« L’Islam a commencé comme un étranger et il redeviendra étranger comme il l’a été au début. Bienheureux seront alors les étrangers » (Hadith)
Par Amir Nour − Octobre 2021
Au commencement était Westphalie
Afin de planter comme il se doit le décor du sujet qui est le nôtre ici, celui de l’ordre du monde tel qu’il était perçu par le regretté Malek Bennabi1, il convient de procéder à une nécessaire clarification des concepts clés en la matière.
De fait, dans la foisonnante littérature sur les relations internationales, notamment en langue française, le qualificatif « international », « mondial » ou « planétaire » est rarement expliqué de manière satisfaisante.
Comme le souligne Gilles Bertrand2, l’usage indifférencié de l’un ou de l’autre de ces adjectifs laisse penser qu’ils seraient interchangeables, sans réelle signification donc pour la science politique. Il n’en est rien puisque pour de nombreux auteurs comme lui, cet usage traduit l’appartenance à telle ou telle école de pensée des relations internationales, une perception du monde particulière et une analyse différente de l’ordre dans la politique mondiale.
Le dictionnaire de l’Académie française définit l’ordre comme étant « un arrangement, une disposition régulière des choses les unes par rapport aux autres ; une relation nécessaire qui règle l’organisation d’un tout en ses parties ». En réalité, les notions d’ordre et de désordre relèvent du discours pratique, éthique, politique, voire mythique et religieux. Du point de vue philosophique, selon le Professeur Bertrand Piettre3, ces notions semblent être plus normatives que descriptives et avoir plus de valeur que de réalité. Ainsi, le terme « ordre » est entendu au moins en deux sens contradictoires : ou bien l’ordre est pensé comme finalisé, comme réalisant un dessein, poursuivant une direction et faisant ainsi sens ; le désordre se définit alors par l’absence d’un dessein intelligent. Ou bien l’ordre est pensé comme structure stable ou récurrente et, par-là, reconnaissable et repérable, comme disposition constante et nécessaire ; mais comme tel, il peut apparaître totalement dépourvu de finalité et de dessein. Le désordre alors n’est pas pensé comme ce qui est dépourvu d’une finalité, mais comme ce qui apparaît dépourvu de nécessité.
Ces deux sens, explique-t-il, renvoient à deux visions philosophiquement différentes du monde : finaliste ou mécaniste. Aussi, les développements récents de la science contemporaine font-ils apparaître un troisième sens possible du mot ordre, un ordre dit « contingent » et qui se constitue, non pas à l’encontre ou en dépit du désordre, mais par et avec lui ; non pas en triomphant d’un désordre, mais en se servant de lui. L’auteur conclut que l’ordre et le désordre sont donc des notions intimement mêlées et complémentaires l’une de l’autre. Leur combinaison, dans un jeu de contingence et de nécessité, produit la diversité du monde matériel et vivant que nous connaissons.
Dans le contexte des relations internationales on entend communément par ordre l’ensemble des règles et institutions qui régissent les relations entre les acteurs clés de l’environnement international. Un tel ordre se distingue du chaos, ou des relations aléatoires, par un certain degré de stabilité en termes de structure et d’organisation.
L’une des meilleures études réalisées à ce sujet est probablement celle menée sous l’égide du Centre pour la politique de sécurité et de défense de la RAND Corporation en 2016 sous le titre « Comprendre l’ordre international actuel »4. Sponsorisée par le Bureau du Secrétaire américain de la Défense, cette étude avait pour objectif essentiel de comprendre les rouages de l’ordre international existant, d’évaluer les défis et les menaces qui le concernent et, en conséquence, de recommander aux décideurs américains les politiques futures jugées judicieuses.
Le rapport estime que dans l’ère moderne, la fondation de l’ordre international a été construite sur les principes fondamentaux du système Westphalien, lesquels reflétaient des conceptions assez conservatrices de l’ordre tout en s’appuyant sur la politique de l’équilibre des puissances afin de défendre l’égalité souveraine et l’inviolabilité territoriale des États.
Ce système westphalien a conduit au développement de la norme de l’intégrité territoriale, une norme considérée comme cardinale contre l’agression caractérisée à l’égard des voisins dans le but de s’emparer de leurs terres, ressources ou citoyens, ce qui était autrefois une pratique courante dans la politique mondiale. Ainsi défini dans ses principaux éléments, ce système a continué à prévaloir, notamment depuis le Concert européen, également connu sous le nom de système du Congrès de Vienne, lequel de 1815 à 1914 établit tout un semble de principes, de règles et de pratiques ayant grandement contribué, après les guerres napoléoniennes, à maintenir un équilibre entre les puissances européennes et à épargner ainsi au Vieux continent un nouveau conflit généralisé, et ce jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Il a repris son cours avec la création de la Société des Nations, puis, de nouveau, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
En somme, même s’il a pris des formes différentes dans la pratique, l’ordre westphalien a continué à réguler les relations entre les grandes puissances mondiales durant toutes les périodes précitées, permettant ainsi, autant que faire se pouvait, la prévalence de rapports structurés bannissant le désordre générateur de guerres et de violence.
