La revue de presse du 5 février 2024


Par Wayan – le 5 février 2024 – Le Saker Francophone

La véritable nouvelle de la semaine, c’est tout au moins ainsi qu’elle sera vue avec le recul du temps, est la désinvolture avec laquelle le verdict de la Cour de Justice Internationale a été prise par le monde occidental. C’est bien pour cela que vous ne lirez cette nouvelle dans aucun média grand public occidental. Le monde occidental est en train de devenir un « hors la loi » devant le reste du monde, sans même le réaliser vraiment, perdant ainsi encore plus de sa crédibilité.

« AU COURS DE LA SEMAINE qui s’est écoulée depuis que la Cour internationale de Justice a statué que le gouvernement israélien commettait de manière plausible un génocide et lui a ordonné de prévenir d’éventuels nouveaux actes de génocide, les forces israéliennes n’ont fait que continuer à commettre des atrocités contre les Palestiniens.

Fortes du soutien constant des responsables américains, les forces israéliennes ont tué au moins 874 Palestiniens et blessé au moins 1 490 personnes à Gaza depuis la décision de la CIJ de la semaine dernière, selon les chiffres du ministère palestinien de la Santé du samedi 27 janvier au vendredi 2 février, sans parler des autres actes de violence israélienne en Cisjordanie occupée et à Jérusalem…

…Des clips vidéo et des reportages de la semaine dernière soulignent l’horreur persistante. Une fosse commune contenant 30 corps menottés, les yeux bandés et exécutés a été retrouvée dans une école du nord de Gaza. Une fillette de 6 ans à Gaza a vu les forces israéliennes tirer et tuer sa famille dans la voiture même dans laquelle elle se trouvait ; elle a apparemment survécu, mais on ignore désormais où elle se trouve. Un soldat israélien s’est filmé dans la ville de Khan Younis, faisant écho à la rhétorique de Netanyahu sur le récit biblique d’Amalek, où Dieu ordonne le meurtre de toute une société – des commentaires qui ont aidé les avocats sud-africains à démontrer l’intention génocidaire d’Israël. « Nous avons tué des dizaines de milliers d’Amalécites », y déclare le soldat. « La morale est de comprendre que tout Arabe est un suspect. »

Lors d’un raid sur un camp de réfugiés à Jérusalem occupée, les forces israéliennes ont enchaîné un Palestinien, l’ont forcé à enfiler une tenue militaire et l’ont utilisé comme bouclier humain, a rapporté Al Jazeera.

Mardi, des soldats israéliens habillés en personnel médical ont envahi un hôpital en Cisjordanie et ont exécuté trois Palestiniens en leur tirant « à bout portant » dans la tête. L’un d’eux était hospitalisé depuis près de quatre mois après avoir été paralysé par des fragments de missile provenant d’un drone israélien. Les Palestiniens qui ont été libérés d’une prison israélienne jeudi ont partagé des témoignages troublants d’humiliations à l’intérieur, leurs corps portant des traces de torture. Et dans un clip apparu cette semaine, on voit un soldat israélien forcer un bus rempli de Palestiniens kidnappés à féliciter sa famille et à dire qu’ils seront les esclaves de sa famille.

En arrière-plan des atrocités perpétrées à Gaza se trouve la misère plus large à laquelle est confrontée l’ensemble de la population. La BBC a noté que la plus grande préoccupation de l’UNICEF concerne « les 19 000 enfants qui sont orphelins ou qui se retrouvent seuls, sans adulte pour s’occuper d’eux ». CNN a rapporté que les Palestiniens mangent de l’herbe et boivent de l’eau polluée dans un contexte de famine. Le Guardian a rapporté que 50 à 62 pour cent de tous les bâtiments de Gaza ont été endommagés ou détruits. »

« Israël a ignoré la décision rendue la semaine dernière par le plus haut tribunal de l’ONU en tuant des centaines de civils supplémentaires en quelques jours à Gaza, a déclaré mercredi le ministre sud-africain des Affaires étrangères, ajoutant que son pays avait demandé pourquoi un mandat d’arrêt était émis contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’a pas été délivré dans une affaire déposée par l’Afrique du Sud auprès de la Cour pénale internationale distincte.

La ministre des Affaires étrangères Naledi Pandor a déclaré que l’Afrique du Sud « envisagerait de proposer d’autres mesures à la communauté mondiale » dans le but d’empêcher Israël de tuer des civils lors de sa guerre à Gaza contre les militants du Hamas, mais n’est pas entrée dans les détails. »

Un courage que certains veulent faire payer à l’Afrique du sud :

« Le gouvernement sud-africain a affirmé qu’il était confronté à des campagnes de déstabilisation menées par des agences de renseignement étrangères en guise de représailles pour avoir osé lancer une procédure de génocide contre Israël devant la Cour internationale de Justice (CIJ).

La ministre de la Sécurité du pays, Khumbudzo Ntshavheni, a déclaré que son agence avait été mise en état d’alerte pour faire face à l’ingérence étrangère, alors que le pays se prépare à organiser des élections nationales plus tard cette année. « Il existe des campagnes internationales de désinformation qui visent à déstabiliser le pays », a-t-elle déclaré aux journalistes jeudi à Pretoria. « En tant que cluster sécurité, nous sommes très concentrés sur ce travail. Nous surveillons et nous renforçons nos capacités. »

Le coup de poignard occidental dans le dos palestinien, et le signe indubitable de complicité dans ce crime, est la rupture du financement de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, comme nous l’avons déjà vu la semaine dernière. Mais ce n’est pas le seul indice de complicité :

« Depuis le début de la guerre, les États-Unis ont ainsi livré plus de 10.000 tonnes de matériel militaire à Israël. L’Allemagne a multiplié par dix ses livraisons d’armes. Le magazine Der Spiegel vient en outre de révéler que Berlin s’apprêtait à envoyer quelque 10.000 obus de 120 millimètres. Même la Belgique qui tente d’adopter une position plus mesurée dans le concert des nations européennes a été prise la main dans le sac : 16.000 tonnes de poudre à munition exportées vers Israël. Quant à la France, mystère ! Si l’on sait que 15,3 millions d’euros d’armement ont été vendus en 2022 selon les derniers chiffres officiels, le ministre des Armées se montre plus circonspect sur les livraisons depuis le début de la guerre. Fidèle à la doctrine du « en même temps » de son patron Macron, Sébastien Lecornu indique que la France « n’exporte pas et n’exportait pas avant les événements dramatiques du 7 octobre de matériels létaux susceptibles d’être employés contre des populations civiles dans la bande de Gaza ». Mais en même temps, Lecornu reconnaît que la France « exporte des équipements militaires à Israël afin de lui permettre d’assurer sa défense, comme l’article 51 de la Charte des Nations unies lui en donne le droit. »

