Solidaire des Sioux :
le Saker francophone prend la plume…


En solidarité avec Standing Rock, pour la clémence de l’exécutif et la lutte autochtone internationale


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Par Leonard Peltier – Le 16 septembre 2016 – Source CounterPunch

Leonard Peltier est un militant amérindien (Native American) anishinaabe/lakota, né le 12 septembre 1944, incarcéré depuis 1976 et condamné à deux peines à perpétuité. Il est membre de l’American Indian Movement.

L’organisation Amnesty International le considère comme un prisonnier politique, qui «devrait être libéré immédiatement et sans condition».

Mes sœurs et frères, je vous salue

On m’a demandé d’écrire une déclaration de solidarité pour tous ceux qui participent aux manifestations du Camp des Pierres Sacrées à Standing Rock. Merci pour ce grand honneur. Je dois avouer qu’il m’est très difficile d’entamer cette déclaration. J’ai les larmes aux yeux, mon cœur se gonfle de fierté, alors que des frissons montent et descendent le long de mon cou et de mon dos. Je suis tellement fier de vous, les jeunes, et les autres personnes qui sont là.

Je suis reconnaissant d’avoir survécu pour voir la renaissance unie et invaincue de la nation Sioux à Standing Rock, résistant au conduit empoisonné qui menace la source d’où naissent les fleuves Missouri et Mississippi. C’est un honneur d’être en vie, pour voir cela se produire avec vous les jeunes. Vous n’êtes rien de moins qu’impressionnants à mes yeux.

Ces quarante années ont été pour moi une route longue et difficile, emprisonné par un système inhumain, pour un crime que je n’ai pas commis. Je n’aurais pas pu survivre physiquement ou mentalement sans votre soutien, et je vous remercie du fond du cœur et des profondeurs de mon âme de m’avoir encouragé à supporter et maintenir une résistance spirituelle et légale.

Nous arrivons maintenant à la fin de cette route. Nous arriverons bientôt à une destination qui, au moins en partie, aura été déterminée par vous. Dans la lignée de ce que Martin Luther King avait dit peu avant son décès : il se peut que je n’arrive pas avec vous, mais je ne peux qu’espérer et prier pour que ma vie, et si nécessaire ma mort, fassent que mes peuples autochtones progressent vers la Terre Promise.

Je ne fais pas ici référence à la Terre Promise de la Bible chrétienne, mais aux promesses modestes des Traités obtenus par nos ancêtres de ces ennemis résolus à nous détruire, pour nous permettre de survivre en tant que peuples distincts et vivre dignement. Nos anciens connaissaient la valeur des mots écrits et des lois de l’homme blanc, de même ils savaient jusqu’où les envahisseurs iraient pour essayer de les contourner.

Nos ancêtres n’ont pas bénéficié de ces Traités, mais ils ont habilement et de manière persistante, négocié les meilleurs termes possibles de manière à nous protéger de guerres qui finiraient par nous détruire, en dépit du courage et de l’efficacité avec lesquels nous nous battrions. Non, les Traités étaient à l’avantage des Étasuniens, cette nation parvenue avait besoin des Traités pour appliquer un vernis de légitimité à sa conquête de la terre et à sa rébellion contre ses propres compatriotes et leur roi.

Il convient de noter que Standing Rock était, en 1974,  le site de la conférence du Mouvement autochtone international qui s’est propagé à travers les Amériques et au-delà, ainsi que le point de départ de la Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies (DDPA). Celle-ci a été combattue par les États-Unis durant trois décennies, jusqu’à son adoption par l’ONU en 2007. Les États-Unis étaient l’un des quatre pays à voter contre la ratification, le président Obama a considéré la Déclaration comme un document ambitieux et sans caractère contraignant, au regard du droit international.

Alors que certains des leaders de ce mouvement sont des anciens combattants de la résistance de Pine Ridge des années 1970, ils partagent la sagesse de nos anciens en percevant le symbolisme moral et politique que la manifestation pacifique d’aujourd’hui est aussi nécessaire pour nous que pour les habitants de Pine Ridge dans les années 1970. L’occupation de 71 jours de Wounded Knee a pris fin sur un accord d’enquêter à propos des droits de l’homme et des violations de Traités. Cette enquête et cette promesse n’ont jamais vu le jour, ni été honorées par les États-Unis. L’accord de Wounded Knee devrait être honoré par une Commission de vérité et de réconciliation créée pour examiner soigneusement le rôle du gouvernement étasunien lors du «règne de la Terreur» à Pine Ridge dans les années 1970. Ce projet devrait être coordonné en coopération avec de nombreuses organisations internationales des droits de l’Homme qui appellent pour ma libération immédiate et inconditionnelle depuis plus de quatre décennies.

Je dois vous mettre en garde vous les jeunes, soyez prudents, car vous avez à faire à un groupe de personnes très malfaisantes, dont le seul souci est de se remplir les poches avec encore plus d’or et de richesse. Ils n’ont rien à faire de savoir combien d’entre vous ils auront à tuer ou enterrer dans une cellule de prison. Ils ne se soucient pas si vous êtes un jeune enfant ou une vieille grand-mère, et il vaut mieux que vous soyez avertis qu’ils recrutent dans nos propres rangs pour faire des délateurs et des traîtres. Ils se serviront des ivrognes, des drogués et des agresseurs d’enfants. Ils prennent pour proies nos vieux et nos enfants ; ils recherchent les personnes faibles d’esprit. Vous devez vous rappeler qu’il vous faudra être très prudents vis-à-vis des fausses accusations contre des personnes fondées sur des opinions personnelles plutôt que sur des preuves. Soyez astucieux.

Je demande à tous ceux qui me soutiennent et à mes alliés de se joindre à la lutte à Standing Rock, dans un esprit de résistance spirituelle pacifique, et de travailler ensemble pour protéger Unci Maka, Grand-mère Terre. Je demande aussi à ceux qui me soutiennent et tous ceux qui partagent cette Terre, de s’unir pour obliger les États-Unis à se conformer et à honorer les dispositions du Droit international tel qu’il est exprimé par la DDPA des Nations Unies, les Traités internationaux des droits de l’Homme et les Traités longtemps négligés, ainsi que les accords de confiance avec la nation Sioux. Je lance un appel particulier à Jill Stein et aux Partis verts des États-Unis et du monde, de se joindre à cette lutte en demandant ma libération et l’adoption de la DDPA comme nouveau cadre juridique pour les relations avec les peuples autochtones.

Finalement, j’exhorte aussi mes soutiens à en appeler immédiatement et urgemment au président Obama pour qu’il approuver ma demande de clémence, et me permette de vivre mes dernières années dans la réserve de Turtle Mountain. Des savants, dirigeants locaux politiques, humanitaires et lauréats Nobel de la Paix demandent ma libération depuis plus de quatre décennies. Ma pétition de clémence s’adresse au président Obama pour qu’il commue ou mette un terme maintenant à mon emprisonnement de manière à ce que notre nation puisse progresser vers le rétablissement de ses relations fracturées avec les communautés autochtones. En confrontant les injustices du passé ensemble, nous pouvons construire un avenir meilleur pour nos enfants et les enfants de nos enfants.

Encore une fois, mes sincères remerciements à vous tous pour avoir travaillé ensemble pour protéger l’eau. L’Eau c’est la Vie.

Dans l’esprit de Crazy Horse,

Doksha

Leonard PELTIER

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Traduit par Alexandre Moumbaris, relu par Marie-José Moumbaris pour le Saker Francophone

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