Le rapport de la RAND Corporation indique que depuis 1945, les États-Unis, grands bénéficiaires de la paix retrouvée, ont poursuivi leurs intérêts mondiaux à travers la création et le maintien des institutions économiques internationales, des organisations bilatérales et régionales de sécurité et des normes politiques libérales. Ces mécanismes d’ordonnancement sont souvent appelés collectivement « l’ordre international ». Toutefois, ces dernières années, des puissances montantes ont commencé à contester la pérennité et la légitimité de certains aspects de cet ordre, ce qui, à l’évidence, est perçu comme un défi majeur par rapport au leadership mondial des États-Unis et à leurs intérêts stratégiques vitaux. Trois risques essentiels sont ainsi identifiés par les rédacteurs du rapport :
- certains États leaders considèrent que de nombreux composants de l’ordre existant sont conçus pour restreindre leur pouvoir et perpétuer l’hégémonie américaine ;
- la volatilité due aux États faillis ou aux crises économiques ;
- des politiques intérieures changeantes à une époque marquée par une croissance lente et une inégalité rampante.
Kissinger et la Realpolitik
Deux ans avant la publication de cette étude, Henry Kissinger, le vieux routier de la diplomatie américaine crédité d’avoir officiellement introduit la « Realpolitik » (la politique étrangère réaliste fondée sur le calcul des forces et l’intérêt national) à la Maison Blanche pendant qu’il était Secrétaire d’État sous l’administration de Richard Nixon, avait examiné de manière plus approfondie le thème de l’ordre mondial dans un livre-phare5.
D’emblée, M. Kissinger y affirme qu’aucun « ordre mondial » véritablement planétaire, n’a jamais existé. L’ordre tel que le définit notre époque a été inventé en Europe Occidentale il y a quatre siècles, à l’occasion d’une conférence de la paix qui s’est tenue en Westphalie, une région d’Allemagne, « sans que la plupart des autres continents ou civilisations en prennent conscience ni ne soient appelés à y participer ». Cette conférence, rappelons-le, avait fait suite à un siècle de conflits confessionnels et de bouleversements politiques à travers toute l’Europe centrale qui avaient fini par provoquer la « Guerre de Trente Ans » (1618-1648), une guerre totale aussi effroyable que vaine ayant fait périr près du quart de la population d’Europe centrale en raison des combats, des maladies et de la famine.
Cela étant, les négociateurs de cette paix de Westphalie ne pensaient pas poser les fondements d’un système applicable au monde entier. Comment auraient-ils pu le penser dès lors qu’à l’époque, comme toujours auparavant, chaque autre civilisation ou région géographique, se considérant comme le centre du monde et regardant ses principes et valeurs comme universellement pertinents, définissait sa propre conception de l’ordre ? Faute de possibilités d’interaction prolongée et de structures pour mesurer la puissance respective des différentes régions, estime Henry Kissinger, chacune de ces régions considérait son ordre personnel comme unique et qualifiait les autres de « barbares » et « gouvernées d’une manière échappant à l’entendement du système établi et n’occupant aucune place dans ses desseins, sinon sous les traits d’une menace ».
Par la suite, à la faveur de l’expansion coloniale occidentale, le système westphalien s’est répandu à travers le monde et a imposé la structure d’un ordre international reposant sur des États, en refusant, bien évidemment, d’appliquer le principe de souveraineté aux colonies et aux peuples colonisés. C’est ce même principe et les autres idées westphaliennes qui ont été mis en avant lorsque les peuples colonisés ont commencé à réclamer leur indépendance. État souverain, indépendance nationale, intérêt national, non-ingérence et respect du droit international et des droits humains se sont ainsi affirmés comme des arguments efficaces contre les colonisateurs eux-mêmes au cours des luttes armées ou politiques, à la fois pour regagner l’indépendance et, ensuite, pour la protection des États nouvellement constitués dans les années 1950-1960 en particulier.
Au terme de sa réflexion mêlant analyse historique et prospective géopolitique, M. Kissinger tire des conclusions importantes concernant l’ordre international actuel et pose des questions essentielles quant à son devenir. La pertinence universelle du système westphalien, dit-il, tenait à sa nature procédurale, c’est-à-dire neutre sur le plan des valeurs, ce qui rendait ses règles accessibles à n’importe quel pays. Sa faiblesse avait été le revers de sa force : conçu par des États épuisés par les saignées qu’ils s’infligeaient mutuellement, il n’offrait pas de sentiment de direction ; il proposait des méthodes d’attribution et de préservation du pouvoir, sans indiquer comment engendrer la légitimité.
Plus fondamentalement, M. Kissinger affirme que dans l’édification d’un ordre mondial, une question clé porte inévitablement sur la teneur de ses principes unificateurs, laquelle représente une distinction cardinale entre les approches occidentales et non occidentales de l’ordre. Fort pertinemment, il fait observer que depuis la Renaissance, l’Ouest a largement adopté l’idée que le monde réel est extérieur à l’observateur, que la connaissance consiste à enregistrer et à classer des données avec la plus grande précision possible, et que la réussite d’une politique étrangère dépend de l’évolution des réalités et des tendances existantes. Par conséquent, la paix de Westphalie « incarnait un jugement de la réalité – et plus particulièrement des réalités de pouvoir et de territoire sous forme d’un concept d’ordre séculier supplantant les préceptes de la religion ».