Comme feuille de vigne cachant son évidente complicité active, Biden a pris une décision :

« WASHINGTON (AP) — Le président Joe Biden a publié jeudi un décret ciblant les colons israéliens de Cisjordanie qui ont été accusés d’avoir attaqué des Palestiniens et des militants pacifistes israéliens dans le territoire occupé, imposant des sanctions financières et des interdictions de visa dans un premier temps contre quatre personnes.

Ces colons ont été impliqués dans des actes de violence, ainsi que dans des menaces et des tentatives de destruction ou de saisie de biens palestiniens, selon l’ordre. Les sanctions visent à empêcher ces quatre personnes d’utiliser le système financier américain et à empêcher les citoyens américains de traiter avec eux. Les responsables américains ont déclaré qu’ils évaluaient l’opportunité de punir les autres personnes impliquées dans les attaques qui se sont intensifiées pendant la guerre entre Israël et le Hamas. »

Pas un des dirigeants israéliens ayant des discours extrémistes et cités dans le verdict de la CJI n’est visé, seulement quatre colons alors qu’ils sont des centaines de milliers.

Pendant ce temps, la guerre qui ne dit pas son nom continue. Les représailles pour la mort de 3 soldats étasuniens, la semaine dernière, sont lancées :

« L’armée américaine a riposté vendredi soir contre l’Iran et ses mandataires en Syrie et en Irak en représailles à une attaque de drone le week-end dernier qui a tué trois soldats de l’armée américaine en Jordanie, a annoncé le Pentagone.

Les frappes ont commencé à 16 heures ET – deux heures après la conclusion d’une cérémonie en l’honneur des trois soldats à la base aérienne de Dover dans le Delaware – et furent rapide. Les forces américaines qui ont mené l’opération étaient revenues en sécurité 40 minutes après leur départ.

« De nombreux avions, dont des bombardiers B-1 envoyés depuis les Etats-Unis, ont participé à cette opération, tirant plus de 125 munitions à guidage de précision en 30 minutes environ », a déclaré à la presse le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby.

L’opération visait la Résistance islamique en Irak, un groupe de milices soutenues par Téhéran – dont le Kataib Hezbollah – qui a mené l’attaque meurtrière de dimanche.

Les États-Unis ont également ciblé une branche du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) spécialisé dans le renseignement militaire et la guerre non conventionnelle. C’est la première fois que les États-Unis entreprennent une action militaire directe contre les forces officielles de Téhéran depuis que les filiales iraniennes ont commencé à attaquer les troupes américaines en novembre.

Au total, les forces américaines ont frappé plus de 85 cibles dans sept installations en Irak et en Syrie, notamment des centres de commandement et de contrôle, des quartiers généraux, des centres de renseignement, des installations de stockage de missiles et de drones, ainsi que des installations de logistique, de munitions et de chaîne d’approvisionnement. »

Bien sûr, l’Iran rétorque.

« L’Iran a menacé mercredi de « répondre de manière décisive » à toute attaque américaine contre la République islamique après que le président Joe Biden ait lié Téhéran à l’assassinat de trois soldats américains dans une base militaire en Jordanie. »

De son coté, Israël prévient que le Liban « c’est pour bientôt ».

« Les troupes israéliennes « entreront très bientôt en action » près de la frontière nord du pays avec le Liban, a déclaré ce soir le ministre de la Défense Yoav Gallant, alors que les tensions augmentent à cause de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza.

Gallant a déclaré aux troupes près de la frontière avec la bande de Gaza que d’autres étaient déployées dans le nord d’Israël.

« Ils entreront très bientôt en action… afin que les forces dans le Nord soient renforcées », a déclaré Gallant. »

Alors les militaires étasuniens se préparent à venir à la rescousse.

« Une note au personnel de l’US Air Force obtenue en janvier par The Intercept décrit les ordres militaires d’être « en attente de déploiement pour soutenir les troupes dans le cas d’une implication terrestre des États-Unis dans la guerre contre le Hamas en Israël ». Selon un document personnel distinct, l’ordre de mise en attente concernait le personnel déployé l’année dernière en Irak.

Bien que les documents ne suggèrent pas qu’une implication militaire américaine dans la guerre soit imminente, le mémo de janvier est la dernière indication en date des préparatifs du Pentagone pour soutenir Israël à la suite de l’attaque du Hamas du 7 octobre. Quelques jours après l’attaque, l’armée américaine aurait placé 2 000 soldats sur ordre de préparation au déploiement en vue d’un soutien potentiel à Israël, mais en provenance des pays voisins – ordres qui ont été confirmés par un document d’achat obtenu par The Intercept. »

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En Ukraine le combat des chefs, qui couve depuis l’échec de la contre-offensive, prend une telle ampleur que les médias grand public sont obligés d’en parler. Zelenski contre son chef des armées, Zaluzhny.

« Le populaire chef de l’armée ukrainienne, Valery Zaluzhny, a été convoqué lundi à une réunion au bureau du président et lui a dit qu’il allait être limogé, ont déclaré à CNN deux sources proches du dossier, après des semaines de spéculations croissantes sur les tensions entre Volodymyr Zelensky et son commandant en chef.

Aucune annonce officielle n’a été faite, ce qui signifie que Zaluzhny était toujours en poste mercredi soir. Cependant, un décret présidentiel est attendu d’ici la fin de la semaine, a déclaré l’une des sources à CNN, dans ce qui serait le plus grand remaniement militaire depuis le début de l’invasion russe à grande échelle il y a près de deux ans.

