Pourquoi nous avons un problème d’inégalité des salaires


Gail Tverberg

Par – Le 29 mars 2016 – Source OurFiniteWorld

L’inégalité salariale est un sujet de débats dans les élections à travers le monde. Qu’est-ce qui peut être fait pour fournir davantage de revenus aux personnes sans emploi, et à ceux ayant des bas salaires?

L’inégalité salariale est vraiment le signe d’un problème plus profond : fondamentalement, elle reflète un système économique qui ne croît pas assez rapidement pour satisfaire tout le monde. Dans un monde fini, il est facile pour une économie de croître rapidement au début. Dans les premiers temps, il y a suffisamment de ressources telles que la terre (surface arable), l’eau douce et les métaux pour que chaque personne en obtienne une part raisonnable. Chaque agriculteur potentiel peut obtenir autant de terre que ce qu’il pense pouvoir travailler ; l’eau douce est facilement disponible presque gratuitement ; et les produits fabriqués avec des métaux, tels que les voitures, ne sont pas chers. Il y a beaucoup d’emplois disponibles, et les salaires pour la plupart des gens sont assez similaires.

Comme la population augmente et que les ressources se dégradent, la situation change. Il est encore possible de cultiver assez de nourriture, mais pour cela il faut de grandes fermes, avec des équipements coûteux (mais très peu de travailleurs réels). Il est possible de produire assez d’eau, mais il faut un équipement high-tech et une poignée de travailleurs qui savent comment l’utiliser. Les métaux ont besoin soudain d’être plus légers, plus solides, et d’avoir d’autres caractéristiques encore, pour l’industrie de haute technologie, ce qui exige des produits plus avancés. Le commerce international devient plus important, afin d’être en mesure d’obtenir la bonne combinaison de matériaux pour les produits de pointe nécessaires au fonctionnement de l’économie high-tech.

Avec ces changements, le système économique, qui auparavant avait fourni de nombreux emplois aux personnes ayant une formation limitée (souvent une formation sur le tas, si nécessaire), est devenu progressivement un système qui fournit un nombre relativement restreint d’emplois bien rémunérés, avec beaucoup de postes à bas salaires. Aux États-Unis, ce changement a commencé à arriver en 1981, et a empiré récemment.

 

Figure 1. Chart comparing income gains by the top 10% to income gains by the bottom 90% by economist Emmanuel Saez. Based on an analysis IRS data, published in Forbes.

Figure 1. Graphique comparant les gains de revenu par le top 10% à ceux des 90% inférieurs, par l’économiste Emmanuel Saez. Basé sur une analyse des données de l’ IRS; publié dans Forbes.

Qu’est-ce qui se passe quand une économie ne croît pas assez vite?

Si une économie est en croissance assez rapide, il est facile pour tout le monde de s’approcher d’un revenu suffisant. La façon dont je vois le problème est que quand la croissance économique ralentit, la tête (la part frais généraux) se développe de manière disproportionnée, prélevant une portion toujours plus grande des produits et services que l’économie produit. Le travailleur ordinaire (travailleur non cadre, sans diplômes d’études supérieures) a tendance à être laissé de côté. La figure 2 est ma représentation du problème, si la tendance actuelle se poursuit dans l’avenir.

Figure 2. Authors' depiction of changes to workers share of output of economy, as costs keep rising for other portions of the economy keep rising.

Figure 2. Représentation de l’auteur de la modification de la part de la production de l’économie destinée aux travailleurs, si les coûts ne cessent d’augmenter pour d’autres parties de l’économie. (Le graphique est uniquement destiné à illustrer le problème, il ne repose pas sur une étude des montants relatifs impliqués.)