A l’opposé, les autres grandes civilisations contemporaines concevaient la réalité comme immanente à l’observateur et définie par des convictions psychologiques, philosophiques et religieuses. De ce fait, tôt ou tard, estime-t-il, tout ordre international doit affronter la conséquence de deux tendances qui compromettent sa cohésion : une redéfinition de la légitimité ou une modification significative de l’équilibre des forces. L’essence de ces bouleversements est que « s’ils sont généralement étayés par la force, leur principal moteur est psychologique. Les agressés se voient mis au défi de défendre non seulement leur territoire, mais les hypothèses fondamentales de leur mode de vie et leur droit moral à exister et à agir d’une manière qui, avant d’être contestée, avait paru inattaquable ».
A l’instar de nombreux autres penseurs, politologues et stratèges, notamment occidentaux, M. Kissinger considère que les évolutions multiformes en cours dans le monde sont porteuses de menaces et de risques susceptibles d’engendrer une forte montée des tensions. Le chaos menace « parallèlement à une interdépendance sans précédent, en raison de la prolifération des armes de destruction massive, de la désintégration des États, des effets des ravages environnementaux, de la persistance des pratiques génocidaires et de la diffusion de nouvelles technologies qui risquent de porter les conflits au-delà de la compréhension ou du contrôle humains ».
C’est la raison pour laquelle, notre époque se livre à une recherche obstinée, presque désespérée parfois, d’un concept d’ordre mondial, affirme-t-il, non sans faire part de sa préoccupation qui prend les allures d’un avertissement : reconstruire le système international « est aujourd’hui le défi ultime de l’art de gouverner. En cas d’échec, il faut moins craindre une guerre de grande envergure entre États (encore que cette éventualité ne soit pas exclue dans certaines régions) qu’une évolution menant à l’établissement de différentes sphères d’influence définies par des structures intérieures et des formes de gouvernement particulières -par exemple, le modèle westphalien contre la version islamiste radicale », avec le risque, selon lui, que sur ses franges, chaque sphère serait tentée de mesurer sa force à celle d’autres entités d’ordre jugées illégitimes.
La conclusion majeure de ce livre savant et qui nous concerne particulièrement dans le contexte de notre thème de l’« ordre du monde », par opposition à l’ordre « international » ou « mondial », est celle-ci : « Le mystère à surmonter est un mystère que partagent tous les peuples : comment créer un ordre commun à partir de valeurs et d’expériences historiques divergentes ? ».
L’allusion faite par M. Kissinger à la « version islamiste radicale » comme alternative possible au modèle westphalien de l’ordre mondial est loin d’être anodine ; et le fait de l’avoir singularisée par rapport à d’autres éventualités en dit long sur sa propre lecture stratégique des évolutions en cours et des contours possibles du monde à venir.
L’Afghanistan, encore et toujours tombeau et tombeur d’empires
Avec quelques années de retard, l’« establishment » de son pays semble en être convaincu lui aussi. En effet, en l’espace de quatre jours seulement, deux mises au point en ce sens ont été faites et n’ont pas manqué de secouer violemment les fondements de politiques et de « vérités » considérées jusque-là comme inébranlables.
D’abord à travers un éditorial publié dans les colonnes du très influent quotidien économique et financier new yorkais « The Wall Street Journal ». Sous le titre évocateur « L’inconquérable monde islamique », le journal appartenant au milliardaire australo-américain et magnat de la presse, Rupert Murdoch, affirme que les historiens, les soldats et les politiciens débattront pendant de nombreuses années des détails de ce qui a mal tourné tout au long de l’intervention militaire en Afghanistan. Celle-ci a connu son épilogue, le 31 août 2021, sous la forme d’une évacuation précipitée et désordonnée des troupes américaines à travers l’aéroport de Kaboul, sous le regard triomphateur des Talibans, de nouveau maîtres de l’Afghanistan, tombeau et tombeur d’empires envahisseurs anciens et nouveaux. Une telle déroute, filmée en direct par les caméras d’un monde aussi médusé que dubitatif, éclipse sans doute les scènes similaires de panique ayant marqué la chute de Saïgon, le 30 avril 1973, qui avait scellé, au Vietnam, la première cuisante défaite militaire de l’histoire des États-Unis.
Estimant que la coalition dirigée par les États-Unis a fait preuve d’aveuglement en ne comprenant pas que la politique se situe en aval de la tradition et la tradition en aval de la foi, le journal reconnaît que les sociétés islamiques appartiennent à une civilisation particulière qui résiste à l’imposition, par la force, de valeurs qui lui sont étrangères. Cet aveuglement, ajoute-t-il, est provoqué par le fait que, devenant les apôtres d’une civilisation universelle, « nous avons cru en l’idée que les êtres humains, où qu’ils soient, prendraient exactement les mêmes décisions de base en matière de construction d’une communauté politique » et aussi par un « noble désir » de voir les gens comme des êtres semblables et interchangeables, pour qui la religion et la tradition sont des « accidents de livraison », alors qu’en fait, ces accidents sont des vérités non négociables pour lesquelles elles préféreraient mourir plutôt que de lâcher prise.