Les rumeurs de la réunion et du limogeage de Zaluzhny ont explosé autour de Kiev lundi soir, ce qui a donné de la crédibilité à un fossé qui s’est largement ouvert entre le président et son commandant en chef après l’échec de la contre-offensive ukrainienne l’année dernière.

Lundi, le porte-parole présidentiel Serhiy Nykyforov a déclaré à CNN et à d’autres que les rumeurs sur le limogeage du chef de l’armée étaient fausses. Le ministère de la Défense a également publié un message sur ses réseaux sociaux : « Chers journalistes, une réponse immédiate à tout le monde : non, ce n’est pas vrai ».

Et dans son discours quotidien du soir de lundi, Zelensky lui-même n’a fait aucune référence à son chef de l’armée. »

Le brouillard de guerre recouvre le gouvernement de Kiev.

Un des noms mis en avant par la presse ukrainienne pour remplacer Zaluzhny est Bodanov, l’actuel chef des renseignements.

« Le général Kyrylo Budanov, chef du renseignement militaire ukrainien (HUR), a parlé à CNN dans une interview exclusive. Malgré les inquiétudes du public concernant l’épuisement des troupes ukrainiennes, la supériorité de la Russie en matière de production militaire nationale et l’absence de fin de match claire et prévue, il a continué à exprimer sa confiance habituelle dans une victoire complète de l’Ukraine sur la Russie.

« L’établissement de la justice – c’est ainsi que cela se terminera », a-t-il déclaré, ajoutant : « Les six prochains mois seront intéressants, cette période marquant la fin de l’avancée actuelle de la Russie sur les lignes de front. »

Dans une interview accordée à CNN, le chef du renseignement ukrainien a déclaré que les forces militaires de Kiev avaient l’intention d’intensifier la fréquence des frappes contre les infrastructures russes. »

Un optimisme qui doit plaire à Zelenski, mais un optimisme complétement irréaliste qui promet un réveil encore plus difficile. Comme l’armée terrestre est embourbée sur la ligne de front, Bodanov plaide pour la « tactique du moustique ». Piquer puis fuir, repiquer puis fuir, jusqu’à rendre la Russie dingue.

« Il existe un plan « hypothétique » visant à augmenter le nombre de frappes ukrainiennes contre des infrastructures critiques et des installations militaires russes en Russie, a déclaré le chef du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Budanov, dans une interview à CNN publiée le 31 janvier.

De multiples frappes de drones sur des dépôts pétroliers en Russie ont été signalées en janvier, notamment dans les oblasts de Krasnodar, Briansk, Orel et Léningrad. Kiev ne commente souvent pas les attaques présumées en Russie.

Boudanov n’a pas non plus explicitement reconnu la responsabilité de l’Ukraine dans la récente vague de frappes en Russie, mais a déclaré qu’il était « tout à fait possible » que l’Ukraine soit impliquée.

Il a ajouté qu’il existe un plan « hypothétique » visant à augmenter le rythme de telles frappes, incluant potentiellement « toutes les principales infrastructures critiques et les infrastructures militaires de la Fédération de Russie ».

Au-delà de l’impact sur la capacité militaire et l’infrastructure industrielle de la Russie, les frappes exposent les civils russes à la réalité d’une guerre à grande échelle, a déclaré Boudanov.

Ils voient finalement « la vraie image (de la guerre). Ils voient des dépôts pétroliers en feu, des bâtiments détruits dans des usines et des usines détruites, etc. Tout cela est bénéfique ». »

Tactique déjà en application depuis un moment :

« Deux drones d’attaque ukrainiens ont frappé samedi la plus grande raffinerie de pétrole du sud de la Russie, a déclaré à Reuters une source à Kiev, détaillant la dernière d’une série d’attaques à longue portée contre des installations pétrolières russes.

Les autorités locales russes ont déclaré plus tôt qu’un incendie avait été éteint à la raffinerie de Volgograd à la suite d’une attaque de drone. Le producteur de pétrole Lukoil (LKOH.MM), qui possède la raffinerie, a déclaré plus tard que l’usine fonctionnait normalement. »

…..

« Le bilan des victimes d’une frappe de missile ukrainien sur la ville de Lisichansk dans la République populaire de Lougansk (RPL) en Russie s’est alourdi à 28 personnes, ont annoncé le chef par intérim de la région et les services d’urgence.

L’attaque contre une boulangerie s’est produite samedi en pleine période de pointe, détruisant partiellement le bâtiment. Des sources du Comité d’enquête russe ont déclaré aux médias que le bombardement avait probablement été effectué à l’aide d’un système de lancement de roquettes multiples HIMARS de fabrication américaine, fourni à Kiev par l’Occident.

« À la suite d’une frappe menée par les nationalistes ukrainiens contre une boulangerie, 28 civils ont été tués, dont un enfant », a écrit dimanche le chef par intérim de la LPR, Leonid Pasechnik, sur Telegram.

Dix personnes ont été sauvées des décombres, et « les médecins se battent actuellement pour sauver leur vie », a-t-il ajouté. »

Budanov ne précise pas ce qu’il prévoit de faire quand la Russie voudra écraser le moustique.

Parallèlement à cette « tactique du moustique », l’Ukraine cherche à renforcer sa défense :

« Alors que l’aide américaine et européenne à l’Ukraine est désormais sérieusement menacée, l’administration Biden et les responsables européens détournent discrètement leur attention du soutien à l’objectif de victoire totale de l’Ukraine sur la Russie pour améliorer sa position dans une éventuelle négociation visant à mettre fin à la guerre, selon un officiel de l’administration Biden et un diplomate européen basé à Washington. Une telle négociation signifiera probablement céder certaines parties de l’Ukraine à la Russie.