La raison de la baisse de la part du total pour les travailleurs est que nous vivons dans un monde fini. Nous utilisons des ressources renouvelables plus vite qu’elles ne se reconstituent et nous continuons à utiliser des ressources non renouvelables. Les solutions de contournement pour résoudre ces problèmes occupent une part croissante de la production totale de l’économie, laissant moins pour ce que j’ai appelé les travailleurs ordinaires. Les problèmes que nous rencontrons sont les suivants :

  • La lutte contre la pollution. Les puits de pollution sont déjà pleins. En continuant à utiliser les ressources non renouvelables (y compris la combustion de combustibles fossiles), nous ajoutons une pollution accrue. Les solutions de contournement ont des coûts, et ceux-ci prennent une part croissante de la production de l’économie.
  • L’énergie consommée pour la production d’énergie. Lorsque nous avons commencé à extraire les produits énergétiques, les produits les moins chers, les plus faciles à extraire, ont été choisis en premier. Les produits énergétiques qui restent aujourd’hui sont plus coûteux à extraire, et ainsi exigent une plus grande part des produits de l’économie pour leur extraction [Rendements décroissants, NdT].
  • Les solutions de contournement pour l’eau, les métaux, et le sol. Ceux-ci souffrent d’une détérioration en quantité et en qualité, conduisant à la nécessité de solutions telles que des usines de dessalement d’eau de mer, des mines plus profondes, et davantage d’irrigation sur les terres agricoles. Tous ces surcoûts prennent une part croissante de la production de l’économie.
  • Les intérêts et dividendes. Les biens d’investissement ont tendance à être achetés par de la dette ou des ventes d’actions. Dans les deux cas, les paiements d’intérêts et de dividendes doivent être honorés, laissant moins pour les travailleurs.
  • L’augmentation de la hiérarchie. Les entreprises doivent être de plus grande taille pour acheter et gérer tous les biens d’équipement nécessaires pour éviter les pénuries. Les hauts salaires pour les dirigeants et les cadres supérieurs réduisent les fonds disponibles pour payer les employés non cadres.
  • Le financement du gouvernement et des pensions de retraite. Les programmes gouvernementaux croissent en taille dans les bons moments, mais sont difficiles à réduire dans les moments difficiles. Les pensions, à la fois publiques et privées, sont un problème particulier parce que le nombre de personnes âgées tend à croître.

Il ne devrait pourtant pas être surprenant que ce type de modèle, qui consiste à continuellement éroder les salaires des travailleurs ordinaires, conduise à une grande instabilité. Si rien d’autre n’est fait, les travailleurs sont de plus en plus déçus et veulent changer le gouvernement, voire le renverser.

Il convient de noter que la mondialisation joue également un rôle dans cette évolution vers les bas salaires pour les travailleurs ordinaires. Une partie des causes de la mondialisation est tout simplement de contourner les problèmes énumérés ci-dessus. Par exemple, si la pollution devient un problème important, la mondialisation permet de déplacer cette pollution vers des pays qui ne cherchent pas à atténuer le problème. La mondialisation permet également aux entreprises de contourner la hausse du coût de la production du pétrole: la production peut être déplacée vers les pays qui mettent plutôt l’accent sur le charbon dans leur mix énergétique, et avec une part beaucoup moins importante d’énergie utilisée pour la production d’énergie elle-même. Avec la mondialisation accrue, les gens qui vendent principalement la valeur de leur propre travail constatent que les salaires ne suivent pas l’augmentation du coût de la vie.

Études de précédentes économies ayant fait l’expérience de salaires en baisse chez les ouvriers ordinaires

Les chercheurs Peter Turchin et Surgey Nefedov ont analysé en détail huit civilisations qui se sont effondrées, et ont compilé leurs résultats dans le livre Cycles séculiers. Selon eux, le modèle de croissance économique typique des civilisations qui se sont effondrées était semblable à la figure 3, ci-dessous. Avant que les civilisations n’aient commencé à s’effondrer (stade de crise), elles rencontrent une période de stagflation. Au cours de cette période, les salaires des travailleurs ordinaires ont tendance à baisser. Finalement, ces salaires réduits conduisent à la chute du système.

Figure 3. Shape of typical Secular Cycle, based on work of Peter Turkin and Sergey Nefedov in Secular Cycles.

Figure 3. Forme du cycle séculier typique, basée sur le travail de Peter Turchin et Sergey Nefedov dans Cycles séculiers. Graphique par Gail Tverberg.