Ne pas comprendre cela, conclut le quotidien, peut être un symptôme de « vacance religieuse ». Autrement dit, coupés des origines chrétiennes de l’Amérique, des centaines de milliers de gens ne peuvent pas comprendre comment la religion peut jouer un rôle essentiel dans l’attachement pouvant cimenter les rapports collectifs qui lient les gens les uns aux autres.
Ensuite, à travers une seconde mise au point, tout aussi cinglante, venant du Président Joe Biden lui-même lors d’un discours à la nation prononcé dans le sillage du retrait américain d’Afghanistan et onze jours seulement avant le 20ème anniversaire des attentats terroristes du 11 septembre 2001 qui avaient, précisément, précipité cette intervention en Afghanistan. A cette occasion, le Président Biden a défendu à pleine voix sa décision de mettre fin à la plus longue guerre des États-Unis à l’étranger en déclarant que « l’ère des grands déploiements militaires américains pour reconstruire d’autres nations est terminée » tout en martelant : « plus de 2 000 milliards de dollars ont été dépensés en Afghanistan, un coût que les chercheurs de l’Université Brown ont estimé à plus de 300 millions de dollars par jour pendant deux décennies en Afghanistan. Oui, le peuple américain devrait entendre ceci : 300 millions de dollars par jour pendant 20 ans en Afghanistan”6. Cette déclaration importante augure-t-elle d’une nouvelle page dans la politique étrangère de Washington, en particulier à l’endroit du monde musulman, une politique caractérisée par tant de déboires ayant coûté la vie à des millions de personnes innocentes et occasionné des dégâts matériels et des souffrances aussi indicibles que vains ? Seul l’avenir nous le dira.
L’Islam et le nouvel ordre mondial
En attendant, comme l’affirme Ali A. Allawi dans son livre fascinant7, il ne fait guère de doute que depuis deux siècles au moins, la civilisation de l’Islam traverse une crise profonde. L’Islam, en tant que religion et méthode de culte, embrassé par presque deux milliards de personnes dans le monde8, a gardé intacte sa vitalité et gagne de plus en plus d’adeptes en dehors de sa sphère géographique originelle, notamment et aussi paradoxalement que cela puisse paraître à certains, depuis les événements du 11 septembre. L‘on ne cesse en effet d’assister à des signes qui ne trompent pas, comme par exemple : l’augmentation du nombre de conversions à l’Islam, en particulier parmi les femmes instruites; la hausse importante du nombre de mosquées, de centres islamiques et d’autres lieux de culte en Occident et ailleurs (y compris au moyen de la conversion des lieux de culte chrétiens à l’abandon); l’élection de Musulmans à de hauts postes de responsabilité politique et représentative (dont des maires et des parlementaires de grandes capitales et villes occidentales); l’intérêt pour l’étude de l’islam en général et du Coran en particulier, y compris dans les écoles et les universités dans nombre de pays dans le monde; l’essor remarquable des banques et autres institutions financières islamiques, de même que celui de l’industrie du Halal dans le monde.
Il n’en demeure pas moins vrai toutefois qu’il en va tout autrement pour le monde que l’Islam a construit au cours des siècles, lequel a été sérieusement ébranlé. Qu’est-ce à dire ? Pour tenter d’y répondre, il importe de rappeler les considérations fondamentales suivantes :
Toutes les civilisations essaient de s’équilibrer entre l’individuel et le collectif (ou le groupe), entre le temporel et le spirituel et entre l’ici-bas et l’au-delà. Les décalages entre l’importance relative accordée aux premiers par rapport aux seconds sont ce qui donne aux différentes civilisations leur identité propre et leur coloration distinctive ; et les disjonctions critiques dans l’histoire humaine se produisent lorsque le paradigme individuel est renversé au profit du collectif, ou vice-versa.
Dans les sociétés occidentales modernes, notamment anglophones, il est un fait indiscutable que depuis la Renaissance qui a été à l’origine du Siècle des Lumières, il s’est produit un glissement, progressif et vraisemblablement décisif et irréversible, du collectif et du sacré vers l’individuel et le profane.
De ce fait, dans l’image de soi des sociétés occidentales ou occidentalisées, l’individu est anobli et doté du pouvoir et des moyens de déterminer, seul, le cours de son développement et épanouissement personnels ainsi que ceux de la société (ou collectivité), à travers l’idiome, érigé ensuite en dogme absolu, des droits et la pratique d’une démocratie fondée sur des lois et des règles. La primauté de l’individu sur les droits collectifs a ainsi progressivement enfanté le démantèlement de l’État-providence de l’après-guerre, rendant ainsi la ligne de démarcation entre les domaines public et privé de plus en plus floue et les portes grandes ouvertes à un individualisme débridé.