La Maison Blanche et le Pentagone insistent publiquement sur le fait qu’il n’y a pas de changement officiel dans la politique de l’administration – qu’ils soutiennent toujours l’objectif de l’Ukraine de forcer l’armée russe à quitter complètement le pays. Mais avec les Ukrainiens eux-mêmes, les responsables américains et européens discutent actuellement du redéploiement des forces de Kiev, loin de la contre-offensive largement ratée du président ukrainien Volodymyr Zelenskyy, vers une position défensive plus forte contre les forces russes à l’est, selon le responsable de l’administration et le diplomate européen, discussions confirmées par un haut responsable de l’administration. Cet effort implique également le renforcement des systèmes de défense aérienne et la construction de fortifications, d’obstructions avec des barbelés, d’obstacles antichar et de fossés le long de la frontière nord de l’Ukraine avec la Biélorussie, affirment ces responsables. En outre, l’administration Biden s’efforce de ressusciter rapidement l’industrie de défense ukrainienne afin de fournir les armes dont le pays a désespérément besoin et que le Congrès américain hésite à remplacer. »

Mais la situation domestique catastrophique de l’Ukraine rendra ce plan difficile :

« L’Ukraine a désormais le taux de fécondité total le plus bas au monde, avec une moyenne de 0,7 enfant par femme en âge de procréer, a révélé au Times un groupe de réflexion financé par le gouvernement. Ce manque d’enfants, aggravé par des morts violentes massives et l’exode de millions de réfugiés, a remis en question sa survie en tant que nation. Le tableau démographique semble sombre, estiment les scientifiques.

« L’espérance de vie des hommes est passée de 66-67 ans avant la guerre à 57-58 ans, selon les estimations de nos experts », explique Ella Libanova, directrice de l’Institut de démographie et d’études sociales de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine. Seuls le Tchad (54 ans), le Nigeria (54 ans), le Lesotho (55 ans) et la République centrafricaine (55 ans) ont une espérance de vie inférieure. »

Pour ceux qui pensent que le bloc occidental n’a rien à voir avec le conflit russo-ukrainien et que l’attaque contre l’Ukraine était « non provoquée », comme le serine la propagande médiatique, voici un rapport de la Rand corporation, daté de 2019, qui leur ouvrira peut-être les yeux.

« Cette note résume un rapport qui examine de manière approfondie les options non-violentes et coûteuses pour la Russie que les États-Unis et leurs alliés pourraient mettre en œuvre dans les domaines économique, politique et militaire pour mettre à rude épreuve – étendre et déséquilibrer – l’économie et les forces armées russes ainsi que la position politique du régime dans son pays et à l’étranger. »

S’ensuit une liste à la Prévert de mesures pour harasser la Russie. Voici le chapitre concernant les mesures géopolitiques :

« Mesures géopolitiques coûteuses pour la Russie

Fournir une aide meurtrière à l’Ukraine exploiterait le plus grand point de vulnérabilité extérieure de la Russie. Mais toute augmentation des armements militaires et des conseils américains à l’Ukraine devrait être soigneusement calibrée pour augmenter les coûts pour la Russie du maintien de son engagement actuel sans provoquer un conflit beaucoup plus vaste dans lequel la Russie, en raison de sa proximité, aurait des avantages significatifs.

Un soutien accru aux rebelles syriens pourrait mettre en péril d’autres priorités politiques américaines, telles que la lutte contre le terrorisme islamique radical, et risquer de déstabiliser davantage la région toute entière. En outre, cette option pourrait même ne pas être réalisable, compte tenu de la radicalisation, de la fragmentation et du déclin de l’opposition syrienne.

Promouvoir la libéralisation en Biélorussie ne réussira probablement pas et pourrait provoquer une réponse russe forte, qui entraînerait une détérioration générale de l’environnement de sécurité en Europe et un revers pour la politique américaine.

Il serait difficile d’élargir les liens dans le Caucase du Sud – pour concurrencer économiquement la Russie – en raison de la géographie et de l’histoire.

Réduire l’influence russe en Asie centrale serait très difficile et pourrait s’avérer coûteux. Il est peu probable qu’un engagement accru étende beaucoup la Russie sur le plan économique et serait probablement disproportionnément coûteux pour les États-Unis.

Renverser la Transnistrie et expulser les troupes russes de la région porterait un coup au prestige russe, mais cela permettrait également à Moscou d’économiser de l’argent et imposerait très probablement des coûts supplémentaires aux États-Unis et à leurs alliés. »

Ukraine, Syrie, Biélorussie, Asie Centrale, ces quatre tentatives de déstabilisation ont été appliquées, sans trop de réussite, comme en avertissait ce rapport, mais ont été tentées malgré tout, montrant que ce « rapport » est plus une feuille de route qu’un rapport. Seule la Transnistrie n’a pas encore été tentée mais son nom apparait régulièrement dans la bouche des dirigeants ukrainiens.

Parmi les « mesures économiques couteuses pour la Russie », voici un des chapitres :

« Imposer des sanctions commerciales et financières plus sévères risquera également de dégrader l’économie russe, surtout si ces sanctions sont globales et multilatérales. Leur efficacité dépendra donc de la volonté des autres pays de se joindre à un tel processus. Mais les sanctions entraînent des coûts et, selon leur gravité, des risques considérables. »

L’Europe continue donc à suivre ce plan :

« Actifs russes gelés : les Européens jettent les premiers jalons d’une confiscation

L’Union européenne est parvenue à un accord sur la première étape d’un plan visant à affecter à « la reconstruction de l’Ukraine » les revenus générés par les avoirs russes gelés. Les Européens ont trouvé un accord, le 29 janvier au soir, afin de confisquer au profit de l’aide à l’Ukraine les revenus générés par les avoirs russes gelés, a indiqué sur X (anciennement Twitter) la Belgique, qui assure la présidence tournante du Conseil de l’UE.

Depuis plusieurs mois, alors que l’aide des États-Unis à l’Ukraine s’essouffle, la Commission européenne lorgne sur la manne financière que représentent les fonds russes gelés au sein des 27 afin de financer son propre soutien à Kiev. Près de 191 milliards d’euros d’avoirs de la Banque centrale de Russie, gelés par l’UE dans le cadre des sanctions contre Moscou, sont gérés par Euroclear Bank (EB), un organisme international de dépôts de fonds basé en Belgique. Des avoirs qui, eux-mêmes, génèrent plusieurs milliards d’intérêts annuels. Selon l’accord auxquels sont parvenus les 27, ces intérêts « seront comptabilisés séparément et ne seront pas versés sous forme de dividendes aux actionnaires jusqu’à ce que les pays de l’UE décident à l’unanimité de la mise en place d’une « contribution financière au budget [de l’UE] qui sera collectée sur ces bénéfices nets pour soutenir l’Ukraine » », relate le Financial Times (FT), dans un article paru le 29 janvier. Si pour l’heure la confiscation de cet argent au profit de l’Ukraine est exclue, précise l’AFP, elle fera l’objet d’une nouvelle proposition de la Commission. Ce « prélèvement », affirme le quotidien financier britannique, qui cite alors un « projet de texte » européen, sera « conforme aux obligations contractuelles applicables, et conforme au droit [de l’UE] et international ». »