Dans de nombreux cas, un cycle de croissance a commencé quand un groupe d’individus a découvert une façon de récolter davantage de nourriture pour leur groupe. Peut-être ont-ils défriché des arbres à partir d’une grande parcelle de terrain afin qu’ils de pouvoir produire plus de nourriture, ou ils ont trouvé un moyen d’irriguer une zone sèche, conduisant à nouveau à une nourriture suffisante pour plus de gens. Une analogie moderne serait de découvrir comment utiliser des combustibles fossiles pour produire plus de nourriture, permettant ainsi la hausse de la population.

Dans un premier temps, la population a augmenté rapidement, et les revenus ont eu tendance à croître de concert, tout comme la taille du groupe, élargi à mesure de l’augmentation de capacité de charge de la terre. Une fois que la taille de l’économie s’est rapprochée de la capacité de charge de la terre, une période de stagflation a eu lieu. Il n’y avait plus de place pour davantage d’agriculteurs, à moins que des parcelles de terrain n’aient été subdivisées. Des agriculteurs potentiels ont été contraints de prendre des emplois de service moins rémunérés, ou de devenir commis agricoles. Dans ce monde en mutation, les niveaux d’endettement ont augmenté, et les prix des aliments explosé.

Pour tenter de résoudre les nombreux problèmes qui émergeaient, il y avait un besoin pour plus de travailleurs d’élite – ce que nous appellerions aujourd’hui les gestionnaires et les responsables gouvernementaux de haut niveau. Dans certains cas, décision serait prise d’étendre l’armée, afin d’essayer d’envahir d’autres pays pour obtenir plus de terres et résoudre le problème de l’insuffisance des ressources pour une population croissante. Tous ces changements ont conduit à un niveau d’imposition nécessairement plus élevé, et à plus de gestionnaires de haut niveau.

Ce qui a mis le système à genoux était l’inégalité croissante des revenus, surtout les bas salaires qui en résultaient pour les travailleurs ordinaires. Les gouvernements avaient besoin d’impôts toujours plus élevés pour payer leurs services en expansion, mais ils avaient des difficultés à recouvrer des recettes fiscales suffisantes. S’ils avaient augmenté les impôts à un niveau adéquat, les travailleurs se seraient retrouvés sans assez d’argent pour la nourriture. Dans leur état de faiblesse, les travailleurs ont été victimes d’épidémies. Les gouvernements ayant des recettes fiscales insuffisantes ont eu tendance à s’effondrer.

Parfois, plutôt que de s’effondrer, on a préféré déclarer la guerre. Si les guerres étaient victorieuses, la pénurie de ressources qui avait finalement conduit aux bas salaires des travailleurs pouvait être traitée. Sinon, la fin du groupe pouvait passer par la défaite militaire.

Notre problème fondamental aujourd’hui: l’économie mondiale ne peut plus croître rapidement

En raison de nos ressources épuisées et à cause de la population mondiale croissante, la seule façon dont l’économie mondiale peut maintenant se développer est, d’une manière étrange, d’affecter une part de plus en plus importante des bénéfices à différents types de frais généraux (figure 2), ce qui laisse toujours moins pour les travailleurs et pour les personnes sans emploi qui voudraient bien travailler.

L’automatisation semblerait être une solution car elle peut produire une grande quantité de marchandises à bas prix. Cela ne fonctionne pas vraiment, cependant, parce qu’elle ne fournit pas suffisamment d’employés qui peuvent acheter les produits issus du système de fabrication, de manière à ce que la demande et l’offre puissent rester à l’équilibre. En théorie, les entreprises qui automatisent leurs opérations pourraient être imposées à un taux très élevé, de sorte que les gouvernements puissent payer les demandeurs d’emploi, mais cela ne fonctionne pas non plus. Les entreprises ont le choix en ce qui concerne le pays où elles opèrent. Si une taxe est ajoutée, les entreprises peuvent tout simplement passer à une juridiction à taux inférieur d’impôt, où aucune taxe n’est requise pour l’automatisation.

Le monde est, en effet, en train d’atteindre la fin de la période stagflation, et s’approche de la période de crise telle que présentée sur la figure 3. Avec une différence, qui est que la période de crise à venir sera probablement plus courte et plus raide que celle représentée sur cette figure, parce que nous vivons dans un monde beaucoup plus interconnecté, avec davantage de dépendance à la dette et au commerce mondial que par le passé. Une fois que le système économique mondial interconnecté commence à défaillir, nous sommes susceptibles de voir une baisse rapide de la quantité totale de biens et services produits, dans le monde entier. Ceci va aggraver encore notre problème de distribution – comment tout le monde pourrait-il en obtenir assez?