Le monde musulman, non plus, n’a pas été épargné par la déferlante de ces évolutions monumentales et tous les pays le composant ont fini par rejoindre, avec divers degrés d’enthousiasme et d’intensité, le mouvement irrésistible de la mondialisation à la sauce libérale, voire ultralibérale, promu à marche forcée par le couple Reagan-Thatcher dans les années 1980. Cela étant, à ce jour, l’Islam, ce ciment invisible qui lie les Musulmans à un ensemble différent de valeurs, de loyautés et d’identités au-delà de la nation, semble faire de la résistance et n’a toujours pas reconnu l’inévitabilité de la civilisation mondiale frappée du seul sceau de l’Occident et de son modèle politique, culturel et socio-économique typique et volontairement dominateur.
Étant une religion qui ne sépare pas le spirituel du temporel et faisant passer les droits, les intérêts et le bien-être de la collectivité avant ceux des individus, l’Islam constitue aujourd’hui un frein et un obstacle majeurs à l’uniformisation de l’humanité selon le moule mondialiste visant à imposer des règles et un modèle économique et de pensée uniques. Les tenants de cette vision du monde œuvrent inlassablement à faire sauter ce verrou qui tient toujours, contrairement au catholicisme, l’autre religion monothéiste à vocation universelle, notamment depuis le Concile œcuménique Vatican II qui a totalement abdiqué en cédant aux « exigences » d’un monde moderne de plus en plus désacralisé9. Ce Concile, rappelons-le, avait, sous l’impulsion du tout nouveau Pape Jean XXIII, assigné trois buts principaux dont les répercussions se font encore sentir de nos jours : « renouveler l’Église elle-même (faire son aggiornamento), rétablir l’unité de tous les Chrétiens et engager le dialogue de l’Église avec les hommes d’aujourd’hui ».
Pierre Hillard l’a très bien compris, lui qui a affirmé que l’Islam est désormais le « dernier rempart contre le Nouvel ordre mondial ». A la question que lui a posée Laurent Fendt sur la Radio « Ici et Maintenant », le 11 janvier 2010, « quel serait dans le cas d’un gouvernement mondial l’ennemi, qui serait mis en avant pour continuer à diriger le monde en fait ? », Pierre Hillard répondit : « L’ennemi actuellement dans le cadre du Nouvel Ordre Mondial c’est l’Islam (…) parce que l’Islam est encore la seule religion qui apporte un espoir pour l’au-delà (…) c’est pour l’esprit mondialiste une concurrence qu’il ne peut pas accepter, car le Musulman ne va pas -en tout cas beaucoup moins- se focaliser sur les plaisirs matériels, sur la société de consommation ; donc il faut à tout prix détruire cet Islam qui ne porte pas aux nues l’American way of life ». Et, tout en faisant référence à un article de Ralph Peters dans une revue militaire américaine10 plaidant en faveur d’un « Vatican de l’Islam », il rappelle l’encyclique Pacem in Terris de Jean XXIII en estimant qu’« ils ont réussi avec le catholicisme et il ne reste plus que l’Islam qui essaie de résister ».
A bien y regarder, pendant toute la période coloniale occidentale, la Guerre froide et jusqu’après les « Trente Glorieuses », l’Occident était plutôt indifférent voire condescendant à l’endroit de l’Islam en tant que religion. La peur de l’Islam a suivi la disparition de la social-démocratie en Occident, en particulier depuis les événements de « Mai 68 », et la décadence des mouvements progressistes et socialement centrés dans les pays en développement. La révolution iranienne de 1979, elle-même engendrée par cette évolution historique, et les attentats terroristes du 11 septembre 2001, ont radicalement changé la donne géostratégique aux yeux des Occidentaux. L’Islam est aujourd’hui au centre de leurs préoccupations et une islamophobie rampante en a tout naturellement mais dangereusement résulté. Comme le fait très justement remarquer M. Allawi, la religion, les cultures, la civilisation de l’Islam, les nations et les peuples musulmans ont fait l’objet d’une exploration et d’un examen minutieux de la part d’un large éventail d’analystes, du plus réfléchi au plus incendiaire, du plus illustre au plus obscur, du plus sympathique au plus fanatique.
Il ne faut pas s’y méprendre. Tout comme le penseur Mustafa Mahmoud, nous sommes conscients du fait que lorsque certaines personnalités influentes, tant occidentales que locales, déclarent qu’elles ne sont pas hostiles à l’islam en tant que religion, elles sont honnêtes d’une certaine manière. En effet, elles n’ont aucune objection à ce que les Musulmans prient, jeûnent, accomplissent le pèlerinage à la Mecque, passent leurs journées et leurs nuits dans l’adoration de Dieu, Sa glorification et Son invocation en se recueillant en solo ou, aussi longtemps qu’ils le souhaitent, dans les mosquées. Elles ne sont nullement hostiles à l’islam rituel, à l’islam de la gestuelle, de la génuflexion et de l’ascétisme. Elles n’objectent guère non plus à ce que les Musulmans soient gratifiés des récompenses de l’au-delà. C’est une question dont elles ne se soucient pas et à laquelle elles ne pensent pas forcément. Bien au contraire, ces personnalités et leurs mentors ont très souvent encouragé, appuyé et défendu les leaders et autres caisses de résonance de ce type d’Islam pacifique, pacifiste, docile et corvéable à merci. Leur hostilité et leur inimitié concernent l’autre Islam, celui qui leur conteste leur prétention à l’autorité exclusive de diriger le monde et de le construire sur d’autres idéaux, valeurs et intérêts que les leurs; l’Islam progressiste qui proscrit le mal et prône le bien dans le monde; l’islam qui veut ouvrir une autre voie culturelle et instaurer d’autres modèles et valeurs dans l’économie, le commerce l’art et la pensée; l’Islam, qui veut faire avancer la science, les inventions et la technologie, mais à des fins autres que la conquête des territoires d’autrui et le contrôle de leurs ressources; l’Islam qui va au-delà de la réforme individuelle vers la réforme sociale, la réforme de la civilisation matérialiste actuelle et le changement global. Dans de telles arènes, il n’y a ni négociation, ni marchandage, ni compromis. Il y a la guerre acharnée, ouverte ou secrète, parfois même avec l’aide de clients locaux prétendument coreligionnaires.