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Comme nous l’avons déjà vu, les médias grand public répètent inlassablement que l’économie chinoise va mal et que l’économie étasunienne ne va pas si mal, même très bien récemment :

« Un autre rapport sur l’emploi étonnamment bon montre que l’économie américaine est en plein essor »

Pourtant, le même jour un autre journal étasunien, plus spécialisé en économie, titrait :

« Pourquoi est-ce si dur de trouver un emploi aux Etats-Unis en ce moment ? »

Un autre titrait :

« L’économie américaine est en plein essor. Alors pourquoi les entreprises technologiques licencient-elles du personnel ? Google, Amazon, Microsoft et bien d’autres ont licencié des milliers de travailleurs en janvier, poursuivant ainsi une vague de licenciements qui a débuté en 2022. »

Ou celui-ci :

« Bienvenue dans l’ère des emplois médiocres

Le nouveau rapport sur l’emploi est excellent. Mais n’allez peut-être par chercher un nouveau poste en ce moment. »

Une économie peut-elle être schizophrénique ou serait-ce plutôt la manière elle est présentée ?

La population non plus ne semble pas très d’accord avec l’optimisme des médias grand public et du gouvernement étasunien :

« Il existe une énigme sur laquelle les économistes et les stratèges politiques réfléchissent depuis plus d’un an : l’économie est bonne, mais les Américains disent qu’elle est mauvaise.

Malgré toutes sortes de nouvelles positives sur l’inflation (elle ralentit), le marché du travail (le meilleur depuis une génération) et les dépenses de consommation (toujours robustes !), les Américains ne semblent pas pouvoir se débarrasser de leur désespoir, du moins lorsqu’ils répondent aux appels des sondeurs.

Dans un sondage CNN publié mardi soir, 72 % de tous les Américains estiment que les choses vont mal dans le pays aujourd’hui, et 66 % estiment que l’économie sera « extrêmement importante » lorsqu’il s’agira de décider pour qui voter l’année prochaine.

Mais seulement 2 % des électeurs estiment que l’économie est excellente, selon un autre sondage du New York Times et du Siena College publié plus tôt cette semaine. »

Ce qui montre les limites de la propagande. Faire croire à un peuple qui voit son niveau de vie baisser de jour en jour que l’économie est en pleine forme n’est pas si facile que cela ; un peuple qui, de plus, devient de plus en plus méfiant des manipulations auxquelles on le soumet.

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Plus haut nous avons vu le rapport de la Rand corporation prônant des techniques de harassement de la Russie qu’on peut observer sur le terrain. La Rand publie des rapports équivalents sur la Chine :

« Ce volume constitue une ressource importante pour quiconque souhaite acquérir une compréhension éclairée de la Chine, un concurrent stratégique majeur des États-Unis dans les domaines économique, technologique, diplomatique et sécuritaire. Ces défis gagnent en ampleur et en complexité et ne montrent aucun signe d’atténuation. Les États-Unis auront pour défi de suivre le rythme d’un concurrent aussi redoutable et ne peuvent espérer simplement dépenser plus que la Chine, comme ils ont pu le faire pendant la guerre froide. Pour protéger leurs intérêts et préserver leur influence mondiale, les États-Unis auront besoin de stratégies efficaces, d’alliances solides, de concepts opérationnels innovants et de capacités militaires avancées. »

Observations de terrain :

« Lorsque les troupes américaines et australiennes ont pratiqué des débarquements amphibies, des combats terrestres et des opérations aériennes l’été dernier, elles ont fait la une des journaux sur l’approfondissement de la coopération en matière de défense par les alliés pour contrer les ambitions militaires croissantes de la Chine.

Mais pour les planificateurs de guerre américains se préparant à un conflit potentiel autour de Taïwan, les exercices très médiatisés Talisman Sabre avaient une valeur bien plus discrète : ils ont contribué à créer de nouveaux stocks d’équipement militaire qui ont été laissés en Australie après la fin des exercices en août, ont déclaré des responsables américains à Reuters.

L’équipement de Talisman Saber comprenait environ 330 véhicules et remorques ainsi que 130 conteneurs dans des entrepôts à Bandiana, dans le sud-est de l’Australie, selon l’armée. »

….

« Les pirates informatiques chinois se concentrent sur les infrastructures pour « faire des ravages et causer des dommages réels aux citoyens et aux communautés américaines », a déclaré Christopher Wray, directeur du Federal Bureau of Investigation, aux législateurs lors d’une audience à la Chambre des représentants des États-Unis mercredi.

Les remarques de Wray interviennent quelques heures après que le FBI, en partenariat avec l’Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures (CISA) du Département américain de la sécurité intérieure, ait identifié et désactivé « des centaines de routeurs » piratés par un groupe connu sous le nom de Volt Typhoon, qui, selon les agences de sécurité américaines, serait financé par l’État chinois.

Il a ajouté que l’opération faisait partie de la stratégie de Pékin visant à « trouver et se préparer à détruire ou à dégrader les infrastructures civiles critiques qui assurent notre sécurité et notre prospérité ».

Voilà comment le FBI entretient à peu de frais l’image du grand méchant loup chinois. Quel intérêt aurait la Chine à vouloir « détruire les infrastructures civiles des Etats-Unis ». Si la Chine voulait vraiment faire grand tort aux Etats-Unis, elle a un moyen radical et immédiat de le faire, sans faire de morts et dans le respect des règles internationales. Il lui suffit de vendre rapidement ses 860.000 milliards de $ d’obligations gouvernementales étasuniennes, provoquant ainsi la faillite financière du gouvernement des Etats-Unis. Mais pourquoi provoquer la faillite d’un bon client, ce serait stupide.

