Voilà pourquoi le PIB est un faux indice


Par Eric Zuesse – Le 26 octobre 2017 – Source Strategic Culture

Le produit intérieur brut, ou PIB, est l’indice et le classement le plus couramment utilisé pour mesurer l’économie des nations. Selon l’OCDE et Wikipédia, sa définition est : « une mesure globale de la production égale à la somme des valeurs ajoutées brutes de toutes les entités résidentes et institutionnelles engagées dans la production (plus les taxes, moins les subventions) ». Aucune déduction n’est faite des dettes contractées afin de générer les « valeurs ajoutées brutes ». Mille milliards de dollars d’actifs supplémentaires (les « valeurs ajoutées » de la « production ») entraînent une hausse de mille milliards de dollars du PIB, même si tout cela a été produit en augmentant les dettes de mille milliards de dollars : seul l’actif du bilan est pertinent pour le PIB.

Pourtant, la richesse est l’actif moins le passif ; ce sont les actifs moins les dettes ; ce ne sont pas les actifs seuls. Par conséquent, le PIB ne montre pas du tout la richesse d’une nation, parce que la vraie richesse d’une nation se calcule en déduisant le passif de l’actif, pas l’actif indépendamment du passif (comme est calculé le PIB).

Britannica fournit cette définition du PIB : « Produit intérieur brut (PIB), valeur marchande totale des biens et services produits par l’économie d’un pays pendant une période de temps déterminée. Elle comprend tous les biens et services finaux – c’est-à-dire ceux qui sont produits par les agents économiques situés dans ce pays, indépendamment de qui est le propriétaire, et qui ne sont pas revendus sous quelque forme que ce soit. Il est utilisé dans le monde entier comme la mesure principale de la production et de l’activité économique. » Dans cette définition également, aucune déduction n’est faite des dettes. Britannica nous propose ensuite cette formule :

PIB = Consommation + Investissement + Dépenses publiques + Exportations nettes

ou plus succinctement

PIB = C + I + D + EN

où la consommation (C) représente les dépenses de consommation des ménages et des organismes à but non lucratif, l’investissement (I) désigne les dépenses des entreprises et les achats de maison par les ménages, les dépenses publiques (D) représentent les dépenses en biens et services par l’État et les exportations nettes (EN) représentent les exportations d’une nation moins ses importations.

Kimberly Amadeo dans The Balance utilise cette définition, et entame son article sur le PIB en disant : « Le produit intérieur brut est la meilleure façon de mesurer l’économie d’un pays. Le PIB est la valeur totale de tout ce qui est produit par toutes les personnes et entreprises du pays. Peu importe qu’elles soient citoyennes ou sociétés étrangères. Si elles sont situées à l’intérieur des frontières du pays, le gouvernement insère leurs productions dans le PIB. »

Cependant, le PIB est-il, en réalité, « la meilleure façon de mesurer l’économie d’un pays » ? Si vous êtes un banquier dont le revenu provient du fait que beaucoup d’argent vous est dû, alors, bien sûr, vous voudrez tromper le public en lui faisant croire que le fait d’ignorer les dettes contractées pour produire un PIB donné est « la meilleure façon de mesurer l’économie d’un pays » parce que plus des imbéciles y croiront, plus vos revenus seront élevés ; parce que les gens ne mesureront pas leur valeur économique en déduisant les dettes qu’ils doivent. Ils seront trompés en pensant que leur pays est dans une meilleure position économique et financière qu’il ne l’est en réalité, parce que les dettes qu’il doit sont ignorées. Cette ignorance de la dette dans le classement des économies des nations rend plus facile l’endettement d’un gouvernement qu’il ne le devrait.

Roy H. Webb, de la Fed de Richmond, titrait en 1994 « Comptes nationaux des revenus et des produits » où il présentait une longue explication de la façon dont le PIB est calculé, mais, encore une fois, nulle part dans cet article les termes de « dettes » ou d’« hypothèques » n’apparaissent.

N’est-il donc pas évident que le PIB est une fraude, ayant de plus une très grande influence ?

MBA-Tutorials propose un article intitulé « Les insuffisances du calcul de PIB », mais il ne mentionne nulle part les concepts de « dettes » ou d’« hypothèques » ; c’est donc, là aussi, un faux.

Bob McTeer, ancien président de la Fed de Dallas, titrait, dans le magazine  Forbes du 31 octobre 2012 : « L’ouragan Sandy et les carences du PIB ». Il commence ainsi : « Les catastrophes naturelles, comme l’ouragan Sandy, rappellent régulièrement, non pas nécessairement les défauts du PIB, mais ce que le PIB est fait pour mesurer et ce qu’il ne mesure pas. » En d’autres termes, les banquiers excusent le PIB car « il n’est pas conçu pour mesurer » ce qu’il est couramment utilisé pour mesurer. Si le sens ordinaire du mot « PIB » n’incorpore pas le passif du bilan et classe les performances économiques des nations de cette façon, en ignorant tout endettement supplémentaire qui a généré cette « production » supplémentaire, alors en quel langage le Dr McTeer écrit-il (puisque ce n’était pas le langage ordinaire, le langage tel qu’il est généralement compris) ? Par conséquent, cette déclaration de McTeer est une tromperie. Dans le reste de son article, il persévère. Et nulle part non plus dans cet article, les mots « dettes » ou « hypothèques » ne sont utilisés, sous quelque forme que ce soit.