En réaction, une prise de conscience caractérisée essentiellement par des actions d’arrière-garde et de résistance aux prétentions de la modernité laïque se fait jour, de part en part du monde musulman. Cette dynamique présente tous les attributs d’une lutte pour la survie de l’Islam, désormais seul porte-drapeau du monothéisme abrahamique.
L’avenir de l’Islam : entre réformation, déformation et renaissance
Le malaise et l’incertitude quant à la direction vers laquelle la civilisation islamique se dirige, ou est volontairement poussée, fournissent les fondements du flux de projets et de plans visant à « réformer » ou « revitaliser » l’Islam, et ce depuis le début du XIXe siècle et jusqu’à nos jours. Ces tentatives ininterrompues s’appuient toutes sur des schémas de « réinvention » de l’Islam au moyen de la sécularisation, de la libéralisation, de l’historicisation ou de la radicalisation de la compréhension que les Musulmans ont de leur religion.
Comme nous l’avons souligné précédemment, il n’y a pas de crise de croyance religieuse dans l’Islam comparable à celle qui a affecté le Christianisme en Occident d’une manière générale. Mais c’est loin d’affirmer que les graines d’une renaissance de la civilisation islamique sont là simplement parce que la plupart des Musulmans continuent de faire preuve d’un engagement extraordinaire envers leur religion. M. Allawi a raison de penser que la principale menace planant sur la civilisation islamique ne viendra pas de l’abandon massif de la foi religieuse. L’avenir de cette civilisation est davantage lié au succès ou à la disparition de l’Islam politique tel qu’il s’est manifesté durant les quarante dernières années.
En effet, la politisation extrême, interne et externe, de l’Islam et sa transformation en une idéologie d’accession et de maintien au pouvoir est sans aucun doute un changement crucial qui a influencé le cours de la vie des États et des peuples musulmans, mais aussi leur relation au monde entier. Le succès de l’islam politique peut paradoxalement, selon Allawi, s’avérer être le « coup de grâce » porté à cette civilisation. Car cela éliminera, une bonne fois pour toutes, la possibilité que la voie politique puisse jamais être la base pour remodeler les éléments d’une nouvelle forme de civilisation islamique. À bien des égards, le recours à la violence et au terrorisme au nom de l’islam confirme la disparition de cette civilisation de la conscience des terroristes et de leurs partisans locaux et étrangers.
Malgré sa prédominance dans les calculs des décideurs et dans l’imaginaire public, l’islam politique n’est qu’un aspect du problème global de l’islam dans le monde moderne. De la même manière, les péripéties de l’Islam politique ne sont qu’un symptôme parmi d’autres de la maladie qui affecte cette civilisation. Et le fait que l’islamisme ait reçu la part du lion de l’attention ne fait pas automatiquement de ses leaders et idéologues les arbitres de l’Islam lui-même.
Par conséquent, ce sur quoi il importe de se pencher c’est de déterminer les racines profondes de la crise et d’y remédier. En particulier, il est crucial de découvrir si l’apparente inadéquation de l’Islam avec le monde moderne est intrinsèque à la religion elle-même ou est due à d’autres facteurs, y compris la décomposition progressive de ses forces vitales. L’ancien Premier ministre de Malaisie, Mahathir Bin Muhammad, qui a grandement contribué au développement de son pays, a suggéré une piste qui pourrait bien servir de « feuille de route » particulièrement intéressante à ce sujet. Ainsi, s’adressant aux participants de la 3ème Conférence internationale sur la Pensée islamique, tenue à Kuala Lumpur en mai 1984, il dit: « Si les musulmans veulent vraiment un ordre social islamique, alors ils doivent examiner chaque aspect de la vie moderne du point de vue de l’islam et apporter les corrections nécessaires (…) Ensuite, ils devraient intégrer les nouvelles connaissances dans le corpus de l’héritage islamique en éliminant, réinterprétant et adaptant ses composantes selon la vision du monde de l’Islam ».
