Par Alexandre Moumbaris − Le 10 novembre 2019 − Source Les dossiers du BIP
Le mot fétiche Ukraine
Le territoire que l’on appelle aujourd’hui «Ukraine» faisait partie du centre de civilisation ruthène ou Rus’ qui forma l’État portant le nom de Rus’ de Kiev (IXe au XIIe siècle) berceau de la civilisation russe. On retrouve des Ruthènes, des Rus’ ou des Russes, dans une vaste étendue depuis les frontières de l’actuelle Roumanie, Slovaquie, Galicie, Carpates, Pologne… tout autour et beaucoup plus loin que le territoire que l’on nomme depuis si récemment l’Ukraine. Le terme Ukraine en tant que nom d’une entité territoriale et étatique n’a pris de corps que le 20 novembre 1917 par la proclamation de la République démocratique d’Ukraine abolie le 9 février 1918 après la prise de Kiev par les forces de la République socialiste soviétique d’Ukraine créée le 30 décembre 1918.
Du XIIe au XVe siècle ce territoire était dominé au Nord par les Mongols et au Sud par les Tatars.
Au XVe siècle celui-ci est passé au Nord-Ouest sous domination lituano-polonaise et au Sud-Est sous domination turco-tatare.
Le pouvoir impérial russe ne reconnaissait pas le terme d’Ukraine. Il définissait, à quelques exceptions près, les territoires tels que l’actuelle Ukraine, en gouvernorats ou provinces — tels que les gouvernorats de Tchernigov, d’Ekaterinoslav, de Kherson, etc.— en leur sein plusieurs entités : Petite Russie (Malorossia), Nouvelle Russie (Novorossia), correspondant en partie aux territoires enlevés à l’Empire ottoman, de Bessarabie, etc.
Le 12 février 1918 a été proclamée à Kharkov la République de Donetsk-Krivorojsk. L’attaque allemande du 18 février au 3 mars 1918, date du traité de Brest-Litovsk, marquent l’abandon temporaire par les bolcheviks de ce territoire.
Le 29 avril 1918, soutenu par des généraux allemands, autrichiens et officiers tsaristes le Congrès des propriétaires terriens du territoire occupé, proclamèrent le hetmanat avec comme hetman, Pavlo Skoropadsky.
En août 2018, en réaction au hetmanat de Skoropadsky, a été formé l’Union populaire ukrainienne, appelée aussi le Directoire, par le Parti ukrainien des socialistes révolutionnaires, le Parti ouvrier social-démocrate ukrainien et d’autres…
Le 19 octobre 1918, après le démantèlement de l’empire Austro-hongrois, vit le jour la République de Galicie, État pluriethnique sur le territoire de la Galicie actuelle. Durant cette période ont aussi été créés des gouvernorats de Ruthénie subcarpathique le 19 novembre 1918, de Bucovine le 6 novembre 1918 – sans toutefois pouvoir contrôler les territoires où les Moldaves étaient majoritaires et qui se sont rattachés le 28 novembre 1918 à la Roumanie.
Le 1er décembre 1918, le secrétariat d’État de la République de Galicie conclut un accord préliminaire avec le Directoire de la République populaire ukrainienne, portant sur l’union des deux États. L’accord fut approuvé par le conseil de la République de Galicie le 3 janvier 1919 et par l’Union populaire ukrainienne le 22 janvier 1919, date à laquelle l’union fut officiellement proclamée. Dès lors, la République de Galicie prit le nom de République populaire de l’Ukraine occidentale (ZUNR). Mais l’union ne fut pas pleinement établie : les organismes gouvernementaux de la ZUNR continuèrent de fonctionner séparément.
Pendant les guerres soviéto-polonaise de 1919-1921 et hungaro-roumaine de 1919, la 8ème division roumaine et la 4ème division polonaise, soutenues par la France, craignant que la Russie soviétique et la Hongrie bolchévique ne fassent jonction à travers la Pocutie prirent position dans ce territoire, en déclarant qu’elles «n’intervenaient pas contre l’armée ni le peuple ukrainien ni ses représentants dont les propriétés, la sécurité, les institutions et leur fonctionnement seraient respectées» – ce qui n’empêcha pas les Polonais, après le retrait de l’Armée rouge et des Roumains, de mettre fin à l’éphémère République populaire d’Ukraine occidentale.