Voici d’ailleurs sa réponse aux accusations du FBI, dont la réputation de manipulateur n’est plus à faire :

« Cette année est l’année de l’élection présidentielle américaine et les sujets négatifs concernant la Chine seront encore amplifiés et intensifiés. Cependant, outre les facteurs électoraux, les gens peuvent voir d’un coup d’œil que les deux extrémités du « pôle d’équilibre » entre les États-Unis et la Chine se déplacent progressivement, l’extrémité rationnelle envers la Chine raccourcissant et l’extrémité irrationnelle envers la Chine s’allongeant. Une manifestation majeure de ce phénomène est l’innovation et l’amélioration continues de la « théorie de la menace chinoise », qui contamine l’atmosphère et l’environnement décisionnel à l’égard de la Chine, entraînant une politique américaine de plus en plus déséquilibrée à l’égard de la Chine, au point même d’en perdre le contrôle. Cela représente un risque important pour les États-Unis, la région Asie-Pacifique et le monde.

Pourquoi les responsables et hommes politiques américains comme Christopher Wray travaillent-ils si dur pour créer et diffuser la « théorie de la menace chinoise » ? Les raisons sont multiples. Par exemple, les événements les plus fréquents se déroulent souvent au Congrès américain, à la fois parce que le Congrès est devenu un lieu de rassemblement pour les politiciens anti-chinois et parce que le Congrès contrôle les cordons de la bourse. Utiliser la « menace chinoise » comme un stratagème est le meilleur moyen d’obtenir des financements. De plus, certains individus projettent leur monde intérieur sur la Chine. Il y a aussi ceux qui ont développé une illusion à propos de la Chine, selon laquelle tout ce qui touche au mot « Chine » devient un « monstre terrifiant » contre lequel il faut se prémunir. Cela est le résultat d’un manque extrême de confiance, d’anxiété et même d’illusion face au développement rapide de la Chine. »

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Nous finirons sur un texte expliquant les tenants et aboutissants de la décision de la CIJ sur le génocide des palestiniens :

« Le droit international a-t-il survécu ou la classe politique occidentale l’a-t-il tué ?

Craig Murray, 28 janvier 2024. En concluant à l’existence d’un dossier plausible contre Israël, la Cour internationale de Justice a traité avec mépris l’argument d’Israël selon lequel l’affaire devait être classée car il exerçait son droit à la légitime défense.

Cet argument a constitué plus de la moitié des plaidoiries d’Israël. Non seulement la Cour a conclu qu’il y avait un cas plausible de génocide, mais elle n’a mentionné la légitime défense qu’une seule fois dans sa décision provisoire – seulement pour noter qu’Israël l’avait revendiquée (paragraphe 41) :

« […] étant donné que l’objet de mesures conservatoires est de sauvegarder les droits de chacune des parties, la Cour doit, dans la présente affaire, prendre en considération et « concilier » les droits de l’Afrique du Sud et ceux d’Israël. Le défendeur souligne qu’il a la responsabilité de protéger ses citoyens, notamment ceux qui ont été enlevés et pris en otages pendant l’attaque menée le 7 octobre 2023. En conséquence, il soutient que son droit à la légitime défense est un élément essentiel aux fins de toute appréciation de la présente situation. »

Que la CIJ n’ait pas affirmé le droit d’Israël à la légitime défense est peut-être le point le plus important de cette ordonnance provisoire. Contre toute attente, l’argument utilisé par tous les dirigeants occidentaux n’a pas été évoqué par la CIJ.

Or, la CIJ n’a pas répété qu’une puissance occupante n’a pas le droit de se défendre. Ce n’était pas nécessaire. Elle a simplement ignoré l’affirmation spécieuse d’Israël.

Elle a pu le faire parce que ce qu’elle a répété va bien au-delà de toute affirmation plausible de légitime défense. Ce qui m’a le plus frappé dans la décision de la CIJ, c’est que l’ordonnance est allée beaucoup plus loin dans le détail des preuves de génocide qu’il était nécessaire. Sa description est rigoureuse.

À cet égard, le paragraphe 46 est crucial :

  1. La Cour note que l’opération militaire conduite par Israël à la suite de l’attaque du 7 octobre 2023 a fait de très nombreux morts et blessés et causé la destruction massive d’habitations, le déplacement forcé de l’écrasante majorité de la population et des dommages considérables aux infrastructures civiles. Même si les chiffres relatifs à la bande de Gaza ne peuvent faire l’objet d’une vérification indépendante, des informations récentes font état de 25 700 Palestiniens tués, de plus de 63 000 autres blessés, de plus de 360 000 logements détruits ou partiellement endommagés et d’environ 1,7 million de personnes déplacées à l’intérieur de Gaza (voir Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’Organisation des Nations Unies (OCHA), Hostilities in the Gaza Strip and Israel – reported impact, Day 109 (24 Jan. 2024)).

La raison pour laquelle ce point est si important, c’est que la Cour ne dit pas que l’Afrique du Sud affirme cela. Elle dit que ce sont là les faits. Il s’agit d’une constatation de faits de la part de la Cour. Je ne saurais trop insister sur l’importance de cette description par la Cour de la situation à Gaza.

La Cour poursuit en détaillant les comptes rendus des Nations Unies sur la situation factuelle, citant longuement trois hauts fonctionnaires différents, dont Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) :

« 49. La Cour prend également note de la déclaration faite par le commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), M. Philippe Lazzarini, le 13 janvier 2024 :

« Cela fait 100 jours que cette guerre dévastatrice a commencé, tuant et déplaçant les habitants de Gaza, à la suite des attaques effroyables que le Hamas et d’autres groupes ont menées contre des habitants d’Israël. 100 jours de supplice et d’angoisse pour les otages et pour leurs familles.

Ces 100 derniers jours, le bombardement sans interruption de la bande de Gaza a provoqué le déplacement massif d’une population toujours sur le départ, constamment déracinée et forcée de partir du jour au lendemain, pour se rendre dans des endroits qui sont tout aussi dangereux. C’est le plus grand déplacement du peuple palestinien depuis 1948.

Cette guerre a touché plus de 2 millions de personnes, soit la totalité de la population de Gaza. Nombreux sont ceux qui en garderont toute la vie des séquelles, tant physiques que psychologiques. L’écrasante majorité, notamment les enfants, est profondément traumatisée.