Le débat sur ce thème est inépuisable et les opinions exprimées par les Musulmans eux-mêmes sont souvent diamétralement opposées. Il en est ainsi de deux contributions récentes. Si pour la chercheuse tunisienne Hela Ouardi11 «L’islam est une religion totalement anachronique, enfoncée dans un piège temporel et n’arrive pas à trancher le fil de la mythologie qui lui permettrait d’entrer dans la modernité », il en est tout autrement pour le chercheur suisse d’origine marocaine Réda Benkirane12 qui considère que « paradoxalement, ce qu’on perçoit comme un retour du religieux est en réalité une sortie de l’islam. Cette ‘sortie’ essentialise l’accessoire (le paraître, l’habit, les normes) et accessoirise l’essentiel (l’articulation de la raison et de la foi). Tout ce qui se joue depuis un demi-siècle concourt à une sécularisation turbulente de l’islam (…) L’instrumentalisation de la religion à des fins politiques a été le fait d’États séculiers occidentaux et de pétromonarchies arabes ».
En vérité, ce que les réformateurs et les critiques de l’Islam n’ont pas suffisamment compris ou admis, c’est que « la dimension spirituelle de l’Islam a imprégné l’intégralité de sa civilisation ». C’est là l’élément caractéristique le plus important de cette religion particulière, celle-là même que les Musulmans tiennent pour parfaite et définitive, surtout quant à la réalité transcendante qui est au cœur de son message. Dans l’interprétation de la vision du monde de l’Islam, le but de toute connaissance doit être de « rechercher, trouver et affirmer la base divine de toute pensée et actions justes » tel qu’induit par le verset Coranique13: « Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela (le Coran) la vérité. Ne suffit-il pas que ton Seigneur soit témoin de toute chose ? ». Par ailleurs, la dichotomie nette entre le sacré et le profane contenue dans l’affirmation biblique « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » n’y trouve aucune place si elle « déspiritualise les fondements de l’action individuelle et collective ».
Ce sont les considérations précitées qui ont fait la spécificité de l’Islam, son alpha et oméga, qui ont permis la naissance puis la grandeur de sa civilisation et qui conditionnent le succès de toute entreprise de « renaissance » visant la régénération individuelle et sociétale de l’Islam dans le monde moderne. Sans quoi, ce que M. Allawi appelle « la dernière crise » de la civilisation de l’Islam pourrait induire une sécularisation de l’Islam, synonyme de réduction de son domaine à la sphère privée, en tant que foi individuelle ou, au mieux, une foi communautaire. Une telle évolution ne manquerait évidemment pas d’ajouter l’Islam aux autres religions non établies dans le monde moderne et, avec le temps, sa singularité disparaîtra, et avec elle toute possibilité que son expression extérieure ait un impact sérieux sur le monde en général. Il perdrait alors définitivement toute prétention qu’il pourrait avoir à être « l’incubateur d’une forme unique de civilisation future ». Quant aux Musulmans pris individuellement, ils feraient alors partie d’un monde qui ne porterait aucune empreinte de leur religion, tandis que le modèle de « l’homme prométhéen, défiant héroïquement les dieux et ne tolérant aucune limite à ses désirs et à leur accomplissement », ferait un pas supplémentaire vers sa propre perdition. Au total, le « réveil » islamique tant annoncé ces derniers temps ne serait pas un prélude à la renaissance de la civilisation islamique, mais « un nouvel épisode de son déclin » et l’acte final de la fin d’une civilisation jadis resplendissante mais qui aurait ainsi, elle aussi, à Dieu ne plaise, chanté l’hymne du cygne.
Cette conclusion fondamentale à laquelle aboutit Ali Allawi et que nous reprenons à notre compte entièrement, est la même que celle formulée, cinquante ans avant lui, par Malek Bennabi dans la version arabe originale de son livre passionnant et époustouflant d’érudition paru en 1971 au Caire sous le titre « Le problème des idées dans le monde musulman ». Le monde musulman, y écrit-il, émerge de l’ère post-almohadienne depuis le siècle dernier sans toutefois retrouver encore son assiette ; comme un cavalier qui a perdu l’étrier et ne parvient pas encore à le reprendre, il cherche son nouvel équilibre. Sa décadence séculaire, ajoute-t-il, qui l’avait condamné à l’inertie, à l’apathie, à l’impuissance et à la colonisabilité, a conservé néanmoins ses valeurs plus ou moins fossilisées. Il débouche dans cet état sur un XXe siècle au sommet de la puissance matérielle où toutes les forces morales ont commencé à lâcher dès la Première Guerre mondiale.
Après avoir examiné les tenants et les aboutissants de ce long processus de décadence, Bennabi avertit que le monde musulman -et plus particulièrement une grande partie de ses « élites »– est emporté par des idées contradictoires, celles qui le mettent face-à-face avec les problèmes de la civilisation technologique sans le mettre en contact avec ses racines, et celles qui le relient à son propre univers culturel sans le mettre tout à fait en contact avec ses archétypes, malgré les efforts méritoires de ses Réformateurs. Il risque de ce fait, « par engouement ou en glissant sur des glissoires mises sur ses pas de se laisser entraîner dans les ‘idéologies’ modernes juste au moment où elles consomment leur faillite en Occident où elles sont nées ». On ne fait pas l’Histoire, affirme-t-il avec assurance, en emboîtant le pas aux autres dans tous les sentiers battus, mais en ouvrant de nouveaux sentiers ; ceci n’est possible qu’avec « des idées authentiques qui répondent à tous les problèmes de la croissance d’une société qui doit se reconstruire ».