Il est étrange que le nom Ukraine si récent, ayant historiquement de si faibles racines et une si faible substance, ait été adopté par tant de partis et organisations à un moment donné, alors que le terme Ruthénie aurait été bien plus approprié, considérant que même les Galiciens sont d’origine ruthène sans parler des autres populations plus à l’Est. On dirait qu’une conspiration − est-ce peut-être un peu complotiste ? − se serait abattue sur ce vaste territoire pour le démarquer et finalement l’arracher à la Russie.
Les termes Ukraine, nation ukrainienne, ukrainien… sont des termes utilisés très souvent même à posteriori dans un effort pour donner de la substance historique à l’Ukraine, et de la présenter comme existant depuis des siècles. Cette persévérance tendancieuse, cette perversité historique, s’introduit très souvent dans les écrits occidentaux sans souci de nuance ni de vérité. C’est une arme qui était, et continue d’être, russophobe après avoir été antisoviétique. Que les Soviétiques n’en aient pas considéré les implications de ce simulacre avoir été dû à une sous-estimation, dans ces périodes difficiles, et à une incapacité de se projeter assez loin dans le temps pour décider de le combattre. Depuis ce nom est resté. En fait ce territoire fait partie de la Ruthénie (ou Rus‘) et n’est autre que le territoire à l’Est et au Sud de la Pologne, ce qui aurait été beaucoup plus adéquat comme nom.
Deux autres cas de mots-fétiches
Il en est de même avec le terme holocauste, tant utilisé pour décrire le massacre des juifs par les nazis, et qui sert à simultanément élever le drame juif au-dessus des drames de tous les autres massacrés par les nazis et les fascistes, bien plus nombreux. À cette époque le terme holocauste n’avait de sens que pour faire référence, dans l’antiquité, à des rituels d’animaux sacrificiels, mais non pas d’êtres humains. Le terme génocide juif aurait peut-être été mieux approprié.
Le terme holocauste n’a commencé à prendre le sens qu’on lui donne actuellement à la sortie le 16 avril 1978 sur la chaine NBC, d’une mini-série télévisée étatsunienne de quatre épisodes de 89 à 135 minutes, réalisée par Marvin Chomsky sur le scénario de Gerald Greenberg. Cette série a été diffusée en français en 1979 sur Antenne 2 aux Dossiers de l’écran.
Par conséquent, en évoquant le terme holocauste référence est d’abord faite à la série télévisée de 1978, et par ce biais au génocide des juifs. Cette tendance de se servir de ce terme comme s’il avait un sens et un usage avant 1978 serait politiquement très inapproprié pour ne pas dire douteux.
Il en est de même pour le terme Shoah qui en hébreu signifie catastrophe et n’a pris de sens spécifique qu’en 1985 avec la sortie de la série télévisée de ce nom à propos du massacre de juifs par les nazis. C’est un terme général, avec des connotations religieuses utilisé souvent pour remplacer entre autres le terme holocauste. Donc introduire ce terme comme s’il avait une antériorité de sens et d’usage avant la sortie de la série télévisée de 1985, serait également politiquement très inapproprié pour ne pas dire douteux.
Les termes holocauste et Shoah, ne servent depuis ces dates là qu’à discriminer, parmi les victimes des atrocités nazis, les Juifs et toutes les autres victimes.
Conclusion
Au sein d’un cadre de vie républicain, qui dit «discrimination» suggère aussi «racisme» et «séparation». C’est la mise en avant d’un avantage, qui profiterait à un sous-ensemble aux dépens d’un autre.
Que ce soit la discrimination de la majorité vis à vis d’une minorité ou l’inverse, cela n’altère en rien son caractère essentiel.
Si donc on acceptait la «discrimination positive» d’une minorité ou d’une majorité, même si on est réticent à l’ admettre, cela sous-entend l’existence d’une «discrimination négative».
Quand j’entends par conséquent parler de «discrimination positive» pour un quelconque groupe, je me sens automatiquement exclu, et me vois rejeté parmi les «discriminés négativement».
Cela met en exergue l’importance de la lutte contre les discriminations, et tout particulièrement celle due à l’accaparement du pouvoir politique, économique, culturel… par une classe, la bourgeoisie au stade impérialiste, contre une autre, le prolétariat et ses alliés, dans ce cas elle se nomme lutte des classes.
Alexandre Moumbaris