérialisme étatsunien.
Conclusion
Après l’Ukraine, l’Europe est manifestement le prochain proxy des États-Unis pour la guerre contre la Russie. Les premiers concernés, les Européens, auraient intérêt à tirer le signal d’alarme au plus vite, avant que la spirale guerrière ne les entraîne dans l’abîme. Il n’y a aucune garantie que la guerre directe contre la Russie, aujourd’hui fanfaronnade macronienne, ne se transformera pas en sinistre réalité. La chair à canon ukrainienne serait relayée par la chair à canon européenne, les cobayes ukrainiens par les cobayes européens.
Le combat idéologique doit être mené simultanément sur deux fronts. Il faut mettre en évidence le caractère contradictoire des deux positions adoptées à l’égard des Russes. Ainsi que l’ont déjà remarqué Noam Chomsky et bien d’autres, les leaders otaniens ont, d’une part, jusqu’ici minimisé les capacités de la Russie dans la guerre d’Ukraine, mais ils ont, d’autre part, en même temps ameuté l’opinion publique face au danger d’une éventuelle invasion russe en territoire européen. Très faible sur le terrain ukrainien, la Russie serait tout de même assez forte pour avoir l’ambition d’envahir l’Europe. Pour sortir de cette vision contradictoire, irrationnelle et manichéenne, il n’est peut-être plus nécessaire d’insister longuement sur les capacités russes qui ont été déployées en Ukraine. Leur puissance militaire est visible à l’œil nu. La démonstration n’est plus à faire. Mais il reste à convaincre la population que la Russie n’a ni l’ambition ni le besoin de conquérir de nouveaux territoires. Elle a déjà assez à faire sur son immense territoire national qu’elle doit gérer. Il serait temps aussi de se méfier un peu plus des États-Unis qui cherchent à provoquer la Russie pour qu’elle pose des gestes défensifs que les leaders européens paranoïaques vont s’empresser d’interpréter en fonction de l’image qu’ils se font de ses ambitions.
Il n’est pas trop tôt pour toutes les organisations et personnes anti-guerre de se faire entendre et de s’unir pour alerter l’opinion publique européenne du danger de voir l’Europe ressembler à l’Ukraine, voire quelque chose de bien plus grave si les armes nucléaires sont employées. Le « Non à la guerre » doit être retentissant et doit peindre les conséquences d’une belligérance européenne dans les termes les plus explicites. Un mouvement fort ne laisserait pas les décideurs indifférents. L’interruption de cette marche infernale ne doit pas attendre le déclenchement des hostilités, car il serait alors déjà trop tard. »
A lundi prochain