Les abris surpeuplés et insalubres de l’UNRWA sont devenus le “foyer” de plus de 1,4 million de personnes qui sont privées de tout, de nourriture comme de produits d’hygiène, et de toute intimité. Les gens vivent dans des conditions inhumaines où les maladies se propagent, y compris chez les enfants. Ils vivent dans l’invivable, et la famine s’approche inexorablement.

Le sort des enfants de Gaza est particulièrement déchirant. Une génération entière d’enfants est traumatisée et il lui faudra des années pour guérir. Des milliers d’entre eux ont été tués, mutilés ou rendus orphelins. Des centaines de milliers n’ont plus accès à l’éducation. Leur avenir est menacé, et les conséquences seront profondes et durables. » (UNRWA, « The Gaza Strip: 100 days of death, destruction and displacement », Statement by Philippe Lazzarini, Commissioner-General of UNRWA, 13 Jan. 2024.)

  1. Le commissaire général de l’UNRWA a aussi affirmé que la crise à Gaza était « aggravée par la tenue de propos déshumanisants » (UNRWA, « The Gaza Strip: 100 days of death, destruction and displacement », Statement by Philippe Lazzarini, Commissioner-General of UNRWA, 13 Jan. 2024). »

Bien sûr, cela explique pourquoi la réponse immédiate à la décision de la CIJ a été une attaque coordonnée d’Israël et des puissances impérialistes contre l’UNRWA, conçue pour accélérer le génocide en stoppant l’aide, pour fournir un contre-récit de propagande à l’arrêt de la CIJ et pour réduire la crédibilité des preuves apportées par l’UNRWA devant la Cour.

La Cour travaille en étroite collaboration avec l’ONU et fait partie intégrante du système onusien. Elle entretient des relations particulièrement suivies avec l’Assemblée générale des Nations Unies –  de nombreuses affaires de la Cour se fondent sur des demandes de l’Assemblée générale des Nations Unies. Dans une quinzaine de jours, la Cour entamera ses audiences de fond sur la situation juridique dans les territoires occupés de Palestine, à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies. L’ordonnance comporte cinq références spécifiques à l’AG des Nations Unies.

La Cour a passé beaucoup de temps à exposer les faits du génocide en cours dans la bande de Gaza. Elle n’avait pas besoin de le faire avec autant de détails, et bien trop peu d’attention a été accordée à cela. J’ai également été surpris par la quantité de détails donnés par la Cour sur les preuves de l’intention génocidaire d’Israël.

Il est particulièrement humiliant pour Israël que la Cour ait cité le chef de l’État, le président d’Israël lui-même, comme preuve évidente d’une intention génocidaire, ainsi que deux autres ministres du gouvernement.

  1. À cet égard, la Cour a pris note de plusieurs déclarations faites par de hauts responsables israéliens. Elle appelle l’attention, en particulier, sur les exemples suivants.

  2. Le 9 octobre 2023, M. Yoav Gallant, ministre israélien de la défense, a annoncé qu’il avait ordonné un « siège complet » de la ville de Gaza, qu’il n’y aurait « pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de combustible » et que « tout [étai]t fermé ». Le jour suivant, M. Gallant a déclaré, dans son allocution aux troupes israéliennes à la frontière de Gaza :

« J’ai levé toutes les limites… Vous avez vu contre quoi nous nous battons. Nous combattons des animaux humains. C’est l’État islamique de Gaza. C’est contre ça que nous luttons… Gaza ne reviendra pas à ce qu’elle était avant. Il n’y aura pas de Hamas.

Nous détruirons tout. Si un jour ne suffit pas, cela prendra une semaine, cela prendra des semaines, voire des mois, aucun endroit ne nous échappera. »

Le 12 octobre 2023, M. Isaac Herzog, président d’Israël, a déclaré, en parlant de Gaza :

« Nous agissons, opérons militairement selon les règles du droit international. Sans conteste. C’est toute une nation qui est responsable. Tous ces beaux discours sur les civils qui ne savaient rien et qui n’étaient pas impliqués. Ça n’existe pas. Ils auraient pu se soulever. Ils auraient pu lutter contre ce régime maléfique qui a pris le contrôle de Gaza par un coup d’État. Mais nous sommes en guerre. Nous sommes en guerre. Nous sommes en guerre. Nous défendons nos foyers. Nous protégeons nos foyers. C’est la vérité. Et lorsqu’une nation protège son pays, elle se bat. Et nous nous battrons jusqu’à leur briser la colonne vertébrale. »

Le 13 octobre 2023, M. Israël Katz, alors ministre israélien de l’énergie et des infrastructures, a déclaré sur X (anciennement Twitter) :

« Nous combattrons l’organisation terroriste Hamas et nous la détruirons. L’ordre a été donné à toute la population civile de [G]aza de partir immédiatement. Nous gagnerons. Ils ne recevront pas la moindre goutte d’eau ni la moindre batterie tant qu’ils seront de ce monde. » »

Là encore, ce n’est pas la Cour qui dit que l’Afrique du Sud a allégué cela. Il s’agit d’une conclusion de fait de la Cour. La CIJ a déjà jugé que le déni d’Israël d’incitation au génocide n’est pas recevable.

Gardez en tête que : dès le lendemain de la déclaration génocidaire, comme l’a déterminé la Cour internationale de Justice, le président Herzog a été accueilli et s’est vu offrir un « soutien total » par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Roberta Metsola, présidente du Parlement européen.

Si l’on considère en détail ce que la Cour a conclu être les faits réels de l’affaire, en termes de morts, destructions et intention, je n’ai aucun doute sur le fait que la Cour a l’intention de déclarer Israël coupable de génocide quand le fond de l’affaire sera portée devant elle.

Tous les arguments d’Israël ont été écartés. Tous. Les efforts considérables déployés par Israël pour que l’affaire soit rejetée pour des raisons de procédure ont été balayés d’un revers de main. Il en va de même pour l’argument de la légitime défense. Et dans ses conclusions sur les faits, la Cour a clairement démasqué les mensonges israéliens sur le fait d’éviter les pertes civiles, la responsabilité du Hamas pour les dommages causés aux infrastructures et l’accès de l’aide humanitaire à Gaza.