Les bas niveau de prix du pétrole, du gaz naturel et du charbon auxquels nous assistons maintenant pourraient très bien être le catalyseur qui pousse l’économie vers la période de crise, ou l’effondrement. À moins d’une augmentation rapide des prix, les entreprises vont réduire la production de combustibles fossiles dès 2016. Avec moins de production de combustibles fossiles, la quantité totale de biens et services (en d’autres termes, le PIB) va baisser. La plupart des économistes ne comprennent pas qu’il y a une raison physique à ce problème. La quantité d’énergie consommée doit se maintenir à la hausse, sinon le PIB mondial va diminuer. Les gains technologiques et l’amélioration de l’efficacité énergétique permettent une certaine élévation de la croissance du PIB, mais elle n’est généralement que de moins de 1% par an, en moyenne.

Figure 4. World GDP growth compared to world energy consumption growth for selected time periods since 1820. World real GDP trends for 1975 to present are based on USDA real GDP data in 2010$ for 1975 and subsequent. (Estimated by author for 2015.) GDP estimates for prior to 1975 are based on Maddison project updates as of 2013. Growth in the use of energy products is based on a combination of data from Appendix A data from Vaclav Smil's Energy Transitions: History, Requirements and Prospects together with BP Statistical Review of World Energy 2015 for 1965 and subsequent.

Figure 4. Croissance du PIB mondial par rapport à la croissance mondiale de la consommation d’énergie pour des périodes sélectionnées depuis 1820. Les tendances du PIB réel mondial pour 1975 présentées, sont basées sur l’USDA données du PIB réel en 2010 $ pour 1975 et après. (Estimé par l’ auteur pour 2015.) Les estimations du PIB pour avant 1975 sont basées sur les mises à jour du projet Maddison de 2013. La croissance de l’utilisation des produits énergétiques est basée sur une combinaison de données à partir de l’Annexe A de Vaclav Smil Transitions énergétiques: Histoire, Exigences et perspectives conjointement avec BP Statistical Review of World Energy 2015 pour 1965 et périodes ultérieures.

Existe-t-il des stratégies politiques pour résoudre le problème des inégalités de salaire d’aujourd’hui?

Malheureusement, la réponse est probablement Non. Alors que certaines stratégies pourraient sembler prometteuses, elles risquent en fait de pousser davantage l’économie vers l’effondrement financier, ou vers la guerre, ou vers une réduction importante du commerce international. Tous ces effets pourraient à terme faire tomber le système. Il ne semble pas non plus que nous disposions de beaucoup de temps encore.

Notre problème fondamental est que l’économie mondiale croît si lentement que les travailleurs ordinaires, au bas de la figure 2, se retrouvent avec une quantité insuffisante de biens et services. Ce problème semble empirer plutôt que s’améliorer au fil du temps, ce qui fait du problème une question politique.

Voici quelques stratégies qui ont été mentionnées sur les sites politiques pour résoudre le problème:

  1. Fournir un revenu de base à tous les citoyens. Le but de cette stratégie est d’essayer de capturer une plus grande part des biens et services du monde en imprimant de l’argent (ou en empruntant de l’argent). Cet argent pourrait, est-il espéré, permettre aux citoyens d’acheter une plus grande part des biens et services disponibles sur le marché mondial. Si la quantité totale de biens et de services est à peu près fixée, globalement, davantage de biens et de services achetés par un pays signifierait moins de biens et services achetés par d’autres citoyens dans d’autres pays. Je suppose que cette stratégie ne fonctionnerait pas vraiment, en raison de l’évolution des parités de change : le niveau de la monnaie du pays d’émission des chèques aurait tendance à tomber par rapport aux monnaies des autres pays. Le problème fondamental est qu’il est possible d’imprimer la monnaie, mais pas les biens et services. Il est aussi possible qu’imprimer des chèques pour tout le monde encouragerait à moins de travail de la part des citoyens. Si les citoyens travaillent moins, le pays dans son ensemble produira moins. Un tel changement laisserait le pays dans un état pire qu’avant le programme.
  2. Des taux d’intérêt plus bas, voire des taux d’intérêt négatifs. Avec des taux d’intérêt plus bas, la partie intérêts du secteur Intérêt et Dividendes, tel qu’indiqué sur la figure 2, peut théoriquement quasi-disparaître, laissant plus d’argent pour les salaires sur la figure 2 et donc tend à régler le problème des salaires de cette façon. De faibles taux d’intérêt ont également tendance à réduire les dividendes, parce que les entreprises choisissent de racheter une partie de leurs actions et d’émettre de la dette à très faible taux d’intérêt à la place. Si les taux d’intérêt deviennent négatifs, le secteur peut disparaître complètement. Les taux d’intérêt ultra-bas auront des répercussions négatives ailleurs. Les banques sont susceptibles d’avoir du mal à gagner un revenu suffisant. Les fonds de pension vont se trouver dans l’impossibilité de payer aux gens les pensions qui leur ont été promises [promises parce que les gens les ont payées pendant des années! NdlR], ce qui créera un autre problème.
  3. Rapatrier des emplois de pays étrangers grâce à l’utilisation des droits de douane. Certains emplois pourraient plus facilement être récupérés des pays étrangers que d’autres. Par exemple, la programmation informatique, les opérations de centres d’appels, et le soutien informatique de pointe sont tous des emplois de type services, qui peuvent être exercés à partir de n’importe où, et pourraient donc être relocalisés facilement. Dans les situations où de nouvelles usines devraient être construites, ou un approvisionnement de matériaux provenant de partout dans le monde, le transfert serait plus difficile. Les entreprises auront tendance à automatiser les opérations plutôt que d’embaucher localement. Les pays depuis lesquels nous essayons de relocaliser peuvent riposter en refusant de vendre des appareils nécessaires (par exemple, des ordinateurs) et des matières premières nécessaires (telles que les minéraux de terres rares). Ou un effondrement peut se produire dans un pays d’où nous essayons de relocaliser, donc moins de biens et services seront produits dans le monde entier.
  4. Tenir les immigrants hors des frontières. La théorie est que «s’il n’y a pas assez d’emplois pour tout le monde, pourquoi en donner aux immigrants?» Dans un monde où le PIB s’affaisse, la croissance de l’emploi sera lente ou peut ne pas se produire du tout. Il peut y avoir un motif particulier vis-à-vis des immigrants instruits, s’il n’y a pas assez d’emplois pour les personnes possédant une formation supérieure qui vivent déjà dans un pays d’immigration. Bien sûr, l’Europe a fait le contraire : accepter davantage d’immigrants, dans l’espoir qu’ils fourniront davantage de jeunes travailleurs à des pays rapidement vieillissants. (Une autre approche pour trouver plus de travailleurs serait d’augmenter l’âge de la retraite, mais ce n’est pas politiquement populaire).
  5. Medicare pour tous. Medicare est le plan de santé des États-Unis pour les personnes de plus de 65 ans ou celles ayant un handicap. Il paie une part importante des coûts de soins de santé. Ce qui me préoccupe avec l’assurance-maladie pour tous, est qu’en raison de la façon dont l’économie fonctionne actuellement, le montant total des biens et services que nous pouvons choisir d’acheter, pour toutes sortes de biens et de services, est presque une somme fixe, au total. (Certaines personnes pourraient dire que nous avons affaire à un jeu à somme nulle.) Si nous faisons le choix de dépenser davantage pour le traitement médical, nous  faisons simultanément le choix que les citoyens seront moins à même de payer pour d’autres choses qui pourraient leur être utiles, telles que des appartements ou des véhicules. Le système de santé américain est déjà le plus cher du monde, mesuré en pourcentage du PIB. Nous avons besoin de réviser l’ensemble du système, et non pas d’ajouter simplement d’autres personnes à un système déjà extrêmement coûteux.
  6. L’enseignement supérieur gratuit pour tous. Telle que la situation se présente aujourd’hui, 45 % des diplômés récents des collèges occupent des emplois qui ne nécessitent pas un diplôme d’études supérieures. Cela donne à penser que nous produisons déjà beaucoup plus de diplômés qu’il n’y a d’emplois disponibles pour les diplômés des collèges. Si nous fournissons l’enseignement collégial gratuit pour tous, il faut que cette offre soit présentée dans le cadre d’examens d’entrée pour un nombre limité de places disponibles (et réduit par rapport au nombre d’inscriptions actuel). Sinon, nous dilapidons une part énorme de nos ressources dans notre système d’éducation, sans grand bénéfice ni pour les étudiants, ni pour l’ensemble du système. Nous sommes revenus au problème du jeu à somme nulle. Si nous mettons une grande part de nos ressources sur les études collégiales qui ne mènent pas vraiment à des emplois bien rémunérés, davantage de gens de tous âges vont se retrouver incapables de se payer des appartements et des voitures, en raison des niveaux d’imposition plus élevés requis pour financer le programme.
  7. Les énergies renouvelables pour remplacer les combustibles fossiles. Malgré la popularité de l’idée, je ne pense pas que l’ajout d’énergies renouvelables fournisse un avantage significatif, étant donné le scénario auquel nous sommes confrontés. Les énergies renouvelables sont produites en utilisant des combustibles fossiles, et elles ont tendance à avoir leurs propres problèmes de pollution. Elles ne prolongent pas la durée de vie du réseau électrique, si nous sommes confrontés à l’effondrement. Tout au plus, elles pourraient être utiles pour quelques personnes vivant hors réseau, lorsque le réseau électrique ne fonctionnera plus. Si le système économique est déjà au bord de l’effondrement, l’utilisation de combustibles fossiles va baisser rapidement, avec ou sans l’utilisation des énergies renouvelables.

Conclusion

Il serait vraiment agréable de faire reculer l’économie mondiale jusqu’à une date où la population était bien inférieure à son niveau élevé actuel, où les ressources n’étaient pas aussi épuisées qu’elles le sont, et où la pollution n’était pas devenue un problème aussi important qu’il l’est aujourd’hui.

Malheureusement, nous ne pouvons pas vraiment faire cela.

Nous sommes maintenant confrontés à la question de savoir si nous pouvons faire quelque chose pour atténuer ce qui pourrait être une crise à court terme. À ce stade, il peut être trop tard pour apporter des modifications, quelles qu’elles soient, avant que la lame de fond de l’effondrement ne s’élance vraiment. Les prix faibles actuels des combustibles fossiles rendent la situation actuelle particulièrement inquiétante, parce que les prix bas pourraient conduire à une production de combustibles fossiles plus faible, et donc à réduire le PIB mondial en raison du lien entre la consommation d’énergie et la croissance du PIB. Les bas prix du pétrole pourraient également tirer l’économie mondiale vers le bas, en raison de l’augmentation des défauts sur les prêts au secteur de l’énergie et de leurs effets néfastes sur les économies des pays exportateurs de pétrole.

À mon avis, une des principales raisons pour lesquelles les prix des combustibles fossiles sont maintenant si bas, est la faiblesse des salaires des travailleurs ordinaires. Si ces salaires étaient plus élevés, les travailleurs du monde entier pourraient acheter plus de maisons et de voitures, et augmenteraient indirectement la demande en combustibles fossiles. Ainsi, les prix faibles des combustibles fossiles peuvent être un signe que l’effondrement est proche.

Une politique qui pourrait être utile en cette date tardive, serait de mettre l’accent sur la contraception. En fait, un débat pourrait être ouvert pour des politiques d’avortement plus permissives. Notre problème est d’avoir trop peu de ressources par habitant ; le maintien de la population au niveau le plus bas possible serait utile.

Sur une base temporaire, il est également possible que de nouveaux programmes induisant une hausse de la dette, que ceux-ci servent à acquérir quelque chose de valable ou non, soient utiles pour empêcher l’économie mondiale de s’effondrer. Cela se produit parce que l’économie est financée par une combinaison de salaires et de dette croissante. Un manque à gagner sur les salaires peut être compensé par davantage de dette, au moins pendant une courte période. Bien sûr, cela ne constitue pas une solution à long terme, mais conduit simplement à une plus grande quantité de dette qui ne peut pas être remboursée lorsque l’effondrement se produit.

Gail Tverberg

Traduit par Stéphane, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone

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