La tromperie concernant le PIB est habituelle, tout comme la fausse « mauvaise utilisation » du « PIB » est habituelle. (Ce n’est vraiment pas du tout une « mauvaise utilisation » du terme.) Le PIB est conçu comme une base trompeuse pour classer la performance économique des pays. Il est utilisé dans le but auquel il est destiné, parce que le but pour lequel il est destiné est de tromper le public de cette façon, ignorer la dette, et c’est ainsi qu’il est utilisé.

Pourtant, Charles Hugh Smith, sur plusieurs blogs, a expliqué honnêtement l’affaire, à la différence (comme c’est normalement le cas) des autres représentant des industries de la dette, dans un article du 19 octobre 2017, titré « Le PIB est inexact, voici pourquoi », où il présentait un exemple très clair, qui s’applique non seulement à l’ouragan Sandy, mais à toute catastrophe naturelle ou guerre, et donc (par implication) constitue une menace non seulement pour les industries de la dette (les sociétés financières), mais aussi pour l’industrie des dégâts humains (l’industrie de l’armement), comme dans la célèbre réflexion de Dwight Eisenhower où il se réfère (seulement vaguement), dans ses derniers mots en quittant la Maison Blanche et en remettant les clés à JFK en 1961, au « complexe militaro-industriel ».

L’exemple de Charles Hugh Smith, beaucoup plus clair que celui de McTeer, aurait été donné par un comptable, Dave, et présenté ainsi (sans lien) :

Voici l’explication de Dave :

« En apprenant la comptabilité, j’ai compris pourquoi la mesure du PIB n’était pas suffisante. Que manque-t-il ?

Le bilan.

Les ouragans frappent directement le bilan de votre pays. Le compte de résultat national augmente en raison de l’augmentation des dépenses pour remplacer les actifs perdus, mais la partie ‘capital’ du bilan national prend un coup en proportion directe des dommages survenus. Même si vous reconstruisez tout comme avant, vos actifs restent les mêmes, tandis que vos dettes ont augmenté.

Nous le savons parce que nous utilisons l’équation du bilan : capital = actifs – passifs. Le capital est un autre mot pour la richesse.

Avant l’ouragan :

Richesse = (maison + voiture) – (dette pour la maison + dette pour la voiture)

Après l’ouragan, vous reconstruisez votre maison et achetez une nouvelle voiture en utilisant de l’argent emprunté :

Richesse = (maison + voiture) – (2 * dette pour la maison + 2 * dette pour la voiture)

La richesse (capital) a diminué de la somme (dette pour la maison + dette pour la voiture)

Donc, quand vous voyez des images d’ouragan, vous pouvez maintenant regarder toute cette dévastation et en voir l’impact sur le bilan. Le capital national (la richesse) a juste diminué de la quantité de dommages infligés par l’ouragan. Que ce soit reconstruit n’a pas vraiment d’importance ; ce capital a simplement disparu. La destruction est toujours un inconvénient pour un capital, même s’il y a un impact positif temporaire sur le compte de résultat.

N’est-il pas intéressant de voir comment les économistes traditionnels, qui n’utilisent pas les banques, la dette ou l’argent dans leurs modèles, ignorent largement les bilans et ne regardent au contraire que les comptes de résultat ? C’est presque comme si tout le système éducatif était organisé de telle sorte que les gens ne prêtent aucune attention aux banques, à la dette et à l’argent. À votre avis, qui pourrait bénéficier de cette poignée de docteurs en économie ignorant cet extrêmement rentable éléphant dans la pièce, et ceux qui en profitent, les banques ? »

Au moyen de tromperies telles que cette utilisation de fausses mesures de la performance économique des nations, l’aristocratie et ses agents, dans tous les pays, les propriétaires de banques comme HSBC et les entreprises d’armements comme Lockheed Martin, etc. peuvent − et font, sans aucune résistance de la part des universitaires que ces aristocrates financent également − utiliser de faux « indices » de la performance économique des nations, afin de faire progresser leurs propres activités économiques privées, en trompant un public hypnotisé pour accepter ces sangsues économiques et financières, et les accepter veut dire ignorer le sang qui pourrait être perdu dans le processus. Ou sont-ils aussi des imbéciles ? Ils fonctionnent plus comme des vampires que comme des imbéciles. Mais, apparemment, les victimes, dans le public, ne se réveillent pas, et donc cela continuera probablement jusqu’à la prochaine grande crise économique, après quoi, encore une fois, le gouvernement sera encore plus endetté, afin de « récupérer » de ces « erreurs ». Cela semble être une bonne affaire, un commerce stable, du type « face je gagne, pile tu perds ». Ce n’est peut-être pas irrémédiable, mais personne ne s’y oppose. Pourquoi en est-il ainsi ?

Eric Zuesse

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

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