Pendant des siècles, la civilisation de l’Islam a souvent été secouée par de puissants courants contraires. Les croisades, l’invasion mongole, la colonisation puis l’impérialisme occidentaux et, aujourd’hui, le mouvement intense de la mondialisation en auront été les plus marquants. Elle a tout aussi souvent plié sous leurs coups de boutoir, mais elle n’a jamais rompu. Bien au contraire, son apport à la civilisation universelle et à la construction de l’Ancien et du Nouveau monde est indéniable. Les hauts faits jalonnant la chronique de ce rôle, notamment durant la période de l’Empire ottoman, ont récemment fait l’objet d’un livre remarquable écrit par Alan Mikhail, Professeur d’histoire à l’Université américaine Yale, sous le titre « L’ombre de Dieu : Le Sultan ottoman qui a façonné le monde moderne »14. Dans l’introduction de ce récit présentant une image nouvelle et holistique des cinq derniers siècles et démontrant le rôle constitutif de l’Islam dans la formation de certains des aspects les plus fondamentaux de l’histoire de l’Europe, des Amériques et des États-Unis, il affirme que « si nous ne plaçons pas l’Islam au centre de notre compréhension de l’histoire du monde, nous ne comprendrons jamais pourquoi les «tueurs des Maures » (Matamoros)15 sont célébrés à la frontière entre le Texas et le Mexique, ou plus généralement, pourquoi nous avons aveuglément, et à plusieurs reprises, raconté des histoires qui ignorent les principaux traits de notre passé commun. Alors que nous faisons la chronique de Selim et de son époque, une nouvelle histoire mondiale audacieuse émerge, une histoire qui renverse les antiennes qui ont régné pendant un millénaire », avant d’asséner : « Que cela plaise ou non aux politiciens, aux experts et aux historiens traditionnels, le monde dans lequel nous habitons est très ottoman ».
Amir Nour
Chercheur algérien en relations internationales, auteur du livre « L’Orient et l’Occident à l’heure d’un nouveau SykesPicot », publié aux éditions Alem El Afkar, Alger, 2014.
Notes
- Malek Bennabi (1905 – 1973) est un penseur et écrivain qui avait consacré la majeure partie de sa vie à observer et à analyser l’Histoire pour comprendre les lois générales qui sous-tendent la naissance, l’essor et la chute des civilisations. Il est surtout connu pour avoir inventé le concept de « colonisabilité » (l’aptitude intérieure à être colonisé) et même la notion de « mondialisme ». ↩
- Gilles Bertrand, «Ordre international, ordre mondial, ordre global», Revue internationale et stratégique 2004/2 (N°54). ↩
- Bertrand Piettre, « Ordre et désordre : Le point de vue philosophique », 1995. ↩
- Rand Corporation, « Understanding the Current International Order », 201 ↩
- Henry Kissinger « Word Order » (l’ordre du monde, dans la traduction française), Penguin Press, New York, 2014. ↩
- Lire la transcription du discours: “Remarks by President Joe Biden on the End of war in afghanistan”, The white House, WH.GOV, August 31, 2021 ↩
- Ali A. Allawi, « The Crisis of Islamic Civilisation », Yale University Press, New Have ↩
- Selon une étude menée en avril 2015 par le Pew Research Center, intitulée « The Future of World Religions : Population Growth Projections, 2010-2050 », « Les Musulmans sont le groupe religieux enregistrant la croissance la plus rapide. Il est prévu que la population musulmane passe de 1,6 milliard de personnes (23 % de la population mondiale en 2010) à 2,76 milliards de personnes (30 % de la population mondiale en 2050). Les projections prévoient que les Musulmans et les Chrétiens seront à peu près en nombre égal vers 2070 ; au-delà de cette année, les Musulmans en tant que groupe religieux seront légèrement plus nombreux ». ↩
- Lire à ce propos, l’analyse de Jean Pierre Proulx « Il y a 50 ans : Vatican II. Le Concile qui a bouleversé l’Eglise », Le Devoir, 22 décembre 2012 et l’interview réalisée par l’historien Guillaume Cuchet, parue dans « Aleteia » le 18 septembre 2021, sous le titre : « Le catholicisme aura l’avenir qu’on voudra bien lui donner » ↩
- Ralph Peters, « Blood Borders : How a Better Middle East Would look », in Armed Forces Journal, juin 2006. ↩
- Lire: Hela Ouardi, « L’Islam n’arrive pas à trancher le fil de la mythologie qui lui permettrait d’entrer dans la modernité », Le Monde des religions, 19 septembre 2021. ↩
- Lire: Hela Ouardi, « L’Islam n’arrive pas à trancher le fil de la mythologie qui lui permettrait d’entrer dans la modernité », Le Monde des religions, 19 septembre 2021. ↩
- Sourat Fussilat, verset 53. ↩
- Alan Mikhail, « God’s Shadow : The Ottoman Sultan who shaped the modern world », W.W. Norton & Company, New York, 2020. ↩
- « Matamoros » est le nom d’une ville mexicaine située à la frontière avec le Texas; il a été donné par les Espagnols catholiques pour qui il était du devoir de tout soldat catholique d’être un « tueur de Maures ». ↩