  1. La Cour considère que la population civile de la bande de Gaza demeure extrêmement vulnérable. Elle rappelle que l’opération militaire conduite par Israël après le 7 octobre 2023 a notamment fait des dizaines de milliers de morts et de blessés et causé la destruction d’habitations, d’écoles, d’installations médicales et d’autres infrastructures vitales, ainsi que des déplacements massifs de population (voir le paragraphe 46 ci-dessus). Elle note que cette opération est toujours en cours et que le premier ministre d’Israël a annoncé, le 18 janvier 2024, que la guerre « durera[it] encore de longs mois ». Aujourd’hui, de nombreux Palestiniens de la bande de Gaza n’ont pas accès aux denrées alimentaires de première nécessité, à l’eau potable, à l’électricité, aux médicaments essentiels ou au chauffage. »

Ce sont les faits tels qu’ils se sont déroulés.

Ne vous laissez pas troubler par l’absence du terme « cessez-le-feu » dans l’ordonnance de la Cour. Ce que la Cour a ordonné s’en rapproche beaucoup. Elle a explicitement ordonné à l’armée israélienne de cesser de tuer des Palestiniens :

LA COUR,

Indique les mesures conservatoires suivantes :

1) Par quinze voix contre deux,

L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier les actes suivants :

  1. a) meurtre de membres du groupe ;
  2. b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
  3. c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et
  4. d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, M me Xue, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; M. Moseneke, juge ad hoc ;

CONTRE : Mme Sebutinde, juge ; M. Barak, juge ad hoc ;

2) Par quinze voix contre deux,

L’État d’Israël doit veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés au point 1 ci-dessus ;

POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, M me Xue, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; M. Moseneke, juge ad hoc ;

CONTRE : Mme Sebutinde, juge ; M. Barak, juge ad hoc ; »

C’est tout à fait clair. Et même si j’admets qu’il s’agit d’une tautologie, en ce sens qu’elle ordonne à Israël d’obéir à une Convention qu’Israël est déjà tenu de respecter, il ne pourrait y avoir d’indication plus claire que la Cour estime qu’actuellement Israël ne respecte pas cette convention.

Et maintenant, que se passe-t-il ?

Eh bien, Israël a réagi en tuant plus de 180 civils palestiniens depuis la décision de la Cour internationale de Justice. Si cela continue, l’Afrique du Sud pourrait retourner devant la Cour pour réclamer des mesures plus urgentes avant même que le rapport mensuel commandé à Israël ne soit attendu. L’Algérie a annoncé qu’elle porterait l’ordonnance devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour qu’elle l’applique.

Je doute que les États-Unis opposent leur veto. L’ordonnance de la CIJ a suscité une réaction schizophrénique de la part d’Israël et de ses partisans. D’une part, la CIJ a été dénoncée comme antisémite. D’autre part, le discours officiel a consisté (incroyablement) à affirmer qu’Israël avait en fait gagné l’affaire, tout en minimisant la couverture dans les médias grand public. Ceci a été renforcé par l’attaque massive et coordonnée contre l’UNRWA qui a donné le change dans les gros titres médiatiques.

Il est difficile d’à la fois prétendre qu’Israël a gagné d’une manière ou d’une autre, et chercher à bloquer l’application de l’ordonnance par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Je soupçonne que l’on continuera à suivre cette double voie : prétendre qu’il n’y a pas de génocide et qu’Israël obéit à une ordonnance “inutile”, tout en attaquant et en ridiculisant la CIJ et l’ONU dans son ensemble.

Quelle qu’ait été la décision de la CIJ, Israël n’aurait de toute façon pas arrêté le génocide, c’est la simple vérité. La réaction immédiate des États-Unis et de leurs alliés à l’ordonnance a été d’essayer d’accélérer le génocide en paralysant le travail d’aide humanitaire de l’ONU. J’avoue que je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi vicieux et flagrant.

La meule des dieux moud lentement, mais elle n’en moud que plus finement. La CIJ ayant signalé l’existence d’un génocide potentiel avec tant de force, il pourrait bien incomber aux juges des différentes nations de restreindre le soutien international au génocide. Comme je l’ai expliqué en détail, la Convention sur le génocide a été incorporée dans le droit britannique par la loi de 2001 sur la Cour pénale internationale.

Il ne fait aucun doute que les conseillers juridiques du FCDO (ndt : Bureau des Affaires étrangères et du Commonweatlh) auront publié des procès verbaux avertissant que les ministres risquent d’être personnellement tenus responsables en droit britannique pour complicité dans le génocide, si les livraisons d’armes et autres coopérations militaires et de renseignement avec le génocide israélien se poursuivent. Aux États-Unis, les audiences ont déjà commencé en Californie avec un procès pour complicité de génocide intenté contre Joe Biden.

Bien sûr, j’aimerais que tout cela aille plus vite. Ce ne sera pas le cas. L’Assemblée générale peut suspendre Israël de l’ONU. Il y a d’autres actions utiles à entreprendre. Mais il s’agit d’un travail de longue haleine, pas d’une solution miracle. Et des gens comme vous et moi continuent à jouer un rôle essentiel, comme tout un chacun, en exerçant le pouvoir du peuple pour arracher le contrôle à une classe politique vicieuse de tueurs.

C’est une belle victoire. Je suis heureux que cette voie pour laquelle j’ai plaidé et fait pression ait fonctionné et accru la pression sur les sionistes, et que mon jugement selon lequel la Cour internationale de justice n’est pas seulement un outil de l’OTAN comme la Cour pénale internationale corrompue, ait été validé.

Cela ne change en rien le sort des enfants tués et mutilés la nuit dernière ou de ceux qui mourront dans les prochains jours. Mais c’est une lueur d’espoir à l’horizon.

Article original en anglais sur le blog de Craig Murray / Traduction Chris & Dine

L’auteur : Craig Murray est un ancien ambassadeur britannique en Ouzbékistan. Il est connu pour avoir dénoncé des cas de tortures. Entre 2021 et 2022 il a été prisonnier politique durant quatre mois pour ses activités de journalisme. Son compte X : @CraigMurrayOrg »

A lundi prochain

 

 

 

 

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