Pour gagner la présidentielle de 2020 Trump va encore devoir virer des conseillers


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 29 décembre 2018

Nous avions souligné que le fait de ne pas suivre les directives de ses conseillers et de mettre fin à la guerre des États-Unis contre la Syrie était une décision qui allait définir la présidence de Trump :

« C’est la première fois que Trump prend une position décisive contre le système incarné par l’establishment néoconservateur et interventionniste dans son administration, l’armée et le congrès, qui dictent habituellement la politique étrangère américaine. C’est cette décision, et le fait qu’il s’y soit tenu, qui lui a finalement permis de devenir président. »

Trois analystes expliquent pourquoi Trump devra aller plus loin dans cette voie en trouvant des gens qui appliquent sa politique étrangère avec diligence au lieu de la miner.

Gareth Porter décrit comment le sous-secrétaire américain à la Défense, Mattis, a mis en œuvre sa propre politique, loin de celle voulue par le président Trump. Cela a retardé encore et encore sa politique de retrait de la Syrie. Trump a finalement brisé cette situation :

« Mattis et Dunford exploitaient consciemment le fait que Trump soit sur la défensive au sujet d’un calendrier de retrait pour faire avancer leur propre stratégie, jusqu’à ce que Trump les rappelle publiquement à l’ordre sur le sujet. C’est ce qui s’est finalement produit quelques semaines après l’expiration du délai de six mois accordé par Trump. L’affirmation de ses conseillers selon laquelle ils ont été pris par surprise est en effet fallacieuse. Ce qui s’est passé la semaine dernière, c’est que Trump a donné suite à une politique qu’il avait bien établie en avril. »

L’ancien ambassadeur indien, Bhadrakumar, qualifie également la démission de Mattis de moment décisif dans la politique étrangère américaine. Il souligne que la résistance de l’establishment à la politique du président élu va à l’encontre de la volonté du peuple :

« Ce qui est vraiment étonnant, c’est que la majeure partie de la classe politique américaine, les groupes de réflexion et les médias se sont ralliés pour soutenir Mattis, en une incroyable démonstration de défiance et de dépit envers leur président élu. On peut dire qu’il y avait une insurrection contre le programme de politique étrangère de Trump et que Mattis en était une figure clé. Essentiellement, le système politique américain en place, que Trump nomme le ‘marigot’, refuse de céder la place au président élu et à son programme, malgré son mandat venant du peuple. N’est-ce pas honteux alors que les États-Unis prétendent avoir un gouvernement ‘du peuple, par le peuple, pour le peuple’ ? ».

La majorité de la population est en effet d’accord avec la politique de Trump :

« 52% des personnes interrogées ont déclaré soutenir les mesures prises en Syrie et en Afghanistan, mesures qui ont surpris les conseillers à la sécurité nationale du président lors de leur annonce la semaine dernière. En revanche, 48% des sondés ont dit qu’ils s’opposaient au retrait et à la réduction des troupes. »

Maintenant que la décision est prise, même l’ambassadeur d’Obama en Syrie, Robert Ford, qui a pourtant été personnellement l’instigateur de l’insurrection contre le gouvernement syrien, se prononce en faveur du retrait ordonné par Trump :

« De nombreux observateurs ont affirmé que ce retrait donne la victoire en Syrie à la Russie, à l’Iran et au gouvernement syrien. C’est absurde ! Le régime de Bachar al-Assad contrôle déjà environ les deux tiers de la Syrie, y compris toutes les grandes villes. La partie de la Syrie que les forces américaines contrôlent aux côtés de leurs alliés des Forces démocratiques syriennes est principalement constituée de plaines désertiques ou sujettes à la sécheresse. Les gisements de pétrole qui s’y trouvent produisent du brut à haute teneur en soufre et de faible valeur, et la production est en diminution depuis longtemps. Selon le Fonds monétaire international, les recettes pétrolières ne représentaient qu’environ 5 % du produit intérieur brut syrien avant le soulèvement de 2011. En résumé, la détention du nord-est de la Syrie n’aurait pas permis à Washington d’obtenir d’importantes concessions de Damas, Téhéran ou Moscou. »

En un rejet visible des manipulations manifestes des politiques de Trump par John Bolton et Mattis, Ford exhorte Trump à amener les gens qu’il est censé diriger en conformité avec ses propres idées :

« Le président doit se demander comment sa propre équipe de politique étrangère l’a devancé de si loin en ce qui concerne la Syrie. Il a besoin d’un personnel au Conseil national de sécurité qui puisse transmettre plus clairement, aux personnes chargées de l’exécuter, ses mises en garde et ses préoccupations au sujet de la politique étrangère étasunienne. Ce personnel doit indiquer clairement aux fonctionnaires des ministères que, même s’il entend les points de vue de divers ministères, ces derniers doivent se conformer à ses directives. C’est à ce Conseil qu’il incombe de veiller à leur mise en œuvre. Le président en tirerait des avantages sur le plan politique et, plus important encore, la sécurité nationale des États-Unis bénéficierait d’une équipe de politique étrangère plus efficace. »

Porter fait une remarque similaire :

« L’affaire du retrait en Syrie illustre de manière dramatique le dilemme fondamental de la présidence Trump en ce qui concerne la fin de l’état de guerre permanente que les gouvernements précédents ont créé. Bien qu’une forte majorité d’Américains souhaitent limiter les déploiements militaires américains au Moyen-Orient et en Afrique, l’équipe de sécurité nationale de Trump était en train de faire le contraire…

Trump est maintenant bien conscient qu’il est pratiquement impossible de mener la politique étrangère qu’il veut sans des conseillers qui s’engagent à atteindre le même objectif. Cela signifie qu’il doit trouver des gens qui sont restés en dehors du système pendant les années de guerre permanentes tout en étant très critiques à l’égard de son idéologie et de sa culture. S’il peut remplir des postes clés avec des personnalités véritablement dissidentes, les deux dernières années de son mandat pourraient couper définitivement les ailes des bureaucrates et des généraux qui ont créé l’état de guerre permanent dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui. »

Bhadrakumar pense que la lutte continuera, mais que Trump est maintenant conscient de l’importance d’affirmer sa politique :

« Le départ de Mattis ne marquera pas la fin de la lutte acharnée en cours dans la politique américaine. Ce qui est bien, c’est que Trump semble comprendre qu’il est sur une pente descendante, à moins qu’il ne change sa position, et qu’il s’y mette dès maintenant, pour affirmer sa prérogative constitutionnelle en tant que président et faire avancer son propre programme de politique étrangère. Le fait est que ce programme est également lié à la plate-forme électorale de Trump pour les élections de 2020. »

Pour gagner les élections de 2020, Trump doit montrer qu’il a tenu les promesses qu’il avait faites pendant la campagne de 2016. L’assèchement du marigot et la fin de l’engagement militaire des États-Unis dans le monde entier ont été deux de ses principaux points forts. Les deux ont un support populaire important. Trouver enfin des gens qui soutiennent ces politiques, au lieu de les miner, augmenterait certainement ses chances de gagner les prochaines élections.

Qui choisira-t-il